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Message Publié : 02 Mars 2012 16:17 
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1°) Le décret sur la Terre, du 26 octobre.

En prenant le pouvoir, Lénine émet le décret sur la Terre,

http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/2-co-so/vil19171025-04.htm

qui répondait à son slogan d'Avril, "La terre et la paix".
Ce décret, consacre en fait un fait accompli, puisque les paysans avaient déjà partagé les grandes propriétés foncières, depuis février 1917, encouragés par les Socialistes-Révolutionnaires, dont la socialisation de la Terre faisait partie de leur programme. Lénine avouera lui-même que ce décret sur la Terre était d'inspiration SR (de gauche), car il ne fait aucunement partie du corpus théorique marxiste, puisque ce décret va créer des millions de petits propriétaires !
Notons que cette "réforme agraire" sera pilotée par les soviets de paysans ou la communauté villageoise, vision assez anarchisante très éloignée de la conception léniniste en attendant l'élection de l'Assemblée Constituante.


2°) Pouvoir exclusif ou coalition ?

Le débat, malgré le coup d'état bolchevik et le départ des SR et des Mencheviks du Soviet, devant le coup de force léniniste, restait toujours d'actualité. Les fonctionnaires s'étaient mis en grève, et le Vikjel, le syndicat des cheminots, menaçait de faire de même si les bolcheviks ne reprenaient pas langue avec les autres forces socialistes pour gouverner. Craignant encore, une réaction possible de Kerenski et devant les combats à Moscou, incertains, Lénine accepta de négocier, et envoya le modéré Kamenev aller parlementer avec les SR et les mencheviks. Ce dernier, toujours favorable à un gouvernement de coalition, depuis septembre, assura même à ses interlocuteurs, que les bolcheviks accepteraient un gouvernement sans Lénine et Trotsky !
Mais le 1er novembre, les bolcheviks s'étaient rendus maître de Moscou, et la tentative de réaction de Kerenski avait fait "pschitt", devant le refus des chefs militaires de soutenir l'ancien leader du gouvernement provisoire.
Dans ces conditions, Lénine se retrouvait de nouveau en position de force face aux autres forces socialistes et, dès le 2 novembre, il fit accuser Kamenev d'activités anti-marxistes et le 4 novembre, Kamenev et ses alliés, Zinoviev, Miloutine, Rykov et Noguine, démissionnèrent du Comité Central du Parti Bolchevik.
Mais les partisans d'une ligne de coalition, ne désarmaient pas encore, puisque le lendemain, deux lettres parurent dans les Izvetsia, de 5 commissaires du peuple (dont 4 démissionnaires) et de 6 autres bolcheviks, pour dénoncer la politique solitaire de Lénine, stratégie qui ne pourrait se traduire que par la "terreur politique" !
Poussant son initiative, Lénine, par l'intermédiaire du Sovnarkom (ou Conseil des commissaires du peuple), mit hors jeu le soviet, en décrétant que le Sovnarkom pouvait gouverner par décret, sans l'aval du Soviet. Car même si le soviet était majoritairement bolchevik, surtout depuis le départ des SR et de la plupart des mencheviks, il restait encore des SR de gauche, des anarchistes, et un petit groupe de mencheviks internationalistes, qui se rassemblaient autour du journal de Gorki, Novaïa Jizn, qui pouvaient encore inquiéter le pouvoir de Lénine en ralliant quelques bolcheviks modérés.

3°) Sur le fil du rasoir.

SR, Mencheviks, Kadets, s'entendaient tous à une chute imminente du pouvoir bolchevik, totalement isolé. Pourquoi celui-ci ne tomba pas ? Orlando Figes évoque plusieurs raisons :
- l'impuissance des chefs militaires à organiser une réaction armée. L'Ordre n°1, pris en mars 1917, et instituant des comités de soldats, avait totalement miné la discipline militaire et les soldats ne voulaient plus se battre, ni contre les allemands, ni contre les bolcheviks, qui étaient les seuls à demander une paix immédiate. (Sur ce dernier point, on verra que les choses étaient loin d'être claires).
- l'aboulie des partis politiques d'opposition, des Mencheviks au Kadets, qui attendaient les résultats de l'élection de l'Assemblée Constituante, pensant que les bolcheviks se soumettraient au sort des urnes.
De plus, le décret sur la Terre avait coupé l'herbe sous les pieds des Socialistes-Révolutionnaires, très implantés dans les campagnes russes, mais qui pouvaient difficilement monter les communautés villageoises contre les bolcheviks, qui, légalement, leur avaient donné la terre.
- En fait, Lénine laissa faire les communautés villageoises, les comités de soldats, les comités d'usines, les soviets ouvriers et paysans, qui dans l'immense Russie, prirent le pouvoir dans leur usine, leur garnison, leur district, leur ville, gigantesque balkanisation de la Russie que les bolcheviks ne pouvaient de toute façon pas éviter et que Lénine exacerba, pour détruire l'ordre ancien, dans une sorte de "dialectique révolutionnaire". Dérive anarchisante qui ne pouvait pas être évitée, et que Illitch préféra chevaucher ! Mais en même temps, Illitch allait reconstruire une administration centrale qui avait disparu, à sa botte, en éliminant toutes les oppositions par le haut, qui allait s'appuyer sur la Tcheka, le Ministère du Ravitaillement, et l'armée rouge. Lorsque les bolcheviks se sentiront de nouveau assez fort, ils mettront au pas cette base qui n'en avait que faire du gouvernement central, toute tendue vers ses intérêts particuliers et locaux.

