Nous sommes actuellement le 30 Avr 2024 13:30

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 412 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 ... 28  Suivant
Auteur Message
Message Publié : 06 Août 2013 7:56 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 15 Août 2012 20:56
Message(s) : 500
Localisation : Suisse
Pierma a écrit :
Mais l'Allemagne disposait d'une procédure préalable, le "Kriegsgefahrzustand" - état de danger de guerre - qui lui permettait de prendre des mesures préalables (rappel des permissionnaires, préparation ferroviaire...) destinées à rendre la mobilisation plus rapide.

Ainsi, pour vous, si la Russie réagit plus vivement que lors des crises précédentes, c'est en raison du soutien marqué par la France ? N'y a-t-il pas des raisons internes à la Russie ?


Oui tout à fait! Et concernant les mobilisations, il y a d'abord eu des mobilisations partielles (en Autriche-Hongrie et aussi en Russie je crois). Mais je n'ai plus toute la séquence des événements, assez complexe, dans la tête.

Ensuite, concernant l'attitude russe, ce n'est pas ce que j'ai dit. A vrai dire, j'ignore pourquoi la Russie a agit de cette façon en 1914. C'est d'ailleurs une bonne question à creuser. Ce que j'ai dit, c'est qu'en s'exprimant ainsi, Poincaré a lié la France à la Russie, quoi que fasse cette dernière. Après son discours, il aurait été difficile de lâcher la Russie et lui dire qu'elle n'avait qu'à s'occuper de ses affaires dans les Balkans toute seule. Mais certains historiens considèrent en effet que la France a donné un blanc-seing à la Russie.

_________________
Comme disaient les Kennedy, "faut pas se laisser abattre"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Août 2013 10:51 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8185
Localisation : Provinces illyriennes
Citer :
Et surtout, la Belgique a été utilisée comme prétexte par le gouvernement pour justifier la guerre auprès de l’opinion publique qui ne voulait pas entrer dans le conflit. Ce point ne doit pas être négligé.

Il ne l'est pas...

Citer :
En revenant sur les derniers jours avant le début de la guerre, on voit en effet Guillaume II soutenir l’Autriche, mais aussi s’assurer que le conflit reste local.

Il tente un coup de bluff, pensant que la Russie se dégonflera comme en 1908, privé d'un soutien total de la France. C'est bien mal connaître l'état d'esprit des élites des deux pays.
Depuis les guerres balkaniques, il est impensable que la Russie reste passive en cas de coup de force austro-hongrois. Oubliera-t-on que c'est cette puissance, aidée par l'Allemagne, qui met le feu aux poudres ?

Citer :
C’est une hypothèse, mais je ne pense pas que la France était prête à mobiliser, voire entrer en guerre, pour la Serbie. L’attitude de la Russie va la forcer à le faire.

C'est là que vous vous trompez. La France mobilise car deux puissances de la Triplice l'ont déjà fait. Ce n'est pas pour sauver Belgrade mais pour reprendre l'Alsace-Lorraine.
Ce n'est pas l'attitude de la Russie qui force la France à quoi que ce soit, vous vous trompez. La France est d'accord pour suivre Saint-Pétersbourg, elle n'est nullement piégée.
Vous oubliez les tendances lourdes et vous vous focalisez sur la chronologie des mobilisations/déclarations de guerre. Elles ne peuvent suffire à répondre à notre question, sinon, en les retenant, l'Allemagne est la seule responsable de l'extension du conflit à l'Europe.

Citer :
Ensuite, s’il y a bien l’article que vous mentionnez, l’alliance est défensive et est valable si l’un de ces deux pays est attaqué par l’Allemagne et/ou l’Autriche-Hongrie

Non, lisez-mieux, c'est en cas de mobilisation des armées d'une puissance de la Triplice, et non d'attaque, que la mobilisation franco-russe s'applique.

Citer :
La Russie l’a fait en 1914 alors que la mobilisation autrichienne ne lui était pas « destinée » et cela a conduit l'Autriche a faire une mobilisation complète. Dans ce cas, la Russie aurait dû consulter la France d’abord. Suite à cette décision, et par réaction, il y a eu la mobilisation de l’Allemagne et de la France

Vous en arrivez presque à légitimer l'agression austro-hongroise !
L'AH savait très bien que la Serbie avait renversé ses alliances (avant c'était avec l'AH qu'elle l'était) et que si elle était attaqués la Russie réagirait. Soutenue par Berlin Vienne pensa que cela suffirait pour que les Russes se dégonflent. Ils ne l'ont pas fait car c'est une question de survie pour eux : depuis 1879 et le congrès de Berlin, la Russie n'a fait que perdre des positions chez ses "amies" slaves. Reculer encore une fois et sa légitimité dans les Balkans aurait été réduite à néant. Cela, Vienne le savait, c'est bien pour cela qu'elle porte une responsabilité écrasante dans le déclenchement de la guerre.

Citer :
Vous pensez sérieusement que les (futurs) belligérants savaient ce qu’ils faisaient, qu'ils voulaient consciemment entrer en guerre les uns contre les autres? Actuellement, il y a plutôt un consensus pour dire que l’enchaînement des événements de juillet, lié au système d’alliance, n’est pas ce qu’auraient voulu les puissances concernées.

