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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 20 Sep 2020 9:56 
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Jean-Pierre Vernant
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L'essentiel des sources de l'antiquité romaine ont une forte proximité avec des milieux sénatoriaux. Fondamentalement on a le point de vue d'une minuscule élite. Les empereurs d'extraction militaire du IIIe siècle justement en ont fait les frais. Ils sont invariablement présentés comme des monstres brutaux.

Pour ce qui est des guerres civiles c'est le mal profond de l'Empire depuis le deuxième tiers de la République et le restera jusqu'à l'effondrement de Byzance. On évoquait plus haut la question de la succession à l'Empire ; à part la Tétrarchie (et on connait son échec) il n'y a jamais de règle vraiment fixée. Les empereurs "fous" ou incapables c'est plus du folklore littéraire qu'un problème viscéral du système romain.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 21 Sep 2020 21:04 
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Plutarque
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On en apprend des choses ici! Merci pour les infos et le gros travail sur les sources (j'espère que ce n'est pas du recopiage clavier mais déjà dispo quelque part sinon que de temps consacré ! ;) ).

Sur la légende dorée de Marc Aurèle, j'avais entendu lors d'une discussion de prof de philo que sa philosophie était bien dorée justement et qu'elle n'apportait que peu de choses. Je vais me renseigner.
Avec la mort de Marc Aurèle, l'idée d'Empereur-philosophe ne meurt-elle pas aussi? (a-t-elle eu un précédent ?) Je pose trop de questions.

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Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer. Beaumarchais, Le Barbier de Séville, 1775.


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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 21 Sep 2020 21:25 
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Salluste
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Il y a après Marc Aurele Julien dit l’Apostat!

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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 22 Sep 2020 5:03 
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Jean-Pierre Vernant
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JMTARDIF a écrit :
Il y a après Marc Aurele Julien dit l’Apostat!


Il faut lire justement son banquet des césars dans lequel il se paye la plupart des empereurs l'ayant précédé.

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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 22 Sep 2020 7:05 
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Pierre de L'Estoile
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Pédro a écrit :
Les empereurs "fous" ou incapables c'est plus du folklore littéraire qu'un problème viscéral du système romain.
Pour embrayer sur les empereurs fous, peut-on dresser leurs caractéristiques à partir du texte d'Hérodien ?

Pendant un court espace de temps, tout fut dirigé par les amis de Marc-Aurèle. Ils ne cessaient d'entourer le jeune empereur de leurs soins et de leurs sages conseils, et ne lui permettaient que le repos nécessaire à sa santé. Mais bientôt se glissèrent dans son intimité quelques courtisans qui ne négligèrent rien pour pervertir le naturel encore flexible du jeune empereur.
:arrow: Le bon empereur est entouré de conseillers choisis ou pris parmi les sénateurs ; l'empereur fou s'entourent d'hommes neufs - souvent des affranchis qui lui doivent tout.

Ces flatteurs parasites, qui plaçaient la félicité dans les orgies de la table et au sein des plus honteuses débauches, ne cessaient d'entretenir le prince des délices de Rome; ils lui peignaient les plaisirs de toute espèce que réunissait ce séjour ; ils lui décrivaient l'abondance au sein de laquelle couleraient ses jours. A ce tableau, ils opposaient les rives stériles de l'Ister, des frimas, des nuages éternels.
:arrow: Le bon empereur part en expédition lointaine et y reste, laissant Rome aux Sénateurs. L'empereur fou délaisse les campagnes pour venir régner à Rome, rappelant au Sénat que ce dernier s'est dessaisi de tous ses vrais pouvoirs depuis Auguste.

Tous les empereurs fous (Caligula, Néron, Commode) ne sont-ils pas avant tout des empereurs de paix ?

