Chloé Bourgeois a écrit :
je retiens que la Russie a perdu la guerre notamment à cause d'un commandement erratique et de ses limites du point de vue logistique, mais aussi parce qu'elle a probablement un peu trop sous-estimé la puissance japonaise en plein essor.
C'est assez correct comme synthèse.
Chloé Bourgeois a écrit :
Maintenant, je voudrais si possible évoquer le lien entre cette guerre et la révolution de 1905. Dans quelle mesure les difficultés militaires russes ont-elles été un élément déclencheur ?
Il me semble que la révolution couvait déjà pas mal avant cette guerre.
L'Empereur avait-il misé sur ce conflit pour (re)fédérer la population autour de sa personne, comme j'ai pu le lire ça et là ?
Ce n'est pas vraiment qu'une révolution couvait réellement avant cette guerre de 1904-1905, mais plutôt que les conséquences d'un
boom industriel, démarré à la fin des années 1880, n'avaient pas été considérées avec justesse par un régime autocrate, alors en place depuis plusieurs siècles, disposant encore de structures toutes aussi rigides que traditionnelles. En réalité, la question sociale, liée à la prise en compte d'un prolétariat naissant, n'avait pas été solidement prise en compte - il n'y a pas eu de politique sociale mise en place, comme cela a été réalisé par exemple en Allemagne par un Bismarck quelques décennies plus tôt (Witte viendra ensuite et, sans doute, trop tard).
Les auteurs font débuter cette révolution par le tragique épisode du "dimanche rouge" du 9 janvier 1905 où plusieurs dizaines de milliers de personnes défilèrent dans les rues de Saint-Pétersbourg, après plusieurs journées de grèves massives dans les grandes usines pétersbourgeoises.
A cette date, l'attaque de Port-Arthur s'était déjà déroulée depuis 11 mois et les revers militaires s'étaient succédés pendant l'été et l'automne 1904. Cette guerre devenait aussi coûteuse qu'impopulaire et la réaction autant promise qu'espérée n'arrivait pas : pire, la garnison de Port-Arthur venait juste de capituler après un long siège.
Mais cette question sociale non prise en compte par un pouvoir se croyant encore face à ces "bons" et sages moujiks du début du XIXème siècle est véritablement la cause de ce mouvement révolutionnaire, bien plus que les défaites contre le Japon, plus conjoncturelles, mais ayant sapé les fondements mêmes du pouvoir et de l'autorité tsariste.
La marche du "dimanche rouge" est le point d'orgue d'une semaine de grève organisée par les ouvriers pétersbourgeois suite à des licenciements aux usines Poutilov, entre autres.
Le pouvoir n'avait pas trop à craindre du principal syndicat mené par le pope Gapone, ce dernier étant une "créature" de l'Okhrana (Zoubatov étant l'homme-clé de l'organisation), qui, visiblement, tentait de s'affranchir quelque peu de la main-mise opérée par la police politique sur les premiers syndicats ouvriers russes.
Il est vrai que le conflit russo-japonais a été perçu comme un moyen de redorer le blason de la Russie - après des déboires en Occident - et, bien entendu de Nicolas II lui-même. Les Japonais - souvent qualifiés de "macaques" par certains dirigeants russes - ont été largement sous-estimés par un pouvoir russe, très mal informé (volontairement ?) de leurs progrès économiques et militaires, aidés par un appui financier britannique colossal dans une guerre qu'ils préparaient depuis plusieurs années (alors qu'ils ne juraient que rechercher la paix).