Pourquoi donc l'Angleterre y a regardé à deux fois alors ?
"Actuellement" ? Depuis Guillen et Duroselle, il y a eu peu de travaux à ce sujet...
Tout le personnel diplomatique européen connaissait les risques et ces alliances "secrètes" n'étaient que des secrets de polichinelles. Le premier à sortir l'épée du fourreau est celui qui, soit est d'une bêtise sans commune mesure, soit est décidé à partir en guerre contre ses voisins en n'ignorant pas les conséquences néfastes de son acte. Les mobilisations sont utilisées à des fins dissuasives, ce que vous oubliez. Lorsque la Russie mobilise, il est encore temps de faire machine arrière, Berlin et Vienne en décident autrement et l'Allemagne déclare la guerre à la Russie et à la France presque simultanément.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Août 2013 12:29 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 15 Août 2012 20:56
Message(s) : 500
Localisation : Suisse
Citer :
Il tente un coup de bluff, pensant que la Russie se dégonflera comme en 1908, privé d'un soutien total de la France. C'est bien mal connaître l'état d'esprit des élites des deux pays.


Voilà, vous le dites très bien. Il pense la Russie n’aura pas le soutien total de la France et il se trompe. Mais, d’après-vous, est-ce que cela signifie qu’il voulait en découdre ou justement qu’il préférait éviter une généralisation du conflit ?

Citer :
C'est là que vous vous trompez. La France mobilise car deux puissances de la Triplice l'ont déjà fait. Ce n'est pas pour sauver Belgrade mais pour reprendre l'Alsace-Lorraine.
Ce n'est pas l'attitude de la Russie qui force la France à quoi que ce soit, vous vous trompez. La France est d'accord pour suivre Saint-Pétersbourg, elle n'est nullement piégée.
Vous oubliez les tendances lourdes et vous vous focalisez sur la chronologie des mobilisations/déclarations de guerre. Elles ne peuvent suffire à répondre à notre question, sinon, en les retenant, l'Allemagne est la seule responsable de l'extension du conflit à l'Europe.

Citer :
Non, lisez-mieux, c'est en cas de mobilisation des armées d'une puissance de la Triplice, et non d'attaque, que la mobilisation franco-russe s'applique.


Je pense que nous ne nous comprenons pas. Je reformule le fond de ma pensée : est-ce que pour la France, la défense de la Serbie valait bien une guerre généralisée ? Je ne pense pas. On l’a vu par le passé, la France avait laissé la Russie seule dans ses vues concernant les Balkans.

Ensuite, j’ai très bien lu l’article 2, avec la question de la mobilisation. Mais cela n’enlève en rien l’idée générale du traité. Par contre, je vous l’accorde, c’est noté noir sur blanc concernant la mobilisation. Et sur ce point, je vous renvoie à l’article de Renouvin de mon message précédant, lequel souligne aussi que l’article 2 « ne se trouve pas en harmonie complète avec cette conception générale ».

Ainsi, dès le début, il y a une ambiguïté sur ce point. On la comprend mieux en s’intéressant à la gestation de cette alliance et au fait que la France ne voulait pas qu’on intègre l’empire austro-hongrois, mais qu’elle a fait une concession sur ce point : « Ils avaient vainement essayé de la faire modifier, et ils s'étaient résignés parce qu'ils avaient craint de remettre en question toute la négociation. » De fait, cette clause ne sera pas appliquée automatiquement (c’est vous même qui l’avez mentionné en premier d’ailleurs…) En 1897, quand l’Autriche-Hongrie mobilise partiellement, la France ne bouge pas le petit doigt. Suite à l’affaiblissement de la Russie suite à la guerre : «Dès lors que le gouvernement russe ne peut plus tenir les promesses données dans la convention militaire de 1892, le gouvernement français s'applique à diminuer ses responsabilités.» Lorsque la Russie fait part de ses craintes d’une attaque autrichienne contre la Serbie, en 1909, la France répond que «la France, écrit Pichon, ferait honneur à ses engagements, si les « intérêts vitaux » de la Russie étaient menacés ; mais tel n'est pas le cas dans la question bosniaque, simple « incident », où les intérêts serbes seuls sont en jeu ; l'opinion publique française ne comprendrait donc pas que la France donne son concours armé à la Russie.» Enfin, en 1911 (ce que vous mentionniez déjà) dans le cas de la question marocaine, là aussi la Russie n’interviendra que si les intérêts vitaux de la France sont en jeu.
Les précédents sont donc assez nombreux voir que la France aurait pu passer outre cette alliance. Mais Renouvin abonde avec vous dans le sens où le gouvernement français n’a pas rechigné à suivre la Russie. Avait-il vraiment le choix ? Je le re-répète, la France s’était engagée publiquement à soutenir la Russie. Et, si je pinaille sur la courte période avant le déclenchement des hostilités, c’est pour la raison suivante : L’Autriche-Hongrie mobilise en premier (et par pitié ne m’accusez pas de légitimer leur agression, c’est ridicule). Cela aurait pu en rester là, comme ce fut le cas par le passé (cf. mes exemples plus haut) et peut-être, il n’y aurait pas eu embrasement général. Seulement voilà, pour différentes raisons, il y a eu une réaction avec la mobilisation partielle de la Russie et ensuite une "généralisation de la mobilisation générale" dans les grandes puissances dont nous parlons. On ne peut cependant pas utiliser la mobilisation autrichienne pour justifier totalement celle des forces françaises et russes en vertu de leur alliance.

