La Marine nationale et même la Royal Navy, si la Luftwaffe peut opérer depuis les aérodromes espagnols, n'auraient pas pesé bien lourd dans la balance. Donc non, si la Wehrmacht est invitée à appuyer les Espagnols pour les aider à se tailler un bout d'empire africain au Maroc et à prendre Gibraltar, je doute fort que dans la limite de son rayon d'action opérationnel (et le détroit de Gibraltar comme une partie considérable du Maroc et de l'Algérie), quiconque soit en mesure de s'opposer victorieusement à sa volonté.
Notez qu'il en va à peu près de même pour la Tunisie et Malte, si l'Italie accepte que la Luftwaffe utilise ses aérodromes siciliens et calabrais* - surtout que Malte n'a tenu que grâce à l'injection de moyens provenant en ligne directe de Gibraltar (voyez la liste des opérations "Club Run" :
https://en.wikipedia.org/wiki/Club_Run - elles portent sur des centaines d'avions qui sont acheminés de Gibraltar à Malte) et que si Gibraltar tombe ou est assiégée, ces moyens ne sont pas à même d'en renforcer la défense.
C'est à mon sens la seule hypothèse dans laquelle Hitler aurait pu espérer vaincre décisivement : poursuivre la guerre à l'Ouest et au Sud en 1941 plutôt que de se retourner vers l'URSS que son armée n'est pas capable de vaincre si elle est obligée de maintenir des moyens significatifs pour défendre le littoral atlantique et intervenir en Méditerranée. En prenant Gibraltar et Malte et en coupant la route des Indes par Suez, il aurait terriblement affaibli la situation stratégique britannique et peut-être provoqué le séisme nécessaire à l'éviction de Churchill. En gros, en juillet 1940, plutôt que de glisser vers l'Est, il aurait dû faire de la poursuite du conflit contre le Royaume-Uni et de la saisie de ses bases méditerranéennes l'objectif crucial du conflit, qu'il ne mène en réalité que mollement et par des moyens secondaires ou indirects (menace de "Seelöwe", raids navals, guerre sous-marine, "Blitz", "baleine de corset" de l'Afrikakorps en Libye, prise de la Crète). Cela comprenait nécessairement le fait de rallier Franco à sa guerre, et probablement d'appuyer un Mussolini rétif bien plus que ce dernier n'était désireux de l'être - ce dont la faisabilité mérite d'être questionnée.
Ce qui me fait penser que les deux meilleures décisions prises au cours du conflit furent sans doute l'entrée en guerre de l'Italie le 10 juin 1940, et la demande d'armistice du 17 juin 1940 par la France, car elles poussèrent - bien malgré elles et sans en avoir aucune conscience bien sûr !** - Hitler à ce glissement stratégique de l'Ouest (et du Sud) vers l'Est, glissement qui le condamne à la défaite alors que tout était encore ouvert sans l'entrée en guerre des Soviétiques. En clair : semaine décisive s'il en fut.
* Mais cette acceptation du Duce est tout sauf probable, dans les circonstances de l'été 1940 (le X. Fliegerkorps ne rejoint la Sicile qu'en décembre 1940, alors que les Italiens ont enregistré les "vestes" magistrales que j'évoquais plus haut, "vestes" qui ont commencé en novembre, pas avant).
** Il est parfaitement clair pour moi que les partisans de l'armistice n'ont absolument aucune possibilité d'avoir ne serait-ce que le début du commencement de la conscience de cet enchaînement ultérieur des faits. Qu'on ne me fasse donc pas dire qu'ils ont eu raison : c'est purement incident, en rien calculé pour cela.
CEN EMB