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Message Publié : 06 Jan 2023 17:01 
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Cet ouvrage, publié en 2021, tente de réaliser une synthèse de l'évolution de la Bildungsbürgertum - ou "bourgeoisie culturelle" pour l'auteur - des Lumières (l'Aufklärung) jusqu'à la chute du IIIème Reich, en 1945.
Malgré quelques lourdeurs et répétitions superflues, cette oeuvre effectue une analyse, non exhaustive, très intéressante sur l'évolution de cette élite culturelle allemande et pose, bien entendu, la question de sa part de responsabilité dans l'émergence du national-socialisme dans l'Allemagne des années 1930.
C. Baechler livre la réponse immédiatement dans le titre de son livre : elle est écrasante.
En effet, cette élite éclairée, néo-humaniste et libérale, responsable des principales avancées sociales, culturelles et politiques au XIXème siècle dans les territoires germaniques, traverse une période de crise identitaire après l'unité allemande et les crises économiques et sociales de la fin du XIXème siècle. Désenchantée, ne parvenant plus à imposer ses vues et idées dans un monde marqué par les conséquences de l'industrialisation et de l'urbanisme d'un système capitaliste mercantile - dont le "matérialisme" tourne le dos à ses valeurs -, elle va abandonner progressivement (tencore qu'il faille nuancer puisqu'il existe toujours de nombreux contre-exemples) son libéralisme au profit d'un nationalisme exacerbé.
Même si certains pensaient que le IIème Reich se libéraliserait politiquement par la pratique - ce qui ne se passa pas, puisque Bismarck gouverna rapidement en s'appuyant exclusivement sur les partis conservateurs (dans un Reichstag ayant très peu de pouvoirs) - une grande majorité de ce groupe (professeurs, juristes, théologiens, "professions libérales", etc.) au tournant des années 1890 soutenait des valeurs aux antipodes de celles de 1789, jugées comme "occidentales" et non allemandes.
Au nom de la défense du peuple allemand, une majorité de cette élite éclairée justifia le conflit de 1914 et les idéaux (völkich) soulignant la supériorité de ce peuple - pour ne pas dire la race -, allemand sur le reste du monde, dans l'idée de le préserver de toute souillure. Critiquant sont isolement diplomatique en Europe, de nombreux représentants de cette élite défendront - bien plus encore - les buts de guerre souhaités par le gouvernement impérial.
Dans la crise des années 1930, entre l'indifférence, le mépris et surtout dans la défense d'une partie ou de la totalité du programme de la NSDAP, cette bourgeoisie de culture ne s'opposa pas vraiment au nazisme, pire elle a fait le lit - ce qui est bien entendu insuffisant pour comprendre la conquête du pouvoir par Hitler -, préparant dès la génération précédente l'opinion publique aux thèses nationalistes et racistes d'Hitler, après une défaite et une paix humiliantes pour l'Allemagne.
La démonstration est alimentée par une foule de chiffres et de citations des principaux acteurs de cette période et des membres influents de cette élite culturelle allemande. Le travail de compilation est considérable, celui de son analyse tout autant.
Ce que cet ouvrage offre de particulièrement intéressant à mon sens - déconstruisant au passage quelques stéréotypes - est la typologie sociale des membres du parti national-socialiste, de ses électeurs et, surtout, de ceux qui composent les différents groupes socio-professionnels du parti et, en particulier, son élite, son service d'ordre, à savoir la police politique, les SA et les SS. Ces derniers, traditionnellement présentés comme des aventuriers désaxés, ayant raté leur vie, ne le sont absolument pas. La proportion de l'élite cultivée allemande y est bien plus importante qu'ailleurs, l'écrasante majorité des officiers de la SS ont fait des études supérieures et près de 20% détient un doctorat.
Ces "bourreaux" imprégnés par un discours sanctionné par une élite scientifique (ou pseudo-scientifique), dans un terreau idéologique et culturel fertilisé depuis près de quarante ans par une large partie des élites allemandes, ont procédé à l'exécution des politiques d'organisation et de planification racistes, surtout à l'Est du continent, sans que cela ne leur pose le moindre problème moral.

Quoiqu'il en soit, il s'agit là d'un ouvrage à recommander :
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Message Publié : 06 Jan 2023 20:30 
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Jean Froissart
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Duc de Raguse a écrit :
Ce que cet ouvrage offre de particulièrement intéressant à mon sens - déconstruisant au passage quelques stéréotypes - ... ceux qui composent les différents groupes socio-professionnels du parti et, en particulier, son élite, son service d'ordre, à savoir la police politique, les SA et les SS.

