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Pierre de L'Estoile |
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Inscription : 11 Juin 2007 19:48 Message(s) : 2289
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Je renvoie à l’ancien mais néanmoins excellent Dictionnaire des Antiquités de Daremberg et Saglio, à l’article IGNIARIA. Les deux méthodes de bases sont d’une part le frottement du bois, comme dans le texte précédent, d’autre part, battre des cailloux durs, soit l’un contre l’autre, soit à l’aide d’un clou en fer (encore que cet emploi du fer n’est pas attesté de manière certaine chez les Grecs). Description complète chez Nonnos de Panopolis, Dionysiaques, XXXVII.56 sq. : Il fallait du feu. Phaunos, citoyen des plaines de Tyrrhénie, le fils de Circé l’amie des rochers, l’habitant des déserts, que sa mère a instruit des ressources des champs, détache d’une roche les pierres qui recèlent la flamme, ces instruments de l’industrie montagnarde à qui la foudre, en tombant du ciel, a confié les traces de sa victoire, Il réunit les restes de ce feu divin pour allumer le bûcher funèbre; puis il oint d’un soufre fulminant les noirs cités des deux pierres génératrices; il aiguise ensuite comme un clou une baguette de bois de l’Érythrée, l’introduit entre les deux cailloux et les frotte de tous côtés l’un contre l’autre, mariant ainsi la femelle au mêle, jusqu’à ce que le feu caché dans la pierre éclate de lui-même; enfin, à l’endroit où la paille est placée, il l’introduit sous le bûcher.Exemple d'utilisation d'un clou: Pline, XXXVI.30.2 : Quelques-uns font encore une troisième espèce de pyrite avec la pierre que nous appelons vive; elle contient beaucoup de feu et est très pesante. Cette pierre est très nécessaire aux éclaireurs militaires: frappée avec un clou ou avec une autre pierre, elle donne des étincelles qui, reçues sur du soufre, de l'amadou ou des feuilles sèches, fournissent du feu plus vite qu'on ne saurait dire.Rien d'original donc. Sauf dans quelques cas peut-être anecdotiques, en tout cas amusants. Par exemple, l'utilisation de miroirs ardents. Plutarque, Numa, 9 : Ce feu vient-il à s’éteindre par quelque accident, comme la lampe sacrée s’éteignit à Athènes, sous la tyrannie d’Aristion ; à Delphes, lorsque le temple fut brûlé par les Mèdes ; à Rome, pendant la guerre de Mithridate, et dans la guerre civile, où le temple fut consumé avec l’autel ; alors il n’est pas permis de le rallumer avec un feu ordinaire. On s’en procure un tout nouveau, en tirant du soleil une flamme pure et sans aucun mélange. On emploie, à cet effet, des vases d’airain concaves, taillés en triangles rectangles, dont toutes les lignes, tirées de la circonférence, aboutissent à un même centre. Ces vases sont exposés au soleil, dont les rayons, réfléchis de tous les points vers ce centre commun, subtilisent l’air et le divisent : ils acquièrent par la réflexion la nature et l’activité du feu, et embrasent promptement les matières sèches et légères qu’on leur présente.Ou bien l'utilisation de loupes ou lentilles de cristal. Aristophane, Nuées, 767 sq.: STREPSIADE. Tu as sans doute déjà vu chez les vendeurs de drogues une pierre belle, diaphane, au moyen de laquelle ils allumaient du feu ? SOCRATE. C'est le cristal que tu veux dire ? STREPSIADE. Oui. SOCRATE. Eh bien, qu'en ferais-tu ? STREPSIADE. Je prendrais cette pierre, et quand le greffier écrirait l'arrêt, moi, debout, à l'écart, j'emploierais le soleil à fondre les lettres de ma condamnation.Ou bien un verre d'eau, selon le même principe. Lactance, de la colère de Dieu, 10 : Mais, pour ne plus parler ni des cailloux, ni de fer, en exposant au soleil un vase de verre plein d'eau, on fait du feu, même durant la plus grande rigueur de l'hiver ; croira-t-on qu'il y ait du feu dans l'eau, puisqu'il n'y en a pas même dans le soleil, et que les rayons de cet astre n'en font pas en été ?Ceci dit, le moyen le plus simple de se procurer du feu reste tout simplement... de l' emporter ! Xénophon, Helléniques, IV.5.4 : 4. En cette occasion, Agésilas eut une idée, qui, sans être extraordinaire, lui valut des éloges par son opportunité. Aucun de ceux qui montaient les vivres à la more n'avait apporté de feu. Or le froid était sensible, parce que la crête était fort haute et qu'il était tombé de la pluie et de la grêle vers le soir, et parce que les soldats étaient montés avec des vêtements légers comme on en porte en été. Aussi avaient-ils froid et ils n'avaient guère envie de dîner dans l'obscurité. C'est alors qu'Agésilas leur envoya dix hommes au moins pour leur porter du feu dans des marmites. Quand ils furent montés, l'un d'un côté, l'autre de l'autre, et qu'on eut allumé beaucoup de grands feux, car il y avait du bois en abondance, tous les soldats se frottèrent d'huile et beaucoup se mirent à manger.Je n'ai chaque fois donné qu'un seul exemple, celui qui me semblait le plus clair, mais il y a d'autres mentions pour chacune des méthodes. Pour ce qui te concerne, en rapport avec la fondation de Massalia, le frottement du bois semblent largement dominer pour les Grecs, sinon les caillasses. A défaut, Gyptis sera bien assez aimable pour apporter du feu dans son nouveau foyer !
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