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Message Publié : 02 Mars 2012 18:01 
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Si je ne m'abuse le fait que la plupart des officiers supérieurs et secondaires de l'armée tsariste passent armes et bagages du côté des bolcheviques n'est pas à négliger. Ils formeront d'ailleurs la base de la future armée rouge.
On oublie souvent ce fait, pensant qu'ils sont tous allés rejoindre les "blancs", rien de plus faux.
Sans cela même les talents de Trotski n'auraient pas suffit à contenir les armées occidentales...

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Message Publié : 02 Mars 2012 18:35 
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Duc de Raguse a écrit :
Si je ne m'abuse le fait que la plupart des officiers supérieurs et secondaires de l'armée tsariste passent armes et bagages du côté des bolcheviques n'est pas à négliger. Ils formeront d'ailleurs la base de la future armée rouge.
On oublie souvent ce fait, pensant qu'ils sont tous allés rejoindre les "blancs", rien de plus faux.
Sans cela même les talents de Trotski n'auraient pas suffit à contenir les armées occidentales...


Dans un premier temps, on assiste surtout à un effondrement de l'armée russe, avec des paysans-soldats qui désertent en masse et des comités de soldats, sur le front, qui ne veulent plus se battre. Globalement, les blancs et les rouges auront du mal à recruter des soldats, la fiabilité des troupes étaient plus qu'incertaine, et des régiments entiers pouvaient se débander. Après octobre 1917, l'armée rouge n'existe pas, et se résume à quelques troupes de la garnison de Petrograd , de Moscou et des marins de Cronstadt. Les Blancs n'ont pas, non plus, plus de soldats à leur disposition. Ce que l'on a appelé l'armée des Volontaires, première troupe s'opposant au régime bolchevik, en décembre 1917, commandée par Kornilov, puis par Denikhine, après la mort du premier, aura des effectifs tournant autour de 10 000, avec une majorité d'officiers et des soldats ayant tendance à s'évaporer dans la nature. Totalement isolée dans le Don, puis dans le Kouban, elle subira sa fameuse "campagne de glace" où des troupes de va-nus-pieds seront harcelés par les populations locales.
En fait, on oublie souvent que les effectifs numériques des deux "armées", blanches et rouges étaient très faibles (l'armée des volontaires tchèques étant la seule unité vraiment organisée), et qu'il n'y avait pas de front. Les troupes suivaient les lignes de chemin de fer, souvent sur des trains blindés, comme on le voit d'ailleurs dans le Docteur Jivago.

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Message Publié : 02 Mars 2012 19:29 
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Je faisais allusion aux cadres cher tietie, pas aux soldats.
Si j'ai bon souvenir, Figes écrivait au début de son ouvrage que la noblesse russe - et dans une certaine mesure les officiers de l'armée impériale - se sentait délaissée, voire humiliée par le gouvernement et la Cour impériale.

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Message Publié : 02 Mars 2012 20:55 
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Beaucoup de soldats russes ont déserté en 1917 pour retourner chez eux afin de participer à la redistribution des terres confisquées aux grands propriétaires terriens. Ils ne voulaient pas être spoliés en étant devancés par des individus exempts de la conscription.

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Message Publié : 03 Mars 2012 5:33 
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Duc de Raguse a écrit :
Je faisais allusion aux cadres cher tietie, pas aux soldats.
Si j'ai bon souvenir, Figes écrivait au début de son ouvrage que la noblesse russe - et dans une certaine mesure les officiers de l'armée impériale - se sentait délaissée, voire humiliée par le gouvernement et la Cour impériale.


Les grands chefs militaires ont lâché Nicolas II, c'est un fait et c'est sous la pression du chef de l'armée de Terre, le général Alexeiev, que le tsar a abdiqué, le 2 mars 1917, à Pskov.
Quant au gouvernement provisoire, il fut soutenu dans un premier temps par l'armée, puis fut détesté, notamment lors de la période Kerenski, à cause de l'Ordre n°1 qui avait miné la discipline militaire et aussi car Kerenski, cet été 1917, fit valser les chefs de l'armée, notamment Kornilov, qui était très populaire.
Quant aux cadres, il est difficile de savoir en quelle proportion ils rejoignirent l'armée rouge, Figes et Venner ne donnent pas de chiffres particuliers. Par contre, les armées blanches étaient clairement des armées "mexicaines" avec plus d'officiers que de soldats, ce qui expliquent le peu d'efficience des troupes blanches.
Mais il est clair que le régime naissant offrait au moins un idéal, ce dont était dépourvu l'idéologie blanche, et qu'un certain nombre de soldats, et sous-officiers ont rejoint l'armée rouge, le plus célèbre étant le futur Maréchal Toukhatchevski.
Il ne faut pas oublier aussi que le premier soutien des bolcheviks furent les soldats de la garnison de Petrograd et les marins de Cronstadt.

