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Message Publié : 29 Août 2013 14:13 
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Sujet déplacé JML


L'équipe de Passion Histoire vous propose une nouvelle discussion centrée sur la question de l'art de la guerre des Carolingiens, et en particulier de l'institution militaire qui a permis aux Francs de générer un empire aussi vaste dans un laps de temps aussi réduit.

Les succès des armées franques au VIIIe siècle sont exceptionnels, et leur permettent d'étendre les frontières de leur domination sur une surface inédite depuis les dernières étapes du déclin de l'empire romain. La faillite très rapide du système carolingien au IXe siècle, avec la tripartition de l'empire et l'incapacité des successeurs de Charlemagne à juguler durablement les menaces extérieures, laisse tout aussi songeur.
Bien que l'institution militaire ait tenu un rôle majeur dans l'expansion franque, on connaît bien peu l'organisation des armées royales puis impériales carolingiennes, leur nombre et leur force, leurs méthodes, et même leurs succès ou leurs échecs ; encore moins leurs évolutions.

Afin d'initier le débat, voici quelques pistes :
- Comment était organisée cette armée carolingienne qui permit à Charles le Grand de régner sur un empire si vaste et de devenir le premier héritier d'un empire romain défunt mais qui n'a alors de cesse de faire rêver ? Quelles en étaient les spécificités techniques les plus originales (armement, protection, matériels de siège) ?
- Comment s'insérait-elle dans le système politique franc ?
- Doit-elle sa suprématie peu contestée à la faiblesse de ses adversaires ? Quels étaient ses derniers ?
- Pourquoi, après des succès si éclatants, ne sut-elle pas préserver l'unité de l'empire et faire face aux invasions, en particulier vikings ou sarrasines ?

En vous souhaitant un très bon débat autour de ce sujet médiéval, nous espérons que vous serez nombreux à participer et à animer ce sujet.

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Message Publié : 29 Août 2013 16:40 
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Le système au départ est simple, tout homme libre doit le service armé. C'est celui des Francs depuis l'origine. Les Francs, contrairement à d'autres peuples combattaient essentiellement à pied, sans méconnaître cependant la cavalerie qui devait servir à l'éclairage. Le système change sous Pépin le Bref, avec un déplacement de la réunion annuelle du mois de mars au mois de mai, signe de l'importance croissante de la cavalerie qui doit attendre que l'herbe soit poussée pour nourrir les chevaux.

La cavalerie coute cher en équipement, et Charlemagne "invente" un système où les petits propriétaires libres doivent se grouper pour envoyer l'un d'eux en campagne, mais on note un refus croissant de participer dès la fin du règne de Charlemagne, il faut dire qu'il n'y a plus grand chose à conquérir et que l'empire semble avoir atteint sa taille maximale.

Alors, pourquoi passer à la cavalerie, est-ce sous l'influence arabe ? Est-ce l'introduction de l'étrier ? Il y a une raison qui n'est pas déterminée.

On demeure frappé quand même de la faiblesse des armées une fois le règne de Charlemagne terminé. Pour s'opposer aux Vikings, les comtes ou les rois ont du mal à mobiliser quelques centaines d'hommes alors qu'un demi-siècle auparavant, une armée pouvait compter 10 à 15.000 hommes sans mobiliser toutes les régions. Cet effondrement demeure pour moi mystérieux, disparition des libres au profit des gros propriétaires qui deviendront des seigneurs un peu plus tard ?

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Message Publié : 29 Août 2013 18:49 
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Une analyse intéressante de la transformation d'une armée d'infanterie en une armée dotée d'une puissante cavalerie, outre l'argument technique de l'apparition de l'étrier dans le sillage des guerres avares*, serait l'extension territoriale de l'empire franc au début du VIIIe siècle, qui implique une armée plus mobile stratégiquement.
Je ne juge pas de sa pertinence par rapport à d'autres arguments (spécialisation par rapport à des ennemis combattant aussi à pied ; apparition de menaces montées tels les Sarrasins dans la première moitié du VIIIe siècle nécessitant une mobilité tactique accrue), mais elle existe.

