Tiré d'un dossier que j'ai constitué sur le sujet bien plus large de la renaissance de l'armée allemande (1919-1935) :
CEN_EdG a écrit :
L'échec final des offensives lancées par l'armée allemande entre mars et juillet 1918, et le succès rencontré par celles des Alliés au cours de l'été et de l'automne suivants, avaient anéanti tout espoir de victoire parmi la population et les soldats allemands : confrontés à des pertes dramatiques, s'ajoutant à celles déjà immenses subies depuis quatre ans de guerre, alors même qu'on les avait assurés, à grand renfort de propagande, de la certitude de la victoire maintenant que le colosse russe avait été abattu ; soumis aux privations drastiques imposées par le blocus naval de leurs côtes et l'affectation des ressources les plus élémentaires à l'industrie de guerre ; lâchés par les alliés du Reich, poussés à quitter un à un le conflit , ils n'avaient en cet automne 1918 plus guère de refuge que dans l'abattement.
L'Oberste Heeresleitung (OHL), pourtant, ne pouvant se résoudre à endosser une défaite désormais inéluctable, continua à gérer un conflit qui lui échappait : espérant conserver tout ou partie des immenses territoires cédés par la Russie bolchevique au traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918), les décideurs allemands maintinrent d'importants effectifs pour occuper une conquête comprenant les pays baltes, la Biélorussie et l'Ukraine ; refusant l'inévitable, en dépit de signes de fléchissement alarmants et d'une pression des armées alliées de plus en plus irrésistible, ils supervisèrent les combats rétrogrades vers les frontières occidentales du Reich. Ils se défaussèrent de leurs responsabilités après que Ludendorff eût informé le Kaiser le 29 septembre que la guerre ne pouvait plus être gagnée.
La chute finale de ce drame serait donc initiée par d'autres : refusant d'accepter la défaite sans que la flotte ait pu se battre, la Seekriegsleitung (SKL), l'amirauté allemande, donna l'ordre à ses vaisseaux de sortir de leurs mouillages et de se concentrer afin de combattre la Grand Fleet britannique dans une ultime bataille rangée livrée pour l'honneur. C’était un ordre discutable, alors même que les échecs militaires et l’effondrement des puissances centrales rendaient inévitable la paix à brève échéance. C'était surtout un ordre suicidaire, car la disproportion des forces précipitait la flotte allemande vers la défaite et la destruction. C'est bien ainsi que le comprirent des centaines de matelots : percevant la condamnation implicite qu'engendrerait pour tous les membres de la Hochseeflotte son exécution alors même que la fin des hostilités paraissait proche, certains équipages se mutinèrent (les équipages des cuirassés SMS "Thuringen" et "Helgoland", en particulier, se mutinent ouvertement et procèdent à des actes de sabotage de leur propre navire, tandis que ceux des SMS "Markgraf", "König" et "Großer Kurfürst" refusent de lever l'ancre - in Paul Gentizon, La révolution allemande [novembre 1918-janvier 1919], 238 pages, Editions Payot, 1919, p.220) et, bientôt suivis par leurs homologues sur la plupart des navires, refusèrent de participer à l'opération, obligeant à la décommander devant l'ampleur de l'insubordination. Le mal était fait, et malgré l'arrestation de plusieurs centaines de mutins et l'ordre de disperser la flotte, la révolte prit rapidement de l'ampleur : le 2 novembre, des centaines de marins manifestaient à Kiel pour obtenir la libération des prisonniers ; le 3, ils étaient 20 000 à se rassembler, demandant l'abdication du Kaiser et formant spontanément un conseil d'ouvriers et de matelots inspiré des Soviets russes, tandis qu'éclataient les premiers coups de feu entre soldats demeurés dans l'obéissance et matelots mutinés : au soir, le bilan était de sept tués et 29 blessés ; le lendemain, le drapeau rouge était hissé sur la plupart des unités de la flotte.
Les autorités de Kiel s’avèrent incapables d'endiguer ce soulèvement auquel on donnera le nom de Kieler Matrosenaufstand, une mutinerie qui dépasse de loin leur capacité de coercition. Se répandant dans toute l'Allemagne, les marins révoltés sont bientôt imités à Brême et à Hambourg (le 6 novembre), à Munich (le 7), à Stuttgart (le 8), à Dresde et à Berlin (le 9), où éclosent les "Arbeiter und Soldatenräte", les conseils d'ouvriers et de soldats gagnés aux idées bolcheviques dont plus de 10 000 sont bientôt recensés… Initiée par la flotte, la révolution était à la fin de la première décade de novembre 1918 en marche à travers toute l'Allemagne, balayant les cours royales et les institutions impériales.
