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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 20 Avr 2020 21:48 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Citer :
il plaça les vingt mille francs restant sur le Grand-Livre. Les fonds étaient alors à quarante, Agathe eut donc environ deux mille livres de rente sur l’État."

J'ai fait quelques recherches.
L'action se passe en 1808 ou 1809.
Placer sur le grand-livre, c'est acheter des titres de l'emprunt à 5% lancé sous le Directoire.
Pour qu'un placement de 20 000 F en rapporte annuellement 2 000, il faut que la rentabilité du placement soit de 10%.
Pour que la rentabilité d'un emprunt à 5% rapporte 10%, il faut que que sa cote soit descendue à la moitié du nominal. C'est mathématique.
Or le cours de l'emprunt à cette époque était de l'ordre de 80 F, avec un pic à 92 F le 28 août 1808. Les revenus annuels du placement devaient être en réalité de l'ordre de 1 300 F.
Mon explication : La Rabouilleuse a été écrit en 1840. Balzac n'a pas pris le temps de se documenter pour savoir quel était exactement le cours de la rente trente ans avant. A la vitesse où il devait pondre ses romans, il ne pouvait atteindre une parfaite exactitude dans tous les détails, ce que ses lecteurs ne lui demandaient d'ailleurs pas.

Une référence de prix dont je me sers parfois pour la période 1200 - 1800 : Histoire économique de la propriété, des salaires, des denrées et de tous les prix en général, depuis l'an 1200 jusqu'en l'an 1 800 par le vicomte G d'Avenel, Paris, Imprimerie Nationale, 1894, accessible sur gallica.


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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 21 Avr 2020 9:18 
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Jean Froissart
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Barbetorte a écrit :
...
Votre recherche est très intéressante. Vous m'avez appris beaucoup de chose et m'avez permis d'avoir des mots clés pour faire d'autres recherches.
L'hypothèse d'une erreur de l'écrivain est tout à fait possible.

Je note quelques points qui sèment la confusion :

- L'emprunt est en francs, mais Balzac parle d'une rente en livres. La parité n'est pas tout à fait la même. En théorie, la livre tournois serait un peu supérieur au franc, mais en pratique elle serait inférieure à cause du rognage des pièces.

- Il existe plusieurs type de rendements, et c'est pour cela que les financiers modernes préfèrent parler de taux nominal, taux actuariel, etc. Ici, je pense comme vous que Balzac a considéré un rendement sans actualisation.

- Le taux de 5% n'est pas mentionné explicitement par Balzac. Le tiers consolidé comprenait des titres à 5% ainsi que des rentes viagères à 10% :
"Le montant des rentes perpétuelles à 5% s'élève à 120 millions, ce qui correspond à un capital de 2,4 milliards répartis entre 112.000 titulaires. À cela s'ajoutent deux millions de dettes diverses et 70 millions de rentes viagères et de pensions versées à 180.000 bénéficiaires." https://www.herodote.net/30_septembre_1797-evenement-17970930.php
Les titres à 5% représentent une somme beaucoup plus importante au total, mais le nombre de détenteurs des titres est plus important pour les rentes viagères, ce qui indique que ces dernières ont la faveur des petits épargnants.

Pour information, un article assez précis donne des informations sur ce Tiers consolidé, qui n'a pas été créé du jour au lendemain, ainsi que sur des emprunts plus anciens : Jean-Marie Thiveaud, "Dette publique, politique monétaire, emprunt, impôt en perspective historique - XVIe - XIXe siècles", Revue d'économie financière Année 1998, 46 pp. 17-42, https://www.persee.fr/doc/ecofi_0987-33 ... _46_2_2643


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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 21 Avr 2020 9:35 
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Jean Froissart
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Un autre point est celui de la fiscalité.

- Il semble que ces titres de créance du Tiers consolidés n'aient pas été soumis à une taxation. Mais, ce n'est pas certain. Evidemment, s'ils étaient taxés, leur rendement net baisserait. Un manuel pratique, concernant d'autres emprunts, indique qu'il ne faut pas oublier de retrancher les taxes : Jean-Marie Remilhe, "Calculs des intérêts aux deniers 16, 18, 20, 25, 30 et 50 et comptes-faits des retenus des droits royaux sur lesdits intérêts ...", Lyon, 1771, consultable par Google Books.


