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 Sujet du message : OKW-OKH-MBF
Message Publié : 09 Sep 2020 13:49 
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Salut à tous,

Je voulais savoir de quel commandement dépendait le Militärbefehlshaber in Frankreich, otto von Stulpnagel, puis son cousin.
De l'OKH? OKW?

Merci!


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 Sujet du message : Re: OKW-OKH-MBF
Message Publié : 10 Sep 2020 8:09 
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Bonjour,

La question est complexe et mérite des précisions techniques étendues.

Tout d'abord, l'Oberkommando des Heeres a une particularité qui le différencie grandement de ses homologues de la marine (OKM) et de l'armée de l'Air (OKL) : il porte un héritage glorieux et central. En effet, il est le successeur en ligne directe du Truppenamt, l'état-major secret conservé par la Reichswehr au mépris des clauses du traité de Versailles, lui-même héritier direct de l'Oberste Heeresleitung (OHL), la "direction suprême de la guerre" qui a conduit les destinées militaires du Reich en 1914-1918, qui était elle-même l'émanation du grosser Generalstab (g.GenSt.) du temps de paix.
Ce "grand état-major" était le joyau de la couronne de fer du militarisme prussien : créé par Scharnhorst et Gneisenau lors des Befreiungskriege de 1813-1814, perfectionné par Moltke, Waldersee, Schlieffen, il devint le coeur décisionnel du Reich sous le tandem Hindenburg-Ludendorff en 1916-1918, puis conduisit la réaction anti-spartakiste en accord avec le nouveau pouvoir socialiste en 1919. Dissous sous l'injonction des Alliés, il restait nimbé d'un prestige incomparable parmi la caste des officiers allemands et sa recréation en 1935 avait été une priorité de l'effort de réarmement allemand - en parallèle avec celle de la non moins prestigieuse Kriegsakademie chargée de l'alimenter en officiers brevetés d'état-major.
Aussi, si l'armée de l'Air bénéficie des faveurs du régime nazi en raison des liens de féauté qui lient Hitler à Göring et au rôle de ce dernier dans les décisions économiques et industrielles, l'armée de Terre possède avec l'OKH le "phare" qui oriente tous les décideurs militaires allemands, tant pour l'ancienneté et le prestige de ses fondations que du fait de sa prééminence culturelle.

L'Oberkommando der Wehrmacht, a contrario, est née d'un effort de centralisation voulu par Hitler, auquel l'armée de Terre a résisté à partir de 1935. Créé en février 1938 seulement (de la fusion du Wehrmachtsamt et du Reichskriegsministerium) dans une situation de crise parmi les militaires allemands (suite à l'affaire Blomberg-Fritsch qui est une OPA hitlérienne sur le haut-commandement de l'armée), sa légitimité à conduire des opérations n'est pas établie - au contraire, elle est ouvertement mise en cause. Il n'a pas encore eu le temps de s'implanter dans le paysage décisionnel lorsque le conflit éclate, et n'est en rien un état-major général chapeautant les états-majors des trois différentes armées, comme on le retrouve aujourd'hui par exemple dans l'armée française (l'état-major des armées EMA contrôlant les opérations, les états-majors d'armée EMAT/EMM/EMAA étant cantonnés aux tâches organiques). C'est l'état-major particulier de Hitler, son "coin" qui permet son entrisme dans la mécanique décisionnelle militaire et son instrument d'influence et de contrôle de celle-ci. Si les membres les plus éminents de l'OKW (Keitel, Jodl) lui sont tout dévoués et entrent dans sa logique de dompter l'OKH, les officiers terriens qui leur sont subordonnés subissent un conflit de loyauté : si leur loyauté personnelle à Hitler ne fait aucun doute, leur loyauté corporatiste reconnaît la primauté de l'OKH. Des rouages essentiels de l'OKW comme Warlimont (patron de l'Abteilung Landesverteidigung au sein du Wehrmachtsführungsamt/Wehrmachtsführungsstab, le "département de la défense du territoire" - ses déclarations après le conflit l'affirment positivement*) mais aussi Lossberg (le chef du groupe Terre dans ce même département) acceptent la suprématie tutélaire d'un OKH dans la définition et la conduite tactique et opérative des opérations.
Ainsi, en 1939, c'est l'OKH qui conduit l'opération "Weiss", et en 1940, en dépit d'interférences hitlériennes, via l'OKW ou pas, qui sont bien connues, il est encore à la conduite de la Westfeldzug.

