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Message Publié : 18 Oct 2020 14:01 
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MITHRIDATE VI EUPATOR
Roi du Pont


Par Théodore REINACH
(Paris, Librairie de Firmin-Didot et Cie, 1890)

Mithridate VI le grand (132-63 avant JC), célèbre adversaire de Rome, fut roi du Pont de 120 à 63 avant JC. .
Le Pont était un royaume situé au sud de la mer noire, au nord de la Turquie actuelle.


I. Les origines.

1. Les ancêtres de Mithridate.

A l’origine, les ancêtres de Mithridate étaient d’obscurs nobles perses aventureux qui s’étaient emparés du pouvoir dans la ville de Cios, colonie grecque sur la mer noire, en Mysie (nord-ouest de la Turquie) pas loin du site de l’ancienne Troie. Ils en étaient devenus les tyrans à la suite des conquêtes de Cyrus. L’un d’eux, bien en cour à Persépolis, avait été satrape de Phrygie.
A leur époque, le Pont, au nord, et la Cappadoce, au sud, faisait partie de la même Satrapie. Leurs peuples étaient parents et avaient la même origine.

Puis vint Alexandre.

Prenant habilement partie dans la guerre entre ses successeurs, notamment en faveur d’Antigone le borgne, un Mithridate fut favorisé par ce dernier dans sa ville de Cios avant d’être mis à mort par son protecteur pour l’avoir trahi au profit de Cassandre son ennemi. Son fils, prénommé aussi Mithridate, ami d’enfance de Démetrios Poliorcète, fils d’Antigone et grand capitaine de son temps, s’enfuit pour éviter le même sort. Après cet « hégire », il connut un retour de fortune après la défaite d’Antigone à Ipsos en 301, et fut reconnu par les Séleucides comme souverain de ce que l’on appelait alors la « Cappadoce pontique », soit la Cappadoce du nord, celle donnant sur la mer noire, et que pour simplifier on appela très vite le Pont, du nom du Pont-Euxin, la mer noire. Le pays fut dès lors séparé de la Cappadoce proprement dite, au sud, sur laquelle régna un autre aventurier, lui aussi favorisé par les Séleucides.
Il régna sur le pays sous le nom de Mithridate 1er Ctistès, le « fondateur ».

C’est donc à la faveur des conquêtes d’Alexandre que les Mithridate allaient régner sur le Pont.

2. Le Pont avant Mithridate le grand.

180 ans séparèrent ce premier souverain du grand Mithridate. Les voisins du Pont étaient :

:arrow: La Paphlagonie, à l’Ouest.
:arrow: La Cappadoce, au Sud.

Le pays était bien moins puissant que les deux autres petits royaumes à l’ouest de l’Asie mineure, le royaume de Pergame et celui de Bithynie (le peuple de celui-ci était d’origine Thrace, des guerriers redoutables).
Durant cette période, ces monarques tentèrent de s’étendre à l’intérieur de l’Asie mineure, notamment grâce à l’aide des mercenaires gaulois. Mais ceux-ci étaient prompts à la révolte si leur salaire tardait et furent plus une plaie pour le pays qu’une force vraiment utile. Ils finirent par se fixer en Asie mineure, au centre, dans une région qui s’appela dès lors la Galatie.
Pour se prémunir contre tout danger extérieur, les rois du Pont se reconnurent les vassaux des « rois des rois » Séleucides.
En fait, ils ne réussirent alors qu’à soumettre les colonies grecques du sud de la mer noire, tout particulièrement Sinope et ses dépendances, conquis par Pharnace 1er, oncle de Mithridate, et qui devint alors la capitale du royaume. C’est là que naquit notre futur roi.

Sur le plan culturel, la religion du Pont était le Mazdéisme, d’origine perse. Mais le pays subissait l’influence prédominante de l’hellénisme.

Pharnace tenta de renouer avec une politique d’expansion mais échoua. Surtout, il avait méconnu le nouvel acteur sans lequel il n’était possible de rien tenter en Orient, Rome, qui faisait alors son entrée sur la scène dans cette partie du monde. Resté neutre, car trop loin, dans les guerres qui opposèrent la cité du Tibre aux Séleucides, le Pont n’en dut pas moins faire sa cour à l’Urbs.
Ainsi fit Mithridate V « Evergète », père du grand Mithridate, lequel se déclara client de Rome. Comme tel, il fut l’allié de Scipion Emilien à qui il amena quelques troupes pour l’aider contre Carthage dans la troisième guerre punique. Il put alors se lancer dans une politique de grande envergure en Asie mineure en imposant son autorité à la Paphlagonie, à la grande Phrygie, à la Galatie. Il épousa une princesse syrienne nommé Laodice, fille du roi Séleucide Antiochos Epiphane. Inféodée à Rome, elle fit assassiner son époux, en 120 avant JC, probablement sur l’instigation du pouvoir romain qui estimait que Mithridate V commençait à devenir un peu trop puissant, et devint régente au nom de son jeune fils le futur Mithridate VI le grand. Avec elle, le pays tomba à vaux l’eau, les territoires obtenus par Mithridate V furent perdus, sa politique réduite à néant.

Le jeune Mithridate était né à Sinope, colonie grecque de la mer noire, résidence des rois du Pont, en 132 avant JC. Plus reine que mère, Laodice estimait que son fils grandissait trop vite et n’entendait pas lui laisser le pouvoir. Elle tenta en vain de le faire mourir discrètement par « accident » ou en le faisant empoisonner, mais en vain. Il en découla chez lui une méfiance envers tous les poisons et le désir de s’immuniser contre eux par la « mithridatisation ». Réalisant que sa vie était en danger, il s’enfuit et se cacha dans la nature durant sept années.

Puis il revint subitement, et à la faveur d’un coup d’état, fit jeter sa mère en prison où elle mourut peu après. Ainsi commençait le règne de Mithridate VI, surnommé Eupator, le « bien né », car il était de noble naissance puisqu’il descendait des Séleucides (ce surnom d’ « Eupator » était emprunté au roi Séleucide Antiochos VI). Il n’avait alors que vingt ans.

II. Les premières conquêtes de Mithridate.

1. La conquête des côtes de la mer noire.

Très ambitieux, il se créa une armée très performante propre à assouvir son désir d’expansion. Celui-ci allait d’abord le tourner vers les territoires au nord de la mer noire, dans la péninsule de Crimée, appelée Tauride dans l’Antiquité.
La situation était alors explosive. Des colonies grecques avaient jadis été fondées dans cette région, la principale étant Chersonèse. Mais elles avaient beaucoup de difficultés avec les populations barbares de l’arrière-pays : les Tauriens, les Scythes, puis les Sarmates. Du temps de la puissance athénienne, elles avaient pu tenir le coup. Mais quand l’empire d’Athènes s’écroula, toutes ces cités furent livrées à elles-mêmes, face à ces sauvages aux dents longues. Les tributs qu’elles étaient obligées de leur payer pour avoir la paix étaient de plus en plus lourds. Aussi, comme plus tard les Gaulois obligés de choisir entre le Barbare Arioviste et le civilisé Jules César, elles se jetèrent dans les bras de Mithridate, au sud, afin qu’il les protège de tous ces peuples.
C’est ainsi que le roi du Pont confie, en 110 avant JC, son armée à un général grec qui connaît très bien le pays, un certain Diophante.
Au terme de quatre expéditions, celui-ci mate les Scythes, les Sarmates, les Roxolans et impose le pouvoir de son roi à toutes ces régions, le triomphe de la civilisation (grecque) sur la barbarie. Les Grecs l’acceptent, bénéficient de sa protection moyennant paiement d’un impôt. De nouveaux capitaux vont remplir les coffres du roi, de nouvelles sources de revenus viennent l’enrichir. Les expéditions contre les Barbares avaient surtout pour but d’obliger ceux-ci à lui fournir des soldats, notamment les excellents cavaliers Basterne qui devaient beaucoup l’aider plus tard dans sa guerre contre Rome. A son titre de roi du Pont, Mithridate ajoute dès lors celui de roi du Bosphore cimmérien. Les guerres en Crimée l’amènent progressivement à contrôler tout le pourtour de la mer noire, dont la légendaire Colchide, placé à présent sous sa domination ; il est réellement devenu le « roi de la mer ». Tous les Grecs admiratifs, où qu’ils soient, tournent les yeux vers lui. Tous les Barbares sont tenus en respect.

Ainsi, les trois parties de l’empire pontique de la mer noire sont dès lors:

:arrow: Le Pont, au sud, qui sera toujours loyal à son roi (les populations grecques ou autres se sentaient solidaires entre elles).
:arrow: Le royaume du Bosphore, soit les provinces du nord de la mer noire, souvent en révolte, soit contre le vice-roi placé là par Mithridate, un de ses fils, soit pour ce vice-roi.
:arrow: La Colchide, simple satrapie à l’Est, centrée sur la vallée du Phase, dont les affluents, dit-on, prodiguaient des paillettes d’or (d’où la légende de la toison d’or) habitée notamment par les Colques, qui ont donné son nom au pays.

Cela fait, de nouvelles ambitions le tournent vers :

2. La conquête de l’Asie mineure (l’actuelle Turquie).

C’est là qu’il va s’opposer à Rome.

Avant de se lancer dans cette entreprise, Mithridate veut faire un périple, un voyage incognito avec quelques amis, à travers toute l’Asie mineure, ce vers 106-105 avant Jésus Christ, afin de repérer ses points forts et ses faiblesses.
A cette époque, les deux puissances hellénistiques qui s’étaient disputées cette péninsule, les Séleucides et l’Egypte des Ptolémée avaient été exclues. Des petits pays se partageaient la région, ce sous l’influence de Rome.
Celle-ci y avait alors deux provinces :

:arrow: La province d’Asie (territoire hérité du roi de Pergame en 133 av.JC).
:arrow: La province de Cilicie-Pamphylie, au sud.

Sévissaient là tout particulièrement les publicains, les chevaliers financiers, dont les gouverneurs romains étaient pratiquement les hommes de paille, et qui ne pensaient qu’à exploiter des populations considérées comme de vulgaires troupeaux. Grande était la rancœur chez celles-ci.

A l’extérieur, les royaumes client de Rome sont:

:arrow: La Galatie.
:arrow: La Paphlagonie.
:arrow: La Cappadoce.
:arrow: La Bithynie.

S’ajoutaient quelques Etats grecs encore indépendants comme Rhodes, Cyzique et Héraclée.

La Galatie, la Paphlagonie et la Cappadoce étaient alors en proie à l’anarchie, au désordre, surtout la Galatie, une fédération de peuples gaulois dont les membres ne pensaient qu’à se vendre comme mercenaires au plus offrant.

La Bithynie, au contraire, était bien gouvernée par le roi Nicomède II, et comme telle était l’Etat le plus fort, aussi le plus ancien, éventuellement rival du Pont.

