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Message Publié : 08 Juil 2020 10:47 
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Plutarque
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Bon, je vais tenter de reprendre sereinement le débat avec un exemple qui me semble typique sur les réseaux sociaux:
Une statue de C.Colomb a été déboulonnée à Baltimore ( source: https://www.lapresse.ca/international/e ... timore.php ).
S'en est suivie des tweets d'une personne avec une certaine notoriété fustigeant ce déboulonnage:
Citer :
Rappel: Christophe Colomb n'a jamais posé le pied en Amérique du Nord.

Ce n'est pas un souci d'égalité qui prend le pouvoir, mais une inculture bête, méchante, sûre d'elle.
Il paraît utile de rappeler que 1/ Christophe Colomb est mort 15 ans avant le début de la colonisation
2/ que ses intentions étaient d'ouvrir une route commerciale avec la Chine, pas de coloniser.


Un historien a fait un fil pour lui répondre (Florian Besson, auteur d'Actuel Moyen age ). Voici le début :

Citer :
NB : il ne s’agit pas de « justifier » le déboulonnage des statues de Colomb : les historiens n’ont pas à dire aux sociétés que faire du passé. Mais il faut savoir qui sont ces personnes que certains viennent défendre bec et ongles, et donc défaire les mythes et les clichés...

Et la suite ici: https://twitter.com/AgeMoyen/status/1280057458912899072

Il s'est fait insulter sur ce réseau social et a même reçu des menaces personnelles (même sur son adresse perso) alors qu'il n'a fait que rappeler l'histoire complexe de ce personnage, avec des preuves.

Un sociologue, Denis Colombi a dit quelque chose qui me semble intéressant:
Citer :
Ce qui est triste c'est qu'il y aura plus d'indignation pour une statue à Baltimore que pour des menaces envers un historien en France


Que doit-on en conclure?

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Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer. Beaumarchais, Le Barbier de Séville, 1775.


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Message Publié : 08 Juil 2020 11:25 
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Ne me lancez pas sur le sujet - au passage, je ne peux désormais plus modérer le fil de discussion -, mais je pense que vous avez la réponse à votre propre question.
Au delà du fait que Champollion s'est donné la peine plus haut de rappeler un certain nombre de points épistémologiques sur la question, je ne pense pas que les actes qui se sont déroulés en France (le cas nord-américain me semble très différent sociologiquement et culturellement) entrent dans cette catégorie. Il n'y a d'ailleurs aucune volonté d'ôter ces statues du champ public, ni de les remplacer. Par quoi ou qui d'ailleurs ?
Ces "émotions populaires" françaises - même si historiographiquement cela correspond à autre chose sous l'Ancien Régime - me paraissent tout de même l'oeuvre de personnes la plupart du temps ignorantes, qui mélangent tout et n'importe quoi, agissant dans un mimétisme plus qu'étrange.
Est-ce qu'un réflexe de ce type entraine forcément un besoin de réflexion sur le sens qu'il porte ?

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Alphonse de Lamartine


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Message Publié : 08 Juil 2020 13:22 
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Jean-Pierre Vernant
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Duc de Raguse a écrit :
Ces "émotions populaires" françaises - même si historiographiquement cela correspond à autre chose sous l'Ancien Régime - me paraissent tout de même l'oeuvre de personnes la plupart du temps ignorantes, qui mélangent tout et n'importe quoi, agissant dans un mimétisme plus qu'étrange.
Est-ce qu'un réflexe de ce type entraine forcément un besoin de réflexion sur le sens qu'il porte ?


Cela dit des choses sur l'interconnexion actuelle des moyens de communication dans le monde, surtout en ce qui concerne les pôles les plus importants de la mondialisation. Ce qui me frappe par contre c'est justement comment on exporte un concept, une lutte, un slogan... hors de son champ d'expression premier.
Est-ce une nouveauté ? Pas forcément même si la sphère d'extension était par le passé plus limité. Les événements révolutionnaires de 1789 ou de 1848 sont à ce titre assez représentatifs.

