N'est-ce pas inverser les causes et les conséquences?
Ce ne sont pas les nazis qui ont eu l'idée des
Etats-Unis d'Europe, sauf à faire faire Victor Hugo un nazi avant l'heure.
C'est plutôt l'inverse qui se produit: il y a depuis longtemps* des partisans d'une Europe fédérée.
Singulièrement, ces partisans de l'Europe n'ont que peu d'amitié pour les intégrations ayant existé par le passé. Ils n'aiment ni la Chrétienté médiévale, ni l'Empire Habsbourg, ni Charlemagne. La ligue hanséatique trouve tout juste grâce à leurs yeux, du bout des lèvres dirions-nous. L'Europe des réseaux monastiques et des universités, ils veulent en ignorer jusqu'à l'existence. Et l’on n’évoquera pas l'Europe de Poitiers en 732 (Le Goff), des croisades ou de la lutte contre l'Empire Ottoman
Ma compréhension dans un sens historique (donc en essayant de mettre de côté le fait que ces gens sont souvent sympathiques au demeurant):
Ils ont une une caractéristique: si rien de ce qui provient du passé ne les intéresse,
a contrario ils monteraient dans n'importe quel train qui passe dans la direction de "leur" Europe. Ce train serait-il conduit par des martiens mangeurs d'enfants, ils sauraient s'en accommoder.
Pour reprendre une autre métaphore plus connue de la construction européenne: les fédéralistes européens veulent être des jockeys et sont prêts à monter n'importe quelle haridelle. Et toujours au nom de
la Paix, bien entendu.
Il y eut donc une tentation des Européens pour le socialisme allemand avant-hier (Jaurès, Caillaux), pour le
Lebensraum hier, pour l'atlantisme triomphant à une autre époque, pour la social-démocratie à un moment, pour l’ultra-libéralisme à un autre, façon technocratie tyrannique d’un matin, écologiste d’un après-midi et régionaliste-populiste de demain… qu’importe le flacon, on a toujours l’ivresse, pourvu que ce soit de l’Europe.
* Par
longtemps, on peut reprendre la longue liste des différentes formes du rêve européen dressée par Alexandre Adler dans le n° 1 de
Philosophie politique en 1991 : Dante et les Gibelins, Contre-Réforme, Guerre de Trente Ans, Europe des jésuites, armées jacobines, Europe des nations coloniales (sic), une Europe des irrédentismes (re-sic !)… tout le monde veut faire l’Europe, et tout le temps !