Tout ceci a bien été compris par Mithridate lors de ses pérégrinations. Il comprend le sentiment de haine des populations soumises envers Rome, ainsi que les divisions auxquelles sont en proie ces Etats. Il estime avoir des droits légitimes sur tous ces royaumes, tout particulièrement sur la Cappadoce avec qui existe une affinité de race avec le Pont, et dont la reine est la sœur de Mithridate.
Profitant de tous ces avantages, il lui faut seulement s’entendre avec cet autre ambitieux qu’est Nicomède.

Concernant Rome, Mithridate estime que le moment est propice. En effet, l’Urbs est alors aux prises, en 105 avant JC, avec l’invasion des Cimbres et des Teutons, lesquels menacent l’Italie. Le roi du Pont a probablement, d’ailleurs, envoyé une ambassade à ces derniers. Occupé en Occident, Rome ne pourrait donc s’opposer aux ambitions de Mithridate.

Qui plus est, ce dernier ne tient pas la cité du Tibre en grande estime. Pour lui, l’ère de ses conquêtes est terminée et elle ne pense plus qu’à conserver les territoires qu’elle a déjà acquis. Il voit Rome comme étant gouverné par des sénateurs corrompus et dégénérés, peu aptes à s’opposer à ses projets. Déjà le roi de Numidie Jugurtha l’avait compris (« Ville tu es à vendre, le premier acheteur te prendras »). Du reste, le roi du Pont prodigue lui aussi tout son argent dans la Ville pour corrompre le plus possible les sénateurs avides.

3. L’alliance avec la Bithynie.

Le Pont et la Bithynie, concluent alors une alliance, en 104 avant JC, le roi de l’un et celui de l’autre ayant l’arrière-pensée de prendre toutes les parts pour lui seul.

Les deux monarques s’emparent de la Paphlagonie, puis de la Galatie, ce qui rend leurs deux pays voisins de la Cappadoce.
Mais là c’est la rupture car l’un et l’autre entendent bien avoir celle-ci pour lui seul. Nicomède envahit ainsi la Cappadoce d’autant plus facilement que sa reine, sœur de Mithridate, s’est offerte à lui en mariage. Mithridate riposte, lui reprend le pays à la tête duquel il installe son jeune neveu Ariobarzane, avec Gordios, âme damné du roi du Pont, pour régent.

Fort dépité, le roi de Bithynie va se plaindre à Rome, dont il est client. Celle-ci, qui a à présent les mains libres après avoir vaincu les Cimbres et les Teutons, ordonne alors à Mithridate de rendre toutes ses conquêtes, ce qu’il est obligé de faire. Il doit en effet abandonner outre la Cappadoce, la Paphlagonie et la Galatie, tout comme Nicomède d’ailleurs.

Ainsi se terminent sur un échec huit années d’effort.

4. L’alliance avec l’Arménie.

Mithridate se tourne alors vers un nouvel allié pour remplacer la Bithynie et le trouve cette fois-ci à l’Est de son royaume, soit dans la Grande Arménie.

Celle-ci était alors à l’apogée de sa puissance sous le règne de son roi Tigrane II. Elle venait de s’agrandir de la Sophène. Mithridate, qui possédait déjà ce que l’on appelait la petite Arménie, s’allie avec Tigrane et lui donne l’une de ses filles en mariage. Sur sa demande, l’armée arménienne, en 93 avant JC, envahit la Cappadoce et réinstalle Gordios au pouvoir, homme de paille de Mithridate.
Cette fois-ci la réaction de Rome est brutale. Elle intervient en effet en envoyant une armée commandée par un jeune général du nom de Cornelius Sylla. Celui-ci passe le Taurus, entre en Cappadoce et en chasse les Arméniens. Cappadoce et Galatie sont déclarées « libres » c’est-à-dire inféodées à Rome. Mithridate a encore échoué.

5. Vers la guerre contre Rome.

Mithridate se résout à attendre un moment plus opportun et prépare peu à peu son armée. Mais les événements le surprennent.
En effet, en 91 avant JC éclate en Italie la guerre sociale, la révolte contre Rome de ses alliés italiens.

Cela pouvait être une aubaine pour le roi du Pont, car une nouvelle fois, depuis l’affaire des Cimbres et des Teutons, Rome connaissait des difficultés dont il pouvait profiter. Mais, cette révolte vient beaucoup trop tôt, il n’est pas prêt, occupé qu’il est à parachever ses conquêtes au nord de la mer noire.

Il veut cependant profiter de l’occasion, mais plus discrètement, par souverains interposés. C’est ainsi qu’il tente d’imposer son protectorat à :

:arrow: La Cappadoce.
:arrow: La Bithynie.

En Cappadoce, il chasse Ariobarzane et installe au pouvoir son fils Ariarathe.
En Bithynie, au vieux Nicomède II a succédé son fils Nicomède III, être fourbe et lâche. Son frère Socrate est imposé par le roi du Pont à sa place.

Nicomède III et Ariobarzane, évincés, vont donc se plaindre à Rome, laquelle, tout occupée qu’elle est par la guerre sociale, n’entend pas laisser diminuer son influence en Orient. Aussi, en 89 avant JC, envoie-t-elle une ambassade en Asie mineure présidée par le peu commode Aquilius, déterminé à se couvrir de gloire par d’éventuelles victoires. Arrivé là, le Romain ordonne au roi du Pont de retirer ses candidats de ces deux royaumes, ce que fait Mithridate. Cela n’arrange pas ce va-t’en guerre d’Aquilius qui veut absolument sa guerre et qui donc demande à Nicomède III, ravi, de faire piller une partie du Pont par ses troupes, rien que pour le provoquer. Cette fois-ci Mithridate, qui veut avoir le droit pour lui, envoie son ambassadeur Pelopidas tenter de négocier avec Aquilius. Mais celui-ci finit par le renvoyer ignominieusement et c’est la guerre.

Les trois principaux généraux romains qui, dans l’avenir, vont se battre contre Mithridate seront :

:arrow: Sylla.
:arrow: Lucullus.
:arrow: Pompée.


La suite dans quelques jours...

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«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
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Message Publié : 18 Oct 2020 14:50 
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Ce n'est pas Midas, le roi doré de la légende, qui fut roi de Colchide ?

Merci pour ce début de récit.

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Message Publié : 18 Oct 2020 16:34 
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Jean Froissart
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Pierma (ou un autre modérateur) pourriez-vous corriger la double faute de frappe ( impardonnable) que j'ai faite dans le titre : il faut lire Eupator ? :oops:

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Message Publié : 18 Oct 2020 17:37 
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Oulligator a écrit :
Pierma (ou un autre modérateur) pourriez-vous corriger la double faute de frappe ( impardonnable) que j'ai faite dans le titre : il faut lire Eupator ? :oops:

Un collègue est passé avant moi, mais il a oublié de le corriger aussi dans la reproduction du titre à chaque post.
(C'est une indication technique à ce collègue bien intentionné...) :wink:

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Message Publié : 24 Oct 2020 8:19 
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Merci pour ce résumé Ouligator. Très intéressant.

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La classe des sots politiques est, de toutes les classes de sots, la plus sotte (Alexandre Erdan).


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Message Publié : 25 Oct 2020 18:09 
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Jean Froissart
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Troisième acte de cette biographie, la guerre avec Sylla :

III. La première guerre entre Rome et Mithridate (87-83 avant JC) (SYLLA).

A ce moment, Rome est très mal préparée à ce conflit. Outre qu’elle est en pleine guerre sociale en Italie, elle ne dispose que d’une petite armée en Asie mineure, à laquelle s’ajoutent les contingents des royaumes clients. Aquilius dispose en tout de 190000 hommes, comprenant outre ses légionnaires, les troupes de ses alliés orientaux. En face de lui, l’armée de Mithridate est de 300000 hommes, composant des troupes très diverses. Outre le corps d’élite qu’est la phalange de mercenaires grecs, il y a des Cappadociens, Sarmates, Scythes, Basternes, quelques mercenaires galates…

1. Les premiers succès.

Aquilius a divisé ses troupes en quatre corps d’armée, division qui diminue l’efficacité sans empêcher la propagation d’une éventuelle défaite d’un corps d’armée à l’autre. Mithridate a donné rendez-vous à toutes les troupes de son empire en un point de rassemblement, la plaine d’Amasia. Mais il n’a pas pu attendre que soit achevée cette concentration car déjà les Bithyniens attaquent. Le roi du pont envoie une armée commandée par deux de ses généraux, deux frères grecs, Néoptolème et Archélaos, les combattre. Ils sont victorieux et les écrasent. Arrivé peu après sur les lieux du combat, Mithridate veut poursuivre son avantage et ne pas laisser le temps aux Romains de se ressaisir. C’est ainsi qu’il bat successivement les troupes romaines et conquiert la Mysie et la Bithynie, au Nord-ouest.

La voie vers la province romaine d’Asie lui est dès lors ouverte.

Dès qu’il l’envahit, toutes les populations se livrent à lui avec enthousiasme tant était grande leur haine envers les publicains et les proconsuls romains. Mithridate s’empare des villes d’Asie mineure une par une. Habile, il fait libérer les prisonniers de guerre asiatiques en leur donnant l’argent nécessaire à leur retour chez eux. Seul, Oppius, lieutenant d’Aquilius, résiste un temps dans une forteresse avec quelques légionnaires romains. Il doit finalement se rendre au roi du Pont qui le traite avec dignité. Aquilius, quant à lui, s’est réfugié à Pergame, puis à Mytilène. Là, il est livré par les habitants au maître du Pont, lequel assouvit sur lui sa colère, car il le tient pour responsable de la guerre. Il l’oblige à suivre son armée à travers l’Asie mineure, attaché sur un âne. On ignore quelle fut sa fin.

Cela fait, Mithridate conquiert les îles, dont Chios et Lesbos.

Mithridate, en cette année 89 avant JC, est à présent maître de toute l’Asie mineure.

Or, subsistaient dans celle-ci les résidents romains et italiens, près de cent mille individus présents là depuis un siècle, une éventuelle armée d’espions pour le compte de Rome, et qui déjà attisaient des révoltes contre le Pont. Tenter de les gagner était chimérique. Les expulser était impossible, les surveiller encore plus. Alors que fallait-il faire ? les massacrer, seule solution. C’est l’objet du décret d’Ephèse de 88 avant JC promulgué par le roi du Pont.

Ainsi les « vêpres éphésiennes » sont-elles décidées par Mithridate et 80000 de ces résidants sont exterminés. Cela est facile tant est grande la haine des Grecs d’Asie envers eux, celle des pauvres envers les riches. Au moins, l’officialisation du fait par Mithridate permet de canaliser les violences et d’empêcher les abus, car sinon le peuple aurait été capable de tuer tous les riches, Grecs ou non Grecs.