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Message Publié : 08 Juil 2020 14:36 
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Localisation : Provinces illyriennes
Certes Pédro, mais elles (1789 et 1848) concernaient des espaces géographiques et des peuples aux caractéristiques culturelles proches. L'absolutisme et les sociétés d'ordres étant des données sociales qui concernaient une grande majorité des peuples européens. En réclamer la fin (ou le maintien) constituait une ligne de fracture importante, un fil conducteur autour duquel pouvait s'agréger un nombre important d'individus, puisqu'ils vivaient grosso modo la même chose.
Par contre n'ai jamais vu les vestiges de champs de coton en France, dans lesquels travaillaient plus que 4 millions d'esclaves, essentiellement originaires (du moins sur plusieurs générations) d'Afrique.
Je n'ai pas non plus observé ces derniers siècles une politique ségrégationniste dans notre pays inscrite dans la loi, au contraire pétrie par les valeurs de liberté et d'égalité (chose totalement inconnue dans l'anglosphère).
Bien entendu, comme tout le monde j'ai observé la ségrégation socio-spatiale que nos aménageurs ont laissé prospérer depuis la fin des années 1970 dans nos grandes métropoles. Cela dit il s'agit là de deux données bien différentes et très délicates à rapprocher, ce que font naturellement certains. Le raccourci étant tellement grossier, ce qui me choque c'est qu'il n'est plus démenti par personne.
On se heurte ici à des querelles mémorielles, que certain(e)s ne comprennent malheureusement pas toujours.
Cela me rappelle un jeune collègue qui voulait à tout prix insister - davantage que les programmes le préconisaient - sur l'esclavage et les traites négrières au XVII-XVIIIème siècle, parce qu'il y avait "beaucoup de noirs" (sic.) dans ses classes. L'erreur méthodologique était criante, puisque ces populations étaient venues de leur plein gré au XXème siècle en Europe et en France. Sans le savoir il faisait entrer dans la tête de ces gamins qu'ils étaient des descendant d'esclaves, alors que leurs ancêtres avaient peut-être participé à la vente de certains. Même la possession d'un concours exigeant n'empêche pas de réaliser pareilles bévues.
Bref, la solution serait plutôt d'instruire le peuple - la bonne veille éducation populaire - que de laisser l'ignorance se développer.
Car taguer une statue de De Gaulle pour y inscrire "colonialiste" ou "raciste" c'est de la stupidité pure et simple, lorsqu'on sait qu'il décolonise l'Afrique noire en 1960 et l'Algérie en 1962, il n'y a rien à chercher d'autre comme explication ; sauf, comme je l'ai écrit plus haut, dans un mélange des questions mémorielles. Ce qui est choquant c'est que les pouvoirs constitués de notre pays n'ont rien dit (je parle d'explications simples) pour donner le change et faire disparaitre une éventuelle équivoque.
Une autre anecdote : lorsque le film le Majordome est sorti dans les salles obscures il y a quelques années, j'ai entendu des personnes (pourtant considérées comme instruites) déclarer qu'"on en avait fait voir aux Africains", je n'ai pas compris. Elles devaient sans doute penser que la Case de l'oncle Tom avait été écrit par Henriette Bêche et que la plantation se situait en Corrèze.

En somme l'exportation d'un slogan peut fonctionner lorsque les cultures des individus en question sont proches (Ce qui n'est pas le cas ici, à moins qu'un épisode m'ait échappé), ou que des incultes suivent des meneurs particulièrement sulfureux et mal intentionnés. :-|

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Message Publié : 08 Juil 2020 15:41 
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Pierre de L'Estoile
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Duc de Raguse a écrit :
Je n'ai pas non plus observé ces derniers siècles une politique ségrégationniste dans notre pays inscrite dans la loi, au contraire pétrie par les valeurs de liberté et d'égalité (chose totalement inconnue dans l'anglosphère).
Je ne sais pas ce que vous voulez dire pas ces derniers siècles. Valeurs de liberté et d'égalité, à partir de la Troisième République, oui, mais avant, c'est discutable.
Au cours du 18e siècle deux ordonnances royales ont réglementé strictement la venue d'esclaves venant des Antilles sur le sol français : ils ne perdaient pas leur statut servile et ne pouvaient durablement rester. Si nécessaire, la force publique les renvoyait aux Antilles.
J'ai lu sur quelque part sur Passion-histoire que Napoléon ne voulait pas que des noirs s'établissent en métropole.
En Algérie, l'institution des deux collèges a vidé de sa substance la loi du 7 mai 1946 faisant accéder les indigènes des colonies, Algérie incluse, à la pleine citoyenneté.


