La révolution de février est venue sans prévenir, surprenant tous les chefs socialistes, et notamment bolcheviks. Certes la majorité des dirigeants vivaient en exil, mais le représentant bolchevik à Petrograd,
Chliapnikov, ne croit pas les manifestations de février sont les prodromes d'une révolution. La révolution arrivée, divine surprise inattendue, les chefs bolcheviks vont chercher à revenir au pays.
Trotski et
Zinoviev, à
New-York, seront retardés à
Londres,
Lénine, prend un train avec d'autres exilés, et traverse l'
Allemagne avec la bénédiction des autorités teutonnes, qui voient d'un bon oeil ce pacifiste retourner en
Russie. Le parti bolchevik, en février 1917, ne regroupe que 5000 militants, d'après
Jean-Jacques Marie, mais les thèses d'Avril, énoncées par
Lénine, va attirer de plus en plus de soldats et d'ouvriers.
Lorsque
Lénine arriva en
Russie après 17 ans d'exil, il va exposer rapidement ses thèses dites d'Avril, qui ne font pas l'unanimité, d'ailleurs, dans son parti. Au lieu d'accepter une "transition bourgeoise" nécessaire avant l'étape socialiste,
Lénine, dans le sillage des populistes russes et notamment de
Tchernychevski,
http://fr.wikipedia.org/wiki/Que_faire_%3F_%28L%C3%A9nine%29prend partie pour un pouvoir prolétarien incarné par le soviet, avec son fameux slogan "
Tout le pouvoir aux soviets". Il attaque violemment le gouvernement provisoire, demande une paix immédiate, veut la suppression de la police et de l'armée et la confiscation immédiate de toutes les terres.
Tsereteli, le leader menchevik, accusera
Illitch de ne pas respecter la théorie marxiste et d'autres avouèrent que le leader bolchevik avait abandonné
Marx (
Lénine a russifié plutôt russifié Marx, en s'appuyant sur les populistes russes pour nier l'importance de la transition bourgeoise) pour
Bakounine. En fait,
Lénine se montre pragmatique en demandant la paix immédiate, seul parti à le faire, mesure qui ne peut que lui rallier une large majorité de soldats qui n'en peuvent plus de cette guerre. On verra que 10 mois plus tard, cette paix immédiate avec l'
Allemagne ne fut pas évidente, puisqu'un
Boukharine voulait continuer la guerre pour aider la révolution allemande et qu'un
Trotski, hésitant, ne se rallia qu'au dernier moment à la paix immédiate léniniste, jusqu'alors en minorité.
Les thèses d'Avril vont donc effrayer une majorité de socialistes, et même au sein de son parti, un
Kamenev, incarnant le centre du parti bolchevik, pensait que la Russie était trop arriéré pour se passer d'une transition bourgeoise. (
Ce même Kamenev s'opposa, en octobre, au coup d'état bolchevik pour la même raison).
Le parti bolchevik va monter en puissance en ce printemps et les thèses d'avril vont lui rallier des milliers de nouveaux militants. Ses deux bastions à
Petrograd furent la base navale de
Cronstadt, avec des marins qui soutenaient les thèses bolcheviks et qui déclarèrent même une "
République soviétique de Cronstadt", en mai 1917, ne reconnaissant plus le gouvernement provisoire, action qui fut condamné par
Lénine, qui craignait que sa radicale base entraîne une répression contre son parti. Le quartier ouvrier de
Vyborg, siège des usines
Poutilov, était l'autre bastion bolchevik de la capitale, avec des comités d'usine qui était largement contrôlés par les bolcheviks.
L'offensive russe de
Broussilov, décidée par le ministre de la Guerre,
Kerenski, en juin, décision inepte au vue de la décomposition de l'armée russe, va encore alimenter le parti bolchevik avec son lot de soldats fuyant la guerre et demandant la paix. D'avril à septembre 1917, les effectifs bolcheviks passeront de 20000 à 200 000 selon
JJ Marie. Mais le dilemne de
Lénine et du comité central, c'est de résister à cette base de soldats et d'ouvriers radicaux qui ne rêvent que de renverser le gouvernement provisoire en donnant le pouvoir au soviet ...qui n'en veut pas !! Car le soviet de
Petrograd, dirigé par les mencheviks et les SR, pense qu'une transition bourgeoise est nécessaire pour développer la
Russie.
L'agitation règne dans les villes russes, en juin, et les grèves se multiplient, à
Petrograd. Le gouvernement provisoire, par le biais de
Kerenski, veut lancer une offensive contre les austro-allemands, en juin, et aimerait y envoyer une partie de la garnison de
Petrograd, qui devenait ingérable et était une épée de
Damoclès sur la tête du gouvernement. Les soldats de la garnison décrètent qu'ils renverseront le gouvernement si celui-ci persiste à vouloir les envoyer au front.
Lénine va prôner la modération, craignant que la situation ne soit pas mûre pour déclencher un coup d'état, mais il a du mal à contrôler sa base.
A partir du 2 juillet, des manifestations de soldats et d'ouvriers, aux cris de "
Tout le pouvoir aux soviets" convergèrent vers le centre-ville, culminant le 4 juillet. Le palais de
Tauride où siégeait le gouvernement, était à la merci des milliers de manifestants, mais la foule hésita,
Lénine, indécis, n'ayant donné aucune consigne, alors que le pouvoir lui tendait les bras. Des manifestants radicaux capturèrent le ministre SR
Tchernov, qui fut libéré de la foule par l'action déterminée de
Trotski. Des cosaques et des KD tirèrent alors sur la foule, pour disperser la manifestation, qui fut achevé par un énorme orage !
Cette journée du 4 juillet aurait du être la fin du gouvernement provisoire qui n 'aurait rien pu faire contre les milliers de manifestants. Mais les hésitations de
Lénine, sur la conduite à donner à la manifestation, laissa la foule sans direction, et l'indécision puis l'échec acheva le succès de la grève.
Le lendemain, 5 juillet, la presse de droite se déchaîna contre les bolcheviks, les faisant passer pour des agents allemands et les locaux de la
Pravda furent saccagés. Le 6 juillet, l'hôtel
Ksechinskaïa, siège du parti, fut investi par l'armée et 500 militants qui s'y trouvaient furent arrêtés.
Lénine, lui, avait déjà pris la poudre d'escampette, avec
Zinoviev. Le ministre de la Justice
Pereverzev, ordonna l'arrestation des leaders bolcheviks, et
Trotski,
Kamenev et
Kollontaï furent capturés. Près de 800 militants bolcheviks furent arrêtés. Lénine croyait que c'était la fin pour son parti, qui allait périr sous les coups de la répression ...Mais
Kerenski et les mencheviks retinrent la main de
Kornilov, qui avait remplacé
Broussilov, considérant les bolcheviks comme des camarades socialistes et ayant peur que l'éradication des partisans de
Lénine, laisse la porte ouverte à une contre-révolution.
Kerenski ne sera pas le
Noske de la révolution russe ...et il s'en mordra les doigts, un peu plus tard !