Commode ne gardait plus de mesure. Il fit annoncer des jeux où il promettait de tuer de sa propre main toutes les bêtes qu'on lâcherait dans l'arène, et de combattre ensuite corps à corps les plus habiles gladiateurs.
:arrow: Le bon empereur laisse les Sénateurs organiser les jeux pour le peuple ; l'empereur fou organise des spectacles bien au-delà de leurs moyens, en se mettant lui-même en scène pour tisser un lien direct avec le peuple.

On peut également parler de Néron, si populaire qu'après son assassinat, de "faux Nérons" tentèrent de mener des soulèvements.

Je formule l'hypothèse qu'en plus des jeux - qui, par les services qu'ils exigeaient, devaient bien faire "ruisseler" l'argent, les empereurs fous devaient également prendre des mesures favorables au peuple, mesures évidemment vues comme des gaspillages par la caste sénatoriale.
Quelqu'un pourrait-il le confirmer ?

Après, il y a la question de la paranïa : le bon empereur échappe à des tentatives d'assassinats (8 sous Auguste) et punit les coupables : l'empereur fou échappe à des tentatives d'assassinats, devient paranoïaque, et se venge en éilminant ses adversaires politiques !

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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 22 Sep 2020 11:25 
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Jean-Pierre Vernant
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Nebuchadnezar a écrit :
Le bon empereur part en expédition lointaine et y reste, laissant Rome aux Sénateurs. L'empereur fou délaisse les campagnes pour venir régner à Rome, rappelant au Sénat que ce dernier s'est dessaisi de tous ses vrais pouvoirs depuis Auguste.


Ce n'est pas une nécessité ; Antonin par exemple n'a pas spécialement été un voyageur il me semble et pourtant il a bonne presse. C'est surtout dans le respect du sénat et de valeurs canoniques de la société romaine que l'on obtient l'adhésion de l'aristocratie.

Nebuchadnezar a écrit :
Tous les empereurs fous (Caligula, Néron, Commode) ne sont-ils pas avant tout des empereurs de paix ?


Ils s'intéressent surtout peu des affaires de l'Empire et font ressentir au sénat qu'il n'est plus à la tête de l'Etat. Caligula par exemple dans ses frasques se moquait surtout des reliquats de système républicain sous l'Empire. Nommer son cheval consul c'est avant tout provoquer le sénat et montrer que l'ancienne magistrature suprême n'est plus rien. Il assume sa fonction monarchique au grand déplaisir de l'aristocratie.

Nebuchadnezar a écrit :
Je formule l'hypothèse qu'en plus des jeux - qui, par les services qu'ils exigeaient, devaient bien faire "ruisseler" l'argent, les empereurs fous devaient également prendre des mesures favorables au peuple, mesures évidemment vues comme des gaspillages par la caste sénatoriale.
Quelqu'un pourrait-il le confirmer ?


En un sens oui, mais cela fait malgré tout parti de leur rôle. Les sénateurs vont surtout reprocher l'absence de mesure dans les spectacles, encore une fois une valeur typiquement romaine. Ils dénoncent également le fait que Commode apparaisse dans l'arène ce qui est une flétrissure pour la dignité suprême.

Nebuchadnezar a écrit :
Après, il y a la question de la paranïa : le bon empereur échappe à des tentatives d'assassinats (8 sous Auguste) et punit les coupables : l'empereur fou échappe à des tentatives d'assassinats, devient paranoïaque, et se venge en éilminant ses adversaires politiques !


Oui bon après Auguste a fait des proscriptions, niveau assassinat politique c'est déjà pas mal ;) . La question de la paranoïa, sans se lancer dans le l'histoire psychologisante est sans doute un ressort de la maxime "le pouvoir corrompt".

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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 22 Sep 2020 14:56 
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Jean Froissart
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.
Pédro a écrit :
La question de la paranoïa, sans se lancer dans le l'histoire psychologisante est sans doute un ressort de la maxime "le pouvoir corrompt".