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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 21 Avr 2020 13:35 
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Pierre de L'Estoile
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Oliviert a écrit :
Je note quelques points qui sèment la confusion :
Dissipons-là

L'emprunt est en francs, mais Balzac parle d'une rente en livres.

Il ne faut pas confondre avec la livre tournoi. Il s’agit simplement de francs. Comme indiqué dans le Littré, édition 1874 : Il se dit aujourd’hui pour franc quand on parle d’un revenu annuel. Avoir dix mille livres de rente.

Il existe plusieurs type de rendements, et c'est pour cela que les financiers modernes préfèrent parler de taux nominal, taux actuariel, etc. Ici, je pense comme vous que Balzac a considéré un rendement sans actualisation.

Le taux actuariel est le taux donné par le calcul mathématique. Le taux nominal, commercial ou autre peut en différer. Généralement, quand on veut emprunter de l’argent, l’organisme financier annonce un taux qui ne tient pas compte des frais de dossier et autres subtilités. Heureusement la loi exige qu’à la suite des boniments commerciaux soit précisée la vérité vraie. Celle-ci figure tout en bas de la feuille en petits caractères. C’est le taux actuariel. Il est toujours un peu plus élevé que le taux commercial.
Pour les emprunts remboursés par mensualités, le calcul du taux annuel fait partie de ces subtilités. On part du taux mensuel qui permet de calculer mois après mois l’intérêt dû et la fraction de capital remboursé. Soit tm ce taux mensuel. Le taux actuariel est ta tel que (1 + ta) soit égal à (1 + tm) élevé à la puissance 12. Le taux commercial, ou proportionnel, est ta = tm x 12. La différence est minime mais quand il s’agit de 200 000 € empruntés sur vingt ans, ce n’est pas totalement négligeable.

Sous la Restauration a été lancé un emprunt perpétuel à 3 % à un prix d’émission égal à 75 % de la valeur nominale. Quel est le taux actuariel ? Difficile à dire parce que cela dépend du temps au bout duquel l’emprunt aura été remboursé. S’il n’est jamais remboursé, le taux actuariel est 3 / 0,75 soit 4 %.

Mais il ne faut pas se faire de nœuds au cerveau. Ce qui préoccupe Balzac est le rendement. Si vous louez 500 € par mois un appartement que vous avez acheté 150 000 €, le rendement de votre investissement est de 4 %. Vous n’allez pas chipoter sur le caractère actuariel ou proportionnel de cette valeur. D’ailleurs je ne crois pas que le terme de rendement se lise dans les romans de Balzac. Simplement, Balzac mentionne le revenu annuel (tant de livres de rente) et parfois une évaluation de la fortune. Quand il mentionne les deux, comme c’est le cas pour Bridau dans La Rabouilleuse, on peut en déduire le rendement qui est tout simplement le rapport du revenu sur le capital.

Le taux de 5% n'est pas mentionné explicitement par Balzac. Le tiers consolidé comprenait des titres à 5% ainsi que des rentes viagères à 10% :
[i]"Le montant des rentes perpétuelles à 5% s'élève à 120 millions, ce qui correspond à un capital de 2,4 milliards répartis entre 112.000 titulaires. À cela s'ajoutent deux millions de dettes diverses et 70 millions de rentes viagères et de pensions versées à 180.000 bénéficiaires."
https://www.herodote.net/30_septembre_1797-evenement-17970930.php[/i]

Il faut lire la suite de l’article d’Hérodote : Par la loi du 9 vendémiaire an VI (30 septembre 1797), le ministre Ramel consolide le tiers de la dette publique et «mobilise» les deux autres tiers en les représentant par des bons au porteur de 5% pour les rentes perpétuelles et de 10% pour les rentes viagères. Dans la réalité, ces bons, qui sont une nouvelle forme d'assignats, ne trompent personne. Leur valeur s'effondre de suite, consommant la ruine des créanciers de l'État.