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Message Publié : 06 Mars 2012 5:46 
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Un acteur méconnu de la révolution de Février, Fedor Linde:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fedor_Linde

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Message Publié : 12 Mars 2012 9:21 
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1°) Election de la Constituante: des bolcheviks minoritaires.

Lénine et les bolcheviks, même maître du nouveau pouvoir soviétique, bien faible à ses débuts, étaient obligés d'organiser l'élection de la tant attendue Assemblée Constituante, véritable "saint-graal" des socialistes russes, malgré les réticences d'Illitch. Le 12 novembre, les élections débutèrent, et à cause de l'immensité du territoire, elle s'étalèrent sur deux semaines.
Les craintes de Lénine étaient justifiées. La Russie étant un pays majoritairement paysan et ces derniers étant acquis aux Socialistes-Révolutionnaires, le résultat de l'élection ne pouvait donner qu'une minorité aux bolcheviks.
Les SR eurent 38 % des voix, soit 16 millions d'électeurs, les bolcheviks 24 %, les SR ukrainiens, 12 %, les KD, 5 %, les mencheviks, 3 %.
On pouvait constater que les forces anti-révolutionnaires de droite étaient presque inexistantes, ne collationnant que 5 % du total des voix, ce qui traduisait la faiblesse de la bourgeoisie russe.
Par contre les bolcheviks, si ils étaient largement majoritaires à Moscou et à Petrograd, n'avaient quasiment aucune voix dans les régions du sud agricole.
Les résultats de l'Assemblée Constituante, logique, traduisaient déjà une fracture entre la ville et les campagnes, elle symbolisait la couleur "paysanne" de la Russie, et annonçaient déjà la future "guerre" entre le parti et le monde paysan, entre les cités et les champs !

Les bolcheviks contestèrent le résultat des élections, et un décret du Sovnarkom ajourna sa tenue, le 20 novembre, et un autre, permit de révoquer les députés élus, si la moitié de l'électorat de la circonscription, le voulait, ce qui laissait le temps aux bolcheviks de rameuter les soldats des garnisons pour essayer de bouter en-dehors de l'AC quelques SR.

Les partis d'opposition, SR (de droite), Mencheviks et KD constituèrent alors une Union de Défense de l'Assemblée Constituante, qui appela à une manifestation le 28 novembre. 50 000 personnes manifestèrent, ce jour-là, avec 45 députés de la Constituante, mais elle fut dispersée par le pouvoir bolchevik, accusant les manifestant d'être des contre-révolutionnaires, et de nombreux délégués furent arrêtés, ce qui provoqua l'ire des SR de gauche, alliés des bolcheviks et de Gorki, qui parla de "honte pour la démocratie". Un mandat d'arrêt fut lancé contre les dirigeants Mencheviks, Tsereteli, et Dan, et contre le SR Tchernov.

2°) La fin de l'Assemblée Constituante.

Lénine se dirigeait tout droit vers la dissolution de l'Assemblée Constituante, comme il le précisait le 12 décembre, puisque d'après lui, le pouvoir du soviet (qui était devenu une coquille vide ...) avait aboli la nécessité d'une Assemblée Constituante :

http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/12/vl19171225.htm

10 jours plus tard, lors d'une réunion du comité exécutif du soviet, expurgé de ses éléments mencheviks et SR de droite, les délégués bolcheviks et SR de gauche réclamèrent la dissolution de l'Assemblée Constituante, sauf si cette dernière se mettait sous la sujétion du soviet, lors de sa séance d'ouverture, le 5 janvier 1918.
Le jour de la séance d'ouverture, le 5 janvier 1918, une manifestation pro-Assemblée s'ébranla vers le Palais de Tauride mais fut dispersé par les forces bolcheviks qui firent une dizaine de morts. L'Assemblée se tint, Lénine y assista même, avant que les bolcheviks ne déclarent cette Assemblée "contre-révolutionnaire" en quittant la salle, laissant les délégués isolés. Le lendemain, le palais de Tauride fut fermée par les bolcheviks, et les délégués de l'Assemblée, repoussés. L'Assemblée fut alors dissoute par décret.

Les SR pensaient que la dissolution de l'Assemblée allait provoquer une révolte. Mais les paysans, leur soutien traditionnel, n'avaient que faire des jeux politiciens de la capitale, et leur horizon s'arrêtait souvent à leur village. Les Moujiks avaient partagé les grandes propriétés foncières entre eux, consacré par le décret sur la Terre, du 27 octobre, habile disposition de Lénine qui, en ce moment d'indécision, voulait rallier la petite paysannerie au régime.
Mais les paysans se trompaient, puisque le 11 juin 1918, Lénine allait tenter d'exporter la lutte des classes dans les campagnes, provoquant une confrontation violente avec le monde paysan.

