Bonjour,
La phrase prononcée par Hitler serait :
"C'est comme si je poussais la porte d'une chambre obscure et inconnue, sans savoir ce qui se passe derrière".
Je l'ai lue dans "Barbarossa", de Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri (Ed. Passé Composé, page 345) :
J.. Lopez et L. Otkhmezuri a écrit :
Hitler est dans un état d'angoisse croissant depuis la fin mai. Le 29, il avoue au représentant de Ribbentrop à ses côtés, Walter Hewel, en qui il a toute confiance (il était près de lui lors du putsch de Munich), que "Barbarossa, comme toute chose, est un risque. Si ça échoue, tout est fichu" . Il le répète à peu près dans les mêmes termes le 8 juin : "si ça tourne mal, tout est perdu". Les paroles qu'il prononce devant Bormann, et que Schellenberg, le chef de la police secrète, rapporte dans ses Mémoires, caractérise au mieux son état d'esprit ce 21 juin 1941 : "C'est comme si je poussais la porte d'une chambre obscure et inconnue, sans savoir ce qui se passe derrière." Pour se détendre, il fait une promenade nocturne, incognito, dans Berlin, ce qu'il n'entreprendra plus jamais.
La source mentionnée par ces historiens est : W. Schellenberg,
Memoiren, Köln, 1959 p.179.
Il se trouve que je possède le livre de Schellenberg, traduit en français par Edith Vincent en 1957 et republié récemment par les éditions Perrin, collection Tempus, en 2022. ("
Le chef du chef du contre-espionnage nazi parle"). Les propos de Hitler du 21 juin 1941 y sont relatés dans les termes suivants (page 317) :
Schellenberg selon la traduction française a écrit :
Le 21 juin 1941, Canaris nous invita, Heydrich, Müller et moi, à déjeuner chez Horcher, l'un des meilleurs restaurants de Berlin. Je savais bien pourquoi : il tenait à faire une dernière tentative pour mettre Heydrich et Müller en garde contre une vue trop optimiste de la campagne de Russie. C'était bien dans la manière de Canaris que de choisir un déjeuner apparemment banal pour émettre ses opinions au sujet d'un problème qu'il jugeait d'une importance extrême. Il voulait s'assurer le soutien de Heydrich contre l'attitude optimiste du haut commandement de la Wehrmacht. Car il lui serait utile de pouvoir dire : " Heydrich non plus ne voit pas la situation si belle que cela !"
Mais Heydrich ne manifestait nul inquiétude. Il disait :
- Hier à dîner, Hitler était d'humeur sérieuse. Bormann a cherché à l'encourager en lui disant : "vous avez de gros soucis en ce moment - l'heureuse issue de cette grande campagne dépend de vous seul. La Providence a fait de vous son instrument pour décider de l'avenir du monde entier. Nul mieux que moi ne sait que vous vous êtes entièrement voué à cette tâche et que vous avez étudié le problème dans tous ses détails. Je suis persuadé que vous avez tout prévu, tout organisé et que votre grande et belle mission sera couronnée de succès." Le Führer, après avoir écouté, s'est borné à dire qu'il espérait que l'avenir prouverait à quel point cette confiance était justifiée, mais que, dans des entreprises d'une telle envergure, nul ne pouvait se targuer d'avoir prévu toutes les éventualités. Il fallait l'espérer et invoquer la Providence afin que le peuple allemand triomphât de tous les obstacles. Tout cela, poursuivit Heydrich, m'a été rapporté ce matin au téléphone par Himmler, et cela prouve bien que le Führer est moins optimiste que ses conseillers militaires.
Sur quoi Canaris conclut en disant que l'attitude de Hitler était très significative et assez révélatrice.
Le lendemain matin, 22 juin 1941, à l'aube, la Wehrmach déclencha l'offensive [...]
La phrase de la "porte d'une chambre obscure et inconnue" ne figure pas dans cette traduction.
Il m'intéresserait de voir la page 179 des
Memoiren de Schellenberg de 1959.