Le pouvoir corromprait qui ? Commode ?
Ceci s'inscrirait dans ses réactions face à la répression suite aux tentatives d'assassinat ?
On peut comprendre qu'un homme au pouvoir, victime de tentatives d'assassinat et celles-ci initiées dans le cercle le plus proche -familial- et de manière récurrente soit un peu suspicieux quant à l'entourage en question et le fameux "à qui profite le crime" voit les mêmes en tête de gondole. Ceci rend plus que perplexe et tend généralement à déstabiliser un homme, alors ensuite il est certain que les actes vont de paire : purges, entourage sélectionné -selon quels critères ?- etc.
Je n'y vois là -dans les réactions de Commode- rien que de très normal au sein de comportements anormaux.

Le futur Caligula -dont la mère et les soeurs étaient exilées-, quasiment otage de Tibère, songeant que chaque nuit pouvait être sa dernière : ceci ne tend pas à la sérénité d'un homme, pas plus à l'épanouissement d'une quelconque empathie ou encore initiant l'art de la miséricorde... Il était évident que Caligula ne serait pas une personne "stable".
Sans entrer dans une "histoire psychologisante", il suffit de relire quelques tragédiens grecs et il est aisé de comprendre les grandes lignes qu'initient les grandes terreurs et les actes qui suivent une fois le pouvoir en main. ;)

*-*

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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 22 Sep 2020 15:24 
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Jean Froissart
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
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.
Nebuchadnezar a écrit :
Le bon empereur est entouré de conseillers choisis ou pris parmi les sénateurs ; l'empereur fou s'entourent d'hommes neufs - souvent des affranchis qui lui doivent tout.

Pourquoi d'emblée cette affiche "l'empereur fou" ?
Les "amis" de Marc-Aurèle pouvaient ne pas correspondre à Commode. Celui-ci souhaitait peut-être rompre avec la génération de son père pour poser une empreinte, affirmer un pouvoir.
Pour cela, il est normal de renouveler la vieille garde, alors évidemment ceci ne fait pas que des heureux.
Sur quels critères sont jugés les hommes choisis par Commode ?
Affranchis ou pas, les hommes nouveaux sont toujours débiteurs de celui qui en fait le choix.
C'est un peu vite tranché comme explication de texte.

Citer :
Le bon empereur part en expédition lointaine et y reste, laissant Rome aux Sénateurs. L'empereur fou délaisse les campagnes pour venir régner à Rome, rappelant au Sénat que ce dernier s'est dessaisi de tous ses vrais pouvoirs depuis Auguste.

Je ne comprends toujours pas la place de ceci : "empereur fou".
Orgies et débauches ne sont pas l'apanage de Commode (lisez un peu Suétone...). Tibère avait lui-aussi ses "délices" à Capri et puis ?
Ce besoin de joindre Rome me semble très compréhensible. Jeune empereur, j'imagine qu'il faille faire démonstration de légitimité. C'était semble-t-il déjà acté au niveau de l'armée mais le reste ?

Citer :
Le bon empereur laisse les Sénateurs organiser les jeux pour le peuple ; ... organise des spectacles bien au-delà de leurs moyens, en se mettant lui-même en scène pour tisser un lien direct avec le peuple.

Avec les précédents (complots etc.), il est évident que le jeune (?) homme avait un peu perdu de sa stabilité. Là encore, je ne vois rien de très étonnant si ce n'est l'évidence d'un mal profond, le choix -comme d'autres avant lui (Jules aussi s'endettera pour le pain et les jeux)- de -à défaut du Sénat- s'attacher le peuple avec les bons vieux fils utilisés n'est pas une nouveauté.
Maintenant où mettre l'aune de la mesure lorsque tout devient démesuré ?
De plus si ces jeux permettent de toucher à la poche des sénateurs, c'est une politique. Pour conspirer, il faut payer la chaîne des conspirateurs et le prix de certains doit être "bonbon".
Moins d'argent en caisse ----> moins d'argent en circulation chez certains et il est plus facile d'en mesurer le train de vie comme les coupes franches.
A côté, je note que Commode n'avait pas même le temps de "récupérer", ce qui ne peut qu'à court terme là encore initier des problèmes au niveau santé et l'éloigner des affaires de l'Etat qui doivent demander un minimum de concentration. Ce rythme de vie servait tout le monde : le Sénat qui pouvait ronchonner et miser sur un moment d'inattention afin de frapper, la famille idem, les courtisans tout autant.