Devant cette succession rapide d'évènements qui échappent à tout contrôle, le chancelier d'empire, le libéral prince Max de Bade, annonce le 9 novembre 1918 l'abdication du Kaiser et choisit de démissionner au profit du député socialiste Friedrich Ebert, président du SPD, tandis que le "seigneur suprême de la guerre", Guillaume II, abandonnant précipitamment le quartier-général impérial de Spa, en Belgique, s'exile aux Pays-Bas. Le lendemain 10, la république est proclamée à Berlin sous la pression d’une rue gagnée aux "indépendants" et aux Spartakistes ; Ebert est suffisamment inquiet de la tournure des évènements pour solliciter l’appui de l’institution la moins intéressée à la défense du nouveau régime tant elle était le champion de l’ancien, l'armée : le 10 novembre, au cours d’une conversation téléphonique dramatique avec Groener qui conditionnera le déroulement subséquent des évènements, cet appui lui est cependant accordé .
A une situation intérieure se dégradant sans cesse – ce qui permettra d'initier la légende du Dolchstoβ, le fameux "coup de poignard dans le dos" – se superpose une évolution internationale non moins dramatique : soumises à une forte pression alliée et aux effets latents de la propagande bolchevique, les armées de l'Ouest menacent de se désagréger ; aussi le 11 novembre, l'armistice est conclu à Rethondes avec les puissances occidentales. L'armée allemande est contrainte de livrer d'énormes quantités de matériel et de se retirer sous trente jours des territoires occupés en France, en Belgique et au Luxembourg depuis août 1914, mais aussi de l'Alsace-Moselle et de la rive gauche du Rhin.
Afin d'obtempérer aux conditions de cet armistice, les forces armées impériales encore stationnées dans ces territoires – près de 200 divisions rassemblant deux millions d'hommes – reçoivent l'ordre de rejoindre leur garnison du temps de paix et d'y attendre la conclusion d'un accord de paix entre les belligérants.
Cet ordre est exécuté dans une discipline relative. Certaines unités, en particulier celles qui avaient été soumises à la propagande bolchevique en Russie, se délitent à la perspective du retour dans leurs foyers après quatre années d'une guerre impitoyable. Elles rentrent en effet dans une Allemagne à la situation intérieure des plus confuses, agitée par la fièvre révolutionnaire et soumise à la triple autorité concurrente du "conseil des commissaires du peuple" (Rat der Volksbeauftragten) dirigé par Ebert, l'organe ayant le plus de légitimité malgré les circonstances confuses dans lesquelles il a été créé, des conseils d'ouvriers et de soldats (et en particulier de leur émanation principale dans la capitale allemande, le "comité exécutif des conseils des soldats et des ouvriers à Berlin" - Vollzugsrat der Arbeiter und Soldatenräte in Berlin) et des administrations de l'ancien régime, dont certaines sont encore en place. En plus des désertions qui se multiplient, de nombreux traînards demeurent, parfois en groupes, en arrière des unités en retraite et perpétuent des actes de maraudage sur les populations civiles ; des cas d'insubordination voire de violence envers les officiers sont signalés ; tout ou partie des garnisons de Bruxelles, de Liège, d'Anvers, arborant le drapeau rouge, se mutinent et se livrent au pillage. Dans l'ensemble cependant, les armées de l'Ouest conservent leur cohésion et retraitent avec ordre, selon les mouvements orchestrés par l'OHL et conformément à la cadence fixée par les Alliés. Ces derniers, après avoir libéré l'Alsace-Moselle entre le 17 et le 24 novembre et avoir occupé la Sarre à partir du 23, pénètrent en Prusse rhénane en direction du Rhin le 1er décembre 1918 pour établir sur la rive droite du fleuve trois têtes-de-pont à Cologne, Coblence et Mayence. Sur le front occidental, leur avance s'achève.
La défaite consommée à l'Ouest par une retraite humiliante jusqu'aux frontières du Reich, le maintien d'une présence allemande dans le proconsulat taillé dans les territoires occidentaux de l'ancien empire russe à l'issue de la paix de Brest-Litovsk est largement compromis. Outre que l'armistice de Rethondes rend caduques les dispositions de ce traité séparé, il stipule que l'évacuation de l'Ukraine, de la Biélorussie et des pays baltes interviendra à brève échéance, "dès que les Alliés jugeront le moment venu, compte tenu de la situation intérieure de ces territoires". Conscients que la conservation de la totalité des immenses conquêtes réalisées au détriment de la Russie est impossible, les dirigeants allemands ordonnent au demi-million de soldats que comprennent encore leurs armées de l'Est de commencer leur retraite. Celle-ci débute dans la seconde quinzaine de novembre 1918 et est exécutée méthodiquement, avec la plus grande lenteur, afin de tenir éloigné des frontières allemandes le plus longtemps possible le péril bolchevique. Si les motivations politiques la justifient aisément, cette lenteur suscite dans la troupe un mécontentement très virulent, sentiment exacerbé par l'éloignement du pays et l'attitude hostile d'une population mise en coupe réglée depuis plusieurs mois. Alors que les armées de l'Ouest conservent de manière très générale discipline et cohésion, celles de l'Est, soumises à une propagande bolchevique très active, sont au bord de la révolte.
Pour compliquer encore une situation déjà périlleuse, l'emprise du Reich sur la Pologne se desserre, compromettant la retraite des armées de l'Est : la libération de Jozef Pilsudski, le héros national, a entraîné une profonde agitation en Pologne russe, occupée depuis 1915 et soumise à l'autorité d'un gouverneur militaire allemand assisté d'un conseil de régence ; même la région de Posen, prussienne depuis 1815, est secouée par des velléités indépendantistes. Menacées d'être débordées par le mouvement, les troupes d'occupation évacuent la Pologne russe à compter du 12 novembre, tandis que Posen tombe sous la coupe des conseils d'ouvriers et de soldats phagocytés d'éléments polonais radicaux. La retraite des armées de l'Est passe désormais obligatoirement par la Courlande et la Prusse-orientale, par un mouvement de flanc long et dangereux, entre une Pologne hostile et des armées bolcheviques enhardies par la retraite allemande.
Jalonnant ce périple, réalisé dans des conditions déplorables, déserteurs, transfuges, traînards parsèment la route des unités allemandes. Battant en brèche l'autorité de leurs officiers, certains éléments, démoralisés, capitulent en rase campagne ; d'autres, isolés, fraternisent avec les Bolcheviks. Laissant des milliers d'hommes derrière elles, les armées de l'Est finiront, dans les derniers jours de 1918 et les premiers de 1919, par rejoindre le Reich, talonnées par l'Armée rouge. Entre eux, il ne restera plus qu'un mince cordon de volontaires pour en défendre les marches orientales.
Concernant le Flottenbefehl dont je parlais plus haut :
CEN_EdG a écrit :
Cet "ordre à la flotte" (Flottenbefehl) avait pour origine le mémoire Überlegungen in ernster Stunde ("considérations en cette heure grave") du Konteradmiral Adolf von Trotha, le chef du Marinekabinett impérial, qui fut approuvé par le chef du Seekriegsleitung, l'Admiral Reinhard Scheer, le 8 octobre 1918. Ce dernier écrivit dans le Lagebericht der Seekriegsleitung du 16 octobre 1918 qu'il s'agissait "d'une obligation d'honneur morale, et qu'il en va de l'existence de la marine, qu'elle ait fait tout son possible dans un dernier combat" ("[…] so ist es doch aus moralischen Gesichtspunkten Ehren – und Existensfrage der Marine, im letzten Kampf ihr Äußerstes getan zu haben.").
Ce Flottenbefehl est diffusé le 24 octobre 1918, pour une concentration de la flotte le 29 et une sortie le 30 octobre.
Concernant la "Weihnachtkrise" :
CEN_EdG a écrit :
Le 23 décembre 1918, les matelots de la Volksmarine-Division, parmi les plus intéressés à la défense d'une révolution dont l'anarchie leur profite grandement, prennent en otage et maltraitent le commandant militaire de Berlin, Otto Wels, investissent la chancellerie et séquestrent les commissaires du peuple après s'être vus refusé le versement de leur solde. Ebert demande à Groener l'intervention de ses troupes pour reprendre le contrôle de Berlin. Au matin du 24 décembre, 800 soldats loyalistes de la Garde-Kavallerie-Schützen-Division, appuyés par de l'artillerie et soutenus par des miliciens républicains, attaquent les matelots révolutionnaires retranchés dans les bâtiments gouvernementaux. Après plus d'une heure de bombardement et de combats confus autour du Marstall et du Stadtschloss (qui provoquent la mort de onze matelots et d'une vingtaine de civils), la foule mobilisée en hâte par les leaders spartakistes s'interpose, retourne les miliciens chargés d'assurer la sûreté arrière des combattants et menace d'écraser les éléments gouvernementaux. Obligé d'extraire ses troupes de ce guêpier, le général Lequis ne peut rétablir la situation et doit admettre qu'il n'a su prendre l'ascendant lors de cette Weihnachtskrise (désignée également comme les Weihnachtkämpfe). L'OHL est battue, il n'a pu s'imposer aux forces révolutionnaires ; Berlin reste dominée par les milices spartakistes, le gouvernement d'Ebert directement menacé dans sa propre capitale par des factions armées sûres de leur force et hostiles à ses objectifs politiques.
De cet échec militaire dramatique va pourtant découler une victoire politique majeure d'Ebert : en guise de protestation contre ce qu'ils considèrent comme un coup de force réactionnaire, les trois commissaires du peuple issus de l'USPD, Hugo Haase, Emil Barth et Wilhelm Dittmann, démissionnent le 28 décembre du conseil qui dirige l'Allemagne depuis près de deux mois ; ils laissent celui-ci entièrement dominé, sans contrepoids, par les sociaux-démocrates majoritaires d'Ebert, et suppriment par leur retrait le principal obstacle au concours, même réticent, des élites conservatrices à l'instauration d'un système parlementaire bien éloigné des revendications spartakistes. Pour ce faire, prenant acte des excellents résultats qu'il a obtenus dans la pacification de Kiel dont il était gouverneur, Ebert appelle dès le 27 décembre 1918 Gustav Noske aux fonctions de commissaire chargé de la défense
Concernant la première "semaine sanglante" de Berlin :
CEN_EdG a écrit :
Les élections générales ayant été fixées au 19 janvier 1919, le temps presse Ebert. Après avoir jugulé l'influence des "indépendants" dans son propre cabinet, il décide de faire acte d'autorité le 4 janvier 1919 en limogeant le chef de la police berlinoise, Emil Eichhorn, personnalité de l'USPD et dont l'action, avant, pendant et après la crise de Noël, avait été jugée laxiste voire totalement partiale. Encouragé par l'absence de forces gouvernementales significatives dans Berlin (seul le Freiwilligen-Regiment "Reinhard" est alors disponible dans le centre de Berlin après le repli sur Teltow de la Garde-Kavallerie-Schützen-Division le 2 janvier 1919. Aussi désigné Freikorps "Reinhard", du nom de son chef, l'Oberst Wilhelm Reinhard, il a été formé à partir du 24 décembre 1918 à partir de l'Unteroffiziersbataillon "Suppe" et de volontaires du 4. Garde-Regiment zu Fuβ. Dès le 5 janvier 1919, il déploie deux compagnies pour assurer la sûreté de la chancellerie et du ministère des affaires étrangères sur la Wilhelmstraße), l'intéressé refusa la décision des commissaires du peuple, et l'ensemble des partis d'extrême-gauche appela à des manifestations dès le lendemain afin de désavouer une décision jugée inique et contre-révolutionnaire. Le 5, des centaines de milliers de Berlinois répondent à cet appel et se mettent à arpenter les rues de la capitale, en une réédition de la journée révolutionnaire du 9 novembre précédent. Les Spartakistes du KPD s'y impliquent largement, et bien que cette manifestation géante ne se caractérise pas par tous les débordements que l'historiographie postérieure a pu lui attribuer, certaines rédactions de journaux – de ceux qui appelaient à lever des Freikorps supplémentaires ou à tuer les leaders spartakistes mais aussi celle du "Vorwärts", l'organe du SPD – sont occupées. Profitant de cette démonstration de force de la classe ouvrière, les principaux chefs des partis radicaux mettent sur pied un "comité révolutionnaire intérimaire" (Provisorischer Revolutionsausschuss), dirigé par Karl Liebknecht et Georg Ledebour, chargé d'en canaliser les forces vives et d'en tirer les provendes politiques. Après de multiples tergiversations, le comité décide de recourir à la lutte armée en vue de renverser le gouvernement, sous la pression d'extrémistes tels que Liebknecht et en dépit des réticences d'autres leaders tels Rosa Luxemburg.
Le 6 janvier, le comité demande à reconduire la manifestation, suivie par une foule encore plus nombreuse que la veille. La tension monte entre les masses populaires, infiltrées par quelques centaines de radicaux armés, et les loyalistes chargés de la protection des bâtiments gouvernementaux. Les milices rouges menacent de s'emparer de la caserne de Moabit mais, intimidés par un tir de semonce, n'osent attaquer. Elles s'enhardissent en revanche face aux Freikorpskämpfer qui défendent les accès à la chancellerie, et la confrontation dégénère. Repoussés par les rafales de mitrailleuses des soldats du Freiwilligen-Regiment "Reinhard" avec de lourdes pertes – une vingtaine de tués et le double de blessés – elles n'insistent pas.
Soucieux de la tournure des évènements et pressé en ce sens par le général von Lüttwitz, Ebert demande à renforcer les forces présentes dans Berlin par l'adjonction de Freikorps supplémentaires. Dans le même temps, il entreprend des négociations avec le comité révolutionnaire par l'entremise de l'USPD. Celles-ci sont rompues le 8 janvier, lorsque les leaders radicaux apprennent l'arrivée de renforts gouvernementaux dans la capitale. Ils tentent en hâte de mettre la capitale en état de repousser les forces gouvernementales, mais c'est une mesure tardive pour s'opposer aux Freikorps auxquels Noske a donné l'ordre de reprendre le contrôle du centre de Berlin.
Les directives du commissaire à la défense sont exécutées avec une promptitude que n'égale que la brutalité des Freikorpskämpfer : le 10, le Freiwilligen-Regiment "Reinhard" s'empare après de brefs combats du quartier de Spandau, et fusille tous les prisonniers capturés dans l'assaut de l'hôtel de ville ; au même moment, le Freikorps "Potsdam" reprend de vive force la Belle-Alliance-Platz et notamment la rédaction du "Vorwärts" âprement défendue, tandis que le siège du KPD est saccagé. Une nouvelle fois, plusieurs des 350 prisonniers sont exécutés sans jugement, le passage à tabac des autres étant la règle. Le 11, Noske entre dans la ville à la tête des 3 000 Freikorpskämpfer de la 1. Marine-Brigade et du Freiwilligen-Landesjägerkorps, qui prennent position autour des bâtiments ou sur les axes stratégiques. Dans l'après-midi du 11, le dernier bastion spartakiste, la direction de la police où Emil Eichhorn s'est retranché, après un bombardement préliminaire, est prise d'assaut par les fusiliers de la Garde du Freiwilligen-Regiment "Reinhard" qui en massacrent les défenseurs qui n'ont pas eu le bon sens de fuir.
Les Freikorps se déploient ensuite, quadrillant la ville, étouffant toute agitation. Débute alors la chasse aux Spartakistes qui, pris, sont le plus souvent fusillés sans autre forme de procès. Liebknecht et Luxemburg, en fuite, sont capturés le 15 au soir, violentés lors de leur interrogatoire et sommairement exécutés dans la nuit, leurs cadavres abandonnés. Au total, on dénombrera lors de cette "semaine sanglante" de Berlin, aussi appelée Spartakusaufstand (ou "soulèvement spartakiste"), 156 morts et des centaines de blessés, pour quatorze Freikorpskämpfer tués et une vingtaine blessés. Le 15, les troupes gouvernementales sont maîtresses de la capitale ; le 19, les élections constituantes s'y déroulent sans incident notable.
J'ai mis des parties résumées et sans notes de bas de page. Je couvre bien sûr les épisodes ultérieurs, jusqu'au putsch de Kapp-Lüttwitz de mars 1920 quant à la situation politique intérieure allemande (on estime que la révolution allemande s'achève définitivement avec l'écrasement de la Rote-Ruhrarmee en avril 1920), mais bon, ménageons un peu de suspens.
Cordialement,
CEN EdG
Edit : et dommage pour la synthèse, cette fois-ci au moins