Une certitude : même au sommet de sa puissance et au maximum de son extension territoriale, et sauf exception, l'armée franque ne regroupait généralement que 10 à 20 000 hommes. La raison principale en est à mon sens essentiellement une impossibilité logistique : il n'y a que peu ou pas d'anticipation par rapport à la satisfaction des besoins (constitution de greniers spécifiquement dédiés aux armées pour la campagne suivante), c'est également caractéristique d'une armée de levée non-professionnelle (manque d'évaluation à la saison morte des effectifs mis sur pied de guerre au printemps suivant ; difficultés à assurer le commandement et le soutien d'une telle armée de circonstance si elle est trop importante, etc) et même si c'est loin d'être une constante, le monarque privilégiait des levées dans les marches de la frontière plutôt que dans tout l'empire (gain du temps de trajet pour la concentration, implication plus importante des féaux locaux concernés au premier chef par la mise en sûreté des frontières et l'extension de leur zone de responsabilité et d'influence).
En tout cas, cela en dit long sur la faiblesse relative de la puissance militaire des territoires voisins qui sont vassalisés au fur et à mesure - même si certains offrent une résistance prolongée.

* A relativiser : avant l'apparition d'une selle spécifique bien plus tardive, les cavaliers lourds ne sont pas des lanciers, l'étrier ne suffisant pas à absorber le choc de la lance se fichant dans un adversaire. Ils offrent certes une meilleure assise en combat rapproché à l'épée ou la hache et un confort de monte, mais guère un avantage absolu en révolutionnant la tactique franque.

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Message Publié : 29 Août 2013 18:57 
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Pierre de L'Estoile
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Je suis d'accord avec le arguments de JML sur le recrutement des cavalier d'origine modeste qui préfigurnt l'apparition plus tard de la classe des chevaliers. Sauf qu'à mon avis le cheval n'est pas encore utilisé en cavalerie lourde contrairement au cataphracye de Bélissaire qui utilisent le choc frontal contre les vandales par exemple.

L'avantage du cheval carolingien est le déplacement rapide de l'ost royale. Charlemagne n'arr^ete pas de se déplacer de l'espagne à la saxe.Puis dés qu'il en a finit avec les saxons il se rue sur les Avars. Aprés avoir massacré ces derniers il doit retourner mater une autre révolte saxonne. L'art du déplacement rapide fonctionne grace au cheval et à l'entretient des voies romaines et des relais qui ont été dévelloppés depuis les mérovingiens s'appuyant sur un service public encore efficace avec des controleur les fameux missi eux m^eme controlés par des légati. A noter aussi que les carolingiens ont largement utilisé les clerc dans le controle administratif en leur laissant carte blanche.

Pour en revenir sur le role du cheval : une fois arrivé sur le champs de bataille, tout le monde descend et se place en ordre de bataille type mur de bouclier et les chevaux restent en arrière. Chaque combattant est munis d'un arc, de lance et d'une épée (à ce titre les épée franque sont renomée chez les viking qui sont prêt à payer des fortune pour les aquerir) . Après avoir fait pleuvoir une pluie de fl^eche l'armée avance avec les lances en avant, puis la mêlée s'engage à l'épée. Si l'ennemi se replie on remonte à cheval et on charge avec l'épée. (exemple bataille de Seaucourt en Vimeu)

Les vikings vont essayer de s'adapter d'abord en volant des chevaux (Gormont et Isembard) pour se déplacer non plus sur les rivière mais sur le réseaux des fameuses "chaussée Brunehaut" et en utilisant l'attaque en pointe à la hache contre l'infanterie franque.

Il y a aussi un point important c'est la maitrise du pouvoir des carolingiens en enrolant tout les nobles (potentes) dans la fonction publique (militia) en établissant des liens de vassalité. C'est à la fois un levier puissant au début du règne des carolingien mais cela conduira à sa perte. Comment ? j'en sais rien mais je lis en ce moment "Servir l'état barbare dans la gaule franque" de Dumézil et je pense qu'il en parle à la fin du bouquin.

à suivre....