Quant à l’argument de l’Alsace-Lorraine, je ne me prononce pas car je ne connais pas assez bien la question. Je sais que le sentiment de revanche n’était pas autant présent que ce que l’on croit parmi les Français, mais je ne sais pas si le gouvernement ou l’armée voulaient vraiment entamer une guerre pour récupérer ces territoires.

Ensuite, j’ai de la peine à comprendre certains de vos griefs (ou plutôt de vos remarques) car ce que vous dites défend plus mon point de vue que le votre. Voici quelques citations :

Citer :
Soutenue par Berlin Vienne pensa que cela suffirait pour que les Russes se dégonflent.


Citer :
Les mobilisations sont utilisées à des fins dissuasives, ce que vous oubliez.



En réponse, je répondrai simplement que je ne nie pas les risques qu’impliquaient ces alliances et je sais bien que les mobilisations devaient dissuader, mais elles ont eu l’effet contraire. Mais quand vous affirmez péremptoirement qu’ « Aucun n'a été pris au "piège", tous savaient ce qu'ils faisaient », vous vous trompez lourdement, et vous le prouvez par vos propos. Les risques existaient et ils étaient connus. Mais ils ont été sous-évalués. Jusqu’alors, la catastrophe avait toujours pu être évitée. Beaucoup espéraient que cette fois encore, une solution serait trouvée.

- Vienne pensait que la Russie se dégonflerait, mais c’était une pensée erronée.
- Guillaume II a voulu bluffer, mais il se trompait.
- Les mobilisations surtout celle de la Russie était utilisées à titre dissuasif. Mais cela n’a pas marché et, au contraire, cela a empiré la situation. (c’était prévu, ça ?)

Voilà, vous venez de donner 3 exemples où les choses ne se sont pas passées comme prévu et qui montrent qu’une grande guerre européenne n’était pas l’option que désiraient initialement ces gouvernements. Et je conclurai avec votre propos
Citer :
Lorsque la Russie mobilise, il est encore temps de faire machine arrière

Oui, il était temps de faire machine arrière, il aurait été possible d’éviter une généralisation du conflit. Mais voilà, le piège s’est refermé et alors que les gouvernements pensaient savoir ce qu’ils faisaient, ils se sont trompés et ont entraîné l’Europe et le monde dans un conflit terrible.

_________________
Comme disaient les Kennedy, "faut pas se laisser abattre"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Août 2013 13:33 
Hors-ligne
Salluste
Salluste

Inscription : 22 Avr 2009 8:49
Message(s) : 260
Je peux me tromper (ce sont des soubvenirs de lecture ancien) mais il me semble aussi que le plan Schileffen, avec son timing très précis Mobilisation/déploiement/Horaires ferroviaires etc... joue contre une "possibilité" pour l'Allemagne de revenir en arrière à partir d'un certain niveau de préparatifs.

Quand la mobilisation commence pour elle, le plan se met en branle dans tous ses aspects et cela peut dans une certain mesure influencer la décision de calmer le jeu ou non. L'Etat Major craint déjà que si on attends quelques années de plus les plans seront caducs et la Russie bien plus redoutale encore, mais en plus en lnaçant la procédure ne craint-il pas s'il faut l'interrompre avoir donné de précieux renseignements à ses futurs ennemis. J'avoue que ce sont esentiellement des conhectures mais AMHO Vienne et l'Etat Major Impérial ont un poids très lourd quand au lancement de l'engrenage infernal. Je ne suis pas sûr que Vienne ait eu tout de suite conscience des conséquences globales (surtout à l'ouest), mais l'EM, pensant "deux fronts" devait lui en avoir une idée plus précise.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Août 2013 13:43 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5113
Localisation : Bourgogne
Ce n'est pas tant qu'une fois que la "machine à vaincre" est lancée elle soit inarrêtable. C'est bien que la lancer ne se fait que si on a des preuves que l'ennemi (France et/ou Russie) a déjà commencé à faire de même. Problème : en réagissant et en mobilisant à son tour, on renforce encore les mesures de l'ennemi, qui s'accélèrent. Ce qui amène à poursuivre l'escalade. Jusqu'au déclenchement effectif des hostilités.

Il ne faut pas sous-estimer l'importance de la logique d'engrenage. A partir du moment où l'ennemi a commencé à mobiliser, ne pas le faire est criminel contre son pays, car cela revient à accepter d'être mis en situation d'infériorité militaire initialement.

C'est déjà grave pour la France ; c'est dramatique pour l'Allemagne, qui sait qu'elle ne peut vaincre sans frapper comme l'éclair et éjecter manu militari la France du conflit pour se concentrer sur la Russie. Elle ne peut se permettre de perdre la moindre journée. Pour ce faire, elle doit bénéficier de l'avance maximale sur la France, ou au moins coller au plus à ses propres mesures de mobilisation de manière à ne pas être distancée.

Pire : à partir d'un certain point, la logique était irréversible. Comment savoir, même si la France avait déclaré renvoyer tous ses réservistes dans leurs foyers le 31 juillet ou le 1er août, si ce n'était pas une feinte ?

On en revient de toute manière au point initial : l'état-major allemand, dans sa vaste majorité, voulait la guerre pour s'assurer de conserver la suprématie militaire sur le continent. Donc une fois que les signaux d'agressivité patente de l'ennemi attendus avaient été lancés, pourquoi attendre, pourquoi se restreindre ?

