A l’origine Mayotte constituait un sultanat autonome, très peu peuplé ( 3 000 ha), mais suffisamment menacé (sultanats voisins, royaumes malgaches, pirates) pour que le Sultan décide, avec le consentement des notables qui avaient été consultés, de céder le territoire à la France en échange d’une rente viagère. Le traité a été ratifié par Louis-Philippe en 1843. Mayotte a alors le statut de colonie. Cet exemple de colonisation volontaire n'est pas unique. Djibouti est passé sous souveraineté française dans des conditions très voisines.
Les trois autres îles des Comores sont devenues des protectorats par trois traités conclus entre 1888 et 1892 avant d’être annexées en 1912 pour devenir des colonies. Elles sont alors, ainsi que Mayotte, rattachées à Madagascar.
En 1946, les quatre îles sont rassemblées en une même entité, le Territoire des Comores, qui a le statut de territoire d’outre-mer. Cette unité administrative ne reflète pas les aspirations de la population : en 1958, l’assemblée territoriale des Comores se prononce pour le maintien du statut de TOM mais il faut relever que le choix s’est fait par 25 voix contre 4, les quatre opposants étant les représentants de Mayotte qui préféraient adopter le statut de département d’outre-mer. En 1968, le territoire est divisé entre quatre circonscriptions à qui est accordée une grande autonomie notamment en matière fiscale. Le souhait d’accéder à l’indépendance est exprimé le 22 décembre 1972 par l’assemblée territoriale.
Dès cet instant se pose la question des modalités de la consultation de la population ou des populations : une ou plusieurs, la nuance est capitale. Le 23 novembre 1974 est promulguée une loi organisant une consultation des populations des Comores. Ses dispositions essentielles sont : - les populations des Comores seront consultées sur la question de savoir si elles souhaitent choisir l’indépendance ou demeurer au sein de la République Française ; - le Parlement se prononcera sur la suite qu’il estimera devoir donner à cette consultation. En d’autres termes, on recueille pour avis les populations et ensuite on avise sur ce qu’il convient de faire. Les termes « les populations » indiquent sans équivoque que la République Française admet l’éventualité de l’existence de plusieurs populations distinctes sur le territoire des Comores. Cela n'avait pas été prévu dans le projet de loi. Le gouvernement prévoyait l'indépendance de la totalité de l'archipel. C'est le résultat d'amendements défendus notamment par Alain Poher alors président du Sénat.
La consultation a lieu le 22 décembre 1974. Les électeurs d’Anjouan, de la Grande Comore et de Moheli s’expriment à quasiment 100 % des voix en faveur de l’indépendance tandis que ceux de Mayotte expriment le choix opposé à 63 % des voix.
Comme prévu par la loi du 23 juillet 1974, le 3 juillet 1975 est promulguée une loi relative à l’indépendance des Comores dans laquelle il est pris acte de la consultation du 22 décembre 1974 : - le territoire des Comores deviendra indépendant à l’issue du processus suivant ; - un comité constitutionnel composé de d’élus et de représentants des partis politiques sera constitué ; - le comité constitutionnel élaborera un projet de constitution garantissant les libertés démocratiques ; - le projet de constitution devra être approuvé par référendum île par île ; - si le projet n’est pas adopté par l’ensemble des îles, la constitution s’appliquera à celles qui l’auront adoptée et le gouvernement déposera un projet de loi fixant l’organisation provisoire des autres îles et réglant une nouvelle consultation de leur population sur le statut qu’elles souhaitent adopter.
Ce processus n’a pas été suivi. Les évènements se sont précipités. Le 6 juillet 1975, Ahmed Abdallah Abderamane, président du Conseil de gouvernement des Comores, proclame unilatéralement l’indépendance des Comores, Mayotte comprise. Le gouvernement français en prend acte et, à la demande d’Aberamane, fait évacuer les militaires et, j’imagine, également les fonctionnaires de l’État, sauf à Mayotte où rien ne change. Le 31 décembre 1975 est promulguée la loi qui entérine de droit la situation de fait - les îles de la Grande-Comore, Anjouan et Mohéli cessent immédiatement de faire partie de la République française – et décide un référendum à Mayotte par lequel la population se prononcera soit pour son maintien dans la République Française soit pour son intégration dans le nouvel Etat comorien.
Le 8 février 1976, la population de Mayotte confirme à plus de 99 % par référendum son choix de rester française.
Au niveau international, le maintien de Mayotte dans la République a suscité une vive réprobation.
Le Conseil de Sécurité a examiné le 5 février 1976 un projet de résolution présenté par la Tanzanie qui rappelait la résolution du 13 octobre 1974 de l’assemblée générale des Nations Unies réaffirmant l’unité du territoire des Comores, exprimait une préoccupation devant l’intention du gouvernement français d’organiser un référendum à Mayotte le 8 février 1976 considéré comme une ingérence dans les affaires intérieures des Comores et demandait au gouvernement français de respecter l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Etat comorien. La France ayant voté contre, ce projet de résolution n’a pas été adopté. Le projet a recueilli 11 voix pour et 3 abstentions, celles des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l’Italie.
La résolution 31/4 du 21 octobre 1976 des Nations Unies condamne la France pour violer l'unité politique et l'intégrité territoriale des Comores par 102 voix pour, 1 vois contre (celle de la France) et 28 abstentions. En particulier elle condamne les référendums du 8 février et du 11 avril 1976 organisés dans l'île comorienne de Mayotte par le Gouvernement français, les considère comme nuls et non avenus et rejette toute législation étrangère tendant à légaliser une quelconque présence coloniale française en territoire comorien de Mayotte.
Au total on compte plus de vingt résolutions des Nations-Unies condamnant la France. En 2009 encore, l’Union Africaine a condamné la départementalisation de Mayotte.
Explication donnée par Olivier Stirn, secrétaire d’État aux DOM-TOM entre 1974 et 1978, sur France-Culture le 23 février 2009 : Mayotte, avait toujours eu peur d’être envahie par les Anjouanais et les Grands Comoriens, historiquement. Je pense que si les trois autres îles avaient choisi de rester françaises, Mayotte aurait peut-être choisi l’indépendance parce que leur problème, ce n’est pas d’être Français, leur problème est de ne pas être dépendants des Anjouanais et Grands Comoriens. [... Ils] ont choisi de rester Français pour être indépendants.
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