Désolé, j'ai été un peu laconique mais j'étais en promenade et sur mon mobile. Voici une lecture critique de Luttwak qui aide à la replacer dans son contexte :
https://books.openedition.org/pur/25941?lang=frSon travail a été largement commenté dans l'historiographie française et les travaux récents démentent très largement ses thèses.
De ce que j'ai pu en voir dans mes recherches c'est qu'il fait trop de système là où le système défensif romain est clairement plus pragmatique qu'il l'imagine.
CEN_EMB a écrit :
Et si la pars orientalis s'en sort, ce n'est qu'en réorientant, à partir de 447 et à grand renfort de tributs que lui permet son système d'imposition et sa centralisation perfectionnés, les menaces orientales sur la pars occidentalis, incapable d'y résister (car largement désorganisée et appauvrie dès la fin du IVe siècle, avec une poussée dramatique à compter de 407).
Justement, c'est là qu'il faut souligner un fait essentiel ; le système de défense romain est essentiellement concentré sur les frontières, or à partir de 376-378 les Goths ont été autorisés à s'installer dans l'Empire car ils fuyaient devant l'avance des Huns. La gestion de leur installation, mâtinée de racisme, entraine leur révolte, ce qui n'allait absolument pas de soi vu le nombre d'installations similaire qu'on peut compter dès le IIIe siècle. Le fait qu'ils parviennent à vaincre Valens à Andrinople puis qu'ils s'égaillent dans les terres romaines, commettant pillages et rapines, désorganise complètement la défense romaine. C'est pour s'opposer à Alaric qui marche sur l'Italie que Stilichon dégarnit la frontière du Rhin, justement la frontière qu'emprunteront les migrations de 406... Tout cela c'est une suite d'événement et non la matérialisation d'une sclérose irrémédiable. Et puis bon, déterminer de telles logiques quand on a la finalité sous le nez c'est assez aisé...
Citer :
Il l'est, assurément. Mais c'est extrêmement stimulant à lire, et c'est une excellente introduction à la stratégie (d'une manière générale). Qui plus est, quelle que soit l'idée que l'on a de son idée-maîtresse, cela traite de la défense du périmètre impérial, et le lire suscite une réflexion poussée sur le sujet - même si j'accorde sans aucun problème que ses trois "périodes" (défense hégémonique julio-claudienne, défense de l'avant antonine, défense en profondeur constantinienne) sont trop taillées à la serpe pour être autre chose que des abstractions conceptuelles.
La défense en profondeur est un concept qui est essentiellement bâtit sur une citation de Zosime qui accuse à presque deux siècle de distance Constantin d'avoir installé les soldats dans les villes de l'intérieur amenant leur amollissement et la montée de la violence... Vu le crédit qu'on peut lui accorder très souvent ça fait très juste. Au niveau du système de fortification on rencontre des zones où l'Empire possède des infrastructures échelonnées dans la profondeur, c'est le cas dans le nord de la Gaule, mais c'est oublier que les Romains possèdent encore une politique extrêmement active à l'extérieur ; ils ont des agents de renseignement hors des frontières, font et défonts les princes barbares en fonction de leurs intérêts, réalisent des opérations en profondeur dans le barbaricum. Longtemps on a pensé que les auteurs exagéraient quand ils indiquaient que les Romains s'enfonçaient loin dans les forêts de Germaine passé le désastre de Varus. La découverte d'un champ de bataille en pleine Germaine antique et daté de Maximin le Thrace a un peu changé la donne. Les campagnes au IVe siècle sont nombreuses hors des frontières et finalement la seule chose qui empêche véritablement les Romains d'en lancer davantage est le risque de dégarnir les frontières ce qui entrainerait des rapines impossible à tolérer politiquement. On en revient à ce qu'on disait pour la crise du IIIe siècle ; c'est une crise indéniablement militaire ; le système défensif romain est incapable de s'opposer à une multitude d'attaques en même temps, mais très vite cela devient aussi une crise politique ; un empereur perd toute crédibilité dès lors où il n'est pas capable d'assurer la sécurité du territoire romain. S'il n'est pas victorieux alors un général heureux sur le champ de bataille et nimbé de Gloria paraît dès lors beaucoup plus légitime pour régner. Néanmoins ce n'est jamais une bonne idée de se lancer dans des guerres civiles quand l'Empire prend l'eau. C'est pourtant ce que feront les Romains... S'il y a faillite c'est avant tout politiquement ; l'absence de règles de succession n'a cessé d'empoisonner la défense de l'Empire, amenant à des querelles de cour, des assassinats, des rivalités, des carrières brisées dans l'oeuf pour ne pas faire de l'ombre au prince, même s'il était inepte. Prenez Stilichon ; il est assassiné après que Honorius se soit fait bourrer le mou par son entourage. Qu'aurait été la gestion de la crise avec ce personnage aux affaires plutôt qu'un jeune porphyrogénète influençable ? Alors bon, voir des systèmes stratégiques en faillite est une chose, mais quand on descend un peu on remarque d'autres problématiques et je pourrais continuer longtemps.