Citer :
Effectivement, quand on sait comment c'est déroulé la bataille, il est plus facile de voir ce qu'il aurait fallu faire...
Evidemment. Il n’empêche que certains ont vu clair quand Joffre se fourvoyait à chacune de ses décisions. A commencer par le général Michel, dont le plan XVI était une réponse bien plus clairvoyante au plan Schlieffen que le plan XVII de Joffre.
Malheureusement, il n’a pas su le vendre à une classe politique, adepte de l’offensive à outrance, et a été démis de ses fonctions.
Pour le remplacer, on choisit Joffre, sans brevet d’état-major et représentant le génie au sein du conseil supérieur de la guerre.
D’autres avaient été pressentis dont les Généraux Gallieni et Pau. Mais, trop proches de l’âge de la retraite, ils ont étés ou se sont estimés incapables d’avoir le temps suffisant pour imprimer leur marque à la défense de la France.
Joffre n’était donc pas un premier choix mais sa franche adhésion à la doctrine de l’offensive à outrance, sa capacité à dissimuler ses échecs au pouvoir civil ou ses plans à ses subordonnés ,en charge de l’exécution, et son art de tirer dans les pattes de ses concurrents- qu’on songe au limogeage de Lanrezac ou au retrait de commandement de Pétain après la défense réussie de Verdun au 1er mai 1916- lui permirent de se maintenir jusqu’à la fin de 1916.
Heureusement, d’autres ont pris des bonnes décisions sans trop s’en référer à lui.
Quand Joffre faisait attaquer du faible au fort les 3e et 4e armée dans le sud du Luxembourg belge provoquant la funeste journée du 22 août (27.000 morts français), Lanrezac décidait judicieusement la retraite de la 5e armée et dans la foulée gagnait la bataille de Guise.
Castelnau, après la bévue de Foch à Mohrange, gagnait, sur l’aile droite, la bataille de la trouée de Charme, après avoir lancé l’ordre fameux et pourtant parfaitement idoine : « En avant, partout et à fond », lui le général soucieux du sang de ses hommes. Cette victoire permit à Joffre de renforcer l’extrémité de l’aile gauche en constituant la 6e armée de Maunoury, à peu près la seule décision à mettre à son crédit.
Gallieni comprenait d’emblée les possibilités qu’offrait l’erreur de Von Kluck au début septembre et entamait victorieusement la bataille de la Marne.
Le Roi Albert 1er de Belgique faisait sortir trois fois son armée du camp retranché d’Anvers au moment de la Marne retenant ainsi des troupes de l’aile marchante allemande et puis alignait son armée sur l’Yser aux cotés des alliés.
Sans toutes ces décisions prises en dehors de lui, la victoire allemande aurait été acquise dès 1914.
Citer :
Ensuite, la vision de celui qui est à l'arrière est forcément différente de ceux qui sont en première ligne. Car pour exploiter une percée, il faut des ressources disponibles pour maintenir un nouveau front, et surtout ne pas se faire remettre dérrière les lignes de départ en cas de contrattaque...
Durant plus de deux années, de novembre 1914 à décembre 1916, Joffre a entretenu le mythe de la percée décisive sacrifiant en son nom des centaines de milliers de vies françaises.
Rappelons que l’année la plus tragique pour l’armée française n’est pas 16 (année de Verdun et de la Somme) ni 17 (année du chemin des dames) ni 18 (année des grandes offensives allemandes et de la campagne victorieuse des cent jours) mais 1915. C’est l’année des grandes offensives, aussi sanglantes qu’inutiles, de Joffre, faites au nom du mythe de la percée. Il grignotait l’allemand mais vidait la nation de ses forces vives.
Et quand cette percée se produit (sur la Somme le 1er et 2 juillet, à la crète de Vimy, dans une moindre mesure, le 9 mai 1915), il n’a pas prévu les moyens de l’exploiter, ou, si ceux-ci existent, il ne les utilise pas.
Pourtant, Castelnau, qui voyait les choses du même QG que Joffre, avait perçu les possibilités offertes.
Une attaque vers le sud de la Somme n’aurait sans doute pas conduit l’armée française à Berlin ni même à Lille ou à Bruxelles mais elle aurait permis la capture de quatre divisions allemandes et la libération d’une vaste zone du territoire nationale précisément celle qui sera victime de la politique de la terre brulée et de déportation des populations menée par Ludendorff , quelque mois plus tard, lors de l’opération Alberich.
Je maintiens mon jugement plus que sévère à l’égard de Joffre. C’était un piètre stratège et tacticien, plus soucieux de la conservation de son pouvoir que du salut de la patrie. Et ses poulains, Nivelle et Gamelin n’ont guère fait mieux.
Seul Douglas Haig peut lui disputer le titre de la ganache la plus sanguinaire de la grande guerre. Mais, au moins, ce dernier a participé à la victoire finale.