Il est regrettable cependant que le roi du Pont n’ait pas fait la distinction entre les citoyens Romains et les Italiens qui ne l’étaient pas car s’il l’avait faite, il aurait pu, tel un nouveau Pyrrhus, débarquer en Italie soutenir les Italiens révoltés contre Rome, alors en pleine guerre sociale. Du reste il a reçu avant le drame une ambassade de la part des Samnites.

Cette expansion en Asie ne lui suffit pas, il veut aussi s’emparer de la Grèce.

2. La conquête de la Grèce.

Contrairement aux Grecs d’Asie qui souffraient énormément du joug romain, les Grecs d’Europe étaient plus heureux car ils avaient été ménagés par l’Urbs, peut-être parce que celle-ci savait ce qu’elle lui devait sur le plan culturel. Non réduite en province, les cités grecques gardaient une certaine autonomie. C’était surtout le cas d’Athènes qui conservait une partie de son empire maritime, quelques clérouquies, grâce au bon vouloir de Rome. En fait, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même et si les autres Grecs étaient résignés à la sujétion romaine, la ville de Pallas désirait la secouer car elle était nostalgique de son glorieux passé.

Ainsi envoie-t-elle une ambassade dirigée par le philosophe sophiste Aristion à Mithridate, lequel l’accueille royalement. A son retour, Aristion vante la puissance de Mithridate, détermine ses compatriotes à rompre avec Rome et à le mettre au pouvoir. Sous sa direction, les Athéniens tentent d’obliger Délos à les suivre dans leur rebellion mais doivent y renoncer devant l’énergique défense d’un général romain. Il est donc clair qu’ils ne pourront conquérir l’Hellade à eux seuls et doivent appeler Mithridate.

Le roi du Pont envoie alors une flotte commandée par Archélaos destinée à aider la cité. En fait, les Athéniens ont échangé la domination romaine contre le régime de terreur imposé par Aristion inféodé à Mithridate, car ce petit tyran, se montrant impitoyable avec les opposants, fait tuer tous ceux qui tentent de s’enfuir. Athènes est devenu une « sous-préfecture » de l’empire pontique. A partir d’Athènes, et aidé par les Thraces au nord alliés de Mithridate, Archélaos conquiert pour son maître tout le reste de la Grèce, l’Eubée, le Péloponnèse.

Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, Mithridate tente de s’emparer de l’île de Rhodes. Mais là, il se heurte à l’opposition de l’élite dirigeante, les marchands doriens. Non que ceux-ci soient très attachés à Rome qui les a peu ménagés dans le passé. Mais estiment-ils, les succès du Pont ne dureront pas et Rome ne leur pardonnera pas leur défection. Aussi se résolvent-ils à résister à Mithridate. Celui-ci a beau faire, tous les assauts qu’il lançe contre l’île échouent et il est même un moment sur le point d’être capturé.
Malgré tout, il est devenu très puissant. En cette année 88, il est maître d’un immense empire comprenant :

:arrow: La mer noire.
:arrow: L’Asie mineure.
:arrow: La Grèce.

Après la mer noire, la mer Egée est devenu son lac. De simple roitelet local, il est devenu l’un des souverains les plus puissants de son temps. Tel Alexandre, il réunit en sa personne l’Orient et l’Occident.

Mais la roche tarpéienne est près du Capitole. Les vêpres éphésiennes ont creusé dans le sang le fossé entre Rome et Mithridate et les paix à venir entre les deux puissances ne pourront être que des armistices temporaires. Rome a certes, devant tous les succès du Pont, connu la panique. Alors que la guerre sociale n’est pas encore terminée, elle réalise qu’elle a perdu toutes ces conquêtes d’Asie et même la Grèce. Il lui faut réagir et très vite.

3. Le temps des revers.

Cependant, la lutte entre les partis qui sévit à Rome va retarder le départ de ses armées pour l’Orient. En effet, les deux hommes forts sont Marius, chef des Populares, et Sylla, chef des Optimates. Finalement, menacé de se voir supprimer son commandement militaire, Sylla fait entrer son armée dans l’Urbs, prend le pouvoir et met les Populares hors-la-loi. Cela fait, il va rejoindre ses troupes à Capoue et gagne l’Epire.

De là, il entreprend de reconquérir la Grèce.

Là, outre la prise d’Athènes, il va remporter deux grandes victoires :

:arrow: Chéronée.
:arrow: Orchomène.

Auparavant, le gouverneur de Macédoine, Brutius Surra, homme brave, avec une petite armée romaine a déjà commencé les opérations. Il a réussi à dégager la place de Thespies, seule ville grecque restée fidèle à Rome. Mais il doit revenir en Macédoine sur le point d’être envahi par les Thraces et laisse la place à Sylla. Il a néanmoins beaucoup travaillé pour lui, car dès l’arrivée du Romain, la plupart des villes grecques se rallient à lui, font amende honorable. Finalement, l’armée pontique ne garde plus que l’Attique et l’Eubée, Sylla est maître du Péloponnèse.

Il décide de reprendre Athènes et met le siège devant la ville. A cette époque les longs murs de Périclès n’existent plus et le Pirée et la ville haute sont séparés par des murs défensifs distincts. Sylla choisit d’assiéger d’abord le Pirée, mais il s’enlise car ses assauts se heurtent à la vigoureuse défense d’Archélaos, général de Mithridate, déterminé à garder la ville. Sylla est inquiet. En effet, une armée pontique de secours de 100000 hommes, commandée par Ariarathe, fils de Mithridate, et son mentor Taxile, est en train de fondre sur la Macédoine par le nord et il faut que le général prenne Athènes avant son arrivée. Heureusement pour le Romain, Ariarathe, très inexpérimenté, avance lentement. Une fois arrivé en Macédoine, il fait mine de se rendre indépendant de son père.
Sylla piétine ainsi devant Athènes toute une année, surtout face au port du Pirée. Mais grâce à des espions présents dans la ville, il parvient à faire une brèche dans une muraille de la ville haute par laquelle se ruent ses légionnaires. C’est le massacre d’une grande partie des habitants. Le Pirée est pris peu après. Aristion est capturé.

Mithridate vient de perdre sa base d’opération en Grèce.
Sylla va ensuite à la rencontre de l’armée d’Ariarathe et de Taxile, rejoints par Archélaos. Ariarathe meurt sur ces entrefaites, probablement empoisonné sur ordre de son père Mithridate.
Sylla est encore inquiet car son armée est nettement inférieure en nombre à celle des Asiatiques. Il ne l’en écrase pas moins en Béotie à la bataille de Chéronée, en 86 avant JC, combat lors duquel la mobilité de la légion prouva une nouvelle fois sa supériorité sur l’ordonnancement massif de la phalange (ainsi que sur les chars à faux des Pontiques, « artillerie » de l’époque). De plus, la « cohue » asiatique confirma elle aussi sa faiblesse face à l’ordre romain.

Cet exploit accompli, Sylla ne peut temporairement aller plus loin, c’est-à-dire poursuivre la guerre en Macédoine car il n’a pas assez de troupes. En attendant les renforts, il en profite pour régler ses comptes en Grèce. Athènes est châtiée. Elle garde ses territoires mais ses institutions sont empêchées de fonctionner. Elle est repeuplée par des immigrés qui prennent la place des anciens citoyens morts.
Pendant ce temps, Mithridate est resté en Asie mineure organiser ses conquêtes. Tout de suite après l’éviction de Rome, le pays a connu un âge d’or grâce à la politique habile du roi du Pont. Celui-ci a en effet supprimé les impôts, organisé des spectacles qu’il présidait. Mais sa popularité est grande uniquement chez les patriotes grecs, les partis démocratiques.
Les classes dirigeantes, elles, regrettent Rome avec qui elles faisaient des affaires. De plus les levées d’hommes pour aller combattre en Grèce exaspèrent les populations. Existe dans plusieurs villes des partis proromains désirant le retour de Rome. Mithridate le sait et sévit. Ainsi, il fait mettre à mort les tétrarques galates accusés de l’avoir trahi au profit de l’Urbs. Il fait déporter, par son général Zenobios, les habitants de l’île de Chios soupçonnés de vouloir rappeler les Romains.

Il tente de faire la même chose pour Ephèse, mais là les habitants tuent Zenobios, se révoltent et mettent à leur tête un gouvernement proromain (alors qu’auparavant ils avaient manifesté tant de haine à l’égard de Rome en massacrant les Romains !). D’autres villes dans la région (Tralles, Metropolis…) la suivent dans la révolte. Furieux, Mithridate les réprime toutes, mais ne peut réduire Ephèse. De plus, ses provinces de la mer noire, gouvernées par son fils le prince Mithridate, tendent à remettre en question son pouvoir.
Toujours habile, le roi du Pont décide de baisser la pression en se faisant le champion de la révolution sociale en Asie mineure, soit en abolissant les dettes, en libérant les esclaves. Mais du coup, les classes dirigeantes se détachent encore plus de lui et un peu partout des complots se trament contre le roi du Pont. Celui-ci réagit en imposant la terreur dans toute la péninsule.
Ainsi, dans cette guerre en Asie mineure :

:arrow: Les élites sont pour Rome.
:arrow: Le peuple est pour Mithridate.

En fait, le meilleur moyen de retrouver son crédit en Asie mineure est de reconquérir la Grèce. A cette fin, il envoie une deuxième armée en Europe commandée par son ami d’enfance Dorylaos, laquelle rejoint les débris de l’armée d’Archélaos.
Entretemps, Sylla a été mis hors la loi par les Populares, les démocrates, qui ont repris le pouvoir à Rome. Ceux-ci ont envoyé une armée commandée par Valerius Flaccus, chargé de démettre Sylla de son commandement. Audacieux, Sylla, qui sait que ses légionnaires sont avec lui, part à sa rencontre. Les Romains vont-ils se combattre sous les yeux des Orientaux étonnés ? Non, car Sylla, apprenant que l’armée pontique de Dorylaos est arrivée en Grèce, repart en arrière pour s’opposer à lui.

La rencontre a lieu de nouveau en Béotie à Orchomène, fin 86. Grâce aux tranchées que Sylla a fait creuser autour du camp pontique et malgré les attaques répétées de la cavalerie ennemie pour gêner les travailleurs, les Romains écrasent leurs adversaires. Archélaos et Dorylaos s’enfuient.

Chéronée et Orchomène, deux victoires romaines qui ôtèrent la Grèce à Mithridate de façon définitive.
Après cela, Sylla devrait tenter logiquement d’envahir l’Asie mineure. Mais il n’a pas de bateaux. Pour s’en procurer, il a envoyé son questeur Lucullus s’en procurer en Méditerranée.