Pour dire les choses simplement, le Directoire avait décidé de rembourser les deux tiers de la dette de l’Etat en monnaie de singe et un tiers, dit le Tiers Consolidé, en vrai numéraire sous la forme d’obligations à 5 %. Les coupons de celles-ci n’ont pas toujours été payés en temps et en heure dans les premières années les plus troubles, mais l’État n’a jamais fait défaut. Les détenteurs de ces titres ont toujours pu en percevoir les intérêts et, sous la Restauration, les vendre à un montant proche du nominal et même à un montant supérieur sous la monarchie de Juillet. Les bons à 10% remis en compensation de rentes viagères étaient de la monnaie de singe.

Les titres à 5% représentent une somme beaucoup plus importante au total, mais le nombre de détenteurs des titres est plus important pour les rentes viagères, ce qui indique que ces dernières ont la faveur des petits épargnants.

Les rentes viagères étaient principalement des pensions versées par l’État. Selon les personnes elles ont été retirées, transformées en bons ou maintenues. Le terme peut prêter à confusion. Les pensions de retraite des fonctionnaires ne sont plus aujourd’hui considérées en comptabilité comme des remboursements de dettes. A ma connaissance, les rentes viagères n’ont jamais été des produits d’épargne parce qu’elles n’ont jamais correspondu à des emprunts en numéraire.

En ce qui concerne la fiscalité, je crois en effet que les intérêts des emprunts d’État n’étaient pas taxés. L’impôt sur le revenu n’a été introduit qu’en 1914.


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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 21 Avr 2020 20:52 
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Hérodote
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Tout cela est fort clair. J'ajoute simplement qu'en ce qui concerne les rentes viagières, celles-ci fort logiquement impliquaient la perte du capital initial. C'est pourquoi un autre personnage balzacien, madame Evangelista (Le Contrat de mariagerépugne à convertir un capital issu de la future vente de son hôtel particulier en rente viagère destinée à couvrir partiellement la dot de sa fille et que lui conseille son notaire : "madame gardera les cinquante mille écus restant sur le prix de son hôtel. Cette somme jointe au produit de son mobilier peut se placer en rentes viagères, et lui procurera vingt mille livres de rentes."

Le tome VIII du Dictionnaire de la conversation et de la lecturefournit à partir de la p. 202 une explication assez détaillée sur l'achat et la vente des obligations de l'Etat à la Bourse de Paris : https://books.google.fr/books?id=FA87AA ... se&f=false

A noter que d'après l'histoire de la dette publique par Vührer, un tel système de rentes destinées à financer la dette publique était antérieur même à l'organisation institutionnelle de ce dernier sous François Ier : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... n%20France

On trouvera enfin des éléments précieux sur la création du 3% en 1825 dans une ordonnace du 1er mai (https://books.google.fr/books?id=Qt8xAQ ... nt&f=false) et sur les réticences des rentiers habitués au 5% dans ce très sprituel pamphlet : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k424777m/f4.image


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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 21 Avr 2020 21:30 
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Grégoire de Tours
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Oliviert a écrit :
Une rente est un prêt qui donne des intérêts et un remboursement du capital in fine.

Les Rougon-Macquart ont été écrits entre 1871 et 1893. A l'époque, il y avait :

- les rentes foncières, que l'on appelle aujourd'hui des locations d'appartements ou de maisons
- les rentes sur les bons du trésor qui financent la dette de l'Etat depuis 1814
- les rentes sur les compagnies de chemin de fer
- les rentes sur le canal de Suez et le canal de Panama
- les rentes sur les emprunts russes
- les rentes sur le Mont de Piété
et j'en oublie sûrement beaucoup.