Il y a quelque temps déjà que -sur ce sujet- les analyses ont évolué. Il suffit de lister les personnages et de se référer à leur parcours.
Dans "Croire et détruire - Les intellectuels dans la machine de guerre SS" d'Ingrao, le lecteur peut suivre le cheminement de quelques exemples pris justement au sein de familles socialement différentes.
On voit, à travers l'engagement de ces jeunes lycéens et/ou étudiants au sein de groupuscules nationalistes et revenchards, qu'évidemment ce choix est le fruit d'une ambiance bien marquée tant dans l'entourage immédiat qu'en se frottant à des adultes référents (professeurs par exemple).
Je ne vois pas qui aurait pu songer à des "aventuriers désaxés" après avoir un peu lu sur le sujet.
Ce qui est étonnant est le choix d'études supérieures. Bien souvent le droit, la philosophie et/ou des sciences dures qui tournent autour des études raciales.
Pourquoi ceci aurait dû "poser un problème moral" ? Il y a bien des sujets qui apparaissent étonnants de nos jours et qui furent étudiés, côtoyés dans d'autres pays sans poser plus de "problème moral".
Je pense que le discours des enseignants fut dosé -consciemment et inconsciemment- de manière à ce que l'ensemble s'inscrive dans une cohérence. Le tout d'autant plus aisément que l'approche scientifique (il n'était pas question de "pseudo", ceci est une analyse post) validait le tout, tout soutenu bien souvent par des philosophes de haute volée, exportant certaines analyses qui n'ont pas trop choqué à l'extérieur.
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Message Publié : 06 Jan 2023 22:53 
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Citer :
Il y a quelque temps déjà que -sur ce sujet- les analyses ont évolué. Il suffit de lister les personnages et de se référer à leur parcours.
Dans "Croire et détruire - Les intellectuels dans la machine de guerre SS" d'Ingrao, le lecteur peut suivre le cheminement de quelques exemples pris justement au sein de familles socialement différentes.

Il suffisait... mais telle synthèse n'avait pourtant pas été opérée (Ingrao en a étudié seulement 80 et uniquement dans le SD...) par un auteur français jusqu'à présent.

Citer :
Je ne vois pas qui aurait pu songer à des "aventuriers désaxés" après avoir un peu lu sur le sujet.

C'est pourtant assez classique : à côté d'officiers de la Wehrmarcht issus des plus prestigieuses académies militaires de Prusse la littérature contemporaine et les productions cinématographiques nous ont très souvent présenté des officiers SS totalement fanatisés, sadiques, haineux et sortis d'on ne sait quel trou miteux. Nul n'allait imaginer des docteurs en droit, en médecine, en philosophie ou en anthropologie.

Citer :
Pourquoi ceci aurait dû "poser un problème moral" ?

Je ne sais pas si massacrer froidement des femmes et enfants juifs, slaves ou autres en Europe orientale, au nom de la défense de la pureté du sang allemand et de la conquête d'un espace vital pour l'Allemagne se défend moralement.

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Message Publié : 07 Jan 2023 8:42 
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Grégoire de Tours
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Merci pour cette recommandation, et bonne annnee. Cette étude semble apporter un plus par son ajout statistique, et vient compléter celle de Christian Ingrao qui fondait sa démonstration sur l'étude approfondie d'un échantillon, mais surtout, ces deux chercheurs francais poursuivent la veine de ce qui avait été fort bien démontré par l'ouvrage séminal de l'historien américain George Mosse, Les racines intellectuelles du troisième Reich. La crise de l'idéologie allemande (The Crisis of German Ideology).


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Message Publié : 07 Jan 2023 10:04 
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Effectivement (et bonne année également), mais encore une fois - je n'aurais pas dû placer l'anecdote sur la Gestapo, la Kripo et les SS qui ne permet pas de bien percevoir l'originalité de l'ouvrage, d'autant plus que ces statistiques avaient déjà été établies par les historiens allemands eux-mêmes entre 1960 et 1990 (encore mal connues du grand public français) -, cet ouvrage innove dans le coeur même de sa démarche, à savoir le suivi de cette Bildungsbürgertum au sein de l'histoire contemporaine allemande.
Cette évolution d'une élite culturelle du néo-humanisme, du libéralisme vers un nationalisme exacerbé, empreinte le plus souvent (il y a toujours de nombreuses et importantes exceptions il faut le rappeler) et développant parfois une idéologie völkisch n'avait jamais été dépeinte de manière aussi précise.
J'ajoute les longs développement sur les Eglises luthériennes allemandes, très intéressants et très fouillés.
Bien entendu, cela complète les écrits plus anciens d'un Mosse - qui est allemand, avant de fuir aux Etats-Unis -, mais son tribut est plutôt du côté de la "brutalisation des esprits allemands" pendant la guerre (ce qui aurait permis aux plus jeunes de conserver une proximité plus aisée avec la violence) et de la mise en perspective de la pensée völkisch dans les mentalités allemandes avant et après 1914. Cela était effectivement connu et déjà bien démontré. Mais c'est bien la place et le rôle de l'élite culturelle allemande dans ce processus qui n'avaient pas encore été traités de la sorte.
Cela dit - mais c'est un autre sujet -, je pense que Mosse se fourvoie totalement pour percevoir la France comme le berceau du fascisme en Europe à la fin du XIXème siècle. Toutes les ligues allemandes (navale, pangermaniste, celle de la conquête de l'Est, entre autres) n'ont pas eu besoin des exemples français pour se construire en développant spécifiquement la théorie d'une défense culturelle du peuple allemand, le projetant dans une politique de conquête mondiale (Europe orientale, colonies et plus globalement la Weltpolitik de Guillaume II), là où les ligues françaises ne réclamaient seulement le retour de l'Alsace-Lorraine à la France, sans verser forcément dans le darwinisme social et autre construction intellectuelle d'une "race" française.

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Message Publié : 07 Jan 2023 11:16 
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Grégoire de Tours
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Duc de Raguse a écrit :
l'écrasante majorité des officiers de la SS ont fait des études supérieures et près de 20% détient un doctorat

Si l'on parle des officiers, cela est assez peu surprenant. Si le gros des SA et SS se recrutait parmi les classes populaires, leurs cadres devaient bien être choisis comme dans toute organisation.