4. La paix de Dardanos (85 avant JC).

Comprenant qu’il est réellement vaincu, Archélaos prend le parti de conclure la paix avec Sylla, et ce sans en référer à son roi. Une rencontre entre les deux hommes est organisée à Délion, près d’Aulis, sur la côte grecque. Aristion est la victime de cette entente entre les deux généraux. Sur la demande d’Archélaos, dont il était l’ennemi intime, Sylla le fait empoisonner. Le Pont abandonne toutes ses conquêtes en Asie mineure, y compris la Paphlagonie. Il faut seulement que Mithridate ratifie ces préliminaires.
Sur ces entrefaites, Flaccus a continué vers le nord, vers Byzance, pour pouvoir de là débarquer en Asie mineure. Mais une sédition a éclaté dans son armée dirigée par son légat Fimbria. Flaccus finit par être tué et Fimbria continue la guerre à sa place. Il débarque en Asie mineure et ravage la Bithynie. Puis il entre dans la province d’Asie de Rome.

De son côté Lucullus, lieutenant de Sylla, après un périple jusqu’en Egypte, a obtenu une flotte et ravage les côtes de l’Asie mineure. Lui et Fimbria parviennent à coincer Mithridate dans la ville de Pitanée et sont sur le point de le capturer. Mais Lucullus refuse de s’entendre avec ce voyou de Fimbria (qui plus est un démocrate) et cette division permet au roi du Pont de s’enfuir.

Quand Mithridate apprend l’accord conclu par Archélaos, il accepte presque tout, mais pas la cession de la Paphlagonie qu’il tient encore en main. Diviser pour régner, le roi du Pont va tenter de s’appuyer sur l’armée romaine de Fimbria, d’obédience démocrate, contre Sylla. Sylla est furieux mais ne veux pas céder.

Finalement, Sylla et Mithridate se rencontrent en Asie mineure dans la ville de Dardanos, en 85 avant JC. Mithridate renonce à ses conquêtes d’Asie mineure, laquelle est de toute façon soit reconquise par Rome, soit en insurrection. Il renonce aussi à la Paphlagonie. Nicomède III et Ariobarzane, candidats des Romains, sont réintégrés en Bithynie et en Cappadoce.

Cela fait, Sylla se débarrasse de Fimbria, contraint au suicide, et récupère ses troupes.

Il réorganise la province d’Asie en imposant de nouveau le joug romain. La province paie chère sa révolte. La lutte entre « Romanisants » (les riches) et les « Cappadocisants » (le peuple) se termine au profit des premiers. La guerre a exacerbé les clivages sociaux. Outre moult exécutions, un énorme tribut est exigé de l’Asie ce qui achève de la ruiner. L’imposition directe tend certes à remplacer l’affermage des impôts par les publicains, mais ceux-ci continuent malgré tout à sévir.

Après avoir réglé tous ces problèmes, Sylla laisse les anciennes légions de Fimbria garder l’Asie, avec Murena pour gouverneur, puis rentre à Rome ou il va en découdre avec les Populares et se faire dictateur.

En conclusion :

Sylla a su faire des concessions, car c’est la première fois depuis un siècle que Rome dépose les armes sans avoir complètement anéanti son adversaire, soit en poursuivant la guerre en Asie mineure. Surtout, elle accepte de passer l’éponge sur le massacre des 80000 Italiens ! Mais Sylla estime qu’il ne peut faire autrement. Il lui faudrait de longues années avant de venir à bout de Mithridate et la guerre civile couve à Rome. Il ne pourra compter sur aucun renfort de l’Urbs. Il a davantage traité au nom de l’oligarchie, soit de ses intérêts personnels, plutôt qu’à celui de Rome, gouverné par les démocrates.

En fait, la guerre aboutit à un match nul. Pour Rome, c’est une paix boiteuse, et les Romains sont convaincus que rien ne sera réglé tant que vivra Mithridate. De son côté, le roi du Pont, persuadé que son échec n’est dû qu’à la trahison, brûle de prendre sa revanche. Il a échoué dans sa conquête de l’Asie mineure, encore plus dans sa volonté d’unifier l’hellénisme sous sa domination.

Ainsi se termine le premier acte de la guerre entre Rome et Mithridate.

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«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
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Message Publié : 25 Oct 2020 18:53 
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La suite...


IV. La deuxième guerre entre Rome et Mithridate (74-67 avant JC). (LUCULLUS)


1. Les préliminaires.

Le roi du Pont s’occupe alors de remettre de l’ordre dans ses provinces de la mer noire. Son royaume du Bosphore, au nord de la mer noire, s’est en effet révolté contre lui au nom de son fils le prince Mithridate. Le roi est obligé de faire exécuter celui-ci avant de mater la rébellion. De la même manière, il réimpose son pouvoir à la Colchide, à l’Est.

Mais il va avoir beaucoup de difficultés avec le gouverneur de la province d’Asie Murena. Celui-ci, qui recherche absolument la gloire, et sous prétexte que la paix de Dardanos n’a pas encore été ratifié par le Sénat, envahit le Pont à partir de la Cappadoce et lui fait une guerre de razzias pendant trois ans. Mithridate finit par perdre patience, passe l’Halys et nettoie toutes les garnisons romaines de Cappadoce. Sylla qui veut la paix pour faciliter son œuvre de réorganisation intérieure à Rome envoie son légat Gabinius mettre d’accord les deux belligérants. Les choses s’arrangent. Mais Mithridate a gardé quelques districts de Cappadoce. Il finit par les rendre, tandis que la mort de Sylla remet tout en question.

En effet, tant Rome que le Pont se livrent à une « course aux armements » toujours génératrice de tensions, et dans les deux camps on sait qu’une nouvelle guerre ne va pas tarder à éclater.

2. Nouvelle situation en Orient.

En Orient, des bouleversements se sont produits. La Syrie des Séleucides, l’Egypte et le royaume Parthe, les trois grandes puissances du coin, sont en totale perte de vitesse. A la place, deux puissances nouvelles tendent à imposer leur loi dans cette partie du monde :
L’Arménie.
Les pirates.

Précisément, la puissance qui émerge et qui impose sa volonté sur le continent est l’Arménie, avec pour roi Tigrane II, gendre de Mithridate de qui il a été l’allié. Elle met plus ou moins en vassalité l’empire Parthe, conquiert la Syrie sur les Séleucides.

De leur côté, le déclin des royaumes hellénistique et la conquête romaine ont accru le brigandage, surtout sur mer, et les pirates, principalement centrés sur la Cilicie, sévissent dans toute la Méditerranée. Du coup, la province romaine de Cilicie supplante par son importance aux yeux de Rome la province d’Asie, devient le boulevard de la domination romaine en Asie mineure, car il faut surveiller ces pirates, et il est clair qu’une future guerre entre l’Urbs et le Pont partira de cette province.

Mithridate va beaucoup tabler sur ces deux forces, rechercher leur alliance. Les pirates notamment fourniront des bateaux à sa flotte, se joindront à lui.

3. Montée des tensions.

Mais le coup de maître réussi par le roi du Pont est son alliance avec Sertorius, chef du parti des Populares, des démocrates, en Espagne.

Mithridate lui envoie des vaisseaux et de l’argent. Sertorius, au nom de Rome, accepte de lui abandonner tous les territoires de l’Asie mineure à l’extérieur des deux provinces romaines (mais pas celles-ci cependant). Il lui envoie des soldats qui vont l’aider à réformer son armée, notamment l’officier M.Marius le borgne.

Pour l’heure, la méfiance grandit dans les deux camps. Ainsi Mithridate, aidé des immigrés romains du parti démocrate, réorganise son armée à la romaine, fait en sorte qu’elle se rapproche davantage par sa forme des légions. Ainsi son armée est-elle moins colossale que celle de la guerre précédente mais plus performante.

Comme lors de la première guerre, c’est à propos de la Bithynie que le nouveau conflit va éclater.

En effet, ce triste sire de Nicomède III finit par mourir. Mais auparavant, il a légué son royaume à Rome, comme dans le cas des Attalides. Or, il a un fils, le jeune Nicomède, mais il est batard. De toute façon, Rome accepte le leg et la Bithynie devient province romaine. C’est une véritable déclaration de guerre à Mithridate car, alors les Romains sont maîtres du détroit du Bosphore, à l’entrée de la mer noire, et peuvent ruiner le commerce du Pont.

Qui plus est, Rome n’a décidément rien compris à la leçon de la guerre précédente et laisse de nouveau les publicains rapaces opprimer les populations, à présent en plus celles de la Bithynie.

4. La guerre en Bithynie.

Cette « guerre de succession de Bithynie » est engagée par Mithridate, lequel, en l’année 74 avant JC, lance son armée sur ce royaume devenu province romaine. Très habile, le roi du Pont se présente de nouveau comme un libérateur, proclame que les dettes sont abolies. Surtout, il affirme agir au nom du gouvernement démocrate de Sertorius, ce qui est très intelligent car cela donne un semblant de légalité à sa guerre puisque pour les populations le lien avec Rome ne paraît pas complètement rompu. Aussi fait-il entrer avant lui le représentant de son allié M.Marius dans chaque ville prise. De plus, cela fait espérer à Mithridate la possibilité d’une double invasion de l’Italie.

A la tête de la province de Bithynie se trouve le proconsul Cotta. Rome nomme proconsul de Cilicie Lucullus, ancien lieutenant de Sylla, et lui donne la direction de toutes les opérations en Asie. Celui-ci récupère les légions de Fimbria en poste dans la région et, avec les légions de Cilicie en plus, s’avance vers Mithridate.

Le roi du Pont remporte alors une grande victoire en Bithynie à Chalcédoine. Les forces de Cotta sont écrasées.

Mais il n’a fait que battre l’armée romaine la plus faible car il lui faut affronter les troupes du redoutable Lucullus. D’abord celui-ci évite le combat car ces troupes sont très inférieures en nombre, et se contente de le harceler, avec succès. De guerre lasse, Mithridate met alors le siège devant le port de Cyzique, sur l’Hellespont, seule cité à être restée fidèle à Rome. Mais les habitants lui opposent une défense ardue. Lucullus arrive, bloque le seul défilé qui donne accès à la ville, et d’assiégeant Mithridate finit par se retrouver assiégé. Il est finalement contraint de reprendre la mer en ayant subi de très lourdes pertes et c’est pour lui un terrible échec.

En parallèle à ces opérations, il a aussi envoyé ses escadres en Méditerranée jusqu’en Espagne où règne Sertorius. Les Romains sont alors très inquiets car ils ont peur que les Pontiques débarquent en Italie. Mais finalement, le second de Lucullus, Triarius, détruit les derniers vaisseaux du Pont à Tenedos.

Mithridate ravage encore la Bithynie pendant quelques mois, mais ne cesse de reculer devant Lucullus. Il va notamment s’enfermer dans la ville de Nicomédie, sur la Propontide (mer de Marmara). Lucullus et son lieutenant Voconius tentent de le coincer dans cette souricière, de le capturer, comme jadis à Pitanée. Mais de même que Lucullus avait alors manqué à Fimbria, ce crétin de Voconius prend son temps, arrive trop tard, et manque donc à Lucullus (juste retour des choses), ce qui permet à Mithridate de s’échapper. Lucullus inflige cependant des défaites à ses lieutenants. Il capture notamment M.Marius et le fait exécuter.