Tout peut être vu comme "flétrissure de la dignité" lorsque ceci est cherché. Même chez les plus sages, on peut certainement trouver. Rien que le fait d'être "sage" ou "philosophe" peut sembler suspect.

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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 27 Sep 2020 12:05 
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Salluste
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Je viens de refeuilleter les Pensées de Marc Aurèle. J'ai été frappé par sa vision égalitariste de l'humanité. Pour lui, un empereur et un esclave se valent et la première condition n'est pas plus enviable que la première. Ce qui importe, c'est la manière dont on assume la tâche que les Dieux nous ont assignée, car cette vision égalitariste ne conduit pas à une remise en cause de l'ordre des choses, non, au contraire, chacun doit rester à sa place et y faire le mieux qu'il peut afin de consolider l'équilibre divin du monde.

C'est un stoïcien pur jus éduqué par des philosophes stoïciens, ayant le sens du devoir aigu et prônant une moralité rigoureuse, très proche de la morale chrétienne. La sagesse, il faut plus la puiser en soi-même qu'en les autres, et il n'est pas bon de lire trop de livres, car les idées hétéroclites qui y sont renfermées peuvent finir par pervertir. On reste un peu enfermé dans ses certitudes...

De fait, on ne peut que louer Marc Aurèle d'avoir fait face avec courage et abnégation à une situation militaire très difficile durant son règne. Sa fermeté d'âme philosophique l'a sans doute beaucoup aidé. Malgré tout, sa vision du monde immobiliste, très austère, recelait en elle-même certains dangers (réformes nécessaires à l'adaptation de l'Empire non prises, danger d'une réaction contre une société bien pensante pouvant être perçue comme étouffante).

Vis-à-vis des enfants, il juge important de leurs apporter une éducation soignée et il loue les Dieux d'en avoir eu de sains et en sans tares physiques.... Je pense que Marc Aurèle n'a jamais remis en question le fait que Commode serait un jour son successeur car cela s'inscrivait, selon lui, dans l'ordre divin du monde.

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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 27 Sep 2020 12:29 
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Grégoire de Tours
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Rebecca West a écrit :
Je ne comprends toujours pas la place de ceci : "empereur fou". Orgies et débauches ne sont pas l'apanage de Commode (lisez un peu Suétone...). Tibère avait lui-aussi ses "délices" à Capri

Oui, Tibère serait également un psychopathe/sociopathe assez gratiné lui aussi.

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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 28 Sep 2020 7:26 
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Pierre de L'Estoile
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Rebecca West a écrit :
Pourquoi d'emblée cette affiche "l'empereur fou" ?
Le concept d'empereur fou existe dans l'historiographie, même si elle est plus ou moins datée. Il désigne les empereurs comme Caligula, Néron, Commode (et d'autres certainement) connus pour leurs extravagances, leur cruauté et leur incompétence. Ils ont tous finis assassinés. Je ne sais pas si les historiens romains ont inventé le terme, ou si c'est une dénomination récente.
En fait, les sources étant toutes d'opposants politiques, toutes les accusations à leur encontre sont sujettes à caution. J'ai essayé de voir comment on pouvait en comprendre certaine, tout en remarquant que les portraits de ces empereurs ont des constantes, ce qui semble indiquer que les historiens des différents empereurs brassent toujours les mêmes stéréotypes.