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Message Publié : 08 Juil 2020 15:58 
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Jean Froissart
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Barbetorte a écrit :
Au cours du 18e siècle deux ordonnances royales ont réglementé strictement la venue d'esclaves venant des Antilles sur le sol français : ils ne perdaient pas leur statut servile et ne pouvaient durablement rester. Si nécessaire, la force publique les renvoyait aux Antilles.
Justement parce que la présence d'esclaves en provenance des Antilles était incompatible avec d'autres règles : le sol français affranchit celui qui le touche. Donc, limitation de la durée du séjour s'expliquait parce qu'elle était une entorse à un principe plus grand.
S'il prenait à un propriétaire d'esclave l'envie de le ramener en métropole pour travailler pour lui, alors il n'avait d'autre choix que de l'affranchir.
C'est très important, parce que cela va dans le sens de ce qu'explique Raguse: il n'y a jamais eu de volonté d'importer l'esclavage en France, au contraire.

Gageons que sans ces interdictions, il y a des propriétaires terriens du côté de Nantes, Bordeaux ou la Rochelle qui ne se seraient pas fait prier pour mettre leurs journaliers et métayers en concurrence avec de la chair fraîche gratuite (si j'étais un bourgeois cynique, j'ajouterais gratuite "hors coût d'acheminement").


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Message Publié : 08 Juil 2020 16:16 
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Localisation : Provinces illyriennes
Citer :
Je ne sais pas ce que vous voulez dire pas ces derniers siècles.

Bien entendu, je faisais allusion aux régimes politiques qui garantissaient les valeurs de la Révolution de 1789, pas d'avant.

La législation ségrégationniste est toujours en vigueur dans certains du Sud des Etats-Unis dans les années 1960 à l'encontre des populations noires, qui n'étaient pourtant plus dans un état de servilité depuis près d'un siècle.
Ce qui n'a jamais été le cas en France après 1848.

Citer :
En Algérie, l'institution des deux collèges a vidé de sa substance la loi du 7 mai 1946 faisant accéder les indigènes des colonies, Algérie incluse, à la pleine citoyenneté.

Il s'agit là d'une colonie aujourd'hui indépendante depuis près de 60 ans, les ex-"indigènes" en question ne résident pas sur le territoire métropolitain et ne forment pas une population bis d'esclaves de fait, à la solde de leurs anciens maîtres.
Aux Etats-Unis cet état de fait a perduré, en France métropolitaine (car pour l'Outre-mer le débat reste largement ouvert au regard de la physionomie de l'élite socio-économique ultramarine) il n'a jamais existé.

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Message Publié : 08 Juil 2020 16:19 
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Jean-Pierre Vernant
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L’homogénéité de l’Europe du XVIIIe XIXe est très relative, rien qu’on sein même d’un état il existe des différences culturelles parfois très profondes. Du point de vue politique si l’absolutisme est globalement une norme les revendications n’ont qu’un tronc commun : entre la république sociale espérée en France et la construction d’une Allemagne unie, donc une revendication nationale, il y a un monde.
Bref, cela montre que dans l’exportation d’un mouvement il y a toujours une multitude d’appropriations, le sens originelle dans sa pureté liminaire il en demeure ce que l’on veut bien en retenir. Honnêtement je ne pense pas que cela soit une bouleversante innovation de notre siècle.

Maintenant est-ce que ce qui se passe aux usa a seulement à voir avec les champs de coton ? C’est la pomme de discorde originelle, mais on ne peut faire l’économie des mouvements pour les droits civiques qui eux ont éclaté dans un contexte de dénonciation du fait colonial. Or il me semble que les discours sur la négritude ont aussi eu une influence aux Etats-Unis. Tout cela n’est pas déconnecté même si la réalité dénoncée n’est pas la même.

Au fond je ne pense pas qu’en Histoire ce que l’on étudie soit toujours bien rationnel comme il faut, bien au contraire.

Pour ce qui est de l’universalité de l'égalité en France ce qui a posé problème c’est l’incapacité à en doter les « indigènes ».

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Message Publié : 08 Juil 2020 16:33 
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Localisation : Provinces illyriennes
Citer :
Bref, cela montre que dans l’exportation d’un mouvement il y a toujours une multitude d’appropriations, le sens originelle dans sa pureté liminaire il en demeure ce que l’on veut bien en retenir.

Absolument et ce n'est pas une spécificité de notre époque, tout au plus cela va "un peu plus vite". (avec le manque de réflexion qui va avec).

