Tout d'abord, merci à tous pour votre calme. Nous ne nous comprenons pas forcément, mais le débat ne tourne pas mal - on peut même dire plutôt bien, non - et c'est vraiment une belle chose.
"Sans doute le XIIe siècle est encore plein de symboles mais ses intellectuels font déjà pencher la balance vers la science rationnelle" - Les intellectuels au Moyen Age, Jacques Le Goff.
=> Effectivement dans tous mes posts, j'ai parlé des VIe-XIIIe siècles
Je m'accorde parfaitement avec Jacques Le Goff sur ce point donc (j'ai cité récemment un passage quasi-similaire du même auteur dans un travail universitaire, tout récemment). Cependant, on ne peut pas décemment considérer que les XIII-XVe siècles forment le coeur du Moyen Âge... ni quelques personnages isolés !
Peire Cardenal : je ne sais pas d'où vous tenez ces "traductions", forcément approximatives (comme toute traduction qui tente de faire traverser une dizaine de siècles au lecteur), mais il y a bien du vrai là dedans. Un des objectifs des clercs des XII-XV (et en particulier des XIIe-XIIIe) a bien été de faire coïncider la doctrine de la création avec l'observation empirique. De nouveau, c'est exactement pour ça que j'avais clairement définit les limites de mes affirmations.
Narduccio a écrit :
Le Moyen Âge a vécu avec des notions d'économie.
Si on veut, mais avant les XIIe-XIIIe, avec des notions tellement éloignée des nôtres que c'est un contresens de croire qu'elles ont quelque chose à voir avec ce pour quoi elles sont employées à notre époque. Si on vide un concept de son sens, quel intérêt y a t-il encore à le garder ? Seulement dans le but de trouver une continuité ? Je suis un humaniste... mais pas à ce point là !
Narduccio a écrit :
Cela semble facile, j'ai pas trouvé beaucoup de personne sur ce forum, ou sur un forum scientifique qui cherche à relever le défit d'expliquer comment on peut le faire. Le faire suppose un certain nombre de connaissances et une capacité d'idéalisation. Je sens que vous allez avoir du mal à être de mon avis, mais pour moi, c'est déjà une forme de pensée scientifique.
Encore une fois, je ne prétends pas - bien au contraire - que le Moyen Âge a vécu sans connaissances qu'aujourd'hui nous rangerions dans les "sciences". Seulement à cette époque, elles n'ont pas cette valeur là. Elles s'intégraient dans une série de pratiques culturelles, sociales qui leurs donnaient un sens fondamentalement différent.
Narduccio a écrit :
et que vous m'avez déjà mis dans une petite boite avec une certaine étiquette, comme vous le faites pour les savants médiévaux (du moins à mes yeux).
Ni l'un, ni l'autre... encore une fois : bien au contraire
Narduccio a écrit :
Alors, de grâce, ne prétendez pas que je les dénigre. C'est vous qui cherchez à les rabaisser en leur refusant ce terme. N'inversons pas les rôles, SVP ...
Il y a aussi une voie médiane : les médiévaux n'avaient pas de science dans la période centrale et ce n'est pas pour autant qu'il ne valent rien. Qui oseraient dire que des Achuar ou d'autres amazoniens ne valent rien parce qu'ils ne s'intéresse