5. La défense du Pont.

Finalement, le roi rejoint son royaume du Pont et le met en défense contre les Romains qui vont arriver.
Il recherche des alliances partout, notamment en Arménie, mais son roi fait alors la sourde oreille. Il installe son quartier général au cœur du Pont, à Cabira, sur le Lycos, où il concentre toutes ces forces. De là il inflige quelques défaites à Lucullus, notamment en détruisant sa cavalerie commandée par Pompilius. Mais il ne peut empêcher son ennemi de faire venir son ravitaillement de Cappadoce car toutes les interceptions qu’il tente à cette fin échouent. Finalement, suite à une panique qui s’installe dans son armée, et à l’attaque de Lucullus qui s’ensuit à Cabira, Mithridate abandonne ses troupes, s’enfuit à Comana. De là, il gagne l’Arménie implorer l’aide de son gendre Tigrane II (71 avant JC).

Mais auparavant, il a fait massacrer tout son harem ainsi que ses sœurs retranchés dans la forteresse de Pharnacie, car il ne veut pas que toutes ces dames tombent au pouvoir des Romains. Il leur a seulement laissé le choix de leur mort, il est trop bon ! (certaines de ses concubines sont terrorisées, d’autres acceptent la mort comme une délivrance).

6. Mithridate en Arménie.

Le roi d’Arménie Tigrane II est alors le souverain le plus puissant de l’Asie antérieure. Il est maître d’un grand empire, mais celui-ci est très hétérogène. Très égoïste, il se soucie fort peu du sort de Mithridate et l’assigne à résidence dans une forteresse au fin fond de l’Arménie.

Pendant ce temps, Lucullus s’est emparé de toutes les villes du Pont une par une. Pourtant, les Grecs du royaume lui opposent une forte résistance, moins par amour pour Mithridate que pour éviter le triste sort de leurs congénères soumis à Rome. Lucullus a notamment concentré ses efforts sur les capitales :

:arrow: Sinope.
:arrow: Amisos.
:arrow: Amasie.


Il a pris d’abord Amisos qui lui a beaucoup résisté. Cotta quant à lui s’est emparé de la ville d’Héraclée qu’il a livré au pillage de ses hommes. Sinope et Amasie sont tombées ensuite. Cela fait, Lucullus, philhellène, a réorganisé la province d’Asie, notamment en essayant de régulariser l’exploitation financière par les publicains, ce qui a rendu la domination de Rome un peu moins dure (mais en même temps, il s’est attiré l’inimitié de ces financiers).

Puis, il s’est tourné vers l’Arménie. Il a envoyé une ambassade à Tigrane exigeant que lui soit livré Mithridate. De plus, il n’admet pas les prétentions arméniennes sur la Commagène et estime que sa présence là peut remettre en cause l’influence romaine en Asie mineure. Il ne veut pas que l’Arménie ait accès à la Méditerranée. Mais Tigrane II répond négativement à toutes les demandes de Lucullus, ce qui équivaut à une véritable déclaration de guerre à Rome. Le souverain semble dans ce domaine totalement inconscient ; il plane.

Lucullus par conséquent décide d’attaquer l’Arménie, malgré de légitimes hésitations car il sait que ce pays très montagneux au climat rude est difficile d’accès. Tigrane finit par sortir de sa réserve et se prépare lui aussi à la guerre. Ainsi, accepte-il enfin de rencontrer son gendre Mithridate. Il décide de lui confier des troupes pour reconquérir son royaume du Pont. De son côté, le roi d’Arménie entreprend d’attaquer la Cilicie romaine.

Mais il n’a pas fini de s’organiser que déjà, dans une guerre éclair, les Romains de Lucullus sont entrés dans son royaume. D’abord surpris (il aurait même fait pendre le messager apportant cette nouvelle pourtant exacte !), Tigrane envoie alors son général, Mithrobarzanès, ramener « mort ou vif » le Romain. En fait, c’est Mithrobarzanès qui est vaincu et tué par les légions de ce dernier.
Tigrane, qui réalise enfin l’immensité du danger, décide d’aller défendre sa nouvelle capitale, Tigranocerte, créée ex nihilo par lui au centre d’un empire démesurément agrandi, et où se trouve son harem et ses trésors, menacée par les Romains. Tous ses vassaux lui ont envoyé leurs troupes. Ainsi dispose-t-il d’une énorme armée de 80000 hommes mais indisciplinée et peu motivée, une véritable « cohue ». Pourtant, quand il voit la petite armée de 20000 hommes de Lucullus, il choisit de lui livrer bataille sans attendre les troupes de Mithridate. C’est la bataille de Tigranocerte lors de laquelle son armée est écrasée, malgré la disproportion des forces. Tigrane II s’enfuit. Désespéré, il rejoint Mithridate, lequel tente de lui remonter le moral. Le roi du Pont devient dès lors l’homme fort de la guerre car il connaît bien mieux ses ennemis que Tigrane.

La défaite connue par ce dernier a pour conséquence la perte des terres au sud du Tigre par l’Arménie. Les populations en profitent pour secouer sa domination et se joindre aux Romains. Tigrane évacue la Syrie (après avoir au préalable fait décapiter sa reine, Séléné, qu’il tenait prisonnière). Il fait retraite vers le nord du Tigre, vers le lac de Van et mobilise son peuple en faisant vibrer le sentiment national et surtout religieux contre l’envahisseur romain.

Lui et Mithridate, désormais prudents, se contentent d’harceler les Romains et évitent toute bataille rangée. Cela agace Lucullus qui, perdant patience, décide d’attaquer au nord la vieille capitale de l’Arménie Artaxata. Tigrane veut la sauver car c’est là cette fois-ci qu’il a mis harem et trésor. Aussi offre-t-il le combat aux Romains dans la vallée orientale de l’Euphrate. C’est la bataille de l’Arsaxiane qui voit encore une fois Lucullus vainqueur. Mais c’est une victoire à la Pyrrhus car l’hiver, terrible en Arménie, arrive et ses légionnaires rechignent à aller jusqu’à Artaxata, beaucoup trop loin. La mort dans l’âme, Lucullus est obligé de faire retraite. Il parvient cependant, après un long siège, la défense étant dirigée par l’ingénieur grec Callimaque, à prendre Nisibos, seule ville possédée encore par l’Arménie au sud du Tigre. Mais ce sera sa dernière victoire.

En effet, Lucullus, jouisseur et hautain, est très impopulaire auprès de ses troupes, également à Rome où sa morgue aristocratique insupporte. Tant qu’il est victorieux tout va bien, mais s’il connaît des défaites, personne ne lui fait plus confiance. Or, à présent, il va justement avoir une série de revers qui vont le conduire à terme à la disgrâce.

7. La remontée de Mithridate.

A Nisibos, les troupes romaines sont travaillées par un certain P.Clodius, le futur démagogue ennemi de Milon, aussi le beau-frère de Lucullus. Les anciennes légions de Fimbria en particulier, dont l’engagement arrive à terme, disent tout net à leur général qu’elles n’iront pas plus loin ! Lucullus est donc coincé là, à un moment où ses lieutenants ont du mal à se maintenir dans le Pont.
En effet, les Romains ne se sont pas rendus populaires dans leur nouvelle conquête loin de là. Ainsi, les troupes d’Hadrianus, un lieutenant de Lucullus, sont vaincues par celle de Mithridate, de retour dans son ancien royaume. Hadrianus est obligé de faire appel à son chef, Triarius, (le vainqueur de Tenedos), lequel dès qu’il arrive dans le Pont concentre ses forces. Mais il se fait battre à son tour par le roi du Pont à la bataille de Zela, sur l’Iris. Ses soldats sont massacrés et lui-même doit se réfugier à Cabira où il est menacé d’être tué par ses légionnaires. Lucullus arrive alors et le sauve, mais ne parvient pas à redresser la situation. Partout, les forces romaines, disséminées, sont exterminées.
Lucullus a en effet abandonné toute illusion sur l’Arménie et se résout à perdre toutes ses conquêtes à l’Est de l’Euphrate. Tigrane II reconquiert en effet tout son empire. Tous les efforts du Romain vont donc se limiter à défendre le Pont.
Mais même là la partie est rapidement perdue, car Mithridate reconquiert son ancien royaume. Lorsque la commission sénatoriale chargée d’établir l’organisation de la nouvelle province, peuplée pourtant d’amis du général, arrive dans le pays, il lui faut bien se rendre à l’évidence : la province du Pont n’existe plus. Mithridate est vainqueur.
Mithridate a donc repris son royaume, dévasté certes, mais sur lequel il règne de nouveau. Il réorganise son armée, châtie les villes et les particuliers qui se sont montrés déloyales. Le roi a alors près de 65 ans.
Lucullus, de son côté, reste cantonné avec ses troupes sur le moyen Halys. Ses conquêtes en Arménie se sont évanouies en fumée. Il ne peut empêcher les cavaliers arméniens de ravager la Cappadoce, ni les Pontiques de faire des raids en Bithynie. La province romaine d’Asie est aussi menacée. Le Sénat lui a, en principe, envoyé un remplaçant nommé Groupion, ainsi qu’un nouveau gouverneur de Bithynie, Marcius Rex. Mais Lucullus fait fi de la légalité et refuse de leur céder la place. Il espère qu’une nouvelle victoire va inverser le cours de la guerre. Il se leurre, cependant, car ses soldats l’abandonnent peu à peu.
Nous sommes en 67 avant JC et après sept ans de lutte, la guerre se termine de nouveau par un match nul. Mithridate est toujours menaçant.

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L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
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Message Publié : 01 Nov 2020 10:43 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 13 Mars 2010 20:44
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Bel effort...
à partir de quelle époque Mithridate commence à absorber régulièrement une minuscule dose de poison ?

_________________
il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 04 Nov 2020 17:44 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 03 Nov 2020 20:42
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Oulligator a écrit :
MITHRIDATE VI EUPATOR
Roi du Pont


Par Théodore REINACH
(Paris, Librairie de Firmin-Didot et Cie, 1890)

Mithridate VI le grand (132-63 avant JC), célèbre adversaire de Rome, fut roi du Pont de 120 à 63 avant JC. .
Le Pont était un royaume situé au sud de la mer noire, au nord de la Turquie actuelle.


I. Les origines.

1. Les ancêtres de Mithridate.

A l’origine, les ancêtres de Mithridate étaient d’obscurs nobles perses aventureux qui s’étaient emparés du pouvoir dans la ville de Cios, colonie grecque sur la mer noire, en Mysie (nord-ouest de la Turquie) pas loin du site de l’ancienne Troie. Ils en étaient devenus les tyrans à la suite des conquêtes de Cyrus. L’un d’eux, bien en cour à Persépolis, avait été satrape de Phrygie.
A leur époque, le Pont, au nord, et la Cappadoce, au sud, faisait partie de la même Satrapie. Leurs peuples étaient parents et avaient la même origine.