Citer :
Nul n'allait imaginer des docteurs en droit, en médecine, en philosophie ou en anthropologie

Il semble que le fait que des hommes cultivés puissent avoir été séduits par Hitler dans toute la société a été remarqué de longue date, et cela étonnait déja les contemporains. Puis sur le banc des accusés de Nuremberg étaient représentés en exemple des membres de l'élite de tous les secteurs de la société. Le parcours des grands absents était aussi instructif (Goebbels, docteur en littérature, Himmler, études universitaires en agronomie, Heydrich, élite miilitaire... ), puis l'exemplaire Eichmann, ou encore, a un niveau moins impliqué mais tout aussi choquant, la carriere et l'implication intellectuelle du philosophe Heidegger.

Personne n'a pensé que les élites ont tenté d'être un rempart a l'accession relativement démocratique de Hitler au pouvoir, au contraire. Leur responsabilité a toujours été aussi engagée que celle des classes populaires. D'ou la difficulté de la dénazification apres la guerre, tres selective et partielle, épargnant beaucoup de cadres, d'ingénieurs (exportés vers les pays alliés ou non), d'universitaires... C'est sur ce point que je ne comprends pas: vous (Baechler?) commencez par
Duc de Raguse a écrit :
(l'élite) va abandonner progressivement (...) son libéralisme au profit d'un nationalisme exacerbé

L'élite est décrite comme étant libérale au départ. Mais plus loin vous dites que Baechler dit que le Reich ne s'est jamais libéralisé, et que la majorité des élites soutenait des valeurs aux antipodes de 1789.

Duc de Raguse a écrit :
Même si certains pensaient que le IIème Reich se libéraliserait politiquement par la pratique - ce qui ne se passa pas, puisque Bismarck gouverna rapidement en s'appuyant exclusivement sur les partis conservateurs (dans un Reichstag ayant très peu de pouvoirs) - une grande majorité de ce groupe (professeurs, etc.) au tournant des années 1890 soutenait des valeurs aux antipodes de celles de 1789 (...) cet ouvrage innove dans le suivi de cette Bildungsbürgertum. Cette évolution d'une élite culturelle du néo-humanisme, du libéralisme vers un nationalisme exacerbé.


Selon Baechler, l'élite a-t-elle vraiment été a un moment en majorité libérale? Si oui, quand? Les racines intellectuelles profondes de l'idéologie nazie ont été étudiées. Vous en parlez, la création du Reich en 1871 reposait sur des principes nationalistes expansionistes et pangermaniques venus du meme terreau: la nécessité de préserver un peuple pur, la supériorité supposée de l'Allemand sur ses voisins. Le Kulturkampf de Bismarck fait écho a l'autre kampf (anticléricalisme, anticatholicisme, kirchekampf, sort de la Pologne, avis sur les slaves en général...). Vous parlez de l'église luthérienne, et l'influence de l'idéologie luthérienne a été étudiée (dont l'antisémitisme patent de Luther).

Duc de Raguse a écrit :
Mosse se fourvoie totalement pour percevoir la France comme le berceau du fascisme
Je suis d'accord avec vous, et c'est en effet un autre point, illustré par le débat entre Zeev Sternhell et l'école de René Rémond (Pierre Milza, et autres).


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Message Publié : 07 Jan 2023 12:18 
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Philippe de Commines
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Duc de Raguse a écrit :
Quoiqu'il en soit, il s'agit là d'un ouvrage à recommander :
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Quand ce livre est sorti j'ai été alléché (je l'ai même indiqué sur ce forum), mais je me suis demandé ce qu'il apportait de nouveau par rapport aux travaux de J. Chapoutot qui me semble avoir déjà bien levé nombres de stéréotypes sur le sujet, notamment le fait que les nazis n'étaient majoritairement pas des barbares relevant de la psychiatrie, mais appartenaient souvent à l'élite cultivée, dans les domaines du droit particulièrement...

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Message Publié : 07 Jan 2023 12:22 
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Jean Froissart
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GustavedeBeaumont a écrit :
Personne n'a pensé que les élites ont tenté d'être un rempart a l'accession relativement démocratique de Hitler au pouvoir, au contraire. Leur responsabilité a toujours été aussi engagée que celle des classes populaires.

C'est ce qui me semble.
J'ai lu du livre mentionné ce qui est offert par amazon et une question me vient à l'esprit. A force d'étirer, sous des sujets différents, le "problème" du NS, ne risque-t-on pas d'arriver à la conclusion "officieuse" d'une sorte de déterminisme voire un Sonderweig qui ne dirait pas son nom.

Je lisais sur wiki :

[... Selon l’historien Heinrich August Winkler, qui met l’accent sur la division ou le morcellement du pays, trois faits expliquent le Sonderweg allemand : la longue durée du Saint Empire et de son mythe (962-1806) ; le schisme entre catholiques et protestants ; le dualisme (c’est-à-dire la rivalité) entre la Prusse et l’Autriche aux XVIIIe et XIXe siècles.
On peut citer d'autres particularités allemandes :
L’Allemagne n’a pas vécu de révolution (au XIXe siècle, Karl Marx a parlé de
"misère allemande" (1) pour désigner l’attitude d’une bourgeoisie allemande qui préfère passer un compromis avec l’aristocratie terrienne et les princes plutôt que de s’allier avec le peuple pour libérer la nation des entraves morales et politiques de l’Ancien Régime.
La révolution industrielle est plus tardive et plus rapide, et l'élite est restée marquée par les époques autoritaires et préindustrielles.
]

(1) François Genton, "La "misère allemande", un problème du socialisme européen vers 1900. La controverse Jaurès-Mehring à propos de Frédéric II de Prusse et de l'Aufklärung"...