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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 28 Sep 2020 10:02 
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Grégoire de Tours
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Stéréotypes ou non, sources d'opposants ou non, on peut aussi objectivement arguer que -si les faits rapportés sont véridiques- dans le lot d'empereurs, certains avaient effectivement un grain. Je ne sais pas si on peut parler de pathologie clinique, mais il y a une certaine ivresse de la toute-puissance, qui va de pair avec une cruauté sans bornes, l'absence d'empathie et de limites morales, et dont on retrouve les traits aisément à travers les âges, jusque évidemment en histoire contemporaine (ici on pense à des chefs d'Etat participant ou assistant personnellement aux tortures, tels Bokassa, Idi Amin, Mobutu... ).

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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 28 Sep 2020 13:37 
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Jean Froissart
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
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.
J'ignorais que l'Histoire avait qualifié de "fous" certains empereurs cochant quatre récurrences : extravagance, cruauté, incompétence et mort violente (assassinat). Merci Nabu (je ne vais pas plus loin tellement le pseudo est impossible à retenir) :wink: Ma seule référence (c'est dire...) est Suétone et quelques lectures ici et là dont les extraits proposés plus haut.

Il est vrai que les mêmes occurrences reviennent au point de paraître des stéréotypes.

Vivre une enfance sous le régime de la terreur (vais-je/allons-nous être frappés demain ? Après demain ? Ce soir ? Etc.) et de l'arbitraire (grand ami de la terreur) n'est pas le lit d'une stabilité à venir. Chez les Julio-Claudiens, c'est une récurrence : la plupart ont vécu une partie de leur enfance dans la terreur qu'elle soit affichée et vue comme une évidence (la conduite d'Auguste face à Tibère) ou qu'elle soit montrée au doigt (on attendra le décès d'Auguste pour passer les suivants au tamis).

La terreur était habituelle (s'accompagnant de sang ou rejetant dans un exil anxiogène une/plusieurs personne.s.). Si Suétone est silencieux concernant Auguste, il l'est moins concernant Caligula et l'on sait que cet empereur n'hésitait pas à rappeler ouvertement que son bras pouvait frapper tel ou tel, ce qui est vu comme "cruauté".

Les Antonins ont certainement leur lot, c'est le contraire qui serait étrange. Ajoutons à ceci une approche stoïcienne de la vie et surtout de la fin. Si le père était "philosophe", le fils a mis a donné corps à cette philosophie. Bien vivre, bien mourir.

Se pencher sur ces comportements n'était pas encore dans l'air du temps, ce n'est pas pour autant que ceci ne crée pas des dommages, dommages qui ensuite vont se révéler souvent sous les mêmes formes : rejet de ce qui a été fait par le pouvoir précédent, nettoyage des anciennes élites, purge des tenants du pouvoir précédent qui ont appuyé certaines décisions initiant des souffrances (une pression terrorisante : exil, silence, rappels, indifférence, liens défaits, unions subies...).
Ces personnages font usage de l'arbitraire comme il en fut fait pour eux. Ils renouvellent avec quelques variantes les schémas précédents. Si l'on ajoute que les mots frères, soeurs, épouses, famille n'ont pas du tout les mêmes rapports à l'affect que de nos jours mais sont plutôt source de problèmes : on peut vite arriver aux tableaux qui s'annoncent.

Il existe des constantes (connues et mises en scène par les tragédiens grecs et certainement avant) :
- l'opposition père/fils (mais chacun sait de nos jours que c'est dans la normalité de la construction) qui peut aller jusqu'à une fronde ouverte mettant en cause les choix d'une politique et déstabilisant l'Etat.
- une famille plus élargie -censée faire bloc- et en constante rébellion (frères, soeurs, cousins). Si la rébellion ouverte n'est pas présente, elle est larvée, ce qui peut-être pire.
Lorsque les vannes s'ouvrent (purges et autres pour un peu lâcher la pression) ceci semble totalement incompréhensible pour l'extérieur.