La dissolution de la Constituante, implicitement, est déjà l'affrontement entre les bolcheviks et les paysans, la ville, rouge, et la campagne, verte, entre un parti prolétarien et un "océan paysan", qui veut rester dans son "mir", sa communauté villageoise sans avoir de compte à rendre à un quelconque pouvoir central, fut-il bolchevik !
Cette confrontation sera d'ailleurs le "fil rouge" du régime soviétique, puisqu'elle ne s'arrêtera vraiment jamais. La collectivisation proclamée plus tard par Staline, n'étant qu'un avatar supplémentaire de cette guerre entre parti bolchevik et monde paysan, commencée dès Lénine.

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Message Publié : 22 Avr 2012 13:31 
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1°) La lutte à mort contre le bourgeois.

Le régime bolchevique, à ses débuts, ne disposait pas d'assez de fonctionnaires, pour organiser, lui-même, une violence d'état radicale. La Tcheka, police politique du régime léniniste, fut créée en décembre 1917, sous la férule de Félix Dzerjinski, et elle devait lutter contre les ennemis du régime.

a°) Mouches et Araignées.

Orlando Figes évoque un livre qui connut beaucoup de succès, en 1917, Mouches et Araignées de Wilhelm Liebknecht, qui divisait la Russie en 2:

"Les araignées sont les maîtres, les grippe-sous, les exploiteurs, les hobereaux, les nantis, les prêtres, les marlous et les parasites en tout genre ! […] Les mouches sont les malheureux travailleurs qui doivent obéir à toutes ces lois que concocte le capitaliste, doivent obéir, car le pauvre n'a pas même une miette de pain."

Lénine, dans un texte de décembre 1917, sur "Comment organiser l'émulation ?", en appelait à une lutte à mort contre les riches, les filous, les fainéants et les pique-assiette !

http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/12/vil19171227.htm

b°) Une terreur qui vient des entrailles du peuple.

Lénine se contente d'instrumentaliser la violence du peuple, contre les anciens nobles, patrons, bourgeois, etc ... avec l'antienne "Pillez les pillards", qui provoque une gigantesque anarchie. Pour Figes, la Terreur institutionnalisée par l'Etat commence l'été 1918. Jusque là, elle était l'oeuvre du peuple laissée à ses instincts de vengeance face à un Etat en pleine décomposition et elle était largement décentralisée. Gorki parle de pogrom de masse et stigmatisera, dans un éditorial du 16 mars 1918, ce pillage généralisé.

c°) Une Terreur qui s'institutionnalise.

Avec le décret sur la "patrie socialiste en danger", pris en février 1918 :

http://www.collectif-smolny.org/article.php3?id_article=1244

le Sovnarkom décrète au point 8 :

"8. Les agents de l’ennemi, les trafiquants, les pillards, les voyous, les agitateurs contre-révolutionnaires, les espions allemands, pris sur le fait, doivent être fusillés."

Après ce décret, lorsque le SR de gauche, ministre de la Justice, Sternberg vint se plaindre à Lénine de l'inutilité de son Ministère, que l'on pourrait appeler "Ministère de l'Extermination Sociale", Illitch lui répondit que c'était exactement ce qu'il devait être, mais qu'on ne pouvait pas le dire !

Le 1er novembre 1918, un des chefs de la Tcheka donnait l'ordre suivant:

"Nous ne faisons pas la guerre contre des personnes en particulier. Nous exterminons la bourgeoisie comme classe. Ne cherchez pas, dans l'enquête, des documents et des preuves sur ce que l'accusé a fait, en acte et en paroles, contre le pouvoir soviétique. La première question que vous devez lui poser, c'est à quelle classe il appartient, quelle est son origine, son éducation, son instruction et sa profession1. Ce sont ces questions qui doivent décider de son sort. Voilà la signification et l'essence de la Terreur Rouge."

http://fr.wikipedia.org/wiki/Tch%C3%A9ka

2°) La guerre contre la paysannerie.

a°) Un décret sur la Terre problématique.

Le décret sur la Terre du 26 octobre 1917, d'inspiration socialiste-révolutionnaire, était un texte de circonstance, qui consacrait un état de fait, le "partage noir des terres" par les moujiks, qui avait commencé sous le gouvernement provisoire. Mais, évidemment, les milliers de gros propriétaires terriens c'était transformé en millions de petits propriétaires !!

b°) Le problème du ravitaillement des villes.

Mais assez rapidement, la pénurie apparut dans les villes, puisque les circuits commerciaux étant désorganisés et la production industrielle s'étant effondrée, les paysans ne pouvaient pas espérer grand chose contre leur surplus de blé. Dans le Comité panrusse pour le ravitaillement, fondé en décembre 1917, un débat sur la méthode à employer faisait rage. Le 14 janvier 1918, devant le soviet de Petrograd, Lénine annonça qu'il fallait mettre sur pieds des détachements de 10 à 15 soldats et ouvriers, pour aller chercher les stocks de grain cachés dans les campagnes, avec le pouvoir de fusiller les pays récalcitrants. Pour Hélène Carrère d'Encausse, c'est la première fois que Lénine tenait des propos aussi radicaux en public.