Je ne pense pas que la "dénazification" ait été autre chose qu'une sorte de geste. Pouvait-on espérer autre chose en si peu de temps et d'une telle manière. La "dénazification" en Allemagne de l'Est devait être ressentie étrangement : quitter une doctrine pour s'assujettir à une autre...
Duc de Raguse a écrit :
Même si certains pensaient que le IIème Reich se libéraliserait politiquement par la pratique - ce qui ne se passa pas, puisque Bismarck gouverna rapidement en s'appuyant exclusivement sur les partis conservateurs (dans un Reichstag ayant très peu de pouvoirs) - une grande majorité de ce groupe (professeurs, etc.) au tournant des années 1890 soutenait des valeurs aux antipodes de celles de 1789 (...)

Les valeurs de 1789 (les valeurs officielles) et leur partage devait donc être un passage obligé vers l'établissement à plus ou moins long terme d'une démocratie saine ? Quid de l'Angleterre, de l'Autriche ?
La déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme (avant 1789 il me semble) n'empêchera pas certains d'adhérer confortablement à quelques idées NS.
Dans le titre le mot "trahison" est peut-être mal choisi. Quelle trahison ?
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Message Publié : 07 Jan 2023 12:29 
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GustavedeBeaumont a écrit :
Si l'on parle des officiers, cela est assez peu surprenant. Si le gros des SA et SS se recrutait parmi les classes populaires, leurs cadres devaient bien être choisis comme dans toute organisation.

Oui, bien entendu, toute organisation recrute ses cadres parmi l'élite. Mais chez les SS - plus encore que chez les SA - elle est surreprésentée, par rapport à d'autres partis ou d'autres organisations politiques (il est certain qu'au niveau de la KPD et de la SPD, les catégories sociales moyennes et populaires soient plus représentées).

GustavedeBeaumont a écrit :
Personne n'a pensé que les élites ont tenté d'être un rempart a l'accession relativement démocratique de Hitler au pouvoir, au contraire. Leur responsabilité a toujours été aussi engagée que celle des classes populaires.

En tout cas après 1945 - et en gros jusqu'à la "controverse Fischer" - en Allemagne l'élite cultivée était plutôt dépeinte comme ayant été prise en otage par le nazisme, n'ayant fait qu'appliquer des ordres venus de fanatiques et ayant été contrainte, à part quelques exceptions, d'obéir à un régime dictatorial et policier.
Or, force est de constater qu'un grand nombre d'universitaires - vous rappelez l'exemple d'Heidegger, mais il y en a bien d'autres comme un Carl Schmitt par exemple - non seulement avaient fait le lit des idées nationales-socialistes avant et après 1914, mais en plus ont assuré une caution morale au nouveau régime (le parti d'Hitler ne représente à la fin de 1932 qu'un tiers des électeurs allemands et n'est donc pas majoritaire dans la population allemande, il suspend ensuite toutes les libertés par la force, le jeu démocratique est relativement étranger à sa prise de pouvoir...), n'hésitant pas à s'engager publiquement pour lui.
Je ne parle même pas des homélies des pasteurs prussiens formulées devant les fidèles, encore moins de la sévérité manifestée par les juges pendant toute la République de Weimar à l'encontre des assassins politiques d'extrême-gauche, alors que ceux d'extrême-droite étaient pratiquement relaxés ou bénéficiaient de peines légères.

GustavedeBeaumont a écrit :
L'élite est décrite comme étant libérale au départ. Mais plus loin vous dites que Baechler dit que le Reich ne s'est jamais libéralisé, et que la majorité des élites soutenait des valeurs aux antipodes de 1789.

Certes, un libéralisme du début du XIXème siècle, c'est-à-dire, qui doit déboucher politiquement sur un régime orienté par les meilleurs, les instruits, c'est-à-dire eux-mêmes. Ainsi, très peu soutiennent avant l'unité allemande l'option d'un régime parlementaire, accompagné du suffrage universel comme clé de voute. S'ils sont dès le départ favorables aux libertés individuelles et collectives, ils ne conçoivent nullement leur libéralisme comme devant passer par l'égalité entre les sujets du prince. C'est une vision très élitiste du fonctionnement et l'organisation de la société qu'ils possèdent en grande majorité - avant les conséquences de l'industrialisation en tout cas. Sur ce point, ils se trouvent - comme tous les anglo-saxons ayant lu Burcke - déjà en contradiction avec l'un des piliers de la Révolution française. Il n'y a pas d'égalité entre les humains et le peuple doit être instruit, élevé par leur biais ; chaque individu devant ensuite se libérer par lui-même, par le talent et le mérite, c'est son seul salut, la loi n'a rien à formuler en ce sens.