Les normes sont amorales : "acheter" les siens pour un moment de paix ou encore pour valider une action de force. L'altérité donne des signes positifs quant à son "prix" : là nous naviguons dans un monde totalement hors des bornes d'une "moralité" telle que nous l'entendons, en gardant à l'esprit que la "moralité" est une notion éminemment subjective.

Les exécutions nettes ayant de moins en moins la cote, il faudra "faire avec" un entourage hostile qui est source d'une perpétuelle méfiance, crainte. Il n'est pas dans le psychisme de tous de "faire avec" sans craquer.
On peut le noter chez certains ici et là et cet état se traduit souvent par une fatigue, une lassitude pour les choses de l'Etat ou des décisions étonnantes (on abaisse ou élimine un tiers qui est représentatif du "problème"). L'entourage comprend -à travers cette élimination- que la mesure est pleine et rectifie -pour un temps- ses positions.

Lorsque l'on est en "fin de branche" (fils malades, absence de progéniture directe), certains laisseront carrément "filer" les choses de l'Etat.

S'ajoutent divers avatars comme autant de pression ou de tourments : usurpation d'un titre, créer un lignage durable etc. et là encore on peut noter que certains "craquent" à savoir se pose ouvertement la question de leur légitimité sur deux plans : le lignage et -lors de gros échecs- leur manière de gouverner. Etaient-ils vraiment utile de se substituer à tel ou tel ? L'Etat y a-t-il gagné ? Ceci contribue à déstabiliser la personne, la rendre plus vulnérable et comme la vulnérabilité n'était pas de mise et bien le choix est fait de frapper. Plus la pression a été/est forte, plus on frappe de manière arbitraire.
Est aussi présente la "cruauté/raison (?) d'Etat" : choix est fait -pour des raisons pragmatiques- de faire disparaitre tout un groupe de personnes. Rien de bien nouveau.

Ceci n'était pas passé à la loupe, nous avons la chance du recul et de nouvelles connaissances qui peuvent nous faire comprendre certains "stéréotypes" récurrents et nous faire constater que la récurrence n'est pas toujours le fait d'un copié-collé d'écriture.s. mais simplement un schéma de construction de toute personne du manant au puissant.
Les enjeux étant différents, ceci passe différemment à la postérité.

Comme le remarque justement Darwin, ceci a été, fut et sera de toutes les époques dans la mesure où ces actes sont validés par les intérêts des uns et/ou le silence des autres.

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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 28 Sep 2020 14:09 
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Rebec a écrit :
Merci Nabu (je ne vais pas plus loin tellement le pseudo est impossible à retenir) :wink:


Faites un copier-coller, ou allez voir le film "Matrix"... Un petit effort... :rool:

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 Sujet du message : Re: Marc Aurèle et Commode
Message Publié : 28 Sep 2020 14:38 
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Jean-Pierre Vernant
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Darwin1859 a écrit :
Stéréotypes ou non, sources d'opposants ou non, on peut aussi objectivement arguer que -si les faits rapportés sont véridiques- dans le lot d'empereurs, certains avaient effectivement un grain. Je ne sais pas si on peut parler de pathologie clinique, mais il y a une certaine ivresse de la toute-puissance, qui va de pair avec une cruauté sans bornes, l'absence d'empathie et de limites morales, et dont on retrouve les traits aisément à travers les âges, jusque évidemment en histoire contemporaine (ici on pense à des chefs d'Etat participant ou assistant personnellement aux tortures, tels Bokassa, Idi Amin, Mobutu... ).


Justement, les sources étant ce qu'elles sont je crois qu'il faut adopter une juste mesure. Cela arrangeait bien les affaires de certains que d'anciens chefs d'Etat assassinés eussent pu être fous ou surtout assimilés comme tel. Si le personnage a eu le mauvais goût de tenir en grand mépris un corps aristocratique dont vous êtes cela dédouane ; ce n'est pas un crime mais une juste punition. Tout mettre sur le compte de la folie est un peu facile ; cela évite de penser aux causes plus sous-jacentes et valide implicitement une vieille propagande.

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