Invitée à la table des vainqueurs …Il faudrait s’entendre sur ce qu’on entend pas là. Les vainqueurs sont les 26 nations ayant participé à la Déclaration des Nations-unies signée le 1er janvier 1942 par laquelle elles s’engageaient à lutter jusqu’à la victoire finale contre l’Allemagne nazie. Les principaux signataires en sont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’URSS et la Chine. Parmi les 22 autres figurent la Pologne dont le gouvernement en exil s’était réfugié à Londres. La France Libre n’a pu signer en tant qu’Etat souverain mais a toutefois adhéré à la Déclaration le 2 janvier 1942. L’adhésion engageant la République Française internationalement reconnue a été signée par l’ambassadeur de France à Washington le 2 janvier 1945.
La Pologne tout comme la France faisaient donc partie des vainqueurs lors de la capitulation allemande les 7 et 8 mai 1945. L’acte du 7 mai a été signé à Berlin par le général Bedell-Smith en tant que représentant du Commandant suprême des Forces expéditionnaires alliées et par le général Sousioparov en tant que représentant du haut commandement soviétique ainsi que, à titre de témoin, par le général Sevez de l’armée française. Le général Bedell-Smith a donc signé pour la Pologne et aussi pour la France. L’acte du 7 mai a été réitéré le lendemain à Moscou. Ont signé l’acte du 8 mai le maréchal de l’air Tedder en tant que représentant du Commandant suprême des Forces expéditionnaires alliées et par le maréchal Joukov au nom du haut commandement suprême de l’Armée rouge ainsi que, en tant que témoin, par le général de Lattre de Tassigny, commandant en chef de la Première armée française et le général Spaatz, commandant des forces aériennes stratégiques des Etats-Unis. Le maréchal Tedder a donc signé le 8 mai, comme l’avait fait la veille le général Bedell-Smith, aussi bien pour la Pologne que pour la France.
La France se distinguait de la Pologne sous deux aspects, tout d’abord sa participation militaire à la lutte contre l’Allemagne et ensuite l'importance de sa position à l’échelle mondiale.
L’armistice de 1940 et la collaboration du régime de Vichy avec le régime nazi mettaient la France dans une position morale inconfortable, mais matériellement, en 1945, la France pesait plus, à l’échelle du monde, que la Pologne, que ce fût par son potentiel économique, l’étendue de son empire colonial, ses représentations diplomatiques et son rayonnement culturel. Alors que la Pologne était restée occupée presque jusqu’à la fin par l’Allemagne pour malheureusement tomber ensuite sous l’hégémonie soviétique, la France avait retrouvé sa souveraineté en Afrique du nord dès novembre 1942 ce qui lui permit de participer aux opérations militaires avec les Alliés de façon modeste mais non négligeable et, quantitativement, bien plus que la résistance polonaise. Si je ne trompe, sur les 450 000 combattants ayant débarqué en Provence en août 1944, 250 000 appartenaient à l’armée française.
Le retour de la France comme grande puissance dans le jeu des nations s’est concrétisé par le siège permanent qui lui a été attribué au Conseil de sécurité des Nations Unies. La chronologie de la création de l’Organisation des Nations Unies est retracée dans un
article paru dans le numéro 102 de la revue Espoir en 1995.
La France n’ayant pas de gouvernement reconnu internationalement ne put participer aux travaux préparatoires à la création de l’Organisation des Nations Unies. La position de la France y avait toutefois été discutée. Un petit nombre de grandes puissances devaient détenir une position prééminente. Pour Roosevelt c’étaient les Etats-Unis, la Chine, le Royaume-Uni et l’URSS. Churchill souhaitait y ajouter la France. Il fut finalement convenu à la conférence de Dumbarton Oaks du 21 août au 7 octobre 1944, sur insistance britannique, que la France occuperait un siège permanent au Conseil de sécurité. Comme le Gouvernement provisoire, qui avait succédé le 2 juin 1944 au Comité français de libération nationale, n’avait pas encore été reconnu, il fut convenu qu’elle l’occuperait
en temps voulu. Ce fut possible dès le 23 octobre 1944, le GRPF ayant été reconnu le 23 octobre par les USA, l’URSS, le Royaume-Uni et le Canada, et la France participa en tant que membre des Nations Unies à part entière à la conférence de San Francisco du 25 avril au 26 juin 1945 mais non toutefois en tant que puissance invitante.
Il est certain que, s’il n’y avait pas eu un de Gaulle incarnant dès 1940 la résistance française contre l’Allemagne, la France ne serait pas devenue, à la différence de l’Allemagne et du japon, puissances vaincues, l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies. Mais, si de Gaulle a su convaincre les Alliés que la France n’était pas seulement un pays libéré mais un pays victorieux, ce n’était pas seulement grâce à son génie politique, c’était surtout en raison de la participation effective française aux opérations et en raison de ce que la France allait redevenir après la guerre. A cet égard, elle peut être comparée à la Chine, qui était une puissance militaire modeste en 1945 et, de plus, un pays sous-développé mais qui, en raison de l’étendue de son territoire et de sa population, deviendrait une grande puissance.
Aujourd’hui, la France fait partie, en terme de PIB, des sept plus grandes puissances économiques, au cinquième rang ex-aequo avec le Royaume-Uni et l’Inde :
https://www.bfmtv.com/economie/la-verif-la-france-est-elle-redevenue-la-cinquieme-puissance-economique-en-2021_AN-202109070209.html. En 1945, malgré les pertes dues à la guerre, elle devait occuper le même rang et elle l’a conservé, ce qui était prévisible. La Pologne était et est restée loin derrière. Cela suffit à expliquer la différence des positions occupées dans les rapports internationaux par les deux pays. Bien sûr, il y a encore eu la mise sous tutelle de l’URSS de tous les pays où avait pénétré l’Armée Rouge mais c’est une autre histoire.
Pierma a écrit :
Par exemple la zone d'occupation française en Allemagne a été prise sur la zone anglaise -
Si j'en crois cet article:
https://wiko.wiki/fr/Zone_d%27occupation_fran%C3%A7aise_en_Allemagne, la zone d'occupation française a été prise sur les deux zones américaines et britanniques initialement prévues.