Cette bourgeoisie de culture se fracture politiquement au milieu du XIXème siècle (en gros en 1848-1849 au moment de l'épisode du Parlement de Francfort) : une majorité soutient la position de favoriser d'abord l'unité allemande autour de la Prusse, les réformes libérales viendront ensuite, une minorité pense que les deux doivent aller de pair et se montre très circonspect par rapport à la politique bismarckienne.
Une fois l'unité réalisée, les premières réformes menées par Bismarck au niveau du jeune Empire allemand sont d'orientations libérales, mais à partir de 1878-1879 le "chancelier de fer" change son fusil d'épaule et se rapproche des conservateurs, laissant des libéraux sur le gué, paralysés par une quête d'identité incroyable, d'autant plus qu'un grand nombre se montre hostile aux conséquences de l'industrialisation et l'urbanisation, dénaturant ainsi l'esprit allemand et le fonctionnement de la société (la bourgeoisie économique semble la remplacer dans la société, la démocratisation de l'enseignement - surtout supérieur - lui fait perdre sa place de "pilote" du navire en quelque sorte).
Bref, de nombreux membres sont déçus et se retirent de la politique, d'autres se dirigent vers la question de la nation et du peuple allemand avec acuité, comme une sorte de dérivatif (pourtant déjà observé dans les faits chez certains dès 1860-1870), autour des idéaux völkisch.

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Message Publié : 07 Jan 2023 12:30 
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Philippe de Commines
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Inscription : 23 Avr 2008 9:32
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Rebecca West a écrit :
J'ai lu du livre mentionné ce qui est offert par amazon et une question me vient à l'esprit. A force d'étirer, sous des sujets différents, le "problème" du NS, ne risque-t-on pas d'arriver à la conclusion "officieuse" d'une sorte de déterminisme voire un Sonderweig qui ne dirait pas son nom.

Evidemment quand on fait l'histoire des causes et origines de "quelque chose", la tentation déterministe n'est jamais loin... Mais il me semble qu'il a été montré que le nazisme ne relevait pas d'un "Sonderweg" mais s'inscrivait dans une histoire bien européenne.

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Message Publié : 07 Jan 2023 13:15 
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Liber censualis a écrit :
Quand ce livre est sorti j'ai été alléché (je l'ai même indiqué sur ce forum), mais je me suis demandé ce qu'il apportait de nouveau par rapport aux travaux de J. Chapoutot qui me semble avoir déjà bien levé nombres de stéréotypes sur le sujet, notamment le fait que les nazis n'étaient majoritairement pas des barbares relevant de la psychiatrie, mais appartenaient souvent à l'élite cultivée, dans les domaines du droit particulièrement...

Vraiment, je n'aurais pas dû énoncer l'anecdote sur les SS (cinq pages sur 600). :-|
Chapoutot n'est jamais entré dans pareille synthèse, il s'est contenté de demeurer dans la période étudiée - le plus souvent en traduisant ce que l'historiographie allemande avait déjà produit (il faut dire qu'il est délicat pour tout auteur étranger de faire mieux qu'elle) - et n'a jamais brossé un tel tableau sur près de deux siècles sur la société allemande.
En ce sens Baechler se positionne davantage comme un auteur braudélien que comme la récente historiographie française, occupée à utiliser son scalpel sur "l'histoire en miettes", des études de cas, parfois partiales et partielles (que d'erreurs factuelles, voire de sens, bien souvent chez Ingrao et Chapoutot...) et bien trop décontextualisées d'un temps plus long.

Citer :
Sonderweg

C. Baechler, même s'il est parfois tenté de suivre une partie de cette bourgeoisie culturelle dans ses choix de façon linéaire - le piège du déterminisme n'étant pas loin... - réfute globalement la thèse du Sonderweg, car cette élite avait bien le choix.
C'est en ce sens qu'elle a trahi.

Citer :
Les valeurs de 1789 (les valeurs officielles) et leur partage devait donc être un passage obligé vers l'établissement à plus ou moins long terme d'une démocratie saine ? Quid de l'Angleterre, de l'Autriche ?
La déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme (avant 1789 il me semble) n'empêchera pas certains d'adhérer confortablement à quelques idées NS.

Il n'y a pas de place pour l'égalité entre les êtres humains (en dehors des riches contribuables blancs) dans la Déclaration d'Indépendance américaine, pas plus dans l'Angleterre ou l'Autriche du XIXème siècle, ces deux dernières étant encore marquées par une société d'ordres. Je ne parle même pas de la Prusse... Cette égalité au sein du genre humain est typiquement française à la fin du XVIIIème et tout au long du XIXème siècle. Je pense que cette comparaison a été placée pour que le lecteur français ne se trompe pas dans la compréhension de ce "libéralisme".
La trahison pour l'auteur semble être en partie du côté que cette élite cultivée ait refusé d'exercer le pouvoir au nom de sa loyauté à l'égard des princes allemands (période 1848-1870) - il est proche des marxistes pour le coup -, mais surtout d'avoir abandonné sa fibre libérale pour verser dans un nationalisme exacerbé (période 1880-1945), alors que d'autres options étaient possibles (c'est là que les libéraux qui défendront ensuite la République de Weimar sont étudiés, mais demeurent minoritaires).

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Message Publié : 07 Jan 2023 14:45 
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Jean Froissart
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Duc de Raguse a écrit :
Vraiment, je n'aurais pas dû énoncer l'anecdote sur les SS (cinq pages sur 600). :-|

Ce n'est pas tant ceci que les qualificatifs attribués à certains.
Avec les procès de Nuremberg et autres, il semble que tout est clarifié quant au côté "désaxé".
Des personnes ont comparu (têtes de gondoles à bcp de niveaux de l'organisation NS) ont été condamnées : aurait-on fait comparaître des "désaxés" ? Ceci jette un peu une ombre sur la qualité de ces procès et sur le/les but.s).