Mais le pouvoir soviétique hésitait entre une politique de réquisition violente proposé par Lénine, en janvier, et une méthode "commerciale" que les comités locaux seraient chargés de mettre en place. Les SR était pour la "socialisation de la terre", avec des comités locaux, à la base, qui décideraient des orientations à prendre, alors que les bolcheviks étaient pour la "nationalisation de la terre", qui intégrait les campagnes dans un projet économique global, dont les orientations seraient décrétées par le haut.

Mais la dissolution de la Constituante, le 5 janvier, était déjà un quasi-acte de guerre envers la paysannerie russe, puisque cette dernière était majoritaire, par le biais des SR. Après cette dissolution, Maria Spiridonova fit voter l'union des soviets paysans avec les soviets des ouvriers. L'autonomie paysanne, chèrement défendue par les SR de droite, avait vécu.

b°) La lutte des classes dans les campagnes.

Les problèmes de ravitaillement des villes, le discours de Lénine de janvier 18, la dissolution de la Constituante, vont trouver leur point d'orgue avec le décret du 11 juin 1918, instituant les "comités de paysans pauvres" ou Kombedy, qui seront les agents du pouvoir soviétique dans les campagnes, pour démasquer les koulaks, qui cachent leurs grains et affament le peuple. Mais cette violence institutionnalisé dans les campagnes, qui se transformera en bataille rangée, fera beaucoup de victimes et n'aura pas d'efficacité, comme le dit Charles Bettelheim, tout simplement car avec le "partage noir" qui avait commencé en février 1917, il y avait une majorité de paysans "moyens" et peu de paysans pauvres et de paysans "riches". Pour Orlando Figes, cette guerre contre la campagne Russe va allumer la guerre civile, dès l'été 1918, guerre civile qui jusque là, s'était confiné à la région du Don, avec la faible "Armée des Volontaires" de Denikhine, qui, isolée, errait péniblement dans le Kouban, avec la fameuse "campagne de glace".

Lénine, conscient de son erreur, arrêtera la formation des "comités des paysans pauvres", fin 1918.

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Message Publié : 23 Juin 2012 15:02 
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Le point faible de la stratégie blanche, c'est qu'il n'y en avait aucune !! D'ailleurs, l'appareil de propagande de Denikhine, l'Osvag, annexe du Ministère des affaires étrangères, était plus destiné à rallier les alliés à la cause blanche, qu'à convaincre les russes de la justesse du combat blanc.

1°) La contradiction entre la position grand-russe des russes blancs et nationales des minorités.

Comme le note Orlando Figes, il y avait une profonde contradiction entre Cosaques et généraux blancs. Si les cosaques du Don fournissaient une bonne partie des armées blanches, ils étaient portés par des revendications nationalistes qui étaient contradictoires avec la position "grand-russe" blanche, défendue par Denikhine mais même par les kadets de Milioukov.
Ce mythe de l'Unité défendu par les généraux russes blancs les coupaient du ralliement massif des minorités de l'Empire.

2°) Le nationalisme cosaque.

Les cosaques illustraient parfaitement ce phénomène. Très attachés à leur terre qu'ils pouvaient défendre vaillamment, leur ardeur déclinait lorsqu'ils s'éloignaient de la mère patrie. De plus, ils se livraient régulièrement à une "épuration ethnique", s'attaquant aux non-cosaques, dans le Kouban, qui constituaient près de 52 % de la population. Or de leur terre, peu disciplinés, ils se livraient régulièrement au pillage et à des pogroms dans les villages juifs.

3°) L'absence de politique agraire.

Ce fut le principal point faible des blancs. Alors que les bolcheviks avaient relativement "acceptés" le "partage noir" des terres entre les paysans (même si Lénine avait fait une tentative d'exporter la lutte des classes dans les campagnes, dès juin 18, stratégie qui fut un échec), pour un temps au moins. Or, les blancs voulaient revenir à la situation d'avant-février 1917, avec un retour des expropriations aux expropriés, ce qui leur aliéna la paysannerie. Les blancs se débrouillèrent d'être plus répulsif que les rouges !

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Message Publié : 23 Juin 2012 16:51 
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Tietie006 a écrit :
Ce fut le principal point faible des blancs. Alors que les bolcheviks avaient relativement "acceptés" le "partage noir" des terres entre les paysans (même si Lénine avait fait une tentative d'exporter la lutte des classes dans les campagnes, dès juin 18, stratégie qui fut un échec), pour un temps au moins. Or, les blancs voulaient revenir à la situation d'avant-février 1917, avec un retour des expropriations aux expropriés, ce qui leur aliéna la paysannerie. Les blancs se débrouillèrent d'être plus répulsif que les rouges !