Citer :
Pour ce qui est de l’universalité de l'égalité en France ce qui a posé problème c’est l’incapacité à en doter les « indigènes »

Effectivement - chose que les Britanniques n'ont jamais recherché, laissant bien les autochtones à côté des "bons" Anglais -, la France s'est retrouvée tiraillée entre sa vision de son rôle messianique de libératrice des peuples de l'Humanité et l'incapacité de ses élites à offrir un statut égal à des personnes, considérées le plus souvent comme des "sauvages" en dehors du mouvement de l'industrialisation (pour le XIXème siècle), afin de conserver leur prééminence, avant tout économique, sur celles-ci.

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Message Publié : 08 Juil 2020 17:37 
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Pierre de L'Estoile
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Localisation : Nanterre
L'ouvrage Une Amérique qui fait peur, d'Edward Behr, décrivait déjà en 1996 des grands travers de l'Amérique, parmi lesquels figurait la mainmise des mouvements raciaux et féministes dans les universités américaines et leur volonté de réécrire l'Histoire.
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(Les autres sujets portaient sur la paranoïa "féministe" générant des suspicions de viols, les dérives de la justice menant à des procès pour pédophilie fantaisistes, ainsi qu'une complaisance pour les parties violentes des populations défavorisées, qui se traduisaient par les viols collectifs ritualisés pour les filles. Des travers qui apparaîtront en France une décennie plus tard...)

Afin de mesurer la différence dans les rapports interraciaux en France et aux Etats-Unis, j'ai trouvé quelques cas de figure intéressants pour la France.

Le premier Noir à Polytechnique : Camille Mortenol, 1880.
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Le premier pilote noir : Eugene Bullard, américain émigré en France, 1916, dans l'armée française.
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De manière amusante, quand le corps expéditionnaire américain débarque, Eugene ne peut pas le rejoindre en raison de la couleur de sa peau.

La première pilote noire : Bessie Coleman, en 1921, à l'école de pilotage Caudron. J'ai vu sa photo à Rue, dans la Baie de Somme !
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On pourrait remonter plus loin en montrant le général Dumas, mulâtre, dont le teint foncé ne fait aucun doute.
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Et si on veut remonter plus loin, on peut remonter à l'iconographie chrétienne du Moyen Age, en Europe, où le roi mage Balthazar est un Noir
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et Saint Maurice, Egyptien donc Africain lol , également:
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Pour en revenir à la France, de 1946 à 1956, il y a eu 52 députés d'Afrique Noire à l'Assemblée nationale
https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1958_num_8_4_392489

Et n'oublions pas Gaston Monnerville, député de la Guyane de 1932 à 1940, sous-secrétaire d'État aux Colonies de 1937 à 1938, président du Conseil de la République de 1947 à 1958 et du Sénat de 1958 à 1968.
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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


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Message Publié : 08 Juil 2020 19:40 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 26 Août 2008 7:11
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Localisation : Corsica
Une tranche de vie d'un demi siècle qui méconnaissait le racisme :
Au lycée de Bastia années 66 et 67 j'ai eu comme professeur de français puis de philosophie M Yves Leborgne, black, communiste, militant autonomiste de la Guadeloupe.
Même hors cours, je n'ai jamais entendu la moindre parole raciste parmi tous les élèves du lycée, aucune contestation de son enseignement qui était pour moi excellent, son enseignement m'a marqué. Il n'était pourtant pas tendre avec ses élèves. Certains débats en cours étaient assez animés quand on frôlait les aspects politiques.
J'ai le souvenir précis d'une de ses appréciations cinglantes sur mon bulletin scolaire suite à une épreuve de philo que j'avais bâclé : "naufragé volontaire" … et une autre : "cultive un certain désordre de la pensée"
Un black enseignait le civisme et la philosophie, la culture latine à des blancs, cela n'a jamais dérangé personne. Les français seraient devenus racistes avec le temps ?
Naïvement je découvre le racisme à 73 ans, j'ai pourtant côtoyé et même embauché de nombreux étrangers dans ma vie professionnelle, de toutes confessions.
Comment ai-je pu être aussi naïf ?

Inauguration du lycée Yves Leborgne
Publié le 9 mai 2014 par daniel Maragnes
Citer :
Après avoir quitté la Corse, en 1967, pour Cannes, il comprit que pour retrouver les petits matins de son île, il faudrait autre chose qu’une protestation, que des interventions, que des pétitions. Il faudrait quelque chose qui dise la gravité de l’acte d’expulsion dont il avait été victime, quelque chose qui le mettrait, lui, aux limites de ce qui est possible, là où il est question de la mort et de sa nudité flagrante et décisive. Il n’y avait rien d’autre à opposer que cela, dans l’extrême gravité de l’acte. Le 22 novembre 1971, à Cannes où il enseignait, il commença dans sa classe de philosophie une grève de la faim qui dura 11 jours.

http://maragnes.over-blog.com/article-i ... 73573.html

ps : si c'est hors sujet, merci de supprimer.