Puis vint Alexandre.

Prenant habilement partie dans la guerre entre ses successeurs, notamment en faveur d’Antigone le borgne, un Mithridate fut favorisé par ce dernier dans sa ville de Cios avant d’être mis à mort par son protecteur pour l’avoir trahi au profit de Cassandre son ennemi. Son fils, prénommé aussi Mithridate, ami d’enfance de Démetrios Poliorcète, fils d’Antigone et grand capitaine de son temps, s’enfuit pour éviter le même sort. Après cet « hégire », il connut un retour de fortune après la défaite d’Antigone à Ipsos en 301, et fut reconnu par les Séleucides comme souverain de ce que l’on appelait alors la « Cappadoce pontique », soit la Cappadoce du nord, celle donnant sur la mer noire, et que pour simplifier on appela très vite le Pont, du nom du Pont-Euxin, la mer noire. Le pays fut dès lors séparé de la Cappadoce proprement dite, au sud, sur laquelle régna un autre aventurier, lui aussi favorisé par les Séleucides.
Il régna sur le pays sous le nom de Mithridate 1er Ctistès, le « fondateur ».

C’est donc à la faveur des conquêtes d’Alexandre que les Mithridate allaient régner sur le Pont.

2. Le Pont avant Mithridate le grand.

180 ans séparèrent ce premier souverain du grand Mithridate. Les voisins du Pont étaient :

:arrow: La Paphlagonie, à l’Ouest.
:arrow: La Cappadoce, au Sud.

Le pays était bien moins puissant que les deux autres petits royaumes à l’ouest de l’Asie mineure, le royaume de Pergame et celui de Bithynie (le peuple de celui-ci était d’origine Thrace, des guerriers redoutables).
Durant cette période, ces monarques tentèrent de s’étendre à l’intérieur de l’Asie mineure, notamment grâce à l’aide des mercenaires gaulois. Mais ceux-ci étaient prompts à la révolte si leur salaire tardait et furent plus une plaie pour le pays qu’une force vraiment utile. Ils finirent par se fixer en Asie mineure, au centre, dans une région qui s’appela dès lors la Galatie.
Pour se prémunir contre tout danger extérieur, les rois du Pont se reconnurent les vassaux des « rois des rois » Séleucides.
En fait, ils ne réussirent alors qu’à soumettre les colonies grecques du sud de la mer noire, tout particulièrement Sinope et ses dépendances, conquis par Pharnace 1er, oncle de Mithridate, et qui devint alors la capitale du royaume. C’est là que naquit notre futur roi.

Sur le plan culturel, la religion du Pont était le Mazdéisme, d’origine perse. Mais le pays subissait l’influence prédominante de l’hellénisme.

Pharnace tenta de renouer avec une politique d’expansion mais échoua. Surtout, il avait méconnu le nouvel acteur sans lequel il n’était possible de rien tenter en Orient, Rome, qui faisait alors son entrée sur la scène dans cette partie du monde. Resté neutre, car trop loin, dans les guerres qui opposèrent la cité du Tibre aux Séleucides, le Pont n’en dut pas moins faire sa cour à l’Urbs.
Ainsi fit Mithridate V « Evergète », père du grand Mithridate, lequel se déclara client de Rome. Comme tel, il fut l’allié de Scipion Emilien à qui il amena quelques troupes pour l’aider contre Carthage dans la troisième guerre punique. Il put alors se lancer dans une politique de grande envergure en Asie mineure en imposant son autorité à la Paphlagonie, à la grande Phrygie, à la Galatie. Il épousa une princesse syrienne nommé Laodice, fille du roi Séleucide Antiochos Epiphane. Inféodée à Rome, elle fit assassiner son époux, en 120 avant JC, probablement sur l’instigation du pouvoir romain qui estimait que Mithridate V commençait à devenir un peu trop puissant, et devint régente au nom de son jeune fils le futur Mithridate VI le grand. Avec elle, le pays tomba à vaux l’eau, les territoires obtenus par Mithridate V furent perdus, sa politique réduite à néant.

Le jeune Mithridate était né à Sinope, colonie grecque de la mer noire, résidence des rois du Pont, en 132 avant JC. Plus reine que mère, Laodice estimait que son fils grandissait trop vite et n’entendait pas lui laisser le pouvoir. Elle tenta en vain de le faire mourir discrètement par « accident » ou en le faisant empoisonner, mais en vain. Il en découla chez lui une méfiance envers tous les poisons et le désir de s’immuniser contre eux par la « mithridatisation ». Réalisant que sa vie était en danger, il s’enfuit et se cacha dans la nature durant sept années.

Puis il revint subitement, et à la faveur d’un coup d’état, fit jeter sa mère en prison où elle mourut peu après. Ainsi commençait le règne de Mithridate VI, surnommé Eupator, le « bien né », car il était de noble naissance puisqu’il descendait des Séleucides (ce surnom d’ « Eupator » était emprunté au roi Séleucide Antiochos VI). Il n’avait alors que vingt ans.

II. Les premières conquêtes de Mithridate.

1. La conquête des côtes de la mer noire.

Très ambitieux, il se créa une armée très performante propre à assouvir son désir d’expansion. Celui-ci allait d’abord le tourner vers les territoires au nord de la mer noire, dans la péninsule de Crimée, appelée Tauride dans l’Antiquité.
La situation était alors explosive. Des colonies grecques avaient jadis été fondées dans cette région, la principale étant Chersonèse. Mais elles avaient beaucoup de difficultés avec les populations barbares de l’arrière-pays : les Tauriens, les Scythes, puis les Sarmates. Du temps de la puissance athénienne, elles avaient pu tenir le coup. Mais quand l’empire d’Athènes s’écroula, toutes ces cités furent livrées à elles-mêmes, face à ces sauvages aux dents longues. Les tributs qu’elles étaient obligées de leur payer pour avoir la paix étaient de plus en plus lourds. Aussi, comme plus tard les Gaulois obligés de choisir entre le Barbare Arioviste et le civilisé Jules César, elles se jetèrent dans les bras de Mithridate, au sud, afin qu’il les protège de tous ces peuples.
C’est ainsi que le roi du Pont confie, en 110 avant JC, son armée à un général grec qui connaît très bien le pays, un certain Diophante.
Au terme de quatre expéditions, celui-ci mate les Scythes, les Sarmates, les Roxolans et impose le pouvoir de son roi à toutes ces régions, le triomphe de la civilisation (grecque) sur la barbarie. Les Grecs l’acceptent, bénéficient de sa protection moyennant paiement d’un impôt. De nouveaux capitaux vont remplir les coffres du roi, de nouvelles sources de revenus viennent l’enrichir. Les expéditions contre les Barbares avaient surtout pour but d’obliger ceux-ci à lui fournir des soldats, notamment les excellents cavaliers Basterne qui devaient beaucoup l’aider plus tard dans sa guerre contre Rome. A son titre de roi du Pont, Mithridate ajoute dès lors celui de roi du Bosphore cimmérien. Les guerres en Crimée l’amènent progressivement à contrôler tout le pourtour de la mer noire, dont la légendaire Colchide, placé à présent sous sa domination ; il est réellement devenu le « roi de la mer ». Tous les Grecs admiratifs, où qu’ils soient, tournent les yeux vers lui. Tous les Barbares sont tenus en respect.

Ainsi, les trois parties de l’empire pontique de la mer noire sont dès lors:

:arrow: Le Pont, au sud, qui sera toujours loyal à son roi (les populations grecques ou autres se sentaient solidaires entre elles).
:arrow: Le royaume du Bosphore, soit les provinces du nord de la mer noire, souvent en révolte, soit contre le vice-roi placé là par Mithridate, un de ses fils, soit pour ce vice-roi.
:arrow: La Colchide, simple satrapie à l’Est, centrée sur la vallée du Phase, dont les affluents, dit-on, prodiguaient des paillettes d’or (d’où la légende de la toison d’or) habitée notamment par les Colques, qui ont donné son nom au pays.

Cela fait, de nouvelles ambitions le tournent vers :
obtenir crédit
2. La conquête de l’Asie mineure (l’actuelle Turquie).

C’est là qu’il va s’opposer à Rome.

Avant de se lancer dans cette entreprise, Mithridate veut faire un périple, un voyage incognito avec quelques amis, à travers toute l’Asie mineure, ce vers 106-105 avant Jésus Christ, afin de repérer ses points forts et ses faiblesses.
A cette époque, les deux puissances hellénistiques qui s’étaient disputées cette péninsule, les Séleucides et l’Egypte des Ptolémée avaient été exclues. Des petits pays se partageaient la région, ce sous l’influence de Rome.
Celle-ci y avait alors deux provinces :

:arrow: La province d’Asie (territoire hérité du roi de Pergame en 133 av.JC).
:arrow: La province de Cilicie-Pamphylie, au sud.

Sévissaient là tout particulièrement les publicains, les chevaliers financiers, dont les gouverneurs romains étaient pratiquement les hommes de paille, et qui ne pensaient qu’à exploiter des populations considérées comme de vulgaires troupeaux. Grande était la rancœur chez celles-ci.

A l’extérieur, les royaumes client de Rome sont:

:arrow: La Galatie.
:arrow: La Paphlagonie.
:arrow: La Cappadoce.
:arrow: La Bithynie.

S’ajoutaient quelques Etats grecs encore indépendants comme Rhodes, Cyzique et Héraclée.

La Galatie, la Paphlagonie et la Cappadoce étaient alors en proie à l’anarchie, au désordre, surtout la Galatie, une fédération de peuples gaulois dont les membres ne pensaient qu’à se vendre comme mercenaires au plus offrant.

La Bithynie, au contraire, était bien gouvernée par le roi Nicomède II, et comme telle était l’Etat le plus fort, aussi le plus ancien, éventuellement rival du Pont.

Tout ceci a bien été compris par Mithridate lors de ses pérégrinations. Il comprend le sentiment de haine des populations soumises envers Rome, ainsi que les divisions auxquelles sont en proie ces Etats. Il estime avoir des droits légitimes sur tous ces royaumes, tout particulièrement sur la Cappadoce avec qui existe une affinité de race avec le Pont, et dont la reine est la sœur de Mithridate.
Profitant de tous ces avantages, il lui faut seulement s’entendre avec cet autre ambitieux qu’est Nicomède.

Concernant Rome, Mithridate estime que le moment est propice. En effet, l’Urbs est alors aux prises, en 105 avant JC, avec l’invasion des Cimbres et des Teutons, lesquels menacent l’Italie. Le roi du Pont a probablement, d’ailleurs, envoyé une ambassade à ces derniers. Occupé en Occident, Rome ne pourrait donc s’opposer aux ambitions de Mithridate.