CNE503

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Août 2013 17:37 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8185
Localisation : Provinces illyriennes
Citer :
Mais, d’après-vous, est-ce que cela signifie qu’il voulait en découdre ou justement qu’il préférait éviter une généralisation du conflit ?

Difficile à dire, mais il ne fait aucun doute dans son esprit que s'il s'en prend à la Russie, la France suivra. Ce n'est pas comme s'il ignorait les risques...
L'attitude de la diplomatie allemande est même incroyable : elle demande à la France le 1er août ce qu'elle fera en cas d'une attaque contre la Russie, elle lui répond (Viviani plus précisément) qu'elle tiendra ses engagements. Suite à quoi l'Allemagne déclare aussi la guerre à la France. Nul piège, les risques étaient calculés comme l'illustre le plan Schlieffen.
Guillaume II le savait fort bien, c'est tout de même lui qui décida en 1890 de ne pas renouveler le traité de "réassurance" avec la Russie, tout en menant un politique agressive où les intérêts anglais - entre autres - étaient directement menacés.
Maintenant, oui, toutes les conditions sont réunies en 1914 et personne ne recule. Pourquoi ? Parce que chaque puissance pensait que le moment était propice.
Ce qui les a surpris, ou "piégés" c'est la durée des hostilités, pas le reste.
C'est pour cela que j'ai bien du mal comprendre le passage de Becker que vous citiez plus haut. Il fait comme si les archives diplomatiques européennes étaient inconnues ! 8-|

Citer :
est-ce que pour la France, la défense de la Serbie valait bien une guerre généralisée ? Je ne pense pas. On l’a vu par le passé, la France avait laissé la Russie seule dans ses vues concernant les Balkans.

Nous nous sommes bien compris, au contraire. :wink:
Je voulais dire que la France défendrait la Serbie uniquement si l'Allemagne s'engageait derrière l'AH. Dans le cas contraire, la France n'aurait pas bougé, le jeu n'en valait pas la chandelle. On ne va pas envoyer des soldats français se faire tuer (sur quel front d'ailleurs ?) si les Allemands ne sont pas de la partie.
C'est pour cela que j'écrivais que ce sont Strasbourg et Metz qui intéressent les Français, pas Belgrade.

Citer :
Mais cela n’enlève en rien l’idée générale du traité.

Ce n'est pas un traité, mais une Convention militaire, qui dans son préambule reprend l'échange de notes entre Ribot et Giers de 1891. (que certains qualifient de "traité")
Celui-ci n'est pas très clair et c'est pour cela que l'EMA a fait le "forcing" auprès des Russes pour qu'une convention militaire précise soit ratifiée. Renouvin, à juste titre, relève cet élément équivoque, mais dans l'esprit des deux EMG, il n'y a pas l'ombre d'un doute.

Citer :
Les précédents sont donc assez nombreux voir que la France aurait pu passer outre cette alliance.

C'est vrai, mais en 1914 on ne peut plus louvoyer pour deux raisons :
- Suite à la guerre russo-japonaise, une longue tension s'est réalisée entre les Français et les Russes et l'alliance fut même discutée par certains officiers supérieurs russes. L'Allemagne connaissait un retour en "grâce". Depuis 1911, la tension s'apaisait, il ne fallait plus qu'elle revienne.
- La Russie recule devant Vienne depuis 1879. Une nouvelle reculade et c'est la fin du prestige russe chez les Slaves.

Citer :
Mais quand vous affirmez péremptoirement qu’ « Aucun n'a été pris au "piège", tous savaient ce qu'ils faisaient », vous vous trompez lourdement

Je ne vois pas trop bien en quoi ! 8-|
Lorsque le bluff ne fonctionne pas, on n'est pas tombé dans un "piège" pour autant...
Un piège est inconnu par définition, là tout l'engrenage fonctionne comme à la parade.

Citer :
Beaucoup espéraient que cette fois encore, une solution serait trouvée.

Qui cela ?

Citer :
Voilà, vous venez de donner 3 exemples où les choses ne se sont pas passées comme prévu et qui montrent qu’une grande guerre européenne n’était pas l’option que désiraient initialement ces gouvernements.

Au contraire, ces trois exemples illustrent parfaitement que les risques étaient connus et certainement pas sous-évalués : plan Schlieffen, plan XVII et attaque de diversion russe en Prusse-Orientale, etc.
Je n'ai d'ailleurs jamais écrit qu'une guerre européenne était la volonté des acteurs du moment, mais qu'ils connaissaient très bien les risques de cette politique agressive. Vienne et Berlin ont joué avec le feu - une fois de plus - en connaissance de cause.
Je ne vois pas trop ce qu'il y a de péremptoire ici !

Citer :
mais je ne sais pas si le gouvernement ou l’armée voulaient vraiment entamer une guerre pour récupérer ces territoires

C'est le sens même de toute la diplomatie française entre 1871 et 1914. Les moyens peuvent varier (par voie pacifique, échange colonial, conflit armée), la finalité demeure. C'est le b.a. ba.
Je vous conseille de vous orienter vers les Documents Diplomatiques Français publiés dans l'Entre-deux-Guerres, vous comprendrez mieux.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Août 2013 17:59 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8185
Localisation : Provinces illyriennes
Citer :
Il ne faut pas sous-estimer l'importance de la logique d'engrenage. A partir du moment où l'ennemi a commencé à mobiliser, ne pas le faire est criminel contre son pays, car cela revient à accepter d'être mis en situation d'infériorité militaire initialement.

