L'"enchâtelement"? J'ai cherché dans mon dico, mais je ne trouve pas ce mot (il existe peut-être par ailleurs). Je pense que vous faites référence à l'"incastellamento", qui se déroule en Italie, et qui voit les seigeuries féodales réunir les manants, et autres villageois" dans une grande structure castrale, souvent sur des flancs de collines, avec le château (ou plûtôt la demeure du seigneur) qui trône au milieu du village emmuré. C'est là un phénomène assez spécifique de l'Italie...
Sinon vous faites référence tout simplement au développement des châteaux et des seigneuries châtelaines au cours du XI... et bien tout d'abord:
Citer :
qu'une noblesse "locale"devienne prédominante et presque autonome du pouvoir des grands et du pouvoir royal
Vous avez une idée bien modeste des seigneurs châtelains. Bien sûr ils appartenaient à la noblesse, mais il faut savoir de quoi on parle. Tout d'abord le processus de "délocalisation" et fragmentation des pouvoirs publiques se déroule sur nue période très dilatée. Ca commence à la fin du IX siècle. A cette époque (la date de 877 marque un tournant avec une reconnaissance partielle (mais seulement temporaire) de l'hérédité des charges publiques (comté, duchés, etc)) plusieurs grands ensembles apparaissent en Francia: l'Aquitaine, la Normandie, la Bourgogne, l'ensemble du duc de Neustrie, etc sont peu ou prou indépendants, en fonction de l'éloignement du pouvoir royal.
A la fin du X, on atteint un palier supplémentaire: l'unité "indépendante" de base est à peu près un grand comté (qui compte en fait de nombreux comtés), le duché, la marche. C'est alors le comté de Blois, celui d'Anjou, la Flandre, le Vermandois.
Assez rapidement ce niveau aussi "éclate" (en fin fait il éclate pas, il voit plutôt ses marges être de plus en plus autonome, à des degrés différents): on voit l'apparition de la châtellenie, c'est à dire de familles nobles qui accaparrent à leur tour l'ensemble, ou partie des pouvoirs publics que les comtes avaient pris au roi: c'est le cas des vicomtes de Chartres, que le comte de Blois ne contrôel que très mal. C'est le cas de la famille de Gallardon, qui a bâti une importante seigneurie indépendante entre Paris et Chartres. C'est le cas de la famille de Routrou, qui, investi à la fin du X siècle d'une forteresse au confins de la seigneurie de son maitre (comte de je ne sais plus quoi), s'en affranchi au cours du XI siècle... Mais je vous fait remarquer que c'est châtelains n'ont rien à voir avec les
miles d'emblée. Bien sûr ils sont eux-mêmes des chevaliers (comme tous les Grands, depuis pratiquement la nuit des temps: vous imaginez-vous un général romain ou un empereur, où un comte qui ne soit pas à cheval?), mais la chevalerie de ce moment revêt des formes très diverses.
C'est donc là l'époque de la seigneurie châtelaine, qui se développe tout au long du XI siècle. Et alors? Nous sommes d'accord sur tout cela, mais qu'est-ce que cela prouve? La naissance des châteaux privé se situe entre les années 1030-1040, encore qu'ne réalité la plupart des châteaux réels, naissent "légalement", sous l'impulsion du comte (si on veut admettre qu'à ce point son pouvoir est "légal"). C'est seulement après que son seigneur parvient parfois à s'affranchir de la tutelle de son suzerain...
Bref je ne vois pas en quoi l'an Mil (même en admettant un "An Mil" considérablement dilaté, genre 980-1040) constitue uen mutation.
L'"an Mil" n'est qu'une figure rhétorique, une forme du language belle parce qu'elle fait plaisir à ceux qui croient encore aux "terreurs de l'an Mil" (autre mythe).
De plus, on observe ici une évolution politique, même très marquée. On peut même admettre que cette nouvelle forme de pouvoir fragmenté a pu être à l'origine de bouleversements sociaux. Mais il faudrait alors me les signaler. Le servage paysans ne nait certainement pas à cette époque: il est attesté dès l'époque carolingienne. Mais à partir du X il se dégrade fortement et le servage du XI n'est q'une forme très particulière de servage "de fonction", un servage "aristocratique" qui ne concerne que des serfs "hauts en couleur" comme je le dis dasn un autre post. C'est seulement au XIII que le servage renait comme système collectif de sujétion paysanne.
Les miles existent depuis très longtemps (au moins le IX (sauf qu'on les appelait
vassus ou
vassallus[/]. Jusqu'à la fin du XI siècle, ils ne cosntituent en rien une classe, mais au contraire le miles peut désigner un serf qui sert à cheval, un noble, un simple vassal. Bref il n'a aucune connotation particulière. Dès l'époque carolingienne les élites (qui elles combattent à cheval "naturellement") entretiennent des suites d'armes de chevaliers qui n'ont rien de noble, sauf la monture. Par contre l'évolution particulière concernant les [i]miles concerne la fin du XI siècle. A ce moment on cesse progressivement d'utiliser le terme miles pour les serfs ou les humbles en général. Le miles devient progressivment un statut. Tout au long du XII il se mue en véritable titre, et au XIII il est strictement héréditaire, alors que la noblesse tout entière, en fait, est dévénue juridiquement héréditaire" (sauf anoblissement de la part du roi).
Où voyez vous là dedans une "mutation de l'an mil"?
Pour conclure un double problème se profile à l'horizon:
l'histoire
est mutation. Bien sûr, on peut identifier des périodes de plus ou moins longue durée relativement homogènes, préparées par des périodes particulières où "tout change". La Révolution française est très clairement une rupture, une mutation fondamentale des rapports sociaux, des mentalités, etc.. Mais je ne vois pas en quoi l'an Mil constitue une rupture à plusieurs niveaux. Le Moyen Age est un peu rebelle aux "révolutions". Et là on rejoint un autre problème plus spécifique au Moyen Age, à savoir la tendance qu'on les gens à considérer le Moyen Age comme 1000 de structures à peu près stables (je caricature à l'extrème, bien sûr). Personne ne date jamais ses affirmations sur telle ou telle réalité médiévale, ce qui donne lieu forcément à des généralisations périlleuses...
Mais si on se donne la peine d'affiner un peu toutes les observations, et surtout de les dater, on s'aperçoit de grands décalages dans les évolutions, et ça nous oblige à considérer chaque chose pour elle-même avant de cosntituer un grand chauderon et y jeter tout ce qu'on trouve...
Voilà j'ai fini... Merci à ceux qui ont eu le courage de tout lire
Keikoz