Cependant, à l'automne 1939, l'OKW, sous injonction d'Hitler, s'empare de sujets que l'OKH estimait être les siens. C'est ainsi l'OKW qui planifie et conduit l'opération "Weserübung" dans les pays scandinaves entre avril et juin 1940 - à la colère de l'OKH, furieux d'être ainsi évincé, et même si Warlimont (de l'OKW !) soulignera que c'était un non-sens.

A l'été 1940, toutefois, il est évident que l'OKH est le principal état-major militaire opératif allemand, qui contrôle la majorité des forces militaires allemandes. Les succès immenses remportés sont portés principalement à son crédit, l'OKW n'ayant eu qu'un rôle mineur dans la planification et la conduite des opérations, la Luftwaffe et surtout la Kriegsmarine ayant été considérées comme des supplétives de l'armée de Terre et n'ayant de toute manière pas les moyens humains ni les procédures suffisantes pour conduire opérativement des opérations d'une telle amplitude. Nanti de sa préséance culturelle et historique, du crédit acquis par les victoires et fort de ce poids numérique du Heer sans commune mesure avec ceux de l'armée de l'Air et de la Kriegsmarine, il est le principal référent des états-majors tactiques et opératifs déployés sur le terrain, fussent-ils "interarmées". Ainsi, le commandement militaire de la France occupée (Militärbefehlshaber Frankreich), en dépit d'intrusions répétées et profondes de l'OKW, est-il à l'issue de la campagne à l'Ouest son principal relais en France. Cela ne signifie toutefois pas que l'OKW n'en est pas l'interface, au contraire, pour des questions spécifiques (définition de la Nordostlinie, contrôle de la ligne de démarcation, commission d'armistice, etc.).
Ne pas oublier un élément crucial : à l'été 1940, la France est la principale base d'attaque de l'opération "Seelöwe", largement conduite par l'OKH à nouveau. L'OKH a dès lors beau jeu de maintenir le commandement local sous son contrôle étroit en vue de l'optimisation des opérations envisagées contre le Royaume-Uni sous sa direction.

Tout change au début de 1941, avec le glissement stratégique de l'Ouest vers l'Est et l'abandon de "Seelöwe". L'OKH est saisie de la direction opérative de "Barbarossa", tâche titanesque qui exige une mobilisation massive de ses services dans ce seul but - ne serait-ce que parce que 80% du Feldheer est impliqué dans l'opération. Dans le cadre du conflit germano-soviétique, l'OKW conserve le contrôle des opérations arctiques ("Renntier", "Polarfuchs", "Silberfuchs") et s'occupe de la coordination entre les armées ainsi que de l'enregistrement/la validation des décisions prises par l'OKH. C'est-à-dire qu'il est cantonné à des fonctions de conduite très secondaires et à un simple rôle de fluidification (le déséquilibre d'une telle organisation de la chaîne de commandement et les velléités hitlériennes de contrôle poseront des problèmes aigus, largement documentés, dès juillet 1941, avec les intrusions répétées et parfois difficilement compréhensibles de Hitler, via ses Führerweisungen rédigées par l'OKW).
L'OKH, en dépit de quelques velléités (visite du "premier quartier-maître général", Oberquartiermeister I, le général Paulus, en Afrique du nord en avril 1941), perd le contrôle des théâtres d'opérations autres que celui d'URSS (à l'exception donc des opérations des confins finlandais). Ce qui signifie qu'à cette période, c'est l'OKW qui devient l'interlocuteur privilégié des commandements militaires dans les zones occupées (et a fortiori celui du Militärbefehlshaber Frankreich). Si cette évolution se fait sur plusieurs semaines voire plusieurs mois, c'est un fait indéniable observé à partir du printemps 1941.