Deux siècles de société allemande en 600 pages ? C'est là que ceci m'interpelle.
Est évoqué l'Aufklärung pour aboutir au NS, le tout sur une tranche choisie et nommée par un néologisme impossible semble-t-il à la traduction. Il faut donc en quêter l'essence et là...
Citer :
En ce sens Baechler se positionne davantage comme un auteur braudélien...

C'est sans doute ainsi aussi qu'auraient pu se qualifier certains théoriciens ayant offert un panel exploitable par les théoriciens du NS, là est le problème. :-)
Citer :
... car cette élite avait bien le choix. C'est en ce sens qu'elle a trahi.

Si vous évoquez le NS, il semble que les thèses raciales par exemple s'énoncent dans un continuum partagé par beaucoup et des non affidés.
Pourquoi remettre en doute des théories que beaucoup pouvaient -à son aune- considérer comme exactes à travers, par exemple, l'aventure de la colonisation ?
Est-ce à dire que post 1789, la société française n'était plus hiérarchisée ? Que 1789 n'était pas le fruit d'une "tranche" de la bourgeoisie et que l'éclairage était resté en l'état des annonces faites dans certains articles ?
Outre-Rhin, l'essentiel reste assez cohérent dans un corset il est vrai. Le corset va aller se boulonnant au gré de l'histoire et de ses aléas et des choix faits.

Faudrait-il remonter notre histoire afin d'établir que la France via une tranche de sa bourgeoisie avait la fibre antisémite et, plus tard collaboratrice ? Que les écrits de Rousseau sont à l'origine du peu de cas fait des femmes dans la société française si ouverte à tous les droits ? Que les écrits de Voltaire ont initié l'admiration/répulsion actuelle jusqu'à employer les mots de monarchie présidentielle ?
Citer :
Il n'y a pas de place pour l'égalité entre les êtres humains (en dehors des riches contribuables blancs) dans la Déclaration d'Indépendance américaine, pas plus dans l'Angleterre ou l'Autriche du XIXème siècle, ces deux dernières étant encore marquées par une société d'ordres. Je ne parle même pas de la Prusse... Cette égalité au sein du genre humain est typiquement française à la fin du XVIIIème et tout au long du XIXème siècle.

Sur le papier, oui. Mais à la lecture des propos de certains politiques concernant l'expansion hors France, le tout est un peu oublié. On ne va pas revenir sur ce sujet déjà évoqué.
En France même, on ne peut pas dire que sous la Restauration comme sous une partie du second empire et avec l'apparition de la révolution industrielle, une hiérarchie ne s'impose pas et que ceux qui en sont les initiateurs ne se trouvent pas dans une catégorie appartenant à la bourgeoisie.
Citer :
La trahison pour l'auteur semble être en partie du côté que cette élite cultivée ait refusé d'exercer le pouvoir au nom de sa loyauté à l'égard des princes allemands (période 1848-1870)

Ces personnes sont fidèles paradoxalement (à la vision de Baechler) à un ordre ancien établi. D'abord le Prince, ensuite l'Allemagne. Mais l'Allemagne nait en 1871 et jusqu'en 1919, certaines familles régnantes sont vues comme les premiers référents, avant l'Etat. Sur plusieurs échanges (concernant Bismarck), il a semblé évident que tout avait été trop vite ou encore que le conflit de 1870 -sensé souder tout le monde- pas assez long et que la place de certains princes -leur absence dans la Galerie des Glaces- augurait déjà d'une construction à plusieurs temps, de multiples freins, des divisions et un soin bien arrêté de s'arc-bouter sur de vieilles coutumes d'ici et/ou là qui étaient montrées comme un ciment (le seul sans doute à proposer).
Aujourd'hui encore, je suis étonnée d'entendre certaines personnes d'outre-Rhin se présenter par leur Land et non dire : "Je suis Allemand.".
Citer :
... sa fibre libérale pour verser dans un nationalisme exacerbé (période 1880-1945), alors que d'autres options étaient possibles

J'avoue que le côté "libéral" hormis chez une minorité m'échappe un peu.
Il semblerait que l'option "libérale" avait été attendue par certains avec le décès de Guillaume Ier, malheureusement son successeur ne passera pas quatre mois et l'on se retrouve avec un homme jeune dont l'éducation fut tout sauf dirigée vers une option "libérale" de la société. La suite a été maintes fois évoquée sur le forum.

Maintenant prendre une "tranche de société" et en tirer un fil, exploiter ce fil en remontant à l'Aufklärung pour donner "la vérité" (c'est ce qui est promis et là est le problème) sur l'arrivée au NS : le tout est étonnant.
Annoncer suivre ou étudier l'évolution d'une partie de la société allemande de l'Aufklärung à... aurait été plus judicieux et éviter le cas Heidegger comme l'exemple type avec un spectre un peu plus élargi ou alors évoquer le contexte dans lequel Heidegger s'attache aux wagons (simple opportunisme il semblerait) serait souhaitable. Beaucoup de choix furent guidés par l'opportunisme face à un régime qui s'annonçait totalitaire. Tant que ceci n'a été qu'en mode discours, on pouvait douter ; Hitler au manettes, il était bon tout à coup de se glisser dans le nouvel ordre ou de disparaître : il était clair qu'un tri allait s'opérer.