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Message Publié : 29 Août 2013 19:18 
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Je n'en attendais pas moins de vous, Almayrac, que de participer sur un fil traitant d'un sujet militaire aux VIIIe et IXe siècles ;)

Pour la mobilité stratégique : je vous suis, même si je pense que c'est antérieur à Charlemagne, que cela débute dès le début du VIIIe siècle (d'ailleurs, le changement du champ de mars en champ de mai est symptomatique de la précocité de ce changement), alors que l'empire franc est loin d'être aussi vaste qu'il le sera un siècle plus tard.
Un point de divergence toutefois : il est improbable qu'au-delà de ses "compagnons", de ses propres hommes d'armes qui le suivent en permanence dans ses guerres - et ils ne sont pas si nombreux - ce soit les mêmes qui guerroient campagne après campagne. Comme je le dis dans mon message ci-dessus, même si c'est loin d'être une constante, ce sont les marches ou les comtés les plus proches de la frontière militaire active qui fournissent les levées impliquées. Charlemagne n'a donc pas à s'assurer d'une mobilité stratégique parce que son armée passe d'Espagne en Bavière ou en Saxe puis en Italie avant de revenir en Espagne. Les levées sont locales et permettent de concentrer l'effort militaire sur telle ou telle marche, tant il serait complexe et ruineux de mobiliser les forces militaires d'un bout de l'empire pour aller combattre à l'autre (même si des comtes sont appelés dans ce cadre-là pour le service armé sur une frontière éloignée).

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Message Publié : 29 Août 2013 20:32 
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Pierre de L'Estoile
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C'est quand m^eme les bavarois, avec leur duc qui portait parfois le titre de rois qui intervenait en saxe puis retournaient contre le avars. D'ou l'idée des fosses carolines pour faciliter le déplacement sur les deux fronts.
Et puis Bernard Plantevelue (comte du Rouergue et d'Auvergne est venus préter main forte à Louis III au siège de Vienne et contre les viking sur la loire. Ces comtes vivaient dans l'entourage de la cour et constituaient le corps des Paladin (gardes personnel de l'empereur) ou des premiers vassaux. Ils devaient bien avoir quelques soldats avec eux?

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Message Publié : 30 Août 2013 7:20 
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Grégoire de Tours
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Il faut relativiser la qualité des troupes comtales. En 866, à Brissarthe, une armée conduite par quatre comtes est mise en échec par une coalition normanno-bretonne qui n'excède pas 400 hommes environ (capacité d’accueil de l'église paroissiale).

Par ailleurs, il faut relativiser tout autant le poids de l'armée dans la reprise en main de certaines franges du regnum Francorum (Alémanie, Franconie, Bourgogne, Provence, Bavière, Aquitaine), où la royauté pippinide comptée des partisans. Les succès ne furent pas uniquement militaires, mais également diplomatiques, avec l'aide de l'église appuyée par la papauté. La mise en place, puis l'entretien, de réseaux de fidèles fut sans doute tout aussi couteuse au trésor que l'organisation de l'ost (donation de bénéfices souvent irrécupérables puisque donnés par la suite en aumône aux abbayes, cadeaux en nature, etc...

Mais il est certain que la ditatatio du regnum couta chère en hommes (en Espagne, Saxe, Italie, Bretagne), notamment avec la mise en place de techniques poliorcétiques dans les contrées méditerranéennes (en Septimanie, en Espagne et en Lombardie).

Sur les mutations touchant l'armée d'alleutiers, il faut désormais se reporter à deux articles pénétrants d'Étienne RENARD, « Une élite paysanne en crise ? Le poids des charges militaires pour les petits alleutiers entre Loire et Rhin au IXe siècle », dans Les élites au haut Moyen Âge. Crise et renouvellements, Turnhout, 2006, p.315-336, et « La politique militaire de Charlemagne et la paysannerie franque », dans Francia, 36, 2009, p.1-33.


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Message Publié : 30 Août 2013 9:18 
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Il ne faut pas se leurrer, l'armée carolingienne, même au temps de sa spleudeur, est d'une efficacité toute relative. Il faut trente ans pour abattre la Saxe, l'expédition d'Espagne est un échec faute de matériel de siège, la campagne de 806 contre les Danois ne démarre même pas car l'empereur n'arrive pas à mobiliser ses troupes, seule la campagne contre les Avars est un succès. Elle est efficace contre un ennemi faible ou divisé, comme le cas des campagnes de son fils Louis contre Barcelone.