Une rente n'est pas forcément "un prêt" mais plutôt le fruit de la location d'un bien ou d'une somme d'argent (dans le cas du prêt). En tout cas le fruit d'un patrimoine. Vous oubliez la première des rentes foncières: les terres agricoles, qui rapportent beaucoup à leur propriétaires. L'économie du XIXe est essentiellement agricole. Il en va de même au Royaume-Uni, dont la littérature contemporaine regorge de références économiques, de Jane Austen en début de siècle à Oscar Wilde en fin de siècle. Mr Darcy , dans Pride and Prejudice, est un riche rentier, propriétaire terrien et (10,000 livres de rente par année nous dit-on). Idem pour Algernon Moncrieff dans L'importance d'être Constant.

_________________
Image message du Loire au Dalgonar, oct. 1913


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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 22 Avr 2020 14:37 
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Pierre de L'Estoile
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Les économistes donnent au mot rente un sens très large. La rente est tout simplement ce que rapporte un capital. Elle peut se présenter sous forme de loyer d'immeuble, d'intérêt d'emprunt ou de dividendes d'actions. Les physiocrates se sont particulièrement intéressés à la rente foncière.
Sous l’Ancien Régime avaient été émis des emprunts remboursés sous forme de rentes viagères. Necker y avait eu recours. L’intérêt était de 10 % quel que fût l’âge. Il y avait des personnes très jeunes parmi les souscripteurs, même des enfants.
J’ai lu quelque part que le Tiers Consolidé de la loi du 24 août 1793 était constitué de 44 millions de francs de rentes perpétuelles et de 25 millions de francs de rentes viagères. Je n’en sais pas plus et je ne sais même pas si c’est exact.
Par la suite, je ne crois pas que l’État ait émis d’emprunts viagers. Sous le Consulat et l’Empire il n’y a pas eu d’émission d’emprunt du tout.
Les emprunts d’État qui se négociaient sous la Restauration et la monarchie de juillet étaient des emprunts perpétuels. Ils n’avaient pas d’échéance définie comme les obligations d’aujourd’hui mais ils pouvaient tout de même être remboursés à la discrétion du débiteur. Une caisse d’amortissement avait été créée au début du Consulat afin d’acquérir des titres sur le marché et de les détruire.
Le placement en rentes viagères suggéré par le notaire de Mme Evangelista dans Le contrat de mariage, devait être une opération à réaliser auprès d’une banque privée.


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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 22 Avr 2020 16:34 
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Pierre de L'Estoile
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Quel sujet passionnant !

Pour ma compréhension, qu'est-ce qu'un emprunt viager ? Un emprunt qui s'éteint à la mort du créancier

Citer :
sur les réticences des rentiers habitués au 5% dans ce très sprituel pamphlet : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k424777m/f4.image

Par ailleurs, le personnage du pamphlet semble craindre un remboursement de son 5%. En quoi serait-ce un mal ? L'État pourrait-il le racheter moins que sa valeur d'achat initiale ? Ou cette perspective empêcherait-elle la spéculation sur le titre ?

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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 22 Avr 2020 17:46 
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Nebuchadnezar a écrit :
Par ailleurs, le personnage du pamphlet semble craindre un remboursement de son 5%. En quoi serait-ce un mal ? L'État pourrait-il le racheter moins que sa valeur d'achat initiale ? Ou cette perspective empêcherait-elle la spéculation sur le titre ?

Je n'ai pas de lumières particulières sur le sujet, mais il me semble que la réponse va de soi : si l'état rembourse sa dette, ce n'est pas une spoliation, mais en revanche c'est un (très) bon placement qui disparait.

N'oublions pas que cela se passe à des époques sans inflation. (Il me semble que la valeur du franc Germinal n'a pas bougé de 1815 à 1914) Un rendement de 5%, dans ces conditions, c'est une très bonne affaire. Et sans limite dans le temps, si j'ai bien suivi.

(Il suffit de comparer avec le livret "de Caisse d'Epargne" ou "CODEVI" actuel.)

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 22 Avr 2020 20:12 
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Pierre de L'Estoile
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Pierma a écrit :
Je n'ai pas de lumières particulières sur le sujet, mais il me semble que la réponse va de soi : si l'état rembourse sa dette, ce n'est pas une spoliation, mais en revanche c'est un (très) bon placement qui disparait.
Bien vu. Effectivement, j'oublie que les placements de l'époque sont en nombre limité et que l'émission d'un nouvel emprunt par l'Etat constitue un événement.