Qui plus est, ce dernier ne tient pas la cité du Tibre en grande estime. Pour lui, l’ère de ses conquêtes est terminée et elle ne pense plus qu’à conserver les territoires qu’elle a déjà acquis. Il voit Rome comme étant gouverné par des sénateurs corrompus et dégénérés, peu aptes à s’opposer à ses projets. Déjà le roi de Numidie Jugurtha l’avait compris (« Ville tu es à vendre, le premier acheteur te prendras »). Du reste, le roi du Pont prodigue lui aussi tout son argent dans la Ville pour corrompre le plus possible les sénateurs avides.

3. L’alliance avec la Bithynie.

Le Pont et la Bithynie, concluent alors une alliance, en 104 avant JC, le roi de l’un et celui de l’autre ayant l’arrière-pensée de prendre toutes les parts pour lui seul.

Les deux monarques s’emparent de la Paphlagonie, puis de la Galatie, ce qui rend leurs deux pays voisins de la Cappadoce.
Mais là c’est la rupture car l’un et l’autre entendent bien avoir celle-ci pour lui seul. Nicomède envahit ainsi la Cappadoce d’autant plus facilement que sa reine, sœur de Mithridate, s’est offerte à lui en mariage. Mithridate riposte, lui reprend le pays à la tête duquel il installe son jeune neveu Ariobarzane, avec Gordios, âme damné du roi du Pont, pour régent.

Fort dépité, le roi de Bithynie va se plaindre à Rome, dont il est client. Celle-ci, qui a à présent les mains libres après avoir vaincu les Cimbres et les Teutons, ordonne alors à Mithridate de rendre toutes ses conquêtes, ce qu’il est obligé de faire. Il doit en effet abandonner outre la Cappadoce, la Paphlagonie et la Galatie, tout comme Nicomède d’ailleurs.

Ainsi se terminent sur un échec huit années d’effort.

4. L’alliance avec l’Arménie.

Mithridate se tourne alors vers un nouvel allié pour remplacer la Bithynie et le trouve cette fois-ci à l’Est de son royaume, soit dans la Grande Arménie.

Celle-ci était alors à l’apogée de sa puissance sous le règne de son roi Tigrane II. Elle venait de s’agrandir de la Sophène. Mithridate, qui possédait déjà ce que l’on appelait la petite Arménie, s’allie avec Tigrane et lui donne l’une de ses filles en mariage. Sur sa demande, l’armée arménienne, en 93 avant JC, envahit la Cappadoce et réinstalle Gordios au pouvoir, homme de paille de Mithridate.
Cette fois-ci la réaction de Rome est brutale. Elle intervient en effet en envoyant une armée commandée par un jeune général du nom de Cornelius Sylla. Celui-ci passe le Taurus, entre en Cappadoce et en chasse les Arméniens. Cappadoce et Galatie sont déclarées « libres » c’est-à-dire inféodées à Rome. Mithridate a encore échoué.

5. Vers la guerre contre Rome.

Mithridate se résout à attendre un moment plus opportun et prépare peu à peu son armée. Mais les événements le surprennent.
En effet, en 91 avant JC éclate en Italie la guerre sociale, la révolte contre Rome de ses alliés italiens.

Cela pouvait être une aubaine pour le roi du Pont, car une nouvelle fois, depuis l’affaire des Cimbres et des Teutons, Rome connaissait des difficultés dont il pouvait profiter. Mais, cette révolte vient beaucoup trop tôt, il n’est pas prêt, occupé qu’il est à parachever ses conquêtes au nord de la mer noire.

Il veut cependant profiter de l’occasion, mais plus discrètement, par souverains interposés. C’est ainsi qu’il tente d’imposer son protectorat à :

:arrow: La Cappadoce.
:arrow: La Bithynie.

En Cappadoce, il chasse Ariobarzane et installe au pouvoir son fils Ariarathe.
En Bithynie, au vieux Nicomède II a succédé son fils Nicomède III, être fourbe et lâche. Son frère Socrate est imposé par le roi du Pont à sa place.

Nicomède III et Ariobarzane, évincés, vont donc se plaindre à Rome, laquelle, tout occupée qu’elle est par la guerre sociale, n’entend pas laisser diminuer son influence en Orient. Aussi, en 89 avant JC, envoie-t-elle une ambassade en Asie mineure présidée par le peu commode Aquilius, déterminé à se couvrir de gloire par d’éventuelles victoires. Arrivé là, le Romain ordonne au roi du Pont de retirer ses candidats de ces deux royaumes, ce que fait Mithridate. Cela n’arrange pas ce va-t’en guerre d’Aquilius qui veut absolument sa guerre et qui donc demande à Nicomède III, ravi, de faire piller une partie du Pont par ses troupes, rien que pour le provoquer. Cette fois-ci Mithridate, qui veut avoir le droit pour lui, envoie son ambassadeur Pelopidas tenter de négocier avec Aquilius. Mais celui-ci finit par le renvoyer ignominieusement et c’est la guerre.

Les trois principaux généraux romains qui, dans l’avenir, vont se battre contre Mithridate seront :

:arrow: Sylla.
:arrow: Lucullus.
:arrow: Pompée.


La suite dans quelques jours...

Bonjour, je voudrai savoir si l'auteur de Mithridate et Eupator a aussi conçu d'autres histoires à part ceci


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Message Publié : 05 Nov 2020 5:03 
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Si on s'en réfère à la notice Wikipedia, Théodore Reinach aurait écrit ces ouvrages :

:arrow: Histoire des Israélites, Paris, Hachette, 1885.
:arrow: Mithridate Eupator, roi de Pont, Paris, Firmin-Didot, 1890.
- Prix Bordin de l’Académie française en 1891.
:arrow: Textes d'auteurs grecs et romains relatifs au judaïsme, 1895.
:arrow: Charles de Valois et les Juifs, 1901.
:arrow: Livret de l'opéra d'Albert Roussel La Naissance de la lyre, 1923.
:arrow: Histoire sommaire de l'affaire Dreyfus, 1924.
:arrow: La musique grecque, 1926.
:arrow: Œuvres complètes de Flavius Josèphe, 1932.


On voit donc que notre ouvrage a reçu un prix un an après sa publication.

_________________
«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
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Message Publié : 13 Nov 2020 17:16 
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Inscription : 29 Jan 2007 8:51
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La suite et fin :



V. Les dernières luttes (66-63 avant JC).
(POMPEE)

1. La situation au départ.

Mais encore une fois la roche tarpéienne est près du Capitole. Le roi du Pont va en effet perdre ses trois atouts majeurs :

:arrow: L’Arménie.
:arrow: Les pirates.
:arrow: L’oligarchie romaine.

En effet, les fils de Tigrane II se sont révoltés contre leur père. Celui-ci a fait exécuter son aîné, mais son cadet, Tigrane le jeune, s’est enfui chez les Parthes. A tort ou à raison, le roi d’Arménie croit Mithridate instigateur de ces complots. Aussi le laisse-t-il tomber.

Les pirates quant à eux ont été aidés par le Pont qui leur a envoyé des vaisseaux en Crète pour lutter contre Rome. Ayant le sens de l’honneur, ils lui ont rendu la pareille en fournissant des bateaux à son escadre. Mais eux aussi vont manquer à Mithridate.

Précisément, ces abrutis de sénateurs romains ont mis vingt ans à comprendre que cela ne servait à rien de détruire leurs points d’appui terrestres à droite et à gauche, car ils partaient commettre leurs méfaits ailleurs. Le seul moyen de les anéantir complètement était de les battre dans leur élément propre, la mer. Aussi, la loi Gabinia confie-t-elle plein pouvoir sur toutes les côtes de la Méditerranée au grand Pompée pour qu’il puisse les vaincre. Cela est fait, et le roi du Pont perd alors de précieux alliés.

Enfin, les échecs répétés de Rome dans leur volonté d’en finir définitivement avec lui, ont marqué la faillite du gouvernement des optimates, du sénat conservateur. Aussi le parti démocrate met-il à sa tête Pompée, vainqueur des pirates, lequel oblige la haute assemblée, par la loi Manilia de 66 avant JC, à lui confier la guerre contre le Pont.


2. La guerre contre Pompée.

Pompée arrive donc en Asie mineure et rencontre à Danila, en Galatie, Lucullus. Les deux hommes en viennent presque aux mains. Après quoi Lucullus rentre piteusement à Rome tandis que Pompée récupère toutes ses troupes. Il a obtenu le gouvernement de la Cilicie et de la Bithynie, ainsi que les pleins pouvoirs dans la guerre contre Mithridate. Très puissant, il dispose de près de 60000 hommes, ce qui est énorme. En face, le roi du Pont n’a avec lui que 30000 hommes, qui plus est inférieurs en qualité.

Dans ces conditions, Mithridate en reste à la stratégie qui avait été la sienne en Arménie, c’est-à-dire se contente d’harceler les troupes romaines, en empêchant en particulier leur ravitaillement. Cependant, la cavalerie de Pompée parvient à prendre en embuscade celle du Pont et à l’anéantir, ce qui rouvre aux Romains les lignes de ravitaillement venant de Cappadoce.

Mithridate se réfugie alors sur une hauteur où il est inexpugnable, près du Lycos à Dasteira (Nicopolis). Pompée fait entourer son camp de circonvallations. A la faveur de la nuit, l’armée asiatique passe entre les lignes romaines et s’échappe. Elle doit ensuite faire retraite. Mais où aller ? Les Romains sont partout. La seule solution est de franchir l’Euphrate et d’aller demander l’hospitalité à Tigrane II.


3. La fuite de Mithridate.

Mais alors que l’armée pontique passe dans des défilés rocheux qui sont des passages difficiles, elle est brusquement attaquée par les forces de Pompée. C’est un anéantissement total et Mithridate ne peut que s’enfuir avec 800 cavaliers.

Ce sera son dernier combat contre les Romains.

Finalement, le roi du Pont se retrouve seul avec deux compagnons dévoués et sa concubine, une redoutable amazone, femme intrépide nommée Hypsicratée, qui lui est absolument fidèle. Ensemble, ils vont se réfugier au fin fond du Pont et de l’Arménie dans la forteresse de Sinoria.

Aux abois, le roi du Pont prend le parti de quitter sa forteresse (en y laissant sa fille adorée qui, malade, ne peut le suivre) pour aller vers l’Euphrate, rejoindre Tigrane II. Hélas, persuadé que Mithridate a trempé dans la révolte de ses fils, le roi d’Arménie a condamné son beau-père. Aussi, quand Mithridate arrive à la frontière du royaume supposé allié, il est surpris, au lieu de voir arriver la garde d’honneur qu’il avait eu la fois précédente, d’apprendre que sa tête a été mise à prix !

