Ne vous inquiétez pas, on en parle et on en a souvent un peu parlé à tord en abusant justement du terme d'invasion. La raison en est que les attaques des IIe et IIIe siècles, que je qualifie d'agression personnellement, n'ont que rarement vocation à l'installation ou la conquête. Dans la plupart des cas il s'agit de campagnes de pillages visant à s'emparer de richesses métalliques et qui, si elles s'enfoncèrent parfois profondément dans les terres de l'Empire, restèrent pour la plupart concentrées sur les frontières. Les conséquences sur la vie urbaine ont sans doute été importantes, dans le sens où la crainte générée a poussé les habitant à concevoir des villes fortifiées exiguës à vocation défensive à la place des grandes villes ouvertes des premiers siècles. Néanmoins, je le répète, on ne sait que peu de choses sur ce qui restait encore occupé des anciens centre urbain et rien n'indique que les surfaces remparées représentent la ville réelle.
La fin des troubles ne se limite pas aux actions de Pobus et Julien ; il faut les mettre aussi au compte de Postumus, de Claude II, d'Aurélien, de Maximien, de Constance Chlore, de Constantin... et encore seulement pour le front rhénan. Cela souligne une activité militaire extrêmement intense qui a sans nul doute laissé des traces aussi de l'autre coté de la frontière, ce qu'on a tendance a oublier généralement. Heureusement l'archéologie lève un peu le voile et nous montre un Empire beaucoup moins sur la défensive que ce qu'on pouvait en attendre :
http://www.actu-histoireantique.com/art ... 78033.htmlPour ce qui est du IVe et Ve siècle on assiste à des mouvements d'installation relativement massive avec femmes et enfants ce qui n'est guère semblable au final, si ce n'est les violences armées qui en furent accompagnées.
isatis a écrit :
Il semble que, même après ces dates, les frontières tendent à devenir un peu "passoire".
Les frontières romaines ne sont pas devenues plus poreuses passé le IIIe siècle. Il convient d'expliquer un peu la situation militaire pour éviter de s'enfermer dans des imprécisions. Aux Ier et IIe siècle (je tire à grand trait mais n'oublie pas les alertes chaudes sous Marc Aurèle) les frontières romaines semblent stables et bien gardées simplement parce que l'armée n'a à s'opposer qu'à des attaques sur des portions limitées de frontière. On peut donc à loisir prélever des renforts afin d'être toujours en mesure de contrer avec puissance les agressions. Malgré cela la
pax romana n'est pas aussi parfaite qu'on l'a trop pensé ; les attaques daces sous le règne de Domitien amènent bien des vicissitudes et quelques humiliations romaines que Trajan se fera un devoir de venger. Il est également déjà visible qu'un affaiblissement trop important des garnisons entraîne une attaque barbare ce qui est par exemple signalé dès l'année des quatre empereurs. Nous sommes pourtant à une époque où la pression aux frontières et dans le barbaricum est sans nul doute beaucoup moins forte que dans les siècles suivant. Le IIIe siècle est celui de la rupture ; les attaques ennemis ont dès lors lieu sur tous les fronts et empêchent les Romains d'appliquer leurs tactiques habituelles. La légion de 5000 hommes fait montre de sa faiblesse et on commence à la fragmenter en une multitude de vexiliations pour couvrir tous les points chauds. C'est la faillite du système construit par Auguste et qu'il va falloir réformer sur le vif. Passé la crise militaire les agressions restent plus régulières que par le passé mais plutôt bien contenues dès lors où la situation politique est stable et le souverain compétent (ce qui implique aussi qu'il laisse ses généraux agir, pas comme Constance II par exemple). Durant le IVe siècle l'Empire est toujours une puissance agressive et interventionniste.