Nous ne sommes pas dans nos OAT actuelles (obligations assimilables du Trésor) réémis régulièrement.

Un titre remboursé, c'est donc pour le rentier un capital qu'il doit replacer, en investissant dans des entreprises (actions ou obligations), ce qui est TRES risqué, ou dans l'immobilier - les fameux "immeubles de rapport" - ou la terre, mais qui se déprécie - c'est la cause de la ruine de la noblesse. Bref, c'est prendre des risques, ce qu'un rentier se refuse à faire - et on le comprend : ses rentes, c'est son moyen d'existence.

Citer :
N'oublions pas que cela se passe à des époques sans inflation. (Il me semble que la valeur du franc Germinal n'a pas bougé de 1815 à 1914) Un rendement de 5%, dans ces conditions, c'est une très bonne affaire. Et sans limite dans le temps, si j'ai bien suivi.
Après le défaut de 1797, qui était tout de même le type d'opération qui Louis XVI s'était refusé à faire, l'Etat se devait de fournir des intérêts intéressants pour attirer les capitaux.
Comme l'a dit Barbetorte, les rentes perpétuelles sont sans limite de temps, sauf si l'Etat décide d'en racheter. Il a mis en place une caisse d'amortissement pour le faire.

Sait-on comment cette caisse rachète des titres ? Ses achats sont-ils obligatoires ? Ou les prix qu'elle fait suffisent-ils à bloquer la spéculation sur eux ?
-

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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 22 Avr 2020 20:34 
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Pierre de L'Estoile
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Citer :
qu'est-ce qu'un emprunt viager ? Un emprunt qui s'éteint à la mort du créancier

Tout à fait. Le terme d'emprunt est d'ailleurs impropre parce que le capital n’est jamais remboursé. Il s’agit plutôt de l’achat d’une rente. C’est ce que l’on fait lorsqu’on achète des points de retraite auprès d’un fonds de pension ou qu’on vend un bien immobilier en viager.

Citer :
N'oublions pas que cela se passe à des époques sans inflation. (Il me semble que la valeur du franc Germinal n'a pas bougé de 1815 à 1914) Un rendement de 5%, dans ces conditions, c'est une très bonne affaire. Et sans limite dans le temps, si j'ai bien suivi.

C’était une période sans inflation tout au moins à partir du Consulat et un placement à 5 % était intéressant. Mais l’opération d’épuration de la dette de 1797 avait été perçue à juste titre comme une faillite de l’État et avait pour cette raison laissé un très mauvais souvenir. Il a fallu du temps pour que la confiance revienne. Dans les premiers temps, les épargnants avaient si peu confiance que le cours de l’obligation de 100 F à 5% avait atteint un point bas à 7 F en 1799. J’ai trouvé dans la collection des manuels Roret, qui sont une mine d’informations dans tous les domaines techniques, La bourse et ses spéculations mises à la portée de tout le monde qui fournit des données intéressantes sur les marchés financiers entre 1793 et la Deuxième République et notamment l’évolution du cours de l’emprunt perpétuel à 5 %.
1800 : plus haut à 27, plus bas à 18 ;
1805 : 61 – 54
1810 : 83 – 79
1815  : 80 – 56
1820 : 75 – 71
1825 : 106 – 101
1830 : 109 – 91
1835 : 109 – 106
1840 : 117 – 104
1845 : 118 -112
1850 : 96 – 87

Le prêt était sans limite dans le temps à cette réserve près que l’État se réservait le droit de rembourser à tout moment. Il pouvait le faire soit en versant le montant nominal de leurs titres aux détenteurs, soit par achat sur les marchés financiers. C’était la fonction de la Caisse d’amortissement créée en 1799. L’intention de Napoléon, qui était hostile au financement de la dépense publique par l’emprunt, était de résorber totalement la dette de l’État par ce moyen. La dette avait légèrement diminué sous l’empire mais sous la Restauration, avec l’émission de l’emprunt à 3 %, elle a recommencé à croître. J'ignore totalement quel a été l'intensité de l'activité de la Caisse d'amortissement. Tout ce que je sais est que sous le Second Empire il y avait encore beaucoup de titres de la rente à 5% en circulation.