Cependant de tels essais sont toujours intéressants dans la mesure où ils servent à revoir/relire les écrits déjà produits par l'auteur sous d'autres angles. C'est la présentation qui pèche un peu en annonçant que l'auteur va nous éclairer car il est détenteur de "LA" réponse...
.

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"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


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Message Publié : 07 Jan 2023 15:01 
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GustavedeBeaumont a écrit :
Il semble que le fait que des hommes cultivés puissent avoir été séduits par Hitler dans toute la société a été remarqué de longue date, et cela étonnait déjà les contemporains. Puis sur le banc des accusés de Nuremberg étaient représentés en exemple des membres de l'élite de tous les secteurs de la société. Le parcours des grands absents était aussi instructif (Goebbels, docteur en littérature, Himmler, études universitaires en agronomie, Heydrich, élite miilitaire... ), puis l'exemplaire Eichmann, ou encore, a un niveau moins impliqué mais tout aussi choquant, la carrière et l'implication intellectuelle du philosophe Heidegger.

Personne n'a pensé que les élites ont tenté d'être un rempart a l'accession relativement démocratique de Hitler au pouvoir, au contraire. Leur responsabilité a toujours été aussi engagée que celle des classes populaires. D’où la difficulté de la dénazification après la guerre, très sélective et partielle, épargnant beaucoup de cadres, d'ingénieurs (exportés vers les pays alliés ou non), d'universitaires...


Si une élite pouvait être un rempart, ça se saurait. D'après une étude récente : https://www.jean-jaures.org/publication/enquete-complotisme-2019-les-grands-enseignements/

Environ 8% des français ayant un niveau d'étude supérieur à bac+2 croit à au moins 5 théories du complot... Théoriquement, moins on est cultivé, plus on a les outils intellectuels pour se forger sa propre opinion. Mais, ça c'est la théorie. Pratiquement, le niveau d'étude n'est pas une garantie.

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Message Publié : 07 Jan 2023 15:30 
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Citer :
Aurait-on fait comparaître des "désaxés" ? Ceci jette un peu une ombre sur la qualité de ces procès et sur le/les but.s).

J'ai évoqué ce stéréotype comme se trouvant dans une certaine littérature et cinématographie "grand public", pas au tribunal de Nuremberg.

Citer :
Est évoqué l'Aufklärung pour aboutir au NS, le tout sur une tranche choisie et nommée par un néologisme impossible semble-t-il à la traduction. Il faut donc en quêter l'essence et là...

Oui, ce sont les bornes chronologiques retenues, généralement par tous les historiens pour évoquer l'émergence d'une élite libérale en Europe.
Je ne comprends pas le reste de votre phrase.

Citer :
C'est sans doute ainsi aussi qu'auraient pu se qualifier certains théoriciens ayant offert un panel exploitable par les théoriciens du NS, là est le problème.

Idem. Qu'est-ce que cela signifie ?
L'école des Annales à l'époque de Braudel est un temps de l'historiographie française, celle du temps long et de l'étude des grands ensembles d'un point de vue structurel et bien moins conjoncturel.
Je ne vois pas bien le rapport avec les "théoriciens du NS"...

Citer :
Sur le papier, oui. Mais à la lecture des propos de certains politiques concernant l'expansion hors France, le tout est un peu oublié. On ne va pas revenir sur ce sujet déjà évoqué.
En France même, on ne peut pas dire que sous la Restauration comme sous une partie du second empire et avec l'apparition de la révolution industrielle, une hiérarchie ne s'impose pas et que ceux qui en sont les initiateurs ne se trouvent pas dans une catégorie appartenant à la bourgeoisie

Vous confondez l'inégalité juridique - sur laquelle reposent les sociétés d'Ancien Régime - avec l'inégalité sociale. Jamais 1789 n'a cherché à corriger l'inégalité sociale.

Citer :
Ces personnes sont fidèles paradoxalement (à la vision de Baechler) à un ordre ancien établi. D'abord le Prince, ensuite l'Allemagne. Mais l'Allemagne nait en 1871 et jusqu'en 1919, certaines familles régnantes sont vues comme les premiers référents, avant l'Etat

Oui et non : l'Allemagne est théorisée bien avant son unité et certains en font remonter les prémices à Luther et à la réforme.
Au milieu du XIXème siècle c'est l'Allemagne avant le prince et à la fin du XIXème c'est l'Etat (le roi de Prusse n'ayant pas laissé le choix, puisque c'est la bureaucratie prussienne qui gouverne et non le peuple via une démocratie représentative, dont l'élite dans sa majorité ne veut pas) et le peuple allemand, formant un tout, avant tout autre chose.

Citer :
Il semblerait que l'option "libérale" avait été attendue par certains avec le décès de Guillaume Ier

Non, elle était attendue dès l'avènement de Frédéric-Guillaume IV - c'est à lui que la couronne d'Allemagne avait été donnée par l'Assemblée de Francfort en avril 1849. C'est bien lui qui "douche" les espoirs de tout le courant libéral allemand. Par là, il fait le choix d'une unité faite par le prince, sans l'élite éclairée, encore moins le peuple.
Après, mais cela semble déjà trop tard, les rares libéraux qui demeurent ont espoir que le remplacement de Bismarck entraine une modification de la politique impériale. Il n'en fut rien, bien au contraire.

