En plus d'être en effet considéré comme un « peuple dans le peuple », auquel sont attribués pléthore de stéréotypes et de représentations négatives - à la fois physiques et morales – les Juifs sont aussi présentés, par les antisémites les plus radicaux, comme une menace.
Par exemple, dans l'ouvrage
Judéophobie des modernes (2008), chapitre 4 « Le moment racialiste/nationaliste », Pierre-André Taguieff évoque le cas de Wilhelm Marr, qui en plus d'aller au-delà de la dimension théologique pour entrer dans des conceptions racialistes des personnes juives, les dépeint comme une menace pour « le germanisme » (il cite le texte
Der Sieg des Judenthums über das Germanenthums. Vom nicht confessionellen Standpunkt aus betrachtet – soit « La Victoire du judaïsme sur le germanisme, considérée d’un point de vue non confessionnel »). Cette vision justifie alors l'exclusion totale des personnes juives de toute sphère influente de la société - ce qui inclut bien entendu l'armée.
Voici un extrait du chapitre en question :
Citer :
Le sous-titre choisi par le libre-penseur Marr dénonçant et déplorant le « fait » (à ses yeux) de la « domination » juive en Allemagne – « considérée d’un point de vue non confessionnel » – montre le souci de l’idéologue antijuif de passer d’une argumentation théologico-religieuse contre les Juifs à une démonstration scientifique du caractère inaltérable des traits constitutifs de la « race juive » (ou « des Sémites »), ce qui la rend à jamais inassimilable. D’où sa remise en question de l’émancipation dont bénéficient les Juifs dans l’Empire allemand depuis 1871 : on ne saurait accorder l’égalité des droits aux représentants d’une « race » étrangère et ennemie, vouée à exploiter, à corrompre et à dominer les autres « races ».
Cependant, les partis antisémites ne semblent pas avoir eu un lourd poids politique à la fin du XIXème (
Histoire des Juifs de Michel Abitbol, chapitre "Les ratés de l’intégration") :
Citer :
[...] les premiers partis antisémites font leur apparition, avec pour unique programme le combat contre les Juifs. Ainsi, dans la foulée de la Ligue antisémite créée en 1879 par Wilhelm Marr et du Parti social-chrétien des travailleurs du pasteur Stoecker, de nouvelles formations politiques voient le jour : Parti social du Reich d’Ernest Henrici, Parti de la Réforme d’Allemagne d’Alexandre Pinkert, Deutscher Volksverein fondé par l’ultraconservateur Liebermann von Sonnenberg et le beau-frère du philosophe Nietzsche, Bernhard Foerster. En 1880 et 1881, ce parti lance une pétition demandant à Bismarck l’« émancipation du peuple allemand du joug juif » et réclame la suspension de l’immigration juive, l’exclusion des Juifs de la fonction publique, la préservation du caractère chrétien de la nation allemande et le rétablissement du recensement des Juifs. La pétition recueille en l’espace de quelques mois 225 000 signatures, mais reste sans effet immédiat sur l’électorat puisque, les partis antisémites ne parviendront pas à faire élire le moindre député au scrutin législatif de 1881.