Bernard a écrit :
Plantin-Moretus a écrit :
Est-il exact que les Alliés ont informé plusieurs de leurs agents d'un débarquement dans le PDC, puis les ont envoyés en France pour une mission après avoir organisé leur capture par les Allemands, qui ont été ainsi totalement intoxiqués par des aveux obtenus sous la torture par ces malheureux sacrifiés sans le savoir ?
Cela me paraît tellement machiavélique et cynique que malgré l'enjeu, j'ai du mal à y croire.
N'était ce pas une version véhiculée par un film ? Il me le semble, mais je ne sais plus lequel. Peut-être "Nom de Code Émeraude" ?
Malheureusement, c'est un fait bien réel.
Voici ce qui en est dit dans: "Histoire de l'espionnage mondial" de G. Etienne et C. Moniquet, éditions du félin
Citer :
Fortitude a été précédée d'une autre opération allant dans le même sens : Starkey, dont le but est de mobiliser les Allemands autour du Pas-de-Calais afin de les empêcher d'envoyer des renforts en Italie où les Anglo-Américains débarqueront les 9 et 10 juillet 1943.
L'un des aspect les plus tragiques de Starkey est certainement la chute des réseaux Prosper et de leur chef, le major Francis Suttill. Né à Lille en 1910 d'une mère française et d'un père anglais, Suttill, qui a choisi de servir dans les commandos, est tout naturellement recruté par le SOE au début de la guerre et chargé de monter en france le réseau auquel il donnera son nom de guerre, Prosper. Le succès est au rendez-vous : les réseaux Peosper s'étendent sur l'ensemble des départements du nord de la Loire, et des dizaines de tonnes d'armes leur sont parachutés. Mais, à Londres, des responsables de la guerre secrète ont déjà décidé de passer par pertes et profits les réseaux Prosper. En mai 1943, Suttill est donc convoqué en Grande-Bretagne où on lui demandera de placer tous ses groupes en alerte en vue d'un débarquement qui aura lieu, dans la région de Calais, au début du mois de septembre.
Au tout début de l'été 43, alors que, officiellement Fortitude commence à peine à se mettre en place, Suttill est arrêté à Paris. Les spécialistes s'entendent aujourd'hui pour penser que seuls les SR de Londres ont pu, d'une manière ou d'une autre, donner aux Allemands l'adresse de sa planque qui n'était connue de personne excepté de la section F (French) du SOE. Suttill après trois jours d'interrogatoires, livrera ses réseaux (des dizaines de tonnes d'armes et un millier de résistants) contre la promesse de voir las Allemands traiter ces derniers comme des prisonniers de guerre. Une promesse qui ne sera, évidemment, jamais tenue : la grande majorité des résistants arrêtés mourra sous la torture ou en déportation. L'importance de Prosper, les renseignements arrachés à leurs prisonniers par la Gestapo et le trafic radio que Londres continuera à entretenir, en toute connaissance de cause, avec Archambault (Gilbert Norman) le radio de Prosper émettant désormais sous contrôle allemand (et qui fera tout pour en prévenir l'Angleterre), renforceront Berlin dans l'idée que le Pas-de-Calais est bien la zone choisie pour le débarquement en France.
On l'a dit, des centaines de membres de prosper mourront, Suttill, lui, sera pendu au camp de concentration de Flossenburg et son radio, Norman, sera lui aussi exécute.
Les archives de Starkey ont fort opportunément brûlé après la guerre, et, si les grandes lignes et de nombreux détails de Fortitude sont aujourd'hui connus, les points d'interrogation demeurent nombreux et bon nombre de dossiers restent interdits d'accès. Au total, fortitude a certainement coûté, du nord au sud de l'Europe, plusieurs milliers de vie humaines : résistants et agents parachutistes anglais délibérément livrés à l'ennemi pour lui communiquer (souvent sous la torture) de fausses informations, ou sacrifiés dans des opérations de diversion ; pilotes tués dans des missions de bombardement sans utilité réelle ; civils écrasés sous les bombes, entre autres en France.
A son actif, on peut penser que cette opération, certainement l'une des plus cyniques et cruelles de toute l'histoire de la guerre secrète, a permis la réussite du débarquement du 6 juin 1944. On doit en tout cas l'espérer, sans cela, ces milliers de vies auront été sacrifiées pour rien.
Churchill aurait dit : "En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu'elle devrait toujours être protégée par un rempart de mensonges." Starkey et Fortitude seront deux des éléments essentiels de ce rempart de mensonge. Mais comment ne pas être accablé par la simple idée que c'est en l'ignorant, et en étant manipulés, que tant d'agents et de résistants courageux ont rendus à la cause alliée le plus grand service qu'ils pouvaient lui rendre ?