Jerôme a écrit :
Après, je ne vois guère le lien avec les années 1960, 70 ou 80 car justement la solution proposée par Staline d'échanger réunification contre neutralité n'est jamais revenue sur la table, sauf erreur de ma part.
Comme vous répétez le reproche que m'a fait Marc30 dans le post précédent, je vous ramène à ma réponse:
Citer :
Vous évoquez "la crainte soviétique que ne se reconstitue une nouvelle Wehrmacht, équipée de matériel américain et appuyée sur une population de RFA farouchement anticommuniste." Et je vous réponds, oui, cette peur était réelle - ils y voyaient même sincèrement la main d'officiers nazis revanchards, ce qui situe le niveau d'inquiétude - non seulement elle était une constante chez Staline, mais elle a duré dans le temps, au point qu'elle existait encore dans les années 70 et 80, dont j'ai le souvenir, et où les dirigeants soviétiques, qui ont fini carrément par se momifier, n'étaient plus de la première fraicheur.
Au passage il y a une contradiction chez Staline : entre sa perception d'une RFA anticommuniste et même revancharde, et le contenu de sa note, qui leur propose la neutralité. Si les Allemands sont de tels va-t-en-guerre, pourquoi choisiraient-ils d'être neutralisés ?
On parle toujours d'un Staline retors, qui a roulé ses alliés dans la farine, et ramassé toute l'Europe centrale, mais la faiblesse de Roosevelt et surtout la présence de l'Armée Rouge ont bien aidé. Ici en revanche, il apparaît plutôt naïf : comme si la RFA allait se mettre à la discrétion des Russes ! Bon, mettons que pour lui, dans son esprit, il fallait tout de même essayer cette proposition... mais c'est totalement irréaliste.
On dirait que Staline n'a pas vu changer le monde depuis 45, et qu'il pense encore parler à un peuple allemand désemparé, mal nourri, clochardisé dans ses villes fracassées, et qui pourrait peut-être se jeter comme sur une bouée sur une proposition de neutralité. Mais la RFA de 1952 n'est plus celle-là : elle a retrouvé une cohésion très réelle, et commence à accéder à la prospérité qui sera baptisée "le miracle économique". (Dès 1960 le PIB allemand dépasse nettement celui de la France.)
Bref la note de 52 est une démarche cousue de fil blanc, dont on voit un peu trop les grosses ficelles.
Staline avait déjà fait preuve d'une naïveté ahurissante face au risque d'invasion par Hitler, risque qui était pour le moins plausible. Faire confiance à Hitler !
Et puis, sincèrement, les Allemands, dont l'armée a violé au début de la guerre les neutralités du Danemark, de la Norvège, du Luxembourg, de la Hollande et de la Belgique, peuvent-ils penser que le statut de neutre soit une garantie contre quoi que ce soit, surtout avec l'opinion qu'ils ont de Staline ?
Citer :
PS : en français, on dit "ancien combattant". "Vétérans" est un anglicisme (ou un latinisme) qu'il vaut mieux éviter.
Très bien.
Mais au passage ni Staline ni Krouchtchev, ni aucun des suivants n'étaient stricto-sensu un ancien combattant de la SGM. Vous parlez d'"anciens de la guerre", ce qui est plus juste.
(même si il me semble qu'on voit bien l'idée que j'avance : celle d'un traumatisme pour les dirigeants contemporains de l'événement, et d'un souvenir traumatique pour les suivants. Bon sang, même ma génération a connu l'inquiétude face à cet incroyable rassemblement de chars du Pacte "à deux étapes du Tour de France", le fait que ces dirigeants craignaient encore d'être envahis est tout de même un peu déroutant et mérite d'être souligné.)
Dernière chose : si la proposition de Staline n'est jamais revenue sur la table, en revanche l'espoir de neutraliser la RFA n'a pas été oublié. LE KGB - et sans doute son homologue est-allemand - a effectué dans les années 70 et 80 un travail d'influence considérable en faveur des opinions neutralistes en RFA : souvenez-vous du passage de Mitterrand au Bundestag, pour y rappeler quelques vérités élémentaires. (Il est vrai que ce travail d'influence n'avait essentiellement retourné que les contestataires, en RFA, mais enfin, réussir à faire scander "plutôt rouge qu mort" - "Besser rot als tot" - dans les villes allemandes est déjà un résultat à peine croyable.)