Jerôme a écrit :
J'ai une question : comment l'Espagne franquiste a-t-elle pu accueillir une réunion internationale en 1954
Vézère a écrit :
L'ostracisme à l'encontre de l'Espage franquiste était assez franco-français.
C'est Felix Gouin qui a manœuvré pour fermer la porte de l'ONU à l'Espagne en 1946, mais elle y entrera finalement en 1955 sur proposition du Canada.
C'est aussi le gouvernement français après le départ de De Gaulle qui a obtenu que l'Espagne fut exclue du plan Marshall.
Mais par ailleurs, l'Espagne était associée à l'OTAN dès 1949. Elle accueillait des bases militaires américaines.
Bref, géostratégiquement elle était clairement dans le camp "du monde libre". L'Espagne de Franco avait bien plus d'amis aux USA qu'en Europe.
Lord Foxhole a écrit :
Sans être Français, j'avoue parfaitement comprendre qu'on puisse éprouver fort peu de sympathie pour Francisco Franco, et son régime qui était bien une dictature....
Que l'Espagne franquiste - foncièrement anticommuniste - soit acceptée aux côtés des Occidentaux dans le cadre de l'OTAN relevait, à mon humble avis, de la pure realpolitik.
La question espagnole a été l´une des premières à être traitée à l´ONU par demande de la délégation de Pologne. Entre mai et juin 1946 le Conseil de Sécurité fit faire une étude sur la situation politique en Espagne qui arriva aux conclusions que le régime franquiste était de nature fasciste, établi avec le concours du régime nazi allemand et du régime fasciste italien, que malgré les protestations alliées Franco avait aidé les puissances de l´axe en s´emparant de Tanger en 1940 et en envoyant la "Division Azul", la "Légion de Volontaires Espagnols" et l`escadrille aérienne "Salvador" pour combattre l´Union Soviétique en Russie. Et pour finir que Franco, à l'instar d'Hitler et Mussolini, était également coupable de la conspiration ayant entrainé la deuxième guerre mondiale de par sa collusion avec ces derniers et le fait que sa belligérance ait été prévue devenir active à un moment donné du conflit.
Le 12 décembre 1946, l´Assemblée Générale de l´ONU, "convaincue que le régime franquiste fut imposé par la force au peuple espagnol avec l'aide des puissances de l'axe (qu'il avait lui-même aidé durant la guerre), ne représente pas le-dit peuple espagnol et rend impossible sa participation aux affaires internationales avec les Nations-Unies", adopta sa "Résolution n°39" par laquelle elle excluait le gouvernement espagnol des organismes internationaux et conférences tenues par les Nations-Unies. De plus, la résolution recommandait au Conseil de Sécurité de prendre les mesures nécessaires si dans un "délais raisonnable" il n'était pas établi en Espagne un gouvernement dont l'autorité émanerait du consentement de ses co-gouvernés. Recommandation était également faite à tous les membres participants, de pourvoir au retrait immédiat de leurs ambassadeurs et ministres plénipotentiaires accrédités auprès du gouvernement espagnol. La résolution fut approuvée par 34 voix pour, 6 voix contre, 13 abstentions et une absence.
Ces sanctions ne réussirent guère à affaiblir le régime franquiste qui, en politique intérieure réagit avec une campagne de propagande le renforçant en agitant le spectre "des ingérences extérieures" et à l'international de simplement le marquer du symbole de l'ostracisme. Quelques pays (comme par exemple l'Argentine) ne suivirent pas la recommandation de retrait de leurs ambassades et la plupart y continueront de maintenir des délégations d'affaires. De plus, la dictature franquiste à ce moment instaura des politiques dites "de substitutions" en renforçant ses liens et échanges avec les républiques latino-américaines et les pays arabes en attendant que les pays occidentaux, aiguillonnés par la situation de "Guerre Froide" rectifient leurs visions et attitudes envers l'Espagne.
C'est ce qu'il advint dès la fin de la décennie, avec le gouvernement des Etats-Unis qui, reconsidérant sa position à l'aune de la nouvelle donne géo-politique et estimant que la situation géographique de l'Espagne ainsi que son gouvernement clairement anti-communiste seraient utiles aux visées du-dit "monde libre" , le fît savoir par la voie d'une lettre au New-Yok Times de son Sécrétaire d'Etat Dean Acheson où celui-ci avançait que la "Résolution n° 39" avait été un échec et que le gouvernement américain était disposé à appuyer une nouvelle résolution qui mettrait fin aux différentes dispositions de la précédente, reconnaissant que sa politique menée jusqu'à alors à son égard (exclusion de l'Espagne du Plan Marshall et refus de l'adjoindre à l'OTAN) avait été une erreur sans que, toutefois, la condamnation morale du régime franquiste ne soit à renier.
Le 4 novembre 1950 l'assemblée générale de l'ONU adoptait la "Résolution n°386" par laquelle se trouvaient révoquées les recommandations de retrait des ambassadeurs et ministres accrédités auprès du gouvernement espagnol ainsi que celle qui empêchait l'Espagne de devenir membre des organismes internationaux établis ou en relation avec les Nations-Unies. La résolution fût approuvée par 38 voix pour, 10 contre, 12 abstentions et aucune absence.