Effectivement CNE 503, tout retard peut être mortel, surtout dans un contexte qui suit 30 années de politique intensive d'armement de la part des principales puissances européennes.
D'ailleurs lorsque la mobilisation générale est proclamée, nous savons fort bien que les corps d'armée les plus proches de la frontière sont déjà sur le qui vive. L'active est déjà prête à tirer le sabre, ce sont les réservistes qui, à partir de ce moment, vont les rejoindre.
La mobilisation est une arme à double tranchant, à la fois militaire et diplomatique, mais lorsqu'elle est décrété dans tous les pays, tout recul est impossible.
Qui est le maillon qui décide que cette guerre ne sera pas qu'austro-russe ? Guillaume II et son EM. Sa lettre du 14 juillet 1914, alors que la "crise" n'a pas encore débuté, témoigne de sa volonté d'en découdre :
Citer :
"Aux heures critiques tu me trouveras fidèlement à ton côté, moi et mon empire, comme l’exigent une amitié dès longtemps éprouvée et nos devoirs mutuels d’alliés. […]L’horrible forfait de Sarajevo a mis en pleine lumière les manoeuvres malfaisantes de déments fanatiques et les menées panslavistes qui menacent l’armature de l’État.
Je dois m’abstenir de prendre position dans la question ouverte entre Ton gouvernement et la
Serbie. Mais j’estime que c’est le devoir moral de tous les pays civilisés, d’opposer les mesures les plus énergiques à cette propagande par le fait, dont l’objet principal est de briser les monarchies. […] Je reconnais la nécessité de libérer les frontières méridionales de Ton empire de cette sévère pression."

Les services diplomatiques n'en sont pas pour leur reste...
L'Allemagne s'engageant "à fond" dans cette crise est le chaînon manquant qui "européanise" la crise. La France se lie obligatoirement au conflit, le Royaume-Uni certainement.
Ne pas agir de la sorte ôterait tout crédit à une puissance digne de ce nom en Europe.
Enfin, cela ôte une belle épine du pieds des Français que l'Allemagne prenne les devants : on ne peut la soupçonner d'avoir jeté de l'huile sur le feu pour l'Alsace-Lorraine.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Août 2013 21:32 
Hors-ligne
Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 11 Oct 2012 21:58
Message(s) : 1591
Pour ce qui est de l'Allemagne, je crois me souvenir que de toutes façons, il n'y d'autre alternative que le plan Schlieffen, ce qui implique forcément une guerre avec la France, que celle-ci soit belligérante ou attende son heure. Je crois me souvenir qu'en 1905, la guerre sur un front unique (avec la Russie) n'est tout simplement pas envisagée (mais il faut que je vérifie)...


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Août 2013 0:55 
Citer :
Citer :
mais je ne sais pas si le gouvernement ou l’armée voulaient vraiment entamer une guerre pour récupérer ces territoires


C'est le sens même de toute la diplomatie française entre 1871 et 1914. Les moyens peuvent varier (par voie pacifique, échange colonial, conflit armée), la finalité demeure. C'est le b.a. ba.
Je vous conseille de vous orienter vers les Documents Diplomatiques Français publiés dans l’entre-deux-guerres, vous comprendrez mieux.


C'est tout... c'est un peu court et peu convaincant! Le problème est bien "publiés dans l''Entre-deux-guerres"... Avec ce type de sources et son moment d'édition, oui effectivement je comprends pourquoi on ferme les yeux et que certains restent scotché aux mythes... Des sources, fiables, édités ou non, mais surtout juste avant la guerre ou bien pendant la guerre? Si vous avez, je prend!

Bien entendu il y a pas trop d'étude en ce moment, qui dit histoire militaire et diplomatique dit peu de recherche à un moment ou l'on fait surtout du social et du culturelle! ;) Depuis les années 1970 il me semble... Je ne me souviens plus exactement mais il me semble que sur la question responsabilités, la communauté scientifique est plus ou moins d'accord pour dire que les responsabilités ont été largement partagées...


Haut
  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Août 2013 6:24 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9064
J'ai entendu une fois à la radio une émission qui racontait que "récemment" des historiens français et allemands avaient décidé de travailler en commun pour vider une bonne fois la querelle. Il ne s'agissait pas d'établir un consensus diplomatique, mais de réexaminer l'ensemble des sources et d'en tirer des conclusions partagées.

J'ignore de quelles équipes il s'agit. Si quelqu'un a des renseignements là-dessus ils seront les bienvenus.

D'après cette émission, leurs conclusions étaient les suivantes :
- le conflit était tôt ou tard inévitable, du fait des méfiances accumulées.
- par contre la responsabilité du déclenchement effectif en juillet 14 revenait à l'Allemagne.

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Août 2013 7:52 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8185
Localisation : Provinces illyriennes
Citer :
C'est tout... c'est un peu court et peu convaincant!

Précisez le sens de votre remarque et vous aurez une réponse détaillée. :wink:
Que l'Alsace-Lorraine soit un but recherché par la classe diplomatique française n'est plus à prouver, si ?

Citer :
Le problème est bien "publiés dans l''Entre-deux-guerres"... Avec ce type de sources et son moment d'édition, oui effectivement je comprends pourquoi on ferme les yeux et que certains restent scotché aux mythes...

