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 Sujet du message : Bacri, pieds noirs et judaïsme
Message Publié : 30 Jan 2021 12:47 
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Marc Bloch
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Je ne sais pas si je pose la question dans la bonne section du forum mais je suis ignorant des questions suivantes qui ont surgi dans mon esprit à la suite du décès de Jean Pierre Bacri. Cet acteur assez connu était né dans une petite ville d'Algérie, dans une famille juive nous dit Wikipedia.

Question de fond : pourquoi les Juifs dont les ancêtres étaient déjà présents en Algérie avant 1830 ont ils fait le choix de se réfugier en France où ils n'avaient aucune racine? Pourquoi ne sont ils pas restés dans l'Algerie indépendante ? Ou partis en Israël ?

Question linguistique : l'expression de "pied-noir " appliquée aux Français d'Algérie était-elle réservée aux colons venus d'Européens? Ou était elle employée aussi pour les Juifs qui bien que d'origine locale avaient obtenu le statut de citoyen français dès le XIXe siècle ?


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Message Publié : 30 Jan 2021 13:30 
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Salluste
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Un début de réponse avec le décret Crémieux, accordant la nationalité française au juifs d'Algérie (1870).

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Message Publié : 30 Jan 2021 14:26 
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Grégoire de Tours
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Les juifs pieds noirs d'Algérie étaient français depuis longtemps. Je ne pense pas qu'ils se différenciaient plus des autres français d'Algérie que les juifs de France ne l'étaient des "français de France".

Ils avaient bien sûr leur culture et leurs coutumes spécifiques (religieuses, vestimentaires, gastronomiques...) mais finalement au même titre que beaucoup d'autres français d'Algérie qui étaient eux mêmes originaires d'Espagne, d'Italie, de Malte ou d'ailleurs. C'était un creuset dans lequel il s'était petit à petit établi une espèce de "culture pied noir" générique qui empruntait aux différentes cultures (l'anisette , le couscous... :wink:).

Pour les juifs pieds noirs, la grosse différence (comme en France) c'était évidemment la religion. Cela freinait sans doute la mixité avec les autres ethnies (les mariages entre juifs et non-juifs devaient être très limités) mais cela n'a pas empêché qu'à la fin de la présence française (1962) ils aient réagi comme les autres français d'Algérie et aient préféré émigrer en France. D'ailleurs beaucoup de pieds noirs n'avaient aucune origine française mais espagnoles ou italiennes et sont allés aussi en France (très peu sont allés en Espagne, Italie ou... Israël).


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Message Publié : 30 Jan 2021 14:51 
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De mémoire, le décret Crémieux attribuait non pas la nationalité (ils l'avaient déjà), mais la citoyenneté française aux juifs d'Algérie.
Les indigènes musulmans avaient, quant à eux et selon le décret, la possibilité de l'obtenir, sur demande. Mais ils devaient dans ce cas passer sous le régime du code civil, qui interdisait, entre autres, la polygamie. La citoyenneté française n'était pas compatible avec le droit coutumier qui régissait la société civile indigène, dont la justice civile était rendue par des cadis.

Ce n'est pas dit dans le décret, mais une autre considération a probablement joué en faveur du maintien du statut personnel des indigènes : en faire des citoyens leur conférerait automatiquement et intégralement les mêmes droits que le reste de la population, avec accès aux mêmes services publics : état civil, justice, instruction, etc. Bref, tout une administration à développer. J'imagine qu'on a dû reculer devant l'ampleur de la tâche. A une époque où on ne savait pas encore bien ce qu'il convenait de faire de cette colonie ; on sortait d'un Second Empire qui avait oscillé entre deux directions divergentes : assimilation vs association avec des royaumes locaux.


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Message Publié : 30 Jan 2021 16:23 
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Et puis, avec les mêmes droits, les musulmans auraient été majoritaires lors des élections.

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Message Publié : 30 Jan 2021 17:09 
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b sonneck a écrit :
De mémoire, le décret Crémieux attribuait non pas la nationalité (ils l'avaient déjà), mais la citoyenneté française aux juifs d'Algérie.
Les indigènes musulmans avaient, quant à eux et selon le décret, la possibilité de l'obtenir, sur demande. Mais ils devaient dans ce cas passer sous le régime du code civil, qui interdisait, entre autres, la polygamie. La citoyenneté française n'était pas compatible avec le droit coutumier qui régissait la société civile indigène, dont la justice civile était rendue par des cadis.