Il y a bien une cavalerie lourde, les réglements sur la fabrication des broignes en témoignent. Elle doit avoir une certaine puissance de choc, sinon, elle n'a pas d'intérêt. Je ne sais pas comment étaient les selles carolingiennes, ni à partir de quand le troussequin a été rehaussé pour empêcher le cavalier d'être bouté hors de celle-ci, mais l'emploi de lances légères n'est pas impossible.

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Message Publié : 30 Août 2013 10:37 
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Oui, je pense que compte tenu 1) de sa taille limitée par les contraintes socio-politiques de l'époque ainsi que par une logistique et une fonction commandement très rudimentaires ; 2) de sa composition très hétérogène alliant quelques troupes professionnelles autour du roi-empereur et des comtes à de nombreuses levées mal équipées sans guère d'expérience militaire ; l'efficacité de l'armée carolingienne réside surtout dans la capacité du monarque de renouveler ses campagnes quand ses adversaires s'épuisent.

D'ailleurs, il me semble que plus que la suprématie sur le champ de bataille, c'est surtout par son occupation des sites stratégiques et donc son contrôle des voies de communication dans la durée que l'armée carolingienne s'impose.

Pour la cavalerie, qu'est-ce qu'une cavalerie lourde ? Est-ce une cavalerie de lanciers cuirassés capables de rompre en une charge une ligne d'infanterie, ou est-ce une cavalerie d'hommes d'armes qui, sans avoir une capacité de rupture d'une formation d'infanterie, comptent sur leur armement et leur protection supérieurs pour dominer leurs adversaires au cours de la mêlée ?
Parce que dans le premier cas, je doute que les Carolingiens en aient disposé, alors que le second cas semble correspondre à leur capacité.

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Message Publié : 30 Août 2013 14:35 
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Jean Mabillon
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Peut être que contre les Vikings,les Danois ou les Sarazins des navires auraient été utiles;mais là, à ma connaissance il n'y a rien pour remplacer le vide de la flotte romaine


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Message Publié : 30 Août 2013 14:51 
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Le problème posé par les Vikings, c'est tout d'abord celui de la liberté de manoeuvre stratégique : ils frappent où et quand ils veulent sur les côtes septentrionales et occidentales de l'empire, et remontent même les cours d'eau, dans la profondeur stratégique du pays. Ne possédant pas l'initiative, les Francs en sont réduits à attendre les assauts maritimes vikings sans pouvoir concentrer leurs forces, et sont forcés de recourir à une défense locale trop faible pour résister durablement aux attaques renouvelées des pillards. Celle-ci se renforcera au fur et à mesure, au détriment de l'autorité centrale incarnée par le comte (titre qui vient du "compagnon" de l'empereur), et on y trouve les prémices de la féodalité.

Cela souligne assez la faiblesse insigne des capacités militaires franques : s'ils arrivent à satelliser leurs voisins - et l'aspect diplomatique évoqué très pertinemment par Laurent Frédéric est tout aussi important - c'est avant tout parce qu'ils disposent des mêmes avantages que les Vikings auront sur eux plus tard : concentration des forces, possibilité d'échelonner l'effort de guerre dans la durée, maintien de capacités militaires sur les points stratégiques afin d'assurer une permanence de conquête et un établissement durable, etc.

Une flotte aurait bien entendu était utile, dans les bouches de l'Escaut ou les îles frisonnes, pour interdire l'accès à la Manche aux Vikings. Mais tant la technique que l'effort financier nécessaire au maintien d'une telle force étaient hors de portée de la royauté franque, en eut-elle perçue la nécessité.
Il est plus étonnant que les monarques aient préféré payer des tributs exorbitants, au IXe siècle, plutôt que de construire des forteresses à des points stratégiques (à proximité des villes à piller ou des embouchures fluviales) et d'y mettre une garnison suffisamment forte pour 1) dissuader une attaque ; 2) intercepter celle-ci au cas où elle se déclencherait ; 3) obliger les Vikings à un siège où ils perdent justement leur atout : leur mobilité et leur imprévisibilité.
Après tout, c'est exactement comme cela que Charlemagne s'assurait de ses conquêtes d'une année sur l'autre - même si certaines forteresses furent prises et durent être reconstruites à plusieurs reprises, en Saxe en particulier.
Je suppose que la délégation de la défense locale aux comtes semblait la solution la plus immédiatement satisfaisante, puisque tant l'effort financier que la durée de construction de telles forteresses (régulièrement disposées pour qu'elles produisent un effet) étaient conséquents.