Je ne vois pas trop en quoi ces sources seraient contestables ou non fiables puisqu'il s'agit d'archives publiées par des historiens, Renouvin le premier.
Des mythes ? Lesquels ? On ferme les yeux sur quoi ?
Franchement, ce type de remarques évasives et inquisitrices n'apporte pas grand chose à la discussion.
Entrez-donc dans le vif du sujet !

Citer :
Je ne me souviens plus exactement mais il me semble que sur la question responsabilités, la communauté scientifique est plus ou moins d'accord pour dire que les responsabilités ont été largement partagées

Qui a écrit l'inverse ? 8-|

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Août 2013 10:56 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 15 Août 2012 20:56
Message(s) : 500
Localisation : Suisse
Je vais essayer de répondre au Duc en intégrant certains éléments tirés d’études plus ou moins récentes (c’est pas gagné…)
Citer :
Maintenant, oui, toutes les conditions sont réunies en 1914 et personne ne recule. Pourquoi ? Parce que chaque puissance pensait que le moment était propice.


Mais le moment propice pour quoi ? Pour attaquer, pour faire changer la situation ?

Les historiens Richard Hamilton et Holger Helwig* ont un avis assez tranché sur la question. Selon eux, comme vous le pensez d’ailleurs, les gouvernements savaient très bien ce qu’ils faisaient et avaient anticipé les risques. Ils rejettent les explications classiques et estiment que ce sont les leaders (pas plus d’une dizaine dans chaque Etat, une petite élite) qui ont en quelque sorte décidé de commencer la guerre et qu’ils savaient très bien où ils allaient. Ainsi, s’ils rejettent le côté fataliste, il rejettent aussi les forces profondes (impérialisme, économie, etc.) : « The ‘big causes’, by themselves, did not cause the war ».

Ils disent aussi (opinion largement partagée) que tous ces différents protagonistes se sentaient menacés et ont abordé la guerre comme une guerre de défense de quelque chose. Même l’Allemagne a eu une sorte de psychose face à un complot des autres pays qui lui voulaient du mal. En tant que tel, le conflit n’avait pas un objectif impérialiste ou de gain de territoires. Là vous ne serez pas d’accord avec eux, mais ils estiment que pour la France également, récupérer les territoires perdus n’était pas la motivation première.

Désolé pour la longueur de cette citation, mais elle est résume la position de ces deux chercheurs. « We argue that the actual decisions to go to war were a matrix of extemporizations, of choices based on assesments of recent events, of alliance needs, of power and prestige, of immediate opportunities, and of survival. » Jean-Jacques Becker, dans une de ses publications, a d’ailleurs un avis un peu similaire et met plus en avant des facteurs immédiats.

Enfin, je n’ai jamais lu le livre de Jacques Droz sur les origines de la guerre, je m’abstiendrai donc de le commenter.
Citer :
C'est pour cela que j'ai bien du mal comprendre le passage de Becker que vous citiez plus haut. Il fait comme si les archives diplomatiques européennes étaient inconnues !


On trouve cette opinion trouve dans le bouquin de Becker et Krumeich** (@Pierma voici d’ailleurs un exemple où un Allemand et un Français se sont mis ensemble pour essayer d’écrire une histoire à 4 mains). Dans l’Encyclopédie de la Grande Guerre, Becker disait aussi que si ce qui devait être un conflit austro-serbe s’est transformé en guerre franco-allemande, c’est en partie à cause d’erreurs d’appréciation de l’attitude de la Russie. Il ajoute également que les autorités fran4aises « ont subi les événements et laissé faire la Russie, elles n’ont pas joué de rôle réel. » Et, après avoir avancé quelques explications, conclut que la France fut l’une des plus passives durant la crise de juillet et qu’elle a laissé faire les Russes même si elle n’approuvait pas cette politique (je ne peux rien affirmer sur ce dernier point). John Keegan***, la mobilisation russe était « inutile » et a été un facteur très important de la dégradation. Il estime également que la France a été passive et qu’elle a suivi une « politique au fil de l’eau ».

Hamilton et Helwig ne sont pas du même avis et estiment que la France a été plus active et critiquent cette vision commune de la France totalement passive. Par contre, ils soulignent aussi que les liens avec la Russie ont décidé une partie de sa politique. Il fallait préserver ces liens à tout prix et « France could not affort do ‘decide’ whether to stand by Russia. » De plus « Poincaré’s comitment to the Russian alliance was so firm that, in the words of one historian, he pursued it even at the cost of ‘connivance in dishonesty and blackmail’ ». Cette citation dans la citation est du fait de Schuman dans War and diplomacy.

J’aurais d’autres extraits à proposer, qui mettent en avant le rôle de cette alliance dans l’engrenage vers la guerre, mais je me contente de celui-ci, assez savoureux : « In many respects, France’s goal in July 1914 was to avoid making decisions. »

Concernant ceux qui voulaient éviter la guerre, on retrouve en premier lieu la Grande Bretagne. Le ministre des affaires étrangères, Grey, était contre la guerre et a essayé de l’éviter. Et, une fois la situation totalement envenimée, il aura de la peine à constituer une majorité avec Churchill au cabinet pour que la Grande Bretagne entre en guerre. Il me semble aussi que Guillaume II voulait circonscrire le conflit et éviter l’embrasement local (en tout cas les militaires outrepassent leurs ordres et sont plus va-t-en-guerre que lui).