Vous êtes, peut-être, trop catégorique, Tietie006. La formation des armées vertes est d'abord une réaction au bolchévisme !
En outre, la fixation du prix des produits agricoles par le gouvernement de Dénikine stabilise les campagnes dans les régions sous autorité monarchiste, mais les mouvements paysans intègrent la dimension autonomiste des Ukrainiens ou des Cosaques et se soulèvent à nouveau.
Ce n'est que dans les derniers mois que ce gouvernement monarchiste prend conscience de la nécessité d'une politique agricole (pour assoir son économie et pour pacifier ses campagnes), marquée, en mars 1919, par la distribution de terres (d'une valeur totale de 19 millions de roubles) aux paysans démunis. Peter Kerenz, dans Civil War in South Russia (1977) relève, sur cette question, un intérêt de Dénikine pour l'ensemble du monde paysan (a contrario de ce que d'autres historiens, notamment soviétiques, ont pu écrire sur sa volonté de favoriser d'abord la grande paysannerie).

Par ailleurs, Wrangel, plus impliqué politiquement que Dénikine, lors de la formation de son gouvernement, le 11 avril 1920, choisit Krivoshein à la tête de l'administration civile, un ancien ministre de l'agriculture (1908-1915) ; ce qui constitue un revirement dans la problématique de l'intérêt des Russes blancs pour la question agricole. En juillet de la même année, il instaure un système de représentations de la paysannerie auprès des institutions de son contre-gouvernement.

Je crois me souvenir que l'ouvrage de Lazar Volin, A Century of Russian Agriculture (1970), traite de cette question de la politique agricole du gouvernement de la Russie blanche.

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« But thought's the slave of life, and life's time fool. » (William Shakespeare)


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Message Publié : 23 Juin 2012 17:43 
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Jadis a écrit :
Tietie006 a écrit :
Ce fut le principal point faible des blancs. Alors que les bolcheviks avaient relativement "acceptés" le "partage noir" des terres entre les paysans (même si Lénine avait fait une tentative d'exporter la lutte des classes dans les campagnes, dès juin 18, stratégie qui fut un échec), pour un temps au moins. Or, les blancs voulaient revenir à la situation d'avant-février 1917, avec un retour des expropriations aux expropriés, ce qui leur aliéna la paysannerie. Les blancs se débrouillèrent d'être plus répulsif que les rouges !

Vous êtes, peut-être, trop catégorique, Tietie006. La formation des armées vertes est d'abord une réaction au bolchévisme !
En outre, la fixation du prix des produits agricoles par le gouvernement de Dénikine stabilise les campagnes dans les régions sous autorité monarchiste, mais les mouvements paysans intègrent la dimension autonomiste des Ukrainiens ou des Cosaques et se soulèvent à nouveau.
Ce n'est que dans les derniers mois que ce gouvernement monarchiste prend conscience de la nécessité d'une politique agricole (pour assoir son économie et pour pacifier ses campagnes), marquée, en mars 1919, par la distribution de terres (d'une valeur totale de 19 millions de roubles) aux paysans démunis. Peter Kerenz, dans Civil War in South Russia (1977) relève, sur cette question, un intérêt de Dénikine pour l'ensemble du monde paysan (a contrario de ce que d'autres historiens, notamment soviétiques, ont pu écrire sur sa volonté de favoriser d'abord la grande paysannerie).

Par ailleurs, Wrangel, plus impliqué politiquement que Dénikine, lors de la formation de son gouvernement, le 11 avril 1920, choisit Krivoshein à la tête de l'administration civile, un ancien ministre de l'agriculture (1908-1915) ; ce qui constitue un revirement dans la problématique de l'intérêt des Russes blancs pour la question agricole. En juillet de la même année, il instaure un système de représentations de la paysannerie auprès des institutions de son contre-gouvernement.

Je crois me souvenir que l'ouvrage de Lazar Volin, A Century of Russian Agriculture (1970), traite de cette question de la politique agricole du gouvernement de la Russie blanche.


Globalement, le camp blanc, qui était très hétérogène, entre les nostalgiques du tsar, les partisans d'un régime autoritaire, les kadets, les octobristes ou les minorités nationales, comme les cosaques, qui avaient une logique purement locale, ne prit pas assez en compte du problème agraire et n'eut une réponse que trop tardive, ce que Denikhine admit lui-même, en 1920.
Figes aborde ce problème agraire, avec le Komoutch de Samara. Libérée par la légion tchèque, les SR de Samara reconstituent un gouvernement (Komoutch) et réhabilitent l'Assemblée Constituante défunte, en faisant siéger 100 délégués, dont Viktor Tchernov.
Or ce gouvernement s'aperçoit très vite que les paysans du coin sont totalement indifférents à ces histoires de Constituante et qu'ils ne veulent pas se battre pour les partis politiques, leur horizon s'arrêtant aux limites du village. De plus, le gouvernement, enlève tout pouvoir aux soviets de paysans, craignant la contagion bolchevik, et permet même un retour de certains propriétaires sur leur terre confisquée par les moujiks ...Aussi, il ne faudra pas s'étonner que l'appel à la conscription, en juin 1918, se solda par un échec cinglant, puisque seulement 1/3 des conscrits seront présents, et déserteront quasiment tous lors des moissons d'août-septembre ...
Au total, sur le front de l'Est, alors que les bolcheviks avaient concentré 70 000 hommes, en septembre 18, le Komoutch de Samara, ne put qu'aligner la moitié de soldats ...même avec l'aide des tchèques, qui étaient en pleine déliquescence !
Car même si les bolcheviks n'étaient pas aimés par les paysans, au moins, ils ne promettaient pas un retour au régime foncier antérieur, et laissaient les soviets paysans gérer leur mir.
D'ailleurs, les combats de Samara entre SR/Blanc contre les bolcheviques furent les premiers combats dignes de ce nom, entre deux armées organisées, de la guerre civile et se terminèrent par la victoire des seconds, qui firent tomber Samara, le 7 octobre 1918.

