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Sauvages et ensauvagés, Révoltes Bagaudes et ensauvagement, ordre sauvage et paléomarchand (un livre accessible sur OpenEditions que je n'ai pas fini de lire), les auteurs placent les bagaudes dans un contexte de "guerre sociale" qui court de la fin du IIe siècle à la fin du IIIe siècle... et au delà
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Les textes sur la guerre sociale de la fin du IIIème siècle ne parlent pas explicitement de servi, ou de servi fugitivi, ne font pas de distinction entre les catégories de ruraux révoltés, sans doute parce que, depuis le début des troubles sociaux, depuis le banditisme de masse de Maternus, puis surtout lors des crises des années 250-280, des fractions entières des campagnes gauloises se sont libérées. Les bagaudes ne sont pas une explosion sociale vers 284, mais un long mouvement de libération rurale durant pratiquement tout le IIIème siècle, accompagnant la crise de l'Etat et de ses organes de répression centrale.
Bien sur il y a les invasions, mais comme le dit Pedro ce ne sont peut-être que des bandes armés qui pratiquent le pillage. Plus important sans doute, et qui précède en tout cas les invasions, est le phénomène d'un banditisme de masse dès la fin du IIe siècle. Le chef le plus connu de ces troupes de brigands est sans doute Maternus, même si les sources sont à prendre avec précaution. Sa troupe serait composée à la fois de soldats déserteurs, de paysans révoltés, mais aussi d'artisans désoeuvrés issus des villes. Elle est assez puissante et organisée pour s'attaquer frontalement à des légions.
Les bagaudes proprement dites commencent 70 ans après cet épisode. Entre temps, il y a les invasions et leurs pillages qui courent sur presque 30 ans, qui sont peut-être parallèles à la continuité d'un brigandage mais de façon plus diffuse, moins organisé. On a trop peu d'éléments pour juger, mais on pourrait aussi faire l'hypothèse que si des bandes "barbares" pénètrent en Gaule, c'est justement parce qu'ils savent que le pouvoir et l'armée sont déjà ébranlés.
Pourquoi ces révoltes qui virent au brigandage dès la fin du IIe siècle, alors ? Epidémies, famines… les causes sont évidemment multiples. Mais les auteurs, en citant des archéologues, pointent que les grands domaines semblent arréter de fonctionner avec une main d'oeuvre servile vers le début du IIIe siècle. Les premières révoltes sont donc — peut être — le fait d'esclaves en train de se libérer ou récemment libérés. Pour les bagaudes, c'est beaucoup moins sur, il s'est passé beaucoup de temps... et de toute façon les textes citent les chefs mais ne s'attardent pas sur la composition des troupes.
Donc si je récapitule la chronologie présentée par les auteurs :
- vers 185, révoltes armés de déserteurs et de paysans en Gaule, dont certaines s'organisent en véritables armées qui défient l'Empire, dans un contexte où les villae réduisent leur main d'oeuvre servile, peut-être parce que les esclaves se libèrent tout seuls
- entre 190 et 240, retour au calme relatif avec probablement une persistance d'un banditisme dans les zones difficiles d'accès
- entre 250 et 280, incursions de bandes "barbares" qui affaiblissent les centres de pouvoir. Probablement que d'autres esclaves ou paysans dépendants en profitent pour se libérer
- après 280, début des bagaudes, c'est-à-dire des révoltes plus organisées