Citer :
Je n'ai d'ailleurs jamais écrit qu'une guerre européenne était la volonté des acteurs du moment, mais qu'ils connaissaient très bien les risques de cette politique agressive. Vienne et Berlin ont joué avec le feu - une fois de plus - en connaissance de cause.



Annik Mombauer****, dans un petit livre bilan sur les origines de la guerre, estime que Vienne et St. Petersbourg voulaient la guerre, qu’ils n’auraient pas pu y parvenir si l’Allemagne n’avait pas eu l’attitude qu’on lui connaît.

Mais exprimé ainsi, je suis plutôt d’accord avec vous. Par contre, s’ils connaissaient les risques, ils ont joué avec le feu en espérant que cela fonctionnerait une fois encore. Et là je maintiens ma notion de piège, puisqu’ils se sont retrouvés imbriqués dans un système qu’ils croyaient maitriser. En revenant sur la chronologie fine de juillet 1914, il y a quand même passablement de moments où le vent aurait pu retomber. Qu’il y ait eu des erreurs et une connaissance du risque, certes, mais tous les Etats se sont trompés à un moment ou à un autre. Avec le recul, il est peut-être plus facile de voir l’enchainement qui conduit à la guerre. Mais à l’époque, à moins de vouloir à tout prix que la guerre commence, il était difficile de se faire une vue d’ensemble et de comprendre précisément que A allait entraîner B, qui allait entraîner C, etc. Pour conclure, je laisse la parole à Stevenson***** qui résume un peu la question et dit que le déclenchement de la guerre est « a consequence of decisions to run calculated, or miscalucalted risks, and, when armed diplomacy failed, to go forward rather tahn back down. »


* Decisions for War, 1914-1917, 2004, et The Origins of World War I, 2003. Le premier étant un résumé du deuxième, qui est beaucoup plus complet.

** La Grande Guerre, une histoire franco allemande, 2012 (2008) Encyclopédie de la Grande Guerre, dirigée par JJ Becker et S. Audoin-Rouzeau, 2012 (2004)

*** La Première guerre mondiale, 2005 (1998)

**** The Origins of the First World War, 2002. D’ailleurs elle a édité cette année un recueil de sources sur les origines de la guerre ( The origins of the First World War : diplomatic and military documents). Mais ma bibliothèque ne l’a pas encore reçu.

**** Armaments and the coming of war, Europe : 1904-1914, 2000 (1996)

_________________
Comme disaient les Kennedy, "faut pas se laisser abattre"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Août 2013 13:26 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8185
Localisation : Provinces illyriennes
Merci pour cet apport anglo-saxon, notamment le plus récent, dont j'ignorais l'existence. :oops:

Citer :
Mais le moment propice pour quoi ? Pour attaquer, pour faire changer la situation ?

L'attaque et la victoire courte et rapide peuvent faire "changer la situation" à peu de frais.
N'oublions pas que le premier objectif d'une guerre est de faire la paix, une paix avantageuse pour le vainqueur, qui n'a pas réussi à obtenir gain de cause par des voies plus pacifiques.

Citer :
Ils rejettent les explications classiques et estiment que ce sont les leaders (pas plus d’une dizaine dans chaque Etat, une petite élite) qui ont en quelque sorte décidé de commencer la guerre et qu’ils savaient très bien où ils allaient. Ainsi, s’ils rejettent le côté fataliste, il rejettent aussi les forces profondes (impérialisme, économie, etc.) : « The ‘big causes’, by themselves, did not cause the war ».

A ce titre, leur point de vue semble rigoureusement exact.
Je ne me prononce que sur le cas français, mais la méconnaissance de la classe politique française des affaires internationales, entre 1871 et 1914, est patente. Melchior de Vogüé, alors secrétaire de l'Ambassade de France à Saint-Pétersbourg - lorsque le général Le Flô était en charge - note dans son Journal qu'à part Gambetta et Freycinet presqu'aucun "ministériable" ou député français n'avait de connaissance sur la diplomatie européenne, voire sur sa géographie. Certains ignoraient même ou se trouvaient la Bulgarie... :rool:
Cette ignorance se poursuit par la suite et laisse à une minorité de diplomates la bonne connaissance des affaires et la possible pression sur les décisions. Les ministres changeant trop souvent, souvent faibles et ignorants, ce sont eux, avec les militaires (moins après 1898), qui pèsent souvent sur la balance. Il ne s'agit pour autant pas d'un complot ou de quelque autre chose de cet ordre : il faut y voir une manière de penser et d'agir qui correspond à leur travail quotidien. Cela en devient un réflexe même, que leurs collègues européens connaissent aussi.

Citer :
Même l’Allemagne a eu une sorte de psychose face à un complot des autres pays qui lui voulaient du mal.

Une fabrication bismarckienne, datant de la fin des années 1870, entrée dans l'esprit des Allemands jusqu'en 1914, avec la fameuse thèse de "l'encerclement" auquel serait soumise l'Allemagne.
Bismarck agitait souvent cet épouvantail lors du vote des crédits militaires au Reichstag. Le danger pour lui était la "revanche française" et à ce titre il fallait l'isoler tout en l'amadouant sur la question coloniale. Après, il nuançait devant les Ambassadeurs français...
C'est davantage un argument rhétorique, utile pour la propagande impériale, qu'une réalité.
Cinq puissances (dont trois majeurs en Europe) ne retrouvent pas "encerclées" par trois ou quatre autres !

