pilayrou a écrit :
Brest a été bombardée pratiquement tout les jours pendant quatre ans.
Les brittaniques, puis les américains y allaient à l'aveuglette.
Ils visaient l'Arsenal et surtout la base sous-marine, où passaient les plus prestigieux navires allemands.
Bien souvent, les bombes tombaient à plusieurs centaines de mètres de l'objectif : la grand-mère et l'oncle de ma femme en ont fait les frais, parmi tant d'autres.
Le 19 septembre 1944, date de la capitulation du général Ramcke, aprés un siége qui fit 21000 morts , 90% de la ville étaient détruits.
C'est vrai, mais dans ce cas au moins y avait-il l'argument de véritables objectifs militaires de première importance. Ce qui est plus amer, c'est de constater le peu de résultats obtenus par ces bombardements répétés et le prix payé par les populations.
Puisque nous sommes dans les exemples personnels, ma grand - mère était à St Lo en juin 44 lorsque les bombardements ont commencé. Elle y a échappé mais sa maison a été pulvérisée (moindre mal) comme 80% de la ville. Il ne faisait pas bon être au coeur d'un noeud de communication au moment du débarquement. On peut regretter que ces réalités vécues et parfois un peu amères aient été souvent occultées, y compris par les historiens, et y compris aujourd'hui, au profit de la grande célébration générale de la réconciliation nationale. Ce n'est pas faire injure aux libérateurs que de reconnaitre les "dégâts collatéraux" (
) voire les véritables crimes.
Pour en rester au strict plan historique, ce qui me frappe surtout c'est de constater le glissement rapide de la perception de ces pratiques entre les années trente et la fin de la guerre. Guernica est percu comme un crime monstrueux, Rotterdam, Coventry, Belgrade en 40-41 soulèvent encore l'indignation quasi générale. A partir de 1942 - 43 en revanche, ces pratiques de bombardement de "terreur" commencent à passer littéralement dans les moeurs militaires, y compris des démocraties, comme moyens légitimes de guerre totale, d'Hambourg à Nagasaki en passant par Dresde, Tokyo et Hiroshima.
Le résultat reste qu'en quelques années, tous les fondements ou presque du "droit de la guerre" du XIXe siècle, en particulier la différenciation stricte entre combattants et non combattants passent à la trappe. C'est avec l'arme nucléaire l'ultime aboutissemnent de la logique de guerre totale.