Les attaques de l’auteur du pamphlet n’étaient pas justifiées. Certes, remplacer des titres à 5 % par de nouveaux à 3 % semblait à première vue défavorable aux épargnants mais il faut considérer que les obligations de 100 F étaient remises au prix de 75 F seulement. Le taux réel du placement était donc en fait de 4 % avec en plus un intérêt spéculatif : si l’État décidait de reprendre les titres, il le ferait au prix de 100 F. Dans le même temps, l’emprunt de 5 % était coté à une valeur supérieure au nominal. Pour celui qui investissait en 5 % en 1825 au cours de 109 F, le rendement à attendre n’était que de 4,6 % avec le risque que les titres achetés à 109 F (plus frais de négociation, il fallait bien payer l’agent de change) soient repris par l’État à 100 F. L’un dans l’autre, l’épargnant n’y perdait pas.


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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 22 Avr 2020 22:15 
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Nebuchadnezar a écrit :
Citer :
sur les réticences des rentiers habitués au 5% dans ce très sprituel pamphlet : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k424777m/f4.image

Par ailleurs, le personnage du pamphlet semble craindre un remboursement de son 5%. En quoi serait-ce un mal ? L'État pourrait-il le racheter moins que sa valeur d'achat initiale ? Ou cette perspective empêcherait-elle la spéculation sur le titre ?


Il me semble que certaines obligations sont remboursées chaque année à un certain nombre de possesseurs par tirage au sort. Si le rendement est intéressant, on gagne plus à être remboursé tardivement.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 23 Avr 2020 5:25 
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Grégoire de Tours
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Nebuchadnezar a écrit :
la terre, mais qui se déprécie - c'est la cause de la ruine de la noblesse

La terre qui se déprécie? Quand? Cela m'étonne beaucoup. (ça eût payé, c'est ça?)

https://www.youtube.com/v/gH7xhjeKTnM

_________________
Image message du Loire au Dalgonar, oct. 1913


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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 23 Avr 2020 6:19 
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Il est évident que le prix de la terre agricole évolue selon les cours longs des récoltes. Des prix bas entraînent le prix des terres vers le bas, pas sur un an, mais sur une période relativement longue. Un exemple simple, lors de la grande peste de 1348, les érécoltes sont largement éxédentaires pour la population restante, le prix des terres diminue, c'est logique.

Voici une petite étude sir la rente foncière agricole:

https://www.academie-agriculture.fr/sit ... nciere.pdf

_________________
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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 Sujet du message : Re: Le système rentier
Message Publié : 23 Avr 2020 15:42 
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Jean Froissart
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Nebuchadnezar a écrit :
- ou la terre, mais qui se déprécie - c'est la cause de la ruine de la noblesse
Attention, la terre ne se déprécie pas par nature. Elle se déprécie quand elle est mal gérée et mal mise en valeur. Ce qui est le cas de tout patrimoine, de toute façons.
Donc, quand on dit que la terre a ruiné la noblesse, c'est en pratique pour deux raisons:
- le service obligatoire par quartiers. Difficile de faire valoir correctement des terres quand on est 3 mois par an au minimum dans son régiment
- l'interdiction de dérogeance. Pas moyen de faire soi-même, il faut confier l'exploitation à des intermédiaires pas toujours compétents et toujours coûteux. J'ai l'exemple en tête d'un gentilhomme aveyronnais frappé de dérogeance parce qu'il avait... vendu l'herbe de sa pâture!

Ces deux raisons sont relevées avec force dans un rapport Ségur (vers 1770-80?) qui tire une sonnette d'alarme sur l'appauvrissement de la noblesse de province, qui n'est plus capable de jouer correctement son rôle d'encadrement de l'armée.


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