Jean-Marc : j'oubliais de mentionner qu'outre les guerres avares et la victoire sur les Saxons (mais que de temps et de moyens employés !), le grand succès territorial de Charlemagne, c'est la conquête du royaume lombard.

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Message Publié : 30 Août 2013 15:28 
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Oui, j'ai oublié les Lombards. Et la Bavière.

Pour revenir aux Vikings, la plupart du temps, les pillards sont fort peu nombreux, comme à Brissarthe, justement cité par un intervenant, où les Vikings sont 400 et ont contre eux un comte d'Anjou et un comte de Poitiers, ce qui n'est quand même pas rien, et qui n'ont guère plus de troupes qu'eux alors qu'ils évoluent dans leur région où ils devraient pouvoir lever des troupes à foison, même des supplétifs faiblement armés pour les écraser sous le nombre.

Quant aux tributs, les rois ne peuvent pas à la fois intriguer pour éliminer leurs frères et leurs cousins et lutter contre les envahisseurs. Otton Ier arriver à fédérer la Germanie ou Francie Orientale, la réunion des forces permet d'écraser les Hongrois au Lechfeld. En Francie occidentale, rien de tel, le roi ne peut compter que sur des soutiens fluctuants, les grands sont occuipés à se bouffer le nez entre eux pour se tailler des domaines, et le Viking se promène entre eux, si on ne fait pas appel à lui pour ravager la région voisine. Si le royaume avait eu une direction unifiée, avec une aristocratie dans la main du roi, ils n'auraient pas eu la tâche aussi facile.

La décadence militaire va de pair avec la décadence politique, c'est très souvent le cas.

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Message Publié : 30 Août 2013 15:35 
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Oui mais je pense qu'il n'y a jamais eu de puissance militaire franque écrasante, c'est ce qui est le plus étonnant avec le rythme très rapide de l'expansion franque. Donc la décadence n'en serait pas une, c'est seulement que la multiplication d'adversaires plus coriaces, tant intérieurs qu'extérieurs, a suffi pour que le système s'essouffle et s'effondre. Et donne naissance à une synthèse intéressante car initiée par les besoins de la mise en défense rationnelle du territoire à un niveau local : la féodalité.

Effectivement, l'absence d'une direction unifiée complique tout au IXe siècle, mais la taille des armées, très modeste, d'un empire aussi vaste est surprenante dès la fin du VIIIe. Et ses succès militaires significatifs d'autant plus.
Cela me rappelle une vieille discussion datant de 2009 sur les effectifs des belligérants lors de la Guerre des Gaules, que j'estimais grossièrement surévalués par la propagande césariste. Mais de toute évidence, quand on compare la taille des armées que la république ou l'empire romains peuvent mettre en ligne (et leurs adversaires également...) à celle des armées carolingiennes, on est forcé de constater un fossé important : on passe d'armées régulièrement supérieures à 50 000 hommes à des forces comprenant péniblement 15 à 20 000 hommes (sauf exception).

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Message Publié : 30 Août 2013 15:58 
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Certes les armées sont faibles, mais celles de l'adversaire le sont tout autant. Dès que les Francs se heurtent à une résistance sérieuse, ils n'avancent plus, comme en Espagne. Une armée comme Rome a derrière elle un état structuré, unique, appuyé sur une économie monétaire qui permet de payer des soldes, du matériel. Rien de tel en France avant Charles VII, malgré les tentatives de son grand-père.

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Message Publié : 31 Août 2013 7:41 
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Polybe
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Inscription : 01 Juil 2013 19:00
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Bonjour à tous,
Cette discussion est passionnante à suivre même si je suis bien incapable d'y apporter mon écot.
Cordialement.
Alain.

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