Lili98 a écrit :
Je pense, en revanche, que la question du choix des mots est bien plus légitime dans le cadre de l'enseignement de cet événement.
Quand j'étais à l'école, on parlait des "camps de concentrations" où tant de personnes étaient mortes. Et il y avait l'amalgame entre les différents internés : politiques, asociaux, pour motifs raciaux, pour faits de résistance…, On pensait que les gens étaient enfermés et puis qu'ils décédaient sous les mauvais traitements et du fait du rationnement alimentaire. Cela, c'était ce qui se disait dans les années 1960-70 et de ce qu'on voyait à la télé.
Puis est venu le film de Claude Lanzmann :
Shoah. Et de là, on a commencé à comprendre que l'extermination était quelque chose de différent de ce qui se passait dans les camps de concentration. Je parle au niveau du grand public, bien entendu, mais aussi des scolaires.
Petit, à petit, cette réalité a gagné sa place. Ensuite, on a découvert, ou re-découvert pour certains, l'autre réalité, celle de la Shoah par balle. Il y a toujours des questions en suspens, comme cela de la date à laquelle a été prise la décision politique d'exterminer les juifs. Au vu des réalités du terrain, ce n'est pas à la conférence de la Wannsee.
Dans le cadre de l'enseignement de la Shoah, il y a effectivement de nombreuses difficultés. D'où des discussions sur les termes. D'autant plus qu'en ce qui concerne les camps d'extermination, il n'y a jamais eu de noms officiels. Sans compter l'effacement des traces les plus visibles des massacres, que ce soit lors de la Shoah par balle, que lors de l'Aktion Reinhart.
Comment nommer l'innommable ? On peut aller vers une surenchère avec des noms forts pour montrer l'inhumanité des "solutions" mises en place par les nazis. On peut se poser la question de comment aborder tout cela, non seulement sur le plan historique, en racontant les faits, mais aussi sur le plan philosophique, avec la décision de faire disparaitre tous les membres d'un groupe ethnique fort de plusieurs dizaines d'individus.
En fonction du public auquel on s'adresse, il faut veiller à rester simple. Il faut dire les choses avec des mots que tout le monde peut comprendre et ne pas chercher à atténuer la brutalité des faits avec des mots abscons. Si la formule choisie est trop longue, il y aura la tentation de la réduire à un acronyme qui ne parlera qu'à un public averti.
J'ai parfois du mal avec le terme
"Einsatzgruppen" qui veut littéralement dire : Groupes d'intervention. Qu'on traduit occasionnellement par
"escadrons de la mort" ou "unités spéciales". Mais, dans le contexte SGM, Einsatzgruppen est peut-être le terme le moins sujet à caution. Même s'il recouvre plusieurs réalités.
Toujours dans le cadre de la SGM, "camps d'extermination" me parait aussi un terme acceptable, puisque le public actuel a bien intégré le fait qu'il s'agit principalement de l'extermination des juifs et des tziganes. Même si les nazis ont aussi tenté d'exterminer les handicapés, les homosexuels, les asociaux…, et je ne sais pas si la liste est complète.
Alors, quand on veut entrer dans le détail, il est vrai qu'il y a plusieurs réalités. Tous les exterminés ne l'ont pas été de la même façon et pour les mêmes raisons. On peut essayer de classer les horreurs des situations, mais est-ce souhaitable ? La seule chose qu'on peut relever est que la violence semble quelque chose d'intrinsèque du régime nazi et cela même avant son arrivée au pouvoir.