Barbetorte a écrit :
dans la hiérarchie intellectuelle, je me sens plus proche du grand-père de Jefferson que de son petit-fils et je ne suis même pas certain d'être fûté. J'emploie une partie de mon temps libre à lire un peu n'importe quoi, avec une certaine prédilection pour l'histoire, et je taille le bout de gras de temps à autre sur passion-histoire. Bien entendu, je n'applique aucune méthode. Puis-je prétendre qu'à ma modeste manière j'étudie l'histoire ? Si oui, quel intérêt m'y pousse ? Je n'ai pas de réponse si ce n'est la curiosité. Si mon approche de béotien, qui n'a même pas honte d'avouer qu'il lit des romans historiques et qu'il regarde les émissions de Stéphane Bern, ne mérite la qualification d'étude, elle me permet tout de même d'acquérir un minime savoir. Que cela vaut-il ? Y a-t-il une différence de nature, un savoir plébéien et un savoir patricien, ou bien n'est-ce qu'une question de degré ?
Je ne vois pas trop ce qu'est la «hiérarchie intellectuelle» ni de différence entre un savoir plébéien et un savoir patricien.
Être "futé" c'est avoir de l'imagination, c'est accessible à beaucoup de monde dans des domaines très divers.
La méthode historique dont je parle est également, dans ses grandes lignes, accessibles à tous.
Je peux essayer de simplifier mon propos. (La philosophie doit avoir un langage très précis qui s'éloigne souvent du sens commun. Le "surhomme" de Nietzsche n'a que très peu de rapport avec les personnages des comics Marvel.)
Le premier point est de distinguer les
faits historiques et les
associations de faits (Wittgenstein). En tant qu'amateurs (au sens noble "qui aiment") nous pouvons collecter des faits par tous le moyens dont nous disposons : Wikipedia, témoignages, Stéphane Berne, des romans historiques.
C'est généralement un bon début pour s'intéresser à un sujet. Le pathos permet plus facilement de mémoriser les faits que l'apprentissage par coeur.
Néanmoins il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit toujours d'
une sélection de faits. Cette sélection en dit long sur le sélectionneur ou son époque. Pour le professionnel (ou le très curieux) cette sélection peut devenir un fait supplémentaire.
Si l'on reprend le cas du "roman national" celui-ci s'articule très souvent autour de l'"homme providentiel" or un homme devient providentiel si les circonstances lui permettent d'agir. Trop souvent seul l'homme est présenté, sans aucune (ou une pauvre) analyse des circonstances. On comprend l'intérêt de cette façon de présenter l'Histoire pour l'homme politique qui cherchera à être identifié comme le prochain homme providentiel.
Le bon sens n'est ni plébéien, ni praticien et permet d'éviter de prendre des vessies pour des lanternes.
Si le plaisir de s'intéresser à l'Histoire est juste de collecter des faits, un robot sera toujours meilleur. La curiosité ou poser des questions est déjà utile parce que cela pousse à créer des relations de faits pour répondre. C'est la mise en relation de ces faits qui nous est utile. Il ne s'agit pas d'un usage direct qui permet d'agir instantanément mais d'un usage indirecte qui forme l'esprit critique et apporte une forme de liberté (Spinoza) en évitant les manipulations grossières. Pour Spinoza la satisfaction d'assouvir un désir est utile et mène à la liberté.
Le second point que je peux essayer d'éclaircir est la "méthode". La méthode historique est la méthode de la Science : les théories sont basés sur des hypothèses qui doivent être cohérentes et vérifiables. (Pour les sciences "dures", elles doivent également être reproductibles.)
La "méthode" peut se résumer par :
-
il n' y a pas de vérité absolue : l'Histoire, c'est des hypothèses construites sur des associations de faits historiques. On doit ré-examiner les théories si de nouveaux faits apparaissent. On peut imaginer de nouvelles associations de faits : ici il faut être "futé". Certains faits seront toujours inaccessibles.
-
les hypothèses doivent être cohérentes : il s'agit de prendre en compte tous les faits connus. Les théories du complots ne sont généralement pas cohérentes. Elles sélectionnent seulement certains faits, ajoutent des faits hypothétiques non vérifiables...
- pour que les hypothèses soient
vérifiables, il faut disposer des références.
Il faut garder à l'esprit que pour créer de nouvelles hypothèses il faut être sûr de prendre en compte l'intégralité des faits. Cela demande beaucoup de ressources et un réseau de validation. Faute de temps, c'est généralement hors de portée des amateurs (au sens noble "qui aiment") que nous sommes.
Néanmoins ces bases de méthode historique nous permet de nous faire un avis (d'évaluer) un certain nombre de théories. Une affirmation péremptoire sans source vérifiable par nous même ou d'autres et alors déjà suspecte.
De façon générale la méthode scientifique permet de gérer la complexité du monde. Les "futés" l'appliquent certainement sans spécifiquement s'en rendre compte et pas spécialement à l'Histoire.