Ce n'est pas dit dans le décret, mais une autre considération a probablement joué en faveur du maintien du statut personnel des indigènes : en faire des citoyens leur conférerait automatiquement et intégralement les mêmes droits que le reste de la population, avec accès aux mêmes services publics : état civil, justice, instruction, etc. Bref, tout une administration à développer. J'imagine qu'on a dû reculer devant l'ampleur de la tâche. A une époque où on ne savait pas encore bien ce qu'il convenait de faire de cette colonie ; on sortait d'un Second Empire qui avait oscillé entre deux directions divergentes : assimilation vs association avec des royaumes locaux.


Les juifs concernés par le décret Crémieux n'étaient pas de nationalité française mais étaient régis par le statut de l'indigénat, comme les musulmans.

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Message Publié : 30 Jan 2021 17:11 
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Pierma a écrit :
Et puis, avec les mêmes droits, les musulmans auraient été majoritaires lors des élections.

C'est vrai mais je pense que le problème ne se posait pas en ces termes à cette époque pour les musulmans. Même si il y avait eu une large ouverture et acceptation des mêmes droits par la France (empire ou république peu importe), comme dit plus haut il leur aurait fallu alors accepter que la loi française l'emporte sur le droit coutumier (et donc la loi coranique je suppose) et peu d'entre eux auraient accepté ce qu'ils auraient considéré comme un renoncement à leur culture et à leur religion.

Par contre pour en revenir au sujet initial concernant les juifs pieds noirs ce qui m'intéresserait de comprendre c'est ce qui a fait qu'ils ont eux accepté (visiblement sans trop de problème) le décret Crémieux et donc l'acceptation de ce qui en découlait ? Structures religieuses peu contraignantes ? Pas de polygamie ?


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Message Publié : 30 Jan 2021 18:37 
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@JMTARDIF: l'Algérie était une colonie, et non un protectorat. C'était donc une possession française. Aucune autre nation ne pouvait y exercer la moindre autorité et les Juifs et les Musulmans qui l'habitaient étaient ipso facto de nationalité française. Ils étaient sujets français.
Mais avoir la nationalité ne faisait pas automatiquement d'eux des citoyens, bénéficiant des droits et soumis aux devoirs prévus par les lois (et la constitution quand elle existe : en 1871, j'ai un doute).


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Message Publié : 30 Jan 2021 18:54 
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b sonneck a écrit :
@JMTARDIF: l'Algérie était une colonie, et non un protectorat. C'était donc une possession française. Aucune autre nation ne pouvait y exercer la moindre autorité et les Juifs et les Musulmans qui l'habitaient étaient ipso facto de nationalité française. Ils étaient sujets français.
Mais avoir la nationalité ne faisait pas automatiquement d'eux des citoyens, bénéficiant des droits et soumis aux devoirs prévus par les lois (et la constitution quand elle existe : en 1871, j'ai un doute).

J'ai refouillé le sujet : Vous avez raison, ils sont de nationalité française :wink: Désolé pour mes trop promptes réponses !

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Message Publié : 30 Jan 2021 20:05 
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b sonneck a écrit :
@JMTARDIF: l'Algérie était une colonie, et non un protectorat. C'était donc une possession française. Aucune autre nation ne pouvait y exercer la moindre autorité et les Juifs et les Musulmans qui l'habitaient étaient ipso facto de nationalité française. Ils étaient sujets français.
Mais avoir la nationalité ne faisait pas automatiquement d'eux des citoyens, bénéficiant des droits et soumis aux devoirs prévus par les lois (et la constitution quand elle existe : en 1871, j'ai un doute).
Au passage je me demande à quelle date l'Algérie est devenue partie du territoire national ? (Avec 3 départements, préfectures à Alger, Oran et Constantine.)

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Message Publié : 30 Jan 2021 20:52 
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Localisation : Poitou
[/quote]Au passage je me demande à quelle date l'Algérie est devenue partie du territoire national ? (Avec 3 départements, préfectures à Alger, Oran et Constantine.)[/quote]
1848

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Message Publié : 30 Jan 2021 22:33 
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Gér@rd a écrit :
Par contre pour en revenir au sujet initial concernant les juifs pieds noirs ce qui m'intéresserait de comprendre c'est ce qui a fait qu'ils ont eux accepté (visiblement sans trop de problème) le décret Crémieux et donc l'acceptation de ce qui en découlait ? Structures religieuses peu contraignantes ? Pas de polygamie ?

Le problème ne s'est pas posé, car on ne leur a pas laissé le choix. Le texte du décret est on ne peut plus explicite :

" Le Gouvernement de la défense nationale décrète :
Les Israélites indigènes des départements de l'Algérie sont déclarés citoyens français ; en conséquence, leur statut réel et leur statut personnel seront, à compter de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française, tous droits acquis jusqu'à ce jour restant inviolables.
Toute disposition législative, toit sénatus-consulte, décret, réglement ou ordonnance contraires, sont abolis.
Fait à Tours, le 24 octobre 1870.
Ad. Crémieux, Léon Gambetta, Glais-Bizoin, Fourichon
".


