Bonjour Jean-Marc Labat,
content de voir que vous "creusez le sillon" hispanisant, et surtout, semblez y trouver de l'intérêt et peut-être plaisir
Concernant les possibles origines du mot Al-Andalus (dont Andalousie provient) voici ce que j'avais pu écrire, il y a déjà plusieurs années, sur le forum linguistique "Projet Babel" (ce qui je pense reste toujours d'actualité...):
Le nom d'al-Àndalus
Etimologies 1 i 2 : Vandalícia (R. Dozy), Atlàntida (Vallvé)
Vandalicia: L'islamologue hollandais Reinhardt Dozy (1820-1883), auteur de la fameuse oeuvre "Histoire des musulmans de l'Espagne" (4 vols., Turner, Madrid, 1994), fut l'inventeur de la théorie, par la suite reprise par nombre d'autres historiens modernes, selon laquelle le nom d'al-Andalus était une référence directe aux vandales, supposant, sans fondement aucun, que la Bétique ait pu s'appeler en quelque occasion Vandalicia ou Vandalucía.
Atlantida: L'avis de l'éminent philologue espagnol don Joaquín Vallvé Bermejo, basée sur son érudit travail "La division territoriale de l'Espagne musulmane" (CSIC, Madrid, 1986) est que l'expression arabe Jazirat al-Andalus (L'île d'al-Andalus) est une pure et directe traduction "d"île de L'Atlantique "ou encore "l'Atlantide". Les premiers textes musulmans parlant de l'île d'al-Andalus et de la mer d'al-Andalus, se trouvent extraordinairement clarifiés si nous substituons les dites expressions par île des Atlantes ou de l'Atlantide et par mer de l'Atlantique. Nous pouvons en faire tout autant au sujet du thème d'Hercule et des Amazones, où, selon les commentateurs musulmans de ces légendes gréco-latines, l'île se situait au "jauf al-Andalus", ce qu'il faut interpréter comme au nord ou à l'intérieur de la Mer de l'Atlantique."
R.H. Shamsuddin Elía : Al-Ándalus (711-1010)
Une étymologie 3 : Landahlauts (H. Halm)
"L'origine du nom d'Al-Andalus restait jusqu'à récemment encore un mystère. Il est attesté pour première fois cinq ans après la conquête islamique de la péninsule espagnole grâce à une monnaie bilingue portant l'inscription latine "Span(ia)" et arabe "Al Andalus"(1). Les historiens et géographes arabes postérieurs (à cette date) ont mis en relation ce nom avec une supposée peuplade d'habitants "antédiluviens" de la péninsule, tandis que les érudits européens (à partir du XIXe s.) l'ont de manière confuse rattaché aux vandales : Al-Andalus provenant de l'ethnonyme Vandale. Cette dérivation impossible (linguistiquement) n'est guère plus convaincante historiquement, les Vandales n'ayant séjourné qu'un court temps en Andalousie (411-429) avant de s'embarquer vers l'Afrique du Nord. Heinz Halm (2) a démontré (dans les années 80) que "Al Andalus" est simplement une arabisation du nom donné par les Wisigoths à l'antique province romaine de la Bétique: ceux-ci ayant dominé ces terres de 468 à 711, avant la conquête islamique. En vertu des usages légués par leurs ancêtres germaniques, ces nouveaux seigneurs (Wisigoths, Vandales, Suèves...) se sont répartis les terres conquises en Hispanie au moyen d'un tirage au sort. Le lot récolté, lors de ce tirage, par chacun d'entre eux ainsi que les terres correspondantes furent désignés dans les sources écrites latines par l'expression "Sortes Gothica" ("Gothica sors" au singulier) et apparaissent par la suite pour désigner le royaume (ou règne) gothique globalement. Il est plus que plausible que la désignation correspondante en gotique de "Landahlauts" ("terre de tirage"), se soit, de manière rapide et spontanée, transformée en "Al Andalus", clarifiant explicitement la présence de l'article défini arabe -Al-."
Marianne Barrucand / Achim Bednorz, l'Architecture islamique l'Andalousie, Köln, Taschen, 1992, ps. 12-13)
En consultant les dictionnaires étymologiques du castillan et du catalan de Joan Coromines, l'on peut vérifier que la deuxième partie de l'appelation "Landa-hlauts", est effectivement germanique, Francique très précisement: *lôt (en gotique 'hlauts'= un lot, un héritage; de l'ancien haut-allemand "hlôz", qui donnera en Allemand moderne "los") passé au Français comme "lot", au catalan en tant que "lot" et en castillan donnera "lote", de là dérivera ensuite "loterie" ou "loteria". C'est ainsi que par associations: Al-Andalus = Landa-hlôz = 'la Terre de lots, d'héritage ou de tirage (au sort), et que la dite expression devait sonner comme "Landalós" (avec l'accentuation aigüe en usage dans la prononciation de l'Arabe Andalou, selon le professeur F. Corriente) aux oreilles des arabophones.
(1) Dinar conservé au musée arquéologique de Madrid
(2) Halm, H.: «Al-Andalus und Gothica Sors», en Welt des Oriens, 66, 1989, págs. 252-263.