Citer :
Maintenant prendre une "tranche de société" et en tirer un fil, exploiter ce fil en remontant à l'Aufklärung pour donner "la vérité" (c'est ce qui est promis et là est le problème) sur l'arrivée au NS : le tout est étonnant.

Il ne s'agit pas d'une "tranche" de la société, mais bien de l'élite culturelle et sociale qui a permis un grand nombre de réformes libérales au début du XIXème siècle. Et puis ce genre d'étude est tout à fait classique en histoire, je ne vois rien de problématique à cela.
Aucun "fil" n'est tiré. Je vous conseille de lire ce livre, car vous entrez là dans des extrapolations qui sont aux antipodes du contenu de l'ouvrage - je vous ai déjà répondu plus haut que l'auteur ne défendait la thèse dépassée du sonderweg.

Citer :
C'est la présentation qui pèche un peu en annonçant que l'auteur va nous éclairer car il est détenteur de "LA" réponse...

De quelle présentation parlez-vous ? La mienne ?
Je n'ai pas évoqué la moindre "réponse géniale" et novatrice (le scoop ?), apportée par C. Baechler dans son ouvrage, simplement une synthèse (il reprend comme d'autres différents travaux d'historiens allemands de tout le XXème siècle et même d'une partie du XIXème) pour le moins réussie et très éclairante pour celles et ceux qui s'intéresseraient à la place de cette bourgeoisie culturelle dans l'Allemagne contemporaine. Ses rapports avec le nazisme ne retiennent que le quart de l'ouvrage... Il ne s'agit pas d'un énième essai sur les origines du nazisme ou de sa prise du pouvoir (l'auteur étant spécialiste de l'Allemagne wilhelmienne et de la République de Weimar, il a déjà pu dans d'autres ouvrages aborder ces questions).
Enfin, le fait d'évoquer et de se questionner sur l'émergence et le maintien au pouvoir du national-socialisme en Allemagne ne peut être évité dans ces bornes chronologiques, car c'est toute l'historiographie allemande et européenne qui s'est déjà occupée de cela, généralement dans des controverses sans fin, depuis 1945. Ne pas l'évoquer aurait été surprenant.
Encore une fois, l'originalité de cet ouvrage est celui d'une approche structurelle sur le temps long.

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Message Publié : 07 Jan 2023 19:43 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
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Ce n'est pas la première fois que vous évoquez le "grand public". Elitisme ? Je l'ignore. Je suis grand public et je pense que l'histoire doit s'adresser au public le plus large possible.
Ceci se nomme pédagogie.
Si l'histoire reste une sorte d'échange de fumoir, il ne faut pas s'étonner du désintérêt voire de l'envie d'en créer une nouvelle.
Duc de Raguse a écrit :
...Je ne comprends pas le reste de votre phrase.

Le mot "néologisme" est peut-être mal choisi, je cite l'auteur :

[… L’expression bourgeoisie culturelle est une approximation pour un terme allemand, Bildungsbürgertum, qui définit un groupe social spécifique aux pays germaniques.]
Existent donc Bildugsbürgertum et Besitzbürgertum. Les deux peuvent cohabiter et c'est, je pense assez courant.
Le mot est nouveau pour le grand public. C'est un concept à appréhender.
Citer :
Vous confondez l'inégalité juridique - sur laquelle reposent les sociétés d'Ancien Régime - avec l'inégalité sociale. Jamais 1789 n'a cherché à corriger l'inégalité sociale.

Pensez-vous que l'égalité juridique puisse exister là où l'inégalité sociale est présente ?

"c'est l'Allemagne avant le prince", je suis un peu dubitative.
Le combat de Bismarck est de fonder une Allemagne. Il a fallu plusieurs conflits afin de montrer le leadership prussien, un autre sensé souder tout ce petit monde. Il y a de grands absents -parmi les princes et rois- dans la galerie des Glaces. Guillaume Ier lui-même ne semble pas faire grand cas du titre.

L'élite a rejeté la démocratie ? Pourquoi ce refus ? S'il s'agit de la Besitzbürgertum, on peut l'entendre. C'est toujours le grand dilemme -auquel aucune révolution n'échappe- : avec ou sans le peuple ? Ceci accouche chez les possédants de positions opportunistes. On ne trahit rien ni personne.
A défaut d'une construction aboutie, j'y vois -avec erreur sans doute- une cristallisation qui semble avoir deux pôles : l'armée et la bourgeoisie culturelle comme possédante.
Les deux pôles se trouveront. Soudés avec le premier conflit mondial et c'est à ce moment que s'opère -pour moi- ce qui était attendu avec 1870, c'est dans l'échec que l'Allemagne se soude. L'échec n'est jamais un terrain propice au recul et à la réflexion. Autre occasion manquée.
Citer :
c'est toute l'historiographie allemande et européenne qui s'est déjà occupée de cela, généralement dans des controverses sans fin, depuis 1945.

En effet, Bled à la fin de sa biographie sur Bismarck notait :
[… que celui-ci (le mythe Bismarck) ait fait le lit (du NS), c'est l'évidence. A beaucoup d'Allemands, Hitler est apparu comme le nouveau Bismarck dont ils attendaient depuis si longtemps la venue … or à considérer les ressorts idéologiques et les choix fondamentaux du régime, il paraît difficile de conclure à une telle continuité.].
Merci d'avoir un peu plus explicité la démarche de l'auteur
.

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