Johannus a écrit :
Il me semble que le postulat "majorité d'envahisseurs venus du Nord et de l'Est de l'Angleterre" est contredit par les travaux de Lucien Musset , Régis Boyer ou Jean Renaud lesquels tendent à indiquer un fond iro-norvégien pour les Vikings arrivant dans le Cotentin et une arrivée directe de Danois vers la Seine.
Etant sur un phénomène de bandes qui se font et se défont au fil des accointances et des intérêts communs (ou pas) basé sur une organisation en chefferies, il reste très difficile de déterminer l'origine des personnes qui se sont installés en Normandie à ce moment.
Au milieu du Xème siècle, voilà déjà 1 siècle et demi que des vikings razzient les côtes européennes (plusieurs générations donc), ont fondé des comptoirs et royaumes ici et là (Dublin, York) et ont bouleversé les dynamiques économiques et politiques du Nord de l'Europe.
Les bandes de "vikings" sont en fait composites. Elles ne comprennent pas uniquement des scandinaves, mais on sait qu'il y avait une certaine proportion d'irlandais, de saxons ou même de francs qui s'y joignaient à l'occasion. Viking est le nom d'une activité, non d'une quelconque notion ethnique ou même culturelle (un texte scandinave tardif évoque des pirates de Méditerranée originaires d'Afrique du Nord et les nomme "vikings").
L'origine des vikings de Normandie devait donc être relativement diversifiée à une époque où les termes "danois" "norvégiens" et même "anglais" n'ont pas du tout la même signification qu'aujourd'hui ("Danois" désigne souvent dans les textes des scandinaves, voir des vikings dans leur globalité, en général). Et les Etats Scandinaves, pas plus que l'Etat anglais, n'existent pas encore au moment de la création du duché de Normandie.
Johannus a écrit :
Deux implantations distinctes ,donc , qui vont s'affronter lorsque les Rollonides vont s'étendre vers l'Ouest (924-933) . L'expansion des "jarls" ou "comtes " de Rouen, surtout convertis au christianisme, posant manifestement un problème de légitimité et de religion aux païens scandinaves du Cotentin.
Religieusement parlant, les "païens" n'ont d'unité religieuse que dans la tête des chroniqueurs chrétiens...
Le Christianisme est perçu par les populations païennes comme une pratique religieuse de plus à ajouter à l'ensemble de leurs rites et de leurs "croyances". La différence entre paganisme et Christianisme va bien au-delà d'une simple opposition entre deux religions différentes. Il s'agit d'avantage de deux mentalités, de deux rapport au fait religieux très différents dans la manière de l'aborder. Il n'y a pas de dévotion, de dogmes dans le paganisme, juste un ensemble de rites et de mythes qui sont pratiqués et perpétués sans être bornés de façon claire et exclusive.
Il est même fort à parier que parmi l'élite viking s'installant en terre chrétienne, le Christianisme ait revêtu une forme d'élitisme: être chrétien, c'est être proche des cercles du pouvoir (partout où ils s'installent, les vikings se mêlent aux cadres déjà en place, et en adoptent les usages, au pire à la génération suivante: partout c'est le même processus: en Russie, dans le Danelaw, chez les "hiberno nordiques", en Normandie...etc), pratiquer la religion "tendance" du moment. On voit que très vite, partout où les vikings s'installent, leurs chefs se convertissent (ce qui n'exclue pas de continuer à pratiquer des rites païens quand le besoin s'en fait sentir). L'implantation de la religion chrétienne pose beaucoup plus de problèmes en Scandinavie, mais pour des raisons plus politiques que religieuses (comme souvent) inverses de celles ayant motivé les chefs installés ailleurs à se convertir (en Scandinavie, la conversion au christianisme venait bouleverser l'organisation socio politique traditionnelle et les usages à ce niveau, notamment en ce qui concerne le statut des chefs).
Au niveau politique, la religion est rarement un facteur déterminant dans les conflits entre chefs, que ce soit entre scandinaves ou avec des chefs chrétiens. On a juste affaire à un système politique où la légitimité du pouvoir ne va pas de soit. Il y a fort à parier que le nouveau statut de "comte" des chefs normands n'ait pas été compris comme une véritable fonction octroyée par l'Etat, mais bien comme un statut comparable à celui d'un chef dont les scandinaves avaient l'habitude. Les conflits entre bandes vikings à ce moment n'ont rien de surprenants.