Dernière édition par Kurnos le 08 Juil 2020 19:44, édité 2 fois.

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Message Publié : 08 Juil 2020 19:42 
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Jean Froissart
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Inscription : 19 Fév 2011 17:03
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Je rajouterai le premier ministre noir, M. Blaise Diagne, en 1931 dans un gouvernement Laval (!)

Image.
Au même moment, son fils Raoul Diagne était capitaine de l'équipe de France de football
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Effectivement, les Français qui regardent le film le majordome en ressentant une culpabilité sont vraiment des abrutis. Ou plutôt, des preuves jusqu'à l'absurde de l'étendue du soft power hollywoodien.


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Message Publié : 08 Juil 2020 19:46 
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Jean Froissart
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
.
Duc de Raguse a écrit :
Cela me rappelle un jeune collègue qui voulait à tout prix insister - davantage que les programmes le préconisaient - sur l'esclavage et les traites négrières au XVII-XVIIIème siècle, parce qu'il y avait "beaucoup de noirs" (sic.) dans ses classes. L'erreur méthodologique était criante,.... Bref, la solution serait plutôt d'instruire le peuple...

Le peuple ne refuse pas l'instruction.
Dans cet exemple -très parlant- il est constaté que les élèves "beaucoup de noirs" (sic) -une manière de se dédouaner que peu aurait oser exprimer ainsi (faut le faire !)- ne sont pas agressifs au point de se montrer dangereux si le professeur suit son programme.
Comment aurait-il géré les piliers de la sagesse devant une classe où la religion musulmane aurait été numériquement la plus forte ?
Comment évoquer le NS devant une minorité (une minorité) de blonds aux yeux bleus ? Les coalitions napoléoniennes avec quelques prénoms anglo-saxons ?
Dans ce cas, ce n'est pas le peuple qui est à éduquer, là n'est pas le problème. Mais -je ne puis imaginer du contraire- rappeler à ce "jeune collègue" (sic) la déontologie et la méthode.
Eventuellement s'interroger comment après avoir cumulé autant d'heures de cours, traversé les concours etc. cette personne -bien représentative je trouve de notre "moment/époque"- se voit confier une classe où visiblement peu de chose le mettent mal à l'aise avec son enseignement, sa fameuse déontologie et on peut décliner.

Cette vision et -manifestement- manière d'enseigner l'histoire dans les facultés montrent ici -et ce cas est loin d'être isolé- toute ses limites.
On conspue la médiasphère mais on enseigne en s'adaptant, en surfant sur l'auditoire, je ne vois donc pas bien comment une hauteur "suffisante" -si on cale devant des adolescents- avaient un tant soit peut pu être prise auparavant.
Quelque chose d'assimilé comme une évidence ne doit pas s'oublier soudainement.
Après, on s'étonne de ne plus pouvoir tenir des classes ou que certains décrochent ou encore que l'histoire n'intéresse pas : peut-être faudrait-il se poser les bonnes questions ?
Peut-être que -concernant les enseignants, les "jeunes"- une approche de ce qu'est l'adolescence avec ses besoins d'absolu, de reconnaissance etc. serait les bienvenues, plutôt qu'une méthodologie qui s'en remet à la "couleur" majoritaire de l'auditoire.

Au final, Duc, vous l'exprimez avec tout le doigté attendu mais votre vision des choses est bien semblable à une majorité (?) du peuple.
La seule différence est que cette majorité ou pire si c'est une minorité n'a qu'un seul droit : celui de se taire.
On en arrive à la caricature que chacun connait "Moi, aussi j'ai des amis Noirs" (juifs etc.) et de faire un tour des connaissances en mode diaporama de toutes les personnes noires ce qui est d'autant plus ennuyeux que d'aucuns pourraient songer : "Mais pourquoi cet étalage ?" ce qui est totalement contre productif.
:-|
Et pour faire "bien/in" voici le mien :
.

_________________
"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


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Message Publié : 08 Juil 2020 20:43 
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On oublie 2 détails dans ces histoires de racisme. Oui, des français de couleurs étaient promus à des postes importants en France métropolitaine. Pendant ce temps, ceux restés dans les îles subissaient la loi économique des békés. Du moins, eux percevaient un racisme ordinaire qui n'avait pas cours en France où on voyait au-delà de la couleur de la peau et où les classes sociales comptaient plus.