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Message Publié : 31 Jan 2021 8:56 
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Merci pour votre réponse (je viens de lire le décret Cremieux et quelques explications sur Wiki) ;)

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Message Publié : 31 Jan 2021 12:25 
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JMTARDIF a écrit :
Citer :
Au passage je me demande à quelle date l'Algérie est devenue partie du territoire national ? (Avec 3 départements, préfectures à Alger, Oran et Constantine.)

1848

Ok merci pour l'information.

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Message Publié : 31 Jan 2021 14:07 
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Pierre de L'Estoile
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La nationalité française des Indigènes était en fait une évidence admise depuis longtemps : un individu né et vivant sur un territoire sous souveraineté française qui n’avait pas le statut d’étranger était nécessairement français. Il avait notamment droit à la protection consulaire française s’il se trouvait en pays étranger, les cas étant cependant assez rares. Mais ce n’est qu’en 1861 que cela fut reconnu officiellement. Tout simplement, la question ne s’était pas posée auparavant. Elle le fut à l’occasion d’un litige qui opposa le barreau des avocats d’Alger à un Juif algérien, Elie Léon Enos, qui demandait son admission. Enos avait suivi des études de droit en France métropolitaine et exercé la profession d’avocat à Paris de 1858 à 1861 . Cela n’avait posé aucun problème. Mais ce qui était évident à Paris ne l’était pas à Alger. Pour être avocat en France, et donc à Alger, il fallait être français. Or le barreau d’Alger prétendait qu’Enos n’était pas Français n’étant pas né sur le sol de la France ou de parents français. Il obtint gain de cause devant la cour d’appel d’Alger qui, dans un arrêt du 24 février 1962, reconnaissait que les indigènes d’Algérie avaient la qualité de Français en vertu des principes généraux du droit international appliqué aux cas d’annexion. L’Algérie avait en effet été annexée en 1848. La cour précisait toutefois que les indigènes ne jouissaient pas des droits de citoyens français en raison du maintien de leurs lois propres qui excluait l’application du code civil à leur égard mais, disait la cour, pour être avocat, il fallait simplement être de nationalité française, sans être nécessairement citoyen. Le maintien des lois propres aux Indigènes avait été garanti dans l’acte de capitulation du 5 juillet 1830. L’accession à la citoyenneté française fut ouvert aux Indigènes, les Musulmans comme les Juifs, par le sénatus-consulte du 14 juillet 1965. Elle était conditionnée à l’abandon du statut personnel dérogatoire et à l’adhésion au statut de droit commun défini par le code civil. La citoyenneté était accordée au terme d’une procédure administrative de naturalisation similaire à la naturalisation d’un étranger. Il y en eut en fait fort peu. Il y avait certainement une part d’arbitraire dans la décision d’une administration probablement peu désireuse d’assimiler des indigènes mais c’est le très faible nombre des demandes qui explique le peu d’effet du sénatus-consulte. L’assimilation était pourtant très majoritairement souhaitée dans la communauté israélite et elle avait été exprimée à plusieurs reprises par les consistoires dans des requêtes adressées au gouvernement impérial. Mais le fait que les membres d’une même famille ou, plus largement, d’une même communauté, fussent soumis à des statuts personnels différents jetait un trouble. Par exemple, que faire en matière d’héritage ? Le code civil accorde des droits égaux à tous les membres d’une fratrie alors que les lois coraniques ou mosaïques instaurent une inégalité, notamment entre frères et sœurs. Il en résultait une renonciation quasi générale à la possibilité d’accéder à la citoyenneté.
Le décret Crémieux résolut le problème à l’égard des Juifs à la satisfaction de quasiment tous les intéressés. C’est cette quasi unanimité qui explique le caractère autoritaire du décret qui ne laissait effectivement pas le choix aux intéressés, mais un choix qu’en fait ils ne souhaitaient pas.. Il n’y eut que des personnalités antisémites pour se servir hypocritement d’un motif de violation des libertés afin de contester la légitimité du décret.
La volonté des Juifs de s’intégrer pleinement dans la nation française peut s’expliquer par leur situation dans la société algérienne sous la régence ottomane. Tous les rapports rédigés dans les années 1930 présentent les Juifs comme occupant le niveau le plus bas de l’échelle sociale. A la différence des Musulmans, ils vécurent l’invasion française comme une émancipation.


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