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Message Publié : 24 Juin 2012 6:12 
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Concernant l'impact des moissons sur les armées rouges et blanches, Figes précise, page 734, qu'il fut très important. Les désertions des soldats-paysans fluctuaient au gré des saisons. Présents en hiver, les moujiks désertaient en masse l'été pour les moissons. En Russie centrale, Figes parle d'un taux de désertion 10 fois plus élevés en été qu'en hiver. Dans l'armée rouge, le nombre de déserteurs en 1919, culmina à 2 millions ! Les armées blanches étaient soumises aux mêmes problèmes.

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Message Publié : 01 Juil 2012 13:55 
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L'année 1918, verra les débuts de la guerre civile, mais celle-ci restera confinée à la périphérie de l'Empire russe et prendra l'aspect d'opérations limitées, se résumant au contrôle d'une ville ou au maximum d'une région avec des combats sporadiques le long du transsibérien. Les forces blanches sont peu organisées, à part dans le Don, avec l'armée des volontaires de Denikine, comme le montre le chaos sibérien. Pour les alliés, l'attitude envers la Russie variera après le traité de Brest-Litovsk, consacrant la paix entre russe et allemand, en mars 1918, puis après l'armistice du 11 novembre.


1°) Création de l'armée rouge.

Le 2 janvier 1918, le Sovnarkom ou Conseil des commissaires du peuple crée l'armée rouge.
Le 13 mars 1918, Trotski est nommé Commissaire à la guerre.
Le 4 avril 1918, un décret officialise la création des Commissaires politiques dans chaque unité, jusqu'à la compagnie.
Le 22 avril 1918, un décret institue l'instruction militaire obligatoire, avec la création d'écoles militaires.
Le 8 mai 1918, rétablissement de l'état-major général sous la direction du général Bontch-Brouïevitch, le frère du secrétaire de Lénine.
Le 29 mai 1918, rétablissement de la conscription générale. La suppression du service militaire, le 18 janvier 1918, n'aura donc duré que trois mois, le temps d'un "soupir d'utopie", comme le précise l'historien Dominique Venner.
Le 2 juin 1918, Toukhatchevski, nommé à la tête de la 1re armée rouge, lancera un appel aux officiers de l'ancienne armée tsariste, pour venir grossir les rangs de l'armée rouge. 30 000 officiers combattront dans l'armée rouge, en 1919. Cet appel aux "spécialistes" entraînera des tensions entre Trotski, partisan de la mesure, et le clan de Tsaritsyne, composé de Staline et Vorochilov.
Le 6 septembre 1918, un Conseil supérieur de la guerre, présidé par Trotski, qui concentrera tous les pouvoirs militaires et politiques, sur le front, et les exercera par le biais d'un état-major de campagne, sur le front, dirigé par l'ex-colonel Lebedev, assisté de l'ex-colonel Chapochnikov, futur maréchal d'URSS, stratège hors pair, auteur du Cerveau de l'armée, livre de chevet pour Staline.

Une 1ere armée sera formée en juillet 1918, commandée par Toukhatchevski. Elle est composée d'ouvriers de la Volga, dont la célèbre division Simbirsk dite "division de fer" commandée par G.Gaï.
Une 2eme armée rouge sera créée fin juillet 1918, avec des détachements venus de l'Oural, commandée par le général Chorine.
La 3eme, la 4eme et la 5eme armée rouge seront créées an août.

Ces 5 armées totaliseront 45 000 hommes, en août 1918.

2°) L'armée des Volontaires.

La réaction au coup de force bolchevik d'octobre 1917 fut très faible, car ces derniers, avec leur slogan "La paix et la Terre", qui s'était concrétisé par le décret sur la Terre, officialisant le partage des terres, déjà fait, par les paysans, s'étaient ralliés beaucoup de soldats et de paysans.

a°) L'opposition de l'ataman Kaledine.

C'est dans le Don, le 27 octobre 1917, que vint la première réaction de résistance, par l'ataman Kaledine. Ce dernier récuse le pouvoir bolchevik, et entend gouverner la région du Don, de sa capitale, Novotcherkassk.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Novotcherkassk

Le 2 novembre, l'ancien chef d'état-major de l'armée russe, le général Alexeïev, rejoint la capitale du Don, pour organiser une armée des Volontaires, rejointe en décembre par les généraux Kornilov et Denikine.
Roman Goul, un des volontaires, arrivé en décembre 1917, à Novotcherkassk, décrira l'ambiance très "ancienne russie" de cette capitale remplie d'officiers blancs.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Roman_Goul

L'idéologie de cet embryon de mouvement blanc n'est pas de restaurer le tsar, puisque c'est bien Alexeïev qui poussa à l'abdication du tsar, début mars 1917. Mais il est de rétablir l'unité de l'Empire russe, position nationale grand-russe qui aliénera les mouvements nationaux à la cause blanche.

