Jerôme a écrit :
Quand on pense que Paris et la majeure partie de la Bretagne ont toujours voté à droite à toutes les élections du XXè siècle, on en reste sans voix.
Il faut croire que les interrogés ont la mémoire sélective concernant la Bretagne. Il faut dire que ses rapports au pouvoir sont ambigus mais tout de même.
Il est démontré que des évènements traumatisants sont occultés par la mémoire. Ils peuvent aussi être tus et à long terme l'effet de ce silence fait basculer les faits dans une sorte de mémoire stand by. Si cette mémoire n'est pas réactivée, les faits sont oubliés ou pire réanalysés et le désintérêt des autres ou leur silence induit la culpabilité.
C'est un processus de défense qui vise à la "survie". Le cerveau humain a été confronté à des images ou des faits qui dépassaient son entendement. Chaque personne a un seul "d'entendement" c'est à dire de "pouvoir entendre" et d'acter.
Parfois on peut se trouver interrogatif quant à notre capacité à ingurgiter des images de violence sans se sentir impactés, ceci est le fruit d'une banalisation -pour certaine(s) génération(s)- ; pour d'autres le seuil d'entendement est dépassé.
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On voit avec ces exemples que certains de nos contemporains ont peut-être mal à conserver une vision exacte et précise d'un passé pourtant pas si ancien et qu'ils ont vécu.
C'est la tendance à magnifier "avant" parce-qu'avant a le goût de l'enfance. Il arrive d'évoquer la WW2 avec des personnes qui l'ont vécue et qui vous diront parallèlement "qu'en ce temps là on vivait mieux". On occulte le souvenir du traumatisme et comme la place est vacante on y glisse des souvenirs plus porteurs du style : "moi, de l'exode je retiens ceci et cela..." : les choses énoncées sont positives et sentent l'enfance alors le discours est biaisé et les images tronquées. Qui a envie de se faire du mal ? On peut aussi induire la fameuse notion de "résilience", perso je n'y crois pas.
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Autre cas de figure : il est souvent admis que les Français avaient conservé une bonne image des règnes de Saint Louis et Henri IV. En sommes nous vraiment certains ?
Je suis née en 1959. J'ai connu le discours de St Louis et de son chêne (CE2) etc. les supports scolaires étaient vecteurs de ce style d'histoire, idem pour le collège et le lycée. C'était des cours magistraux, on grattait et puis c'est tout. Il n'y avait aucune réflexion car il eut fallu un échange entre le professeur et les élèves ce qui était inconcevable. Le prof savait, l'élève apprenait. Au collège j'étais dans le "privé", au lycée dans le "public" et dans un lycée "pilote" ; "pilote" certes pour le manque cruel de référents (les profs faisaient leurs cours point/barre) et l'encadrement. Je croyais l'enseignement différent, plus "top". Ouverture du bouquin, prise de notes, terminé. Si questions, se référer alentour (pions qui étaient des étudiants ou famille).
J'ai l'exemple de 6ème en 95. Louis IX avait perdu son auréole et Henri IV gardait son prestige via la poule, l'accumulation de maîtresses, "Margot", Ravaillac, les derniers Valois et leur mère, l'ambition écoeurante de Guise (le tout ingurgité avec une chronologie ahurissante). Louis XIV avait dégringolé dans les sondages ainsi que Napo. ; le soleil roi et celui d'Austerlitz sentaient trop le canon. Se battre pour récupérer l'Alsace-Lorraine était totalement incompris voire ridicule. Le "contexte" était shunté donc la notion de certaines valeurs diluée. On ne peut se battre contre le temps et certaines "évolutions" inhérentes. Ce qui est appelé "devoir de mémoire" est souvent rejeté en bloc et étonnement l'argumentation tient la route.
La phrase fameuse : "Celui qui oublie etc." ne fait plus recette. la vision des choses est différente. L'Histoire est perçue comme un vecteur d'idéologies donc il y a effet "rejet". Les élèves recoupent leurs sources, le professeur n'a plus une place prépondérante : il est un support, comme le bouquin ou le net. Le principe est que la mémoire doit servir pour optimiser des notions qui seront un plus dans le cursus, sachant qu'à la fin de celui-ci le but est de trouver un emploi. Un tri est donc fait.
La notion de "souvenirs" donc de mémoire est différente aussi. C'est une mémoire dans l'actuel, des flashes : sitôt vu, sitôt oublié. La répétition est difficilement supportée, est sentie comme une frustration ou une sanction, donc rejet. Il ne reste pas grand chose, la notion de "plaisir en tout" étant optimisée : la facilité a donc sa place.