On retrouvera cette répartition stratégique en juin 1944, l'OKH n'ayant quasiment plus aucun rôle dans la conduite des opérations de la campagne de Normandie, pilotées par l'OKW, alors que l'OKW n'a quasiment aucun rôle en URSS. Après l'été 1941, l'OKH est en effet cantonné aux opérations contre les Soviétiques, l'OKW s'occupant de la direction des autres théâtres d'opérations.

Sinon, quelques détails de contexte :
- le poste de Militärbefehshaber Frankreich et l'état-major qui va avec sont créés le 16 octobre 1940, c'est-à-dire alors que Hitler a réorienté l'effort stratégique vers l'URSS, donc quand l'OKH commence à tourner son attention et ses moyens de l'Ouest vers l'Est (même si elle n'est pas encore totalement focalisée sur l'URSS) ;
- Otto von Stülpnagel, s'il a effectué la majeure partie de sa carrière dans l'armée de Terre, a rejoint l'armée de l'Air de 1934 à 1939. Son grade est alors General der Flieger (depuis le 1er octobre 1936). Il est donc nommé commandant militaire en France en tant que membre de la Luftwaffe (et bien que son grade soit transformé en General der Infanterie (zur Verfügung) dès le 1er décembre 1940). Cela plaide pour la volonté de lui attribuer un rôle "interarmées", avec pour interlocuteur l'OKW et non le seul OKH, avec un spectre de compétences plus large que les seules questions terrestres.

Est-ce plus clair ainsi ?

* Le livre rédigé par Warlimont au début des années 1960 ressemble tout de même fort à un plaidoyer pro domo, la période étant celle au cours de laquelle les plus proches collaborateurs militaires de Hitler essayaient de laver plus blanc que blanc leur responsabilité et de minimiser leur rôle pour accabler le grand chef dont tous les maux et surtout la défaite finale auraient découlé. Il est possible en réalité que le conflit de loyauté chez Warlimont ne soit apparu qu'en... 1945 (voire après !), mais certains détails techniques de sa relation le rendent crédible, ainsi que certains éléments tirés de chez Halder.

Cordialement,

CEN EMB

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 Sujet du message : Re: OKW-OKH-MBF
Message Publié : 10 Sep 2020 12:18 
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Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Donc, afin de synthétiser la réponse :
- le Militärbefehlshaber Frankreich est organiquement dépendant de l'OKH, qui lui donne les ordres tactiques liés à l'occupation administrative du pays, qu'il exerce à son tour en les déléguant à des Militärbezirke et ensuite à des Feldkommandanturen puis à des Kreiskommandanturen. Le rôle de l'OKH en France est en effet réduite à compter de 1941 à exercer une simple responsabilité organique sur les états-majors d'occupation ;
- au printemps 1942, la responsabilité sécuritaire exercée par l'état-major via les troupes de sécurité (Landesschützen-Bataillone, Wach-Bataillone) est désormais partagée avec un Höherer Polizei-und SS-Führer (HPSSF) nouvellement nommé en 1942, dont l'autorité est concurrente sur ces questions-là et qui dispose de ses propres services et de ses propres unités ;
- le Militärbefehlshaber Frankreich n'a aucune prérogative opérationnelle, celles-ci étant exercées par l'Oberbefehlshaber West (dépendant de l'OKW) et la chaîne hiérarchique qui en dépend (Heeresgruppe D, par la suite Heeresgruppe B, les armées et corps d'armée subordonnés, et ainsi de suite).

CEN EMB

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