C’est bien la première fois que l’on m’accuse d’être un militant de la FYROM (alias la République de Macédoine contemporaine. Pourquoi ne pas prononcer son nom ?).
ene a écrit :
La traduction mot par mot oui, ça veut dire "amis des Grecs". Mais la traduction mot par mot est faux, est loin de son utilisation en antiquité (…) En antiquité le terme Philehellène a été donné uniquement au .... Grecs! E be oui, c'était un terme pour dire que le personne a travaillé pour le bien de tous les Grecs et/ou travaillé pour une unification des Grecs au moins sur le plan militaire et/ou politique. Isocrates était un Philellen.
Euh… Hérodote n’emploie le mot qu’une seule fois, et uniquement à propos… du pharaon Amasis (II.178). Xénophon, l’utilise en
Agésilas, 2.31 pour désigner… un des prétendants égyptien. Diodore, I.67 l’utilise pour qualifier Psammétique, encore un Egyptien. En II.60, c’est au sujet d’un roi Indien. Héliodore, VII.11, 12 et 19 au sujet d’Arsacé, la mère du roi des Perses. Chariton, VI.7 pour Arsacès, l’eunuque perse. Strabon, IV.1.5 et 4.6 en référence aux Celtes. Strabon V.4.12 au sujet des Samnites. Appien,
Guerres Civiles, IV.67, pour désigner Cassius. Plutarque,
Vie d’Antoine, 27 témoigne de la satisfaction du Romain d’être surnommé Philhellène. Dion Cassius XL.13 qualifie ainsi l’ensemble des Romains…
J’arrête là. Le mot n’a aucune exclusivité d’emploi...
ene a écrit :
Retournant dans notre sujet, les Phrygiens et les Bythiniens sont bien des tribus differents mais aussi differents que les Ioniens et les Doriens par exemple.
J’ai la nette impression de parler dans le vide.
Ene, les Ioniens et les Doriens n’ont pas du tout besoin d’un interprète… Les différences sont superficielles.
Inversons alors les rôles, puisque je n’arrive à rien en m’expliquant. Expose-moi quels sont les points communs entre les Bithyniens et les Phrygiens (culture, archéologie, épigraphie…) ? Des faits, pas des a priori gratuits.
Tu rejettes les témoignages antiques parce qu’ils ne t’arrangent pas. Tu es incapable de présenter des preuves archéologiques. Tu n’as pas regardé la moindre inscription phrygienne. Aussi, j’aimerai bien savoir sur quoi peuvent bien reposer tes certitudes, par exemple :
- « la continuité de tribus autour de la mer Egée vers la fin du IIe millénaire. ??? Mêmes les îles ne sont alors pas grecques, partagées entre des Thraces, des Cariens, des Tyrrhéniens… qui seront progressivement remplacé par les nouveaux colons grecs. Sans oublier les côtes d’Asie Mineure et de Thrace irrégulièrement colonisés, indigènes côtoyant les Hellènes.
- l'absence d'une notion d'ethnicité entre les Thraces. Je veux bien, à condition de le prouver. Thrace d’Europe et Thrace d’Asie restent en contact par exemple, avec échanges diplomatiques et militaires (cf. Xénophon ; plus tard, cf. l’
Histoire d’Héraclée de Memnon). Les royautés Odryses ont des prétentions hégémoniques sur l'ensemble du territoire ; des coalitions comme celle autour de Syrmos en 335 unissent de temps à autre ces populations. Les liens existent donc, y compris politique.
- Même remarque concernant les Illyriens. Sur quels éléments repose la diversité linguistique et culturelle annoncée ?
Quant aux Daces, je ne vois pas trop leur implication dans le sujet. Les Grecs ignorent leur existence. Et quand ils mentionnent les Gètes, ils ne savent pas trop comment les classer, hésitant entre Thraces et Scythes, mais toujours en montrant leur spécificité. Bref, culturellement et sans doute au moins en partie linguistiquement à part.
ene a écrit :
Thoucydides à l'autre coté, encore pire, malgré sa compétence et son effort d'être précis son régionalisme en couleurs chauvinistiques le conduit à considérer Epirotes, Aetoliens, Akarnaniens, Eurytanéens, Macédoniens et je ne sais pas qui autre comme des non-Hellènes donc l'oracle Grec le plus ancien, Dodone, l'oracle Grec le plus connus, Delphes, le montagne sacrée des Grecs, Olympe et tous les 12 dieux là haut, et tout les traditions qui suit (Hercules, les Doriens et leur Jeux Olympiques etc.) sont tous des choses etrangers, dit barbares.
