Yannick LE PAPE a écrit :
Le mythe Cléopâtre
Deux expositions en une: c'est un peu ce que propose la Pinacothèque de Paris avec son parcours consacré à Cléopâtre et à l'engouement qu'elle a suscité chez
les artistes au fil des siècles. L'exposition est d'ailleurs partagée entre les deux sites de la Pinacothèque, une réelle contrainte qui possède néanmoins sa cohérence tant chaque partie aborde une facette spécifique du propos.
Les premières salles, rue Vignon, évoquent les différents aspects de la vie quotidienne et des croyances égyptiennes à l'époque hellénistique. On y trouve naturellement plusieurs bustes ou fragments de sculptures datées du règne de Cléopâtre et présentés comme de possibles portraits de la reine, à l'image du buste en basalte du musée de Turin ou d'un petit portrait en marbre de la Fondation Gandur pour l'art (Genève). Camées et intailles attestent d'ailleurs que la représentation des reines ptolémaïques était courante. Une tête en bronze d'Arsinoé III Philopator (IIIe siècle av J.-C.) en est un autre exemple. Trois siècles après sa mort, Alexandre le Grand conservait en outre une réelle renommée, qu'il soit représenté en personne ou qu'il serve de modèle à ceux qui revendiquaient ainsi son héritage, tels Ptolémée X ou même Marc Antoine, que deux camées en cornaline et en sardoine de la Bibliothèque nationale de France ( départements des Monnaies, Médailles et Antiques) figurent sous les traits de l'ancien chef macédonien. Deux bustes en marbre du musée du Vatican permettent aussi de se faire une image des visages de Jules César et d'Auguste. De petites pièces de jeu en os évoquent quant à elles Nicopolis, la ville bâtie par Octave pour célébrer sa victoire à Actium, et même le Césareïon d'Alexandrie.
Sans véritable transition, l'exposition aborde alors l'importance des cultes funéraires et de l'audience accordées aux divinités: l'occasion de découvrir d'étonnants masques en perles de faïence polychrome, extrêmement stylisés, ou une statuette d'ibis en bois et bronze, aux formes elles aussi très simplifiées.
Isis, la déesse à laquelle Cléopâtre souhaitait être associée, est évoquée au moyen d'une majestueuse statue en basalte provenant des musées du Vatican. En basalte aussi, un buste figurant un prêtre isiaque, qui illustre brillamment la finesse et même le naturalisme de la sculpture du Ier siècle av.J.-C. Des qualités où l'on devine l'influence des ateliers occidentaux, que l'on retrouve dans le traitement du bronze, ce dont témoignent un ensemble de statuettes d’Égypte ou d'Italie ainsi qu'un portrait présumé de Ptolémée Apion, aux lèvres épaisses et doté d'une chevelure de cuivre torsadée ( buste conservé au musée national d'Archéologie de Naples). La tête féminine dite "Alexandrine", des musées du Vatican, montre que le travail du marbre conservait cependant toute sa subtilité. Parmi les nombreux exemples de bijoux (pendentifs, boucles d'oreilles, colliers), quelques bracelets en forme de serpents possèdent bien sûr une résonance particulière. On retrouvera d'ailleurs des bracelets et des bagues de la même forme à Pompéi, un exemple parmi d'autres de la diffusion en Occident des modèles et des styles en provenance d’Égypte, au début de notre ère. Un collier constitué de plusieurs amulettes égyptiennes témoigne de caractère parfois singulier de cette première "égyptomanie", qui vit les formes et les emblèmes évoluer au sein d'associations nouvelles, parfois gratuites. La présence de sphinx ou de motifs égyptisants dans certaines fresques des cités du Vésuve, au Ier siècle, illustre bien ces phénomènes de migration.
Le Nil, dans cette imagerie, tient une place particulière, comme en attestent une fresque de plâtre, toujours de Pompéi, ou le relief "Campana" et ses scènes
nilotiques, que l'on considère provenir de Palestrina.
A ce point du parcours, il faut sortir de l'exposition pour rejoindre le second site de la Pinacothèque, place de la Madeleine.