Citer :
Dans l’Encyclopédie de la Grande Guerre, Becker disait aussi que si ce qui devait être un conflit austro-serbe s’est transformé en guerre franco-allemande, c’est en partie à cause d’erreurs d’appréciation de l’attitude de la Russie. Il ajoute également que les autorités fran4aises « ont subi les événements et laissé faire la Russie, elles n’ont pas joué de rôle réel. » Et, après avoir avancé quelques explications, conclut que la France fut l’une des plus passives durant la crise de juillet et qu’elle a laissé faire les Russes même si elle n’approuvait pas cette politique (je ne peux rien affirmer sur ce dernier point).

Ce point est plus obscur. :-|
Il est clair qu'au moins de juillet, avant que la position austro-hongroise, soutenue par l'Allemagne, ne se développe, personne ne pense en Europe qu'un conflit ne puisse arriver pour l'assassinat d'un archiduc. Tout s'emballe dans la deuxième quinzaine du mois de juillet, avec cette volonté autrichienne de faire une guerre pour cimenter le régime, la Russie est aussi atteinte par ce genre de velléité.
Cependant, la diplomatie française partage cette marque de fermeté russe à l'encontre de l'ultimatum autrichien. Elle n'a pas le choix, comme je l'ai expliqué plus haut. Toute la stratégie française est fondée sur l'alliance russe, sans elle, il y a peu de chance de vaincre l'Allemagne. Ce n'est donc pas un boulet trainé par la France, d'autant plus depuis la guerre russo-japonais, la France a pris un ascendant sur la Russie, alors que c'était plutôt l'inverse dans les années 1890.

Citer :
Concernant ceux qui voulaient éviter la guerre, on retrouve en premier lieu la Grande Bretagne. Le ministre des affaires étrangères, Grey, était contre la guerre et a essayé de l’éviter.

Comme je l'ai expliqué plus haut, un personnage ne peut pas arrêter le torrent qui touche l'opinion anglaise depuis près de vingt ans, où l'Allemagne et plus précisément Guillaume II sont grimés en permanence dans les médias comme des envahisseurs potentiels et une menace permanente pour l'Empire.

Citer :
Il me semble aussi que Guillaume II voulait circonscrire le conflit et éviter l’embrasement local

La lettre citée plus haut va plutôt dans le sens opposé.

Citer :
estime que Vienne et St. Petersbourg voulaient la guerre, qu’ils n’auraient pas pu y parvenir si l’Allemagne n’avait pas eu l’attitude qu’on lui connaît.

L'enjeu résidait bien la position qu'allait adopter l'Allemagne :
- Vienne n'aurait rien pu faire sans elle.
- La France ne serait pas entrée en guerre sans que les Allemands soient de la partie, le Royaume-Uni sans doute pas davantage.
Il ne faut cependant pas y percevoir une vendetta contre l'Allemagne et le Kaiser, mais la recherche d'un moment opportun pour mettre fin à l'omnipotence allemande en Europe, acquise depuis 1871 et renforcée depuis par la politique bismarckienne, sans parler de la politique wilhelmienne outrancière et souvent agressive.

Citer :
je suis plutôt d’accord avec vous. Par contre, s’ils connaissaient les risques, ils ont joué avec le feu en espérant que cela fonctionnerait une fois encore. Et là je maintiens ma notion de piège, puisqu’ils se sont retrouvés imbriqués dans un système qu’ils croyaient maitriser.

Vous m'en voyez ravi. :wink:
Il est juste dommage que vous ne m'ayez pas fait confiance au départ. Je n'ai aucun intérêt à écrire n'importe quoi...
Quant au système, il est totalement maîtrisé par ses contemporains : l'engrenage des alliances est parfaitement connu. C'est bien pour cela que l'Allemagne veut être bien certaine de ce qu'elle doit faire le 1er août en questionnant le gouvernement français de sa réaction en cas d'une guerre germano-russe. Viviani déclare que les engagements de la France seront tenus. Suite à quoi Berlin déclare la guerre à la France. Nul besoin de dessin...

Citer :
Mais à l’époque, à moins de vouloir à tout prix que la guerre commence, il était difficile de se faire une vue d’ensemble et de comprendre précisément que A allait entraîner B, qui allait entraîner C, etc

Si, au contraire, les seuls pour lesquels les chancelleries européennes doutaient étaient les Roumains (affichés cependant proches de la Triplice mais pouvant se "vendre" au plus offrant) et les Italiens (avaient promis leur neutralité à la France en 1902, mais comment les faire entrer dans l'Entente ?). Cette défaillance tardive de l'Italie étant d'ailleurs un des rares grains de sable dans le système.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Août 2013 13:47 
Hors-ligne
Salluste
Salluste

Inscription : 01 Oct 2012 10:48
Message(s) : 292
J'ai lu il y a longtemps , en 1939 dans un livre de distribution des prix , que l'allemagne avait exigé , comme condition de sa neutralité , la remise à tittre de gage d'un certain nombre de places , dont Verdun
Il est évident que la France ne pouvait accepter , et que c'était la guerre assurée
Qu'y a-t-il de vrai là-dedans ?


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Août 2013 14:07 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8185
Localisation : Provinces illyriennes
C'est exact, le baron de Schoen apporta cet "ultimatum" à Viviani le 31 juillet. Toul était aussi concernée.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 412 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 ... 28  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 27 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB