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Message Publié : 02 Déc 2012 0:42 
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Jean Froissart
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Je ne rejoins pas tout à fait Jadis dans son analyse.

En effet, la Stavka a abandonné le Tsar dans les jours et les heures qui ont précédé l'abdication. Il est cependant à noter que le général Alexeïev a laissé le sale boulot au général Rousski (mal récompensé par les gardes rouges qui le massacrèrent à la baïonnette) : la stavka avait laissé le Tsar quitter Moghilev sans réagir dans un sens ni dans l'autre.

Ensuite, pendant la période qui court de la révolution de février au coup de force bolchevique, dire que l'état-major général verrouillait la situation dans le cadre d'une volonté de rester fidèle à l'alliance meurtrière avec la France et l'Angleterre me semble douteux pour deux raisons :

- tout d'abord parce que cette volonté fut politique, voulue et assumée par les gouvernements du Prince Lvov puis de Kerenski (ce qui les a très certainement accéléré vers leur perte) et non militaire

- et aussi parce que la Stavka faisait l'objet d'une suspicion très forte de la part des gouvernements libéraux qui se sont succédés d'avril à octobre. Nombre de généraux, après avoir laissé choir le Tsar comme une chaussette, avaient commencé à se demander s'ils ne s'étaient pas un peu gourés ... On verra le même phénomène en Allemagne un an plus tard, ou l'état-major général fera signer son abdication au Kaiser dans une ambiance interne de coup d'état, avant de se rendre compte qu'il vient de faire la connerie de sa vie !

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"Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".

Yves Modéran


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Message Publié : 02 Déc 2012 1:45 
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Je me permets de profiter du fil pour vous faire subir ma propre "écriture" de la guerre civile ( :mrgreen: ) :

Comment une armée de plusieurs millions d'hommes s'est lentement effondrée sur elle-même en emportant dans son naufrage toute une société et le régime qui allait de moins en moins avec ?

Comment une dynastie qui, en 1909 lors du bicentenaire de la bataille de Poltava voyait remonter vers elle la ferveur d'un peuple de 150 millions d'êtres humains, s'est retrouvée honnie et abandonnée de tous huit ans plus tard ?

Comment ce que les économistes américains considéraient avec angoisse comme la grande puissance mondiale des années 1940 s'est effondrée dans le sang et la révolution mondiale à usage interne ?

En 1914, la russie est convalescente.

Elle se remet lentement de deux chocs majeurs qui ont remis en cause, et la confiance qu'elle avait en elle-même, et celle qu'elle nourrissait de principe dans son souverain : la guerre russo-japonaise et la révolution qui l'a suivi immédiatement.

La guerre russo-japonaise (1904-1905) a été un désastre.

Le général Kouropatkine et son armée se sont fait désintégrer par les divisions japonaises du général Nogi en Mandchourie.

L'amiral Rojestvenski et sa flotte ont été annihilés à Tsushima par l'amiral Togo.

Cependant que les japonais s'emparent de la Mandchourie et mettent le pied en Asie continentale pour le plus grand malheur futur des uns et des autres, la Grande Russie est ébranlée dans ses fondements par les désastres subis si loin, là-bas dans l'extrême-orient de l'empire, par les armées de terre - plus de 300 000 hommes envoyés sur place par le Transibérien - et la flotte de la Baltique qui, après un tour du monde unique à ce jour, est venue se faire massacrer en trente minutes par la jeune flotte de guerre cuirassée japonaise.

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Message Publié : 02 Déc 2012 1:48 
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L'empire russe est depuis plus de trente ans face à un phénomène inédit : le terrorisme et l'anarchisme.

Un tsar, l'empereur Alexandre II, des ministres, des généraux, des fonctionnaires de l'empire, en sont morts, assassinés.

Mais là, en 1905, les évènements vont prendre une tournure encore plus grave, puisqu'une partie du peuple russe, et non plus des étudiants exaltés et des poseurs de bombes, va commencer à se demander si le Tsar est encore le "petit père" de ses peuples.

En 1905, donc, l'empire est comme sonné par la défaite de la campagne d'extrême-orient. Le moment semble venu pour les opposants au régime, pacifistes et beaucoup moins pacifistes, de se faire entendre.

Quand le destin s'en mêle, tout se met à foirer.

L'ébranlement terrible de la pré révolution de 1905 commence par une manifestation pacifique devant le palais d'hiver, afin de présenter une supplique à un Tsar qui n'est pas là et ignore tout ce qui agite les faubourgs de Saint Pétersbourg.

Un régiment de la garde et trois sotnis de cosaques, devant cette foule qui gronde et s'avance lentement, réagissent en faisant feu.

Les dizaines de morts et de blessés que fait la fusillade vont être le déclencheur d'un début d'insurrection qui, chose dangereuse, éclate en quelques semaines un peu partout dans l'empire.

Le gouvernement part à la dérive. On tire à vue les gouverneurs, les gendarmes et les postiers aussi bien à Moscou que dans la campagne biélorusse.

Nicolas II prend alors une décision qui va sauver l'empire : il nomme premier ministre Piotr Stolypine, le plus jeune des gouverneurs de région, monarchiste dans l'âme autant que réformiste.

Et Stolypine redresse alors la Russie à la barre à mine. Dans un premier temps, il est sans pitié avec les révoltes paysannes, les mouvements ouvriers et les terroristes de tout poil.

Mais dans le même temps, il conduit l'empereur à mettre en application le Manifeste Impérial qui promet à la Russie une constitution, une assemblée, et le début de réformes que l'assassinat d'Alexandre II avait stoppées net.

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Message Publié : 02 Déc 2012 1:51 
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De 1906 à 1911, Stolypine protège son Tsar tout en essayant de mettre la Russie sur le chemin de la modernité.

Non seulement, ainsi, il sauvegarderait la monarchie, mais en plus il lancerait l'immense empire vers le progrès industriel. Les économistes américains de l'époque ne s'y trompent pas, qui voient alors dans l'empire russe la première puissance économique mondiale pour les années 1940.

Les révolutionnaires, anarchistes et bolcheviques, non plus ne s'y trompent pas ... Stolypine est, absolument, l'homme à abattre, car il est le bouclier politique de l'empire et son glaive économique.

Le 18 septembre 1911, le dernier rempart de la monarchie s'effondre, abattu par un militant SR (socialiste-révolutionnaire) qui s'avèrera être aussi un agent double de l'Okhrana, la police politique du régime.

L'Okhrana travaille bien, trop bien et pas assez : elle rémunère des dizaines de révolutionnaires et de militants, dont certains s'avèreront être dans le plus proche entourage de Lénine, mais elle est incapable de contrôler tout ce vilain monde.

Quand, à l'été 1912, éclate la première guerre balkanique, Stolypine n'est plus là pour conseiller le Tsar.

Pire, pendant ce temps la diplomatie française souffle sur les braises d'un anti-germanisme qui se développe à toute vitesse dans l'état-major et la haute société russe, par opposition à la tsarine, qui, malgré sa totale russification, reste à leurs yeux une princesse allemande, surtout depuis qu'elle s'est entichée dramatiquement du starets Raspoutine, le seul qui parvienne à soulager le tsarévitch, espoir de la dynastie, de ses souffrances liées à l'hémophilie que sa mère lui a légué.

Or, si le Tsarévitch est atteint de cette maladie dramatique, personne n'est au courant au-delà du cercle très fermé qui entoure la famille impériale.

Stolypine lui-même n'était pas au courant, et s'était sabordé sans le savoir dans l'opinion de la Tsarine lorsqu'il avait conseillé à l'empereur de virer au plus vite ce Raspoutine, personnage pour le moins glauque.

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Message Publié : 02 Déc 2012 1:54 
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La Stavka, le grand état-major de l'armée russe, pour sa part navigue entre l'inquiétude devant un manque évident de moyens logistiques et une béate assurance que tout ira bien ...

Quand, à l'été 1914, l'ambassadeur de France rencontre le chef d'état-major du généralissime, le Grand-Duc Nicolas, il lui est expliqué que l'armée russe est fin prête.

400 000 morts et blessés plus tard, en octobre, le même chef d'état-major demandera piteusement à l'ambassadeur Maurice Paléologue si la France ne pourrait pas, par hasard, fournir à son allié 350 000 fusils par mois, parce que, finalement on en manque, sans parler de l'artillerie et des munitions ...

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Message Publié : 02 Déc 2012 1:56 
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Août 1914 : le commencement de la fin ...

Le gouvernement et l'état-major russe ont assuré la France que l'armée du Tsar interviendrait quinze jours après sa mobilisation, ce qui est absolument dément compte tenu, tant des distances que des effectifs à mobiliser.

Et cette armée destinée au martyre le fait : tous les régiments d'active sont répartis au sein des 1ère et 2ème armée et, alors que le véritable adversaire de la Russie est l'Autriche-Hongrie sur son front sud, c'est vers la Prusse que sont dirigées ces deux armées, commandées par deux incapables dramatiquement notoire, les généraux Samsonov (ancien Hetman des cosaques du Don) et Rennenkampf (général de cavalerie).

On manque de mitrailleuses, d'obus, de munitions d'infanterie : c'est pas grave, en avant pour le Tsar (et l'alliance avec les occidentaux) ...

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Message Publié : 02 Déc 2012 2:00 
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Le miracle de la Marne ne s'est pas déroulé sur la Marne, contrairement à un vieux fantasme auquel croient encore les français, mais à Tannenberg et dans les lacs Mazures.

Pour l'armée impériale allemande, la guerre a commencé comme prévu.

Six armées allemandes déclenchent un terrifiant coup de faux à l'ouest, en prenant l'Alsace comme pivot. Trois armées déferlent par la Belgique.

L'armée française monte en ligne et, lors d'une bataille des frontières aussi rapide que terrible, perd 350 000 hommes en trois semaines.

Joffre fait alors refluer l'ensemble de ses armées du nord dans un mouvement vers le sud-est, excellent mouvement stratégique au demeurant, car les armées allemandes d'invasion commencent fin août à se désolidariser les unes des autres, cependant que leur commandement général, installé trop en arrière, dans le Grand-duché de Luxembourg, perd le contrôle.

Dans le même temps, l'état-major impérial apprend avec angoisse que 400 000 russes sont entrés en Prusse orientale : ils sont à moins de 100 km de Berlin. Le fameux rouleau compresseur russe dont rêvaient les français est en marche.

En catastrophe, deux corps d'armée sont retirés aux armées de l'ouest, mises dans des trains et renvoyées vers l'est aussi vite que possible.

Ces deux corps vont gravement manquer sur la Marne, ou les allemands sont à deux doigts d'enfoncer des lignes françaises qui ne tiennent que par le sacrifice des régiments.

Or, pendant que les casques à pointe de renfort foncent vers l'est, les généraux Von Prittwitz, puis Hindenburg (qui le remplace) et Ludendorff, avec 75 000 hommes seulement, anéantissent littéralement la 2ème armée de Samsonov qui lui-même perd la vie dans le désastre, phénomène assez rare, vous en conviendrez, pour un général d'armée de la première guerre mondiale.

Quand les renforts arrivent, Hindenburg lance alors une seconde contre-offensive vers le nord et les lacs Mazures, qui frappe à mort la 1ère armée de Rennenkampf, lequel sauve ses divisions par une retraite générale et affolée à la limite de la déroute.

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Message Publié : 02 Déc 2012 2:01 
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Ce qui va (relativement) sauver l'armée russe dans un premier temps, c'est que les allemands ont bien évidemment d'autres chats à fouetter.

Ayant repris le contrôle de leur front est, et tout en le sécurisant, ils laissent aux austro-hongrois, comme c'était prévu, l'essentiel de la guerre contre la Russie, pendant qu'ils essayent à nouveau de détruire l'armée française et ses alliés anglais qui arrivent de plus en plus nombreux depuis tout le Commonwealth.

Et, aux frontières de la Russie centrale et des pays balkaniques, commence alors une tuerie affreuse entre deux armées aussi mal commandées, mal équipées et pléthoriques l'une que l'autre.

Quand, à l'été 1916, le général Broussilov réussit enfin à enfoncer (défoncer serait d'ailleurs plus juste) le front austro-hongrois, les allemands, qui sont un peu occupés à Verdun, envoient quatre corps d'armée en renfort.

Leur intervention suffit à elle seule à démanteler totalement l'offensive russe. Plus de 300 000 hommes sont perdus et, alors que Broussilov supplie qu'on le renforce, le Tsar, conseillé par Raspoutine, donne l'ordre de stopper l'offensive.

Ce n'est plus possible, même les généraux du plus haut rang commencent à se détourner du Tsar et, dès la fin de l'année 1916, des rumeurs de coups d'état enflent à Moscou, à Petrograd (Saint Pétersbourg a été débaptisée en 1914 car son nom sonnait allemand) et, ce qui est plus grave, au sein des état-majors d'armées. Il commence à être question de faire à Nicolas II le coup qu'on avait fait à Paul Ier et d'autres ...

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Message Publié : 02 Déc 2012 2:03 
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Au début de l'année 1917, tout commence à s'en aller.

La Stavka est dans l'impossibilité de faire le décompte de ses pertes : 6 millions, 7 millions de soldats perdus ? On ne sait pas, on ne sait plus.

L'armée impériale, totalement frappée d'impéritie, est théoriquement encore composée de plus de 6 millions de soldats, dont moins de 2 500 000 sont peut-être sur le front.

Rien qu'à Petrograd, une soi-disant garnison traîne sur place, de plus de 170 000 hommes dont la seule angoisse est d'être envoyés sur le front.

La mobilisation pour l'armée du système ferroviaire russe a abouti à un désastre. Pendant que les villes commencent à manquer de nourriture, les armées ne sont pas mieux fournies, cependant que des centaines de trains sont immobilisés à l'arrière des lignes.

Et, dans tout ce marasme, que se passe-t-il ? Les révolutionnaires sont présents, partout, s'agitent et agitent ... La marmite se met lentement à bouillir.

Pendant qu'au plus haut niveau de la société, dans la plus complète inconscience de ce qui se passe dans les usines, on parle de changer de souverain, des activistes, eux, parlent de changer de monde.

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Message Publié : 02 Déc 2012 2:06 
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En avril 1917, ce n'est pas la rue qui fait tomber le Tsar, c'est le général Rousski, commandant du front Nord-Ouest, avec la complicité du général Alexeïev, généralissime depuis la disgrâce du Grand-Duc Nicolas, l'oncle du souverain.

Rousski ne sera pas sauvé par son geste : il sera massacré à coups de baïonnettes par les gardes rouges à leur descente du train, lors de la passation de commandement après le putsch d'octobre. Alexeïev se ralliera aux blancs auprès de Kornilov, puis Dénikine, ou il ne cessera de regretter d'avoir abandonné son souverain.

Mais ce sera trop tard, pour tout le monde.

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Message Publié : 02 Déc 2012 2:08 
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D'avril à octobre 1917 se met en place un gouvernement qui se veut, et social-démocrate, et relativement conservateur, et surtout fidèle à l'alliance occidentale.

Mais dans le même temps, ce gouvernement, d'abord présidé par le Prince Lvov, puis très rapidement par Kerenski, a accepté à ses côtés le Soviet de Petrograd, dans lequel les bolcheviques prennent très rapidement le contrôle.

Et les bolcheviques semblent être les seuls à avoir compris une chose pourtant évidente : la Russie doit à tout prix sortir de la guerre, de cette tuerie inutile pour des alliés que l'on ne connaît pas.

Ce point seul suffit à leur rallier soldats et ouvriers, peu au fait du reste du programme ...

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Message Publié : 02 Déc 2012 2:13 
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Fin octobre (novembre selon l'ancien calendrier) les bolcheviques s'emparent du pouvoir en pratiquant un putsch parfait, avec seulement quelques centaines d'activistes soutenus par des milliers de soldats sans commandement et d'ouvriers totalement noyautés.

La marine est à la pointe du combat révolutionnaire, comme d'ailleurs la marine allemande dont la mutinerie à Kiel va bientôt précipiter la fin du Reich. A Kronstadt, des matelots qui deviennent fous à l'idée de devoir se battre massacrent leurs officiers et leurs amiraux et se retrouvent, malgré eux, à la pointe de la lutte. Ils le regretteront pour la plupart, mais ce sera, là encore, trop tard.

Le général Kornilov, moitié russe moitié bouriate, s'était fait dézingué par Kerenski après une soi-disante marche sur Petrograd de la célèbre division cosaque dite "la division sauvage"; elle-même gangrenée par les activistes, elle s'était désintégrée en route.

Mis en détention, mais protégé par ce qui restait d'un état-major de plus en plus inquiet des évènements, avec ses officiers dont un certain Dénikine, il s'échappe (facilement, l'état-major l'avait confié à la garde d'une sotnia de ses propres cosaques bouriates) et part vers le sud, vers le Don ou l'on dit que les cosaques sont moyennement heureux de ce qui se passe.

Dangereuse illusion ...

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Message Publié : 02 Déc 2012 2:14 
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Au pays du Don paisible, le général Kaledine essaye de créer, et un gouvernement local, et surtout une armée cosaque. L'échec est effrayant, mais pas surprenant.

Les cosaques ont été parmi les premières unités à laisser tomber le Tsar, à la différence qu'eux n'ont pas déserté par centaines de milliers.

Car entre mai et octobre 1917 l'armée s'est littéralement désintégrée, sous les yeux un peu effarés quand même des état-majors austro-allemands.

Lorsque Kornilov et les quelques dizaines d'hommes qui l'accompagnent arrivent chez les cosaques du Don, ils trouvent : rien ... Pas d'armée de résistance au coup d'état des bolcheviques, pas de volontaires, rien ....

C'est la presse rouge qui va leur faire de la publicité : les journaux aux ordres du nouveau régime s'enflamment contre le nid de contre-révolutionnaires qui, tels des vipères lubriques, met en danger la révolution dans le sud !

Les syndicalistes ne sont pas les seuls à lire la presse, même si elle est rouge ...

Rapidement, le Soviet de Moscou prévient celui de Petrograd de mouvements suspects : on se presse dans les gares vers le sud, et ce ne sont pas des ménagères qui prennent le train.

La réaction est immédiate et fera des centaines ou des milliers de morts inconnus : ordre est donné aux gardes rouges qui se créent à toute vitesse dans les centres urbains de contrôler les gares et de flinguer sans préavis tout individu qui ne peut pas prouver qu'il n'est, ni officier, ni bourgeois, ni suspect : pratique pour le voyageur de base, soit dit en passant.

Moyennant quoi, pour Kornilov et les généraux qui se sentent un peu seuls avec lui, ce n'est pas l'avenir; en quelques semaines, ce ne sont qu'environ 1 800 officiers blancs qui les rejoignent; et de cavaliers cosaques, point.

Pendant que Kornilov et une armée hallucinante composée de trois régiments dont les commandants sont des lieutenants-généraux et les mitrailleurs des lieutenants essaye de protéger le Don, Kalédine, abandonné de tous, démissionne et se met une balle dans la tête.

Ca commence bien pour la Russie blanche !

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Message Publié : 02 Déc 2012 2:16 
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Non seulement ça commence moyennement bien, mais en plus ça se passe vite vraiment très mal ... Car les rouges arrivent à toute pompe, par le train, et sont équipés d'une artillerie récupée des arsenaux impériaux que les blancs n'ont pas.

A l'automne 1918, ça sent le sapin pour le général Kornilov et ses tous premiers gardes blancs.

Ils ignorent qu'en Finlande le général Mannerheim vient d'anéantir une armée rouge.

Ils ignorent aussi qu'à l'autre bout du monde, en Transbaïkalie, l'Hetman Semenov vient de prendre le contrôle du Transsibérien en fusillant indifféremment les rouges qui arrivaient et quelques blancs qui commençaient à essayer de partir.

Et, surtout, ils ignorent qu'une étrange armée est en train de se constituer en Sibérie : la légion tchécoslovaque.

Moyennant quoi, pourchassés par près de 30 000 gardes rouges, ces moins de 3 000 hommes commencent la légendaire "campagne des glaces", qui les emmène vers le Kouban et d'autres cosaques, beaucoup plus étanches au sirènes rouges, ceux-là, que les cosaques du Don.

Kornilov est tué au cours d'une attaque désespérée qu'il voulait quand même mener. Le général Dénikine prend le commandement de cette unité squelettique.

Et tout à coup, alors qu'ils se rapprochent du Kouban, ces miséreux sans obus et avec une poignée de mitrailleuses commencent à voir les rejoindre des dizaines, puis des centaines, des milliers de cosaques du Don. Le Don paisible est en train de découvrir le bolchévisme actif qui lui, l'est peu, paisible ...

Dans le même temps, l'Ukraine est partie complètement en cacahuète, et 275 000 soldats allemands y sont rentrés comme dans du beurre (de cacahuète ?) au printemps 1918, parce que le gouvernement local et nouveau a cru bêtement aux promesses fallacieuses de Lénine sur l'identité des peuples et a dans la foulée commis l'erreur fatale à laquelle s'était refusé Mannerheim en Finlande : il a fait appel au Reich pour se protéger.

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C'est la légion tchécoslovaque qui va tout changer, car elle entre en action avant même que se regroupent les premières grandes armées blanches, et elle servira d'ailleurs de môle avant d'en être la raison du désastre.

Il est donc un tout petit peu intéressant de se demander un instant ce qu'était cette légion et, accessoirement, ce que fichaient des dizaines de milliers de tchèques armés jusqu'au nombril en Sibérie occidentale à la fin de l'année 1918.

Au début de la guerre de 14, les russes avaient pris la mesure des menaces d'effritement de l'empire austro-hongrois. Ils n'étaient évidemment pas les seuls, leurs bons amis français leur en avaient beaucoup parlé.

Dès le début du conflit, il fut ainsi créé du côté russe comme du côté français la possibilité pour des déserteurs tchèques de l'armée austro-hongroise de former une future armée de libération.

Evidemment, sur le front de France, c'était sympa mais très théorique. Les alliés se partagèrent donc l'effort.

Les français récupérèrent les personnalités politiques tchèques anti-autrichiennes, et les russes se firent un plaisir de constituer - un peu à leurs frais - une armée de libération tchèque formée de déserteurs et de prisonniers de guerre d'origine tchécoslovaque qui, il faut le dire, s'enrôlèrent avec un réel enthousiasme pour aller mettre une baffe au vieil empereur François-Joseph.

Ils étaient jolis, les volontaires de la légion tchécoslovaque, à la fin de l'année 1917, paumés dans un pays immense qui venait de transformer sa révolution en guerre civile à l'échelle continentale ...

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