Et donc, plutôt que de te demander si ta propre notion de l’hellénisme sauce XXe est valide pour le Ve avant JC, tu préfères décréter qu’ils ont tort et toi raison ???
Justement, pour les Athéniens, l’hellénisme ne se limite pas à la communauté de langue ni de sang, mais à un mode de vie spécifique, en l’occurrence la vie de cité, les palestes, etc. mais aussi la participation à des jeux panhelléniques. Les Macédoniens, les Epirotes vivent dispersés sous la domination d’archaïques royautés. Ils ne méritent pas aux yeux de Thucydide, d’Hérodote et de leurs contemporains le qualificatif d’Hellènes. Par exemple les Eurytanéens que tu mentionnes, ils sont Aitoliens, parlent donc un dialecte dorien, et pourtant, leurs voisins Messéniens et les Athéniens sont en droit de se demander s’ils sont grecs puisque (Thucydide III.94) :
- ils ont un accent affreux, on comprend rien à ce qu’ils baragouinent (« leur langue est la plus inintelligible de toutes »)
- « ils vivent dispersés en bourgades dépourvues de défenses et fort éloignés les unes des autres »
- « leurs hommes n’avaient que des armes légères »
- « ils se nourrissent, dit-on, de chair crue »
Inutile de préciser que ces infâmes sauvages ne participent bien entendue pas aux Jeux panhelléniques à cette époque… Pourtant, les Etoliens sont très présents dans les cycles héroïques.
Ce genre de tableau caricatural des mœurs des populations grecques du nord perdure longtemps, et encore Alexandre, quand il gourmande ses grognards, utilise des termes très proches quand il leur rappelle leur état avant que Philippe ne les « civilise ».
Accessoirement, qu’est ce que l’Olympe vient faire là-dedans ? Quel rapport entre la montagne Olympe de Macédoine, avec son sanctuaire purement macédonien de Dion, sans la moindre prétention panhellénique, et l’Olympe des 12 dieux, le monde de la lumière placé entre le Ciel et la Terre, au-delà des portes du ciel qu’ouvrent et ferment les
Horai ?? Des monts Olympe, il y en a partout, en Crète, en Arcadie, en Troade, à Lesbos… Celui de Macédoine n’a pas plus de réputation que les autres, et n’est que très rarement assimilé à l’Olympe divin, tardivement qui plus est.
Qu’est ce que Delphes vient faire là-dedans ? L’Hellénisme des Phocidiens n’est jamais remis en cause.
Quant à Dodone, c’est selon Hérodote certes le plus ancien oracle de Grèce… mais l’oracle n’est pas Grec selon lui, mais d’origine égyptien (depuis son voyage en Egypte, tout est d’origine égyptienne pour lui : c’est les prêtres de Thèbes qui le lui ont dit !), et d’une manière générale, les oracles de Grèce ont tous des origines préhistoriques, antérieure aux Grecs qui se contentent de les assimiler, comme une bonne partie des mythes et cultes antérieurs. Cf. le meurtre de Python par Apollon qui s’approprie son oracle.
Je me demande ce qui te gêne dans le fait que les Grecs, comme à peu près tout le monde, soient des immigrés. Pour les Antiques c’est pourtant une évidence reconnue et célébrée à l’unanimité. Tous se savent n’être que les derniers en date sur la terre qu’ils occupent, et le souvenir de ces pérégrinations préhistoriques s’est entretenu via les mythes des origines. Et ils remontent loin, jusqu’à Deucalion et son fils Hellen, placé par eux en Thessalie. A partir de la Thessalie, ils bougent, sans cesse, les Doriens du Péloponnèse se savent par exemple les derniers arrivant, mais ils rappellent aussi que les Achéens qui les précèdent eux aussi étaient immigrés, etc. Ils se superposent à d’autres peuples qualifiés eux d’autochtones, au sein même de l’Hellade, que l’on retrouve dans les figures mythologiques des Dactyles, des Courètes, des Hyades, des Centaures, etc. Seule exception : les Athéniens qui se disent, seuls de tous les Grecs (et ils aiment à le rappeler souvent), autochtones, littéralement « né de la terre ». La mémoire mythologique a conservé le souvenir de ces pérégrinations qui s'étalent au moins jusqu'au début du IIe millénaire. Avant de se perdre. Car j’ai du mal à admettre que les pierres de Deucalion aient fait germer la première génération des Grecs ex nihilo.
Ils ne s’en sont jamais souciés, au contraire, ils entretiennent une certaine fierté conquérante perpétuée par l’esprit coloniale qui leur est propre, du VIIIe au IIIe. Il a fallut attendre le XXIe siècle pour que brusquement, cela les gêne et qu’ils renient leur passé mobile…