Un autre que Mithridate se serait complètement effondré, pas lui. Puisque l’Est, l’Ouest, le Sud lui sont fermés, il ira vers le Nord, c’est-à-dire vers la Colchide, et de là vers son royaume bosporan (le Bosphore cimmérien).

Celui-ci s’était rendu indépendant du roi du Pont. En effet, Mithridate lui avait donné pour vice-roi son fils Macharès. Mais ce dernier avait fait défection, s’était révolté contre son père et avait fait la paix avec Rome. Puis, il avait occupé la Colchide, à l’Est de la mer noire. Toutes les villes de Colchide ne l’avaient pas pour autant suivi dans sa rébellion, mais dans l’ensemble le pays se considérait indépendant.

Pour atteindre la Colchide, Mithridate, avec l’armée de Pompée sur les talons, doit longer l’Est de la mer noire, des côtes difficiles d’accès et inhospitalières, aussi peuplés par des tribus farouches, hostiles aux étrangers, voués à la piraterie, les Achéens. Mithridate doit aussi composer avec les peuples du Caucase, les Albans et les Ibères. Heureusement, il a beaucoup d’or avec lui, ce qui lui permet de les acheter. Finalement, au terme d’une véritable « anabase », il atteint la Colchide où son or l’aide aussi à reprendre le pouvoir. Puis il fonce vers son royaume bosporan en découdre avec son fils Macharès. Celui-ci, après avoir tenté en vain d’obtenir son pardon, se suicide dans la ville de Panticapée.

Ainsi, Mithridate qui, vaincu par Pompée, avait perdu le Pont, a réussi, en cette année de 65 avant JC, à reconquérir un autre royaume, celui du Bosphore cimmérien. Politique, il pardonne à peu près à tout le monde, excepté aux conseillers de son fils qui sont mis à mort.


4. Mithridate au nord de la mer noire.

Pendant ce temps, Pompée a conquis une par une toutes les forteresses du Pont, dont Sinoria (la fille de Mithridate qui se trouvait encore là fut tuée par un eunuque pour pas qu’elle tombe au pouvoir des Romains). L’une des épouses de Mithridate nommée Stratonice, fort dépitée d’avoir été abandonnée par son mari, livre aux Romains la forteresse de Symphorion où se trouvent de nombreux trésors (pour se venger, Mithridate fit mettre à mort le fils qu’il avait eu de cette femme, alors au pouvoir des Pontiques)
Cela fait, Pompée s’est rendu à Amisos au sud de la mer noire où il a convoqué tous les rois d’Orient. Là, il réorganise toutes ces contrées, dont le Pont. Celui-ci est morcelé en une pluralité de régions, chacune donnée à un roitelet. La puissance de Mithridate semble donc complètement abattue.

En effet, contrairement à ce qui avait été le cas avec Lucullus, l’ancien roi du Pont ne peut songer à reconquérir son royaume bien tenu par les Romains. Il est cette fois-ci coincé beaucoup trop loin. La seule voie de retour possible serait par la mer noire mais elle est dominée par la flotte romaine.

Aussi, Mithridate tente-t-il de faire la paix avec Pompée en envoyant l’un de ses fils négocier avec lui. Il lui demande de lui rendre son royaume, en retour de quoi Mithridate reconnaîtra la suzeraineté de Rome. Il rêve ! Effectivement, Pompée se garde bien d’accepter car ce serait donner au roi du Pont de nouveaux moyens de menacer le pouvoir romain en Orient et il faudrait tout recommencer. Aussi exige-t-il que, à l’instar des autres rois locaux, Mithridate se présente personnellement devant lui, c’est-à-dire se rende à merci. Ce dernier, qui n’est pas fou, refuse et les négociations en restent là.

Logiquement, Pompée devrait le poursuivre au nord de la mer noire et en finir alors avec lui. Mais il se soucie fort peu de risquer sa belle armée dans le labyrinthe de voies autour de cette mer. Aussi, au printemps 64 avant JC, décide-t-il de quitter Amisos pour régler d’autres affaires en Judée, escomptant que la famine viendra à bout de son ennemi.

Celui-ci se trouve certes dans un « grenier à blé », mais la flotte romaine qui domine la mer noire ne peut que ruiner le commerce du pays. De fait, à tout navire marchand il est interdit par les autorités romaines de se rendre dans le nord.


5. Nouveaux projets de guerre.

Malgré tout, Mithridate ne désespère pas, bien au contraire. A près de soixante-dix ans, ce vieux lutteur conçoit un nouveau plan tout à fait grandiose. En effet, avec sa petite armée, il envisage… d’envahir l’Italie, pas moins !

Précisément, il fait le projet de quitter son royaume bosporan, de longer le Danube et de recueillir au passage tous les alliés qu’il pourra, soit des peuples avec qui il a toujours entretenu de bonnes relations : les Scythes, les Sarmates, les Gaulois du Danube. Peu à peu, il estime qu’il sera à la tête de cent mille hommes, lesquels par la Pannonie, franchiront les Alpes avant de déferler ensuite sur toute l’Italie. Après cela, avec tous ces Barbares avec lui, il tentera de prendre Rome, ce que ne réussiront que cinq siècles plus tard Alaric, Genséric et Totila. Après tout, les Cimbres et les Teutons ont bien passé ces montagnes, et ils étaient moins redoutables que lui.

A l’époque où il met au point son plan, l’Italie est menacée par la guerre civile, les Populares font régner un climat de division, la conjuration de Catilina, avec toutes ses ramifications, introduit partout le désordre. C’est le moment de se lancer dans l’aventure. Hannibal a bien ravagé la péninsule avec ses Gaulois du Rhône, lui le fera avec les Gaulois du Danube.

Les historiens ont parlé de la folie du roi qui osait imaginer un projet aussi chimérique alors qu’il semblait aux abois. En fait, le plan était théoriquement réalisable. Mais il eut fallu pour cela que son armée de base soit bien tenue en main par son maître pour qu’elle puisse au mieux remplir sa fonction de boule de neige. Or, le Bosphore cimmérien souffrait beaucoup alors de la tyrannie du roi obligé d’en retirer le maximum en le pressurant d’impôts. Peu à peu une opposition se forme. Elle se communique à l’armée, notamment aux émigrés romains du parti démocrate peu désireux de faire la guerre en Italie, encore moins de violer le sanctuaire national.


6. La fin de Mithridate.

La crise éclate dans la forteresse de Phanagorie, située à un endroit stratégique sur le Bosphore cimmérien. Le gouverneur de cette forteresse, le Rhodien Castor, se révolte avec ses soldats et livre les filles de Mithridate présentes en ce lieu à la flotte romaine. La révolte se propage dans le pays.

De tous les fils de Mithridate, mis à mort un par un par leur père, il ne restait plus que Pharnace sur qui il avait reporté toute son affection. Mais celui-ci, las d’attendre la mort de son père pour lui succéder, prend la tête de la révolte. Mithridate en a vent et la réprime. Il pardonne cependant à son fils. Ne lui restent fidèles pour le moment que sa ville de Panticapée où il réside et l’armée. Mais là aussi des troubles prennent naissance. Mithridate tente d’y pallier par moult exécutions, mais cela ne diminue pas les menaces de sédition loin s’en faut.

Pharnace récidive. Il se rend au camp des émigrés romains et leur parle de la tyrannie de son père. Ceux-ci se révoltent alors et leur rébellion se répand peu à peu dans le pays. Finalement, Mithridate se retrouve seul acculé dans son palais.

Il comprend alors que son règne est fini et demande seulement à son fils Pharnace un saufconduit pour partir, mais en vain. Alors, pour éviter la honte d’être livré aux Romains, il prend le parti de se suicider. Mais sa « mithridatisation » a trop bien marché ; le poison qu’il absorbe n’agit pas. Aussi se résout-il à demander à l’un de ses gardes du corps, le Gaulois Bituit, de le tuer. Loyal, celui-ci s’exécute… et l’exécute.

Ainsi finit Mithridate le grand, à l’âge de 69 ans, au bout de sa cinquante-septième année de règne, en l’année 63 avant JC.
Peu après le grand Pompée arrive à Panticapée. Il ordonne que le corps de Mithridate soit placé dans la nécropole de ses ancêtres. Puis il investit Pharnace du royaume du Pont sous condition qu’il reconnaisse la suzeraineté de Rome bien sûr.




Conclusion.

Mithridate VI Eupator le grand a tenté d’unifier tout l’hellénisme sous une autorité unique, préfigurant par là le futur empire byzantin, né après le partage de 395 quatre siècles plus tard, et qui sera, comme chacun sait, un empire grec. Coté romain, sa mort marque :
La fin du cauchemar d’une éventuelle invasion de l’Italie.

La fin de la résistance de l’hellénisme oriental.

De fait, la victoire de Rome la met directement au contact de l’empire des Parthes et établit sa domination sur toutes les terres jusqu’à l’Euphrate.

Les guerres menées par l’Urbs contre le roi du Pont ont été déterminantes dans sa politique intérieure dans la mesure où elles ont précipité l’évolution vers le régime impériale, la monarchie militaire, le gouvernement oligarchique de l’aristocratie sénatoriale s’étant révélé impropre à organiser toutes ces opérations. Avant Mithridate, les généraux romains avaient un pouvoir limité dans le temps (un an tout au plus) et dans l’espace. Il fallut peu à peu assigner à leur mission une durée plus longue et une amplitude géographique plus grande, ce qui sera effectif à partir du règne d’Auguste où l’on verra se créer une armée permanente. Ce sont les guerres contre Mithridate qui ont nécessité ces changements.

On a dit que Mithridate était le « Pierre le grand de l’Antiquité ». Mais pour être l’égale de son émule russe, il lui manquait un idéal soutenu avec constance. Or, on relève chez lui une contradiction entre le souci d’unifier tout l’hellénisme et l’ambition contraire de mobiliser religieusement les populations d’Asie en Arménie ainsi que les hordes barbares du nord de la mer noire contre la civilisation occidentale. A moins que l’on ne voit réellement en lui un nouvel Alexandre (son modèle), celui qui voulait unifier l’Orient et l’Occident. En fait, Mithridate était un « sultan », un roi oriental avec tous ses caprices.

Mais ce qui demeure le plus durable dans son œuvre, c’est d’avoir sauvé l’hellénisme du nord de la mer noire contre les nomades scythes et autres qui le menaçaient. Notamment, les deux villes de Panticapée et de Chersonèse lui sont redevables de cette politique. Si Panticapée succombera un jour sous les coups des Huns, Chersonèse durera jusqu’au Xe siècle et c’est précisément dans cette ville que le Clovis des Russes, St Wladimir, conquis par sa conquête sur Byzance, se fera chrétien avant de convertir à sa foi la future sainte Russie.

Par la volonté de Mithridate, un tel destin devait être rendu possible en même temps que l’on voit comment le roi du Pont tend la main à Pierre le grand.

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Message Publié : 13 Nov 2020 20:33 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Merci pour cet excellent résumé!


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