Second point, une grande partie des noirs français actuels sont des membres des anciens peuples colonisés. Et là, c'est encore une autre vision du rapport entre les races. Oui, ils vivent en France, mais leurs histoires familiales qu'ils soient descendants d'esclaves ou descendants de colonisés sont différentes que celles que nous avons en mémoire.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 08 Juil 2020 22:02 
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Localisation : Provinces illyriennes
Citer :
Le peuple ne refuse pas l'instruction.

Ce n'est pas ce que je pense.
C'est un ensemble de leviers qui ne sont plus utilisés par les gouvernements français depuis plusieurs décennies qui empêche cette instruction, le premier résidant dans une Education Nationale ayant actuellement le statut de naufragée, voire de réfugiée politique.

Citer :
Comment aurait-il géré les piliers de la sagesse devant une classe où la religion musulmane aurait été numériquement la plus forte ?
Comment évoquer le NS devant une minorité (une minorité) de blonds aux yeux bleus ? Les coalitions napoléoniennes avec quelques prénoms anglo-saxons ?

A l'école de la République ces questions ne devraient même pas se poser. Si elles se posent, c'est plus que grave et elles dénotent l'état de banqueroute morale dans laquelle les enseignements doivent se décliner.
Or depuis plus de vingt ans elles se posent et nos élites ne sont pas étrangères à ce processus. Tout doit être enseigné à l'école, mais rien d'important au final. Je passe sur la gestion politique des différentes vagues migratoires de la seconde moitié du XXème siècle, entrainant une ségrégation socio-spatiale honteuse pour un pays comme le nôtre, tout comme l'absence de l'Etat dans de nombreux territoires. Celui-ci n'a d'ailleurs plus de discours ni de creuset comme l'Etat-nation du XIXème ou du XXème siècle (achevant alors sa formation).
A l'heure où tout se vaut au nom d'une culture narcissique de l'émotion, il est clair que la frilosité est de rigueur et c'est bien triste.

Citer :
Oui, des français de couleurs étaient promus à des postes importants en France métropolitaine. Pendant ce temps, ceux restés dans les îles subissaient la loi économique des békés. Du moins, eux percevaient un racisme ordinaire qui n'avait pas cours en France où on voyait au-delà de la couleur de la peau et où les classes sociales comptaient plus.

Faute à l'Etat français qui n'est jamais parvenu à régler ce problème socio-économique dans les territoires ultramarins ayant une population issue de l'esclavage. Il a laissé en place l'élite blanche et mulâtre et s'est mis à "assister" socialement les descendants des esclaves à titre de compensation morale. Une paix sociale acheté à bon compte, mais qui ne tient pas sur le long terme. La loi Taubira n'a rien changé au problème.
Mais ce n'est pas du racisme que cela, c'est un état de fait qu'on a jamais vraiment souhaité modifier.

Citer :
Oui, ils vivent en France, mais leurs histoires familiales qu'ils soient descendants d'esclaves ou descendants de colonisés sont différentes que celles que nous avons en mémoire.

Je ne pense pas que le sujet soit là. En tout cas il ne se posait pas pour la première génération immigrée.
Sans pour autant citer Renan, lorsqu'on veut construire une Nation, réaliser des créations et oeuvres collectives sur un territoire commun qu'on participe à aménager et à modeler, on évite d'apporter avec soi des aigreurs d'un passé - parfois fantasmé - d'il y a plus de 10 générations. Dans le cas contraire, l'opération est vouée à l'échec dès le départ.
Nos contemporains sont tout de même formidables : ils expliquent benoîtement que l'UE en quelques années a permis une réconciliation des mémoires entre les Allemands et les Français après 3 guerres aussi dévastatrices que meurtrières ces deux derniers siècles (encore que les Allemands parlent toujours d'"invasion" pour ce que nous nommons le débarquement de Normandie... :rool: ), mais la France n'aurait pas réussi à solder les conséquences de la colonisation et de l'esclavage en plus de quatre siècles.


Enfin, je ne me sens nullement tributaire de ce que des négriers nantais ou bordelais ont pu faire il y a trois ou quatre siècles.
Faudra-t-il, une énième fois, rappeler que ces population étaient déjà esclaves lorsque les Européens les achetaient ou les troquaient ?

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Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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