J'ai déjà cité plusieurs fois un mot de Napoléon au début de la campagne de France, alors que les Alliés allaient traverser le Rhin. A un officier d'état-major qui lui présentait un plan de déploiement avec les corps d'armée français alignés le long de la frontière, il demanda s'il s'agissait d'arrêter des contrebandiers.
Le cas des garde-frontière soviétiques est caricatural : ils ont obtenu le droit d'ouvrir le feu... le 22 juin au soir. - La plupart n'avaient sans doute pas attendu cet ordre. (Le général qui les commandait a toutefois été fusillé par Staline, ça mérite d'être mentionné.)
Adrian a écrit :
Donc si Gamelin avait placé l'armée française près de Paris ou comme à la ligne de front de la première guerre mondiale, peut-être que ça aurait sacrifié le nord-est de la France, mais l'armée allemande n'aurait pas pu la prendre à revers, n'aurait pas pu la prendre par surprise, n'aurait pas pu la percer aussi facilement. En fait l'armée française aurait eu une grande capacité d'encaissement, une meilleure mobilité, une meilleure occasion pour attaquer l'armée ennemi et du temps qui aurait joué à son avantage.
Dans un tel déploiement l'armée française est très loin de l'armée belge, qui va donc être battue séparément. (Elle représente 18 divisions je crois, dont une bonne partie très motivée. En tous cas il parait dommage d'en perdre le bénéfice.)
Vous parlez du nord-ouest de la France, pas du nord-est. Le nord-est était le lieu de la surcharge de divisions d'infanterie derrière la ligne Maginot, saupoudrée, en nombre non négligeable, de bataillons de chars destinés à l'accompagnement, ensemble que je décrirais volontiers comme la partie la moins mobile de l'armée, qui dans d'autres scénarios d'opération constituait un troupeau destiné de toute façon à se faire ramasser. (Surtout si on songe à l'effort intellectuel, ou conceptuel, que constituait pour l'état-major la décision de les décoller de la ligne Maginot.)
Tout ce qu'on demandait à Gamelin, c'était de ne pas tout jouer sur l'hypothèse d'un effort principal allemand identique au plan Schlieffen, et surtout de ne pas y engager toutes ses réserves dès le premier indice d'attaque. (Plus que l'entrée en Belgique c'est l'absence de réserve qui constitue une faute de débutant, dont les conséquences seront rapidement dramatiques.)
Il est vrai que cette vision des choses ne vient à l'esprit que si on considère que les Allemands peuvent passer ailleurs que dans les plaines belges, hors l'état-major avait exclu les Ardennes. (Et la Suisse aussi, d'ailleurs, mais c'est une solution moins avantageuse et surtout qui demande un positionnement trop lisible de l'armée allemande, alors que le mouvement vers les Ardennes pouvait se dessiner au dernier moment sans être détectable très longtemps à l'avance. - Surtout si on n'avait pas l'intention de regarder ce qui s'y passait.)
Cela dit, pour vous consoler, dites-vous bien que dans toutes les configurations l'armée française aurait été battue, moins rapidement c'est probable, mais tout aussi complètement : les Allemands pratiquaient une nouvelle forme de guerre, et l'armée française n'y était simplement pas adaptée. L'armée allemande aurait trouvé d'autres occasions de manoeuvres et d'encerclements, et l'armée française ne savait pas y répondre. (pas assez mobile, pas assez de transmissions, chaine de commandement trop longue, absence d'une force de frappe blindée pour contre-attaquer, absence d'une aviation tactique, etc...)
Confrontés au même problème, les Soviétiques reculeront d'un bon millier de km, en abandonnant à la Wehrmacht les 2/3 de leur territoire utile, avant de pouvoir se rétablir.