Tant bien que mal, Alexeïev réussit à récupérer 3 500 hommes, dont la grande majorité était des officiers. L'ataman Kaledine, lui, ne put mobiliser des cosaques qui ne voulaient plus se battre, dans une région qui était assez bolchevisée. 52 % de la population du Don était d'origine non-cosaque.
Les alliés, qui combattent toujours contre les puissances centrales, sont maris par le pacifisme des bolcheviks, qui veulent la paix avec ces dernières. Aussi, Paris envoya le capitaine Guy de Courson, auprès d'Alexeïev, pour l'inciter à continuer la guerre contre l'Allemagne et l'Autriche.

Le 9 décembre 1917, l'armée des Volontaires s'attaque à Rostov, détenue par les rouges, ça sera la première bataille de la guerre civile. Le 12 décembre, Rostov est prise.

b°) La contre-offensive rouge dans le Don.

Antonov-Ovsenko va alors planifier la reprise de Rostov et la destruction de la petite armée des Volontaires. Il peut compter sur une population plutôt favorable aux rouges. D'ailleurs, dès janvier 1918, les soviets locaux, dans le bassin du Donets, appellent à l'insurrection contre l'armée des Volontaires. Le 28 janvier 1918, Kornilov informa Kaledine de l'impossibilité, pour ses maigres troupes, de tenir Rostov, qu'il évacuera sous peu, pour pénétrer dans le Kouban, où il espérait rallier des troupes cosaques.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Kouban

Le lendemain, totalement isolé à Novotcherassk, sans troupes, l'ataman Kaledine se suicida.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Alexe%C3%AF_Kaledine

c°) La campagne de glace.

C'est le nom donné à cette errance des soldats de l'armée des Volontaires, en plein hiver, dans les steppes gelées du Kouban, qui fut décrite par Roman Goul, un volontaire, dans son livre La campagne de glace.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Roman_Goul

Devant sa capitale, Ekaterinodar, les blancs lancent une offensive vers la cité qui fut repoussée par les rouges. Le 1e avril 1918, un obus tomba sur le QG de l'armée et tua sur le coup le général Kornilov, qui fut remplacé par son adjoint, Denikine. Ce dernier décida alors de lever le siège et de repartir vers le Nord, avec son armée de loqueteux fourbus.


En bref, la première armée qui s'opposa aux bolcheviks, celle des Volontaires, était faible, numériquement, isolée, et ce fut un miracle si cette troupe ne fut pas totalement anéantie par les bolcheviks.

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Message Publié : 08 Juil 2012 21:39 
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Tietie006 a écrit :
Le 22 avril 1918, un décret institue l'instruction militaire obligatoire, avec la création d'écoles militaires.

Outre les enseignements purement militaires, cette instruction comportait des cours d'alphabétisation, d'éducation civique et un cours de communisme élémentaire.

Tietie006 a écrit :
Le 29 mai 1918, rétablissement de la conscription générale. La suppression du service militaire, le 18 janvier 1918, n'aura donc duré que trois mois, le temps d'un "soupir d'utopie", comme le précise l'historien Dominique Venner.

Je me permets d'ajouter, sur ce point, la mise en place de la responsabilité collective, en annexe de cette loi sur le rétablissement de la circonscription générale. Il s'agit, pour le gouvernement bolchévique, de créer une menace sur les familles d'hypothétiques déserteurs de l'Armée rouge.

Tietie006 a écrit :
Une 1ere armée sera formée en juillet 1918, commandée par Toukhatchevski. Elle est composée d'ouvriers de la Volga, dont la célèbre division Simbirsk dite "division de fer" commandée par G.Gaï.

Un lien quelconque existe-t-il avec la Division de fer (allemande) de Courlande, organisée dès la fin de l'année 1918 ?
Peut-on y voir, selon votre avis, un répondant (dans les noms) à la Division de fer russe.

Tietie006 a écrit :
Aussi, Paris envoya le capitaine Guy de Courson, auprès d'Alexeïev, pour l'inciter à continuer la guerre contre l'Allemagne et l'Autriche.

Une biographie très correcte du personnage, réalisée par Jean-Noël Grandhomme, est proposée aux pages 149-150 de Illusions de puissance, Puissance de l'illusion, Historiographie et histoire de l'Europe centrale dans les relations internationales de l'entre-deux-guerres (2005), rédigé sous la direction de Traian Sandu, librement consultable en suivant ce lien : http://books.google.fr/books?id=-D-4e42 ... 18&f=false
Dans La mémoire roumaine de la mission Berthelot (2007), Grandhomme ajoute que de Courson a été spolié de ses biens en Russie par le pouvoir bolchévique.

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« But thought's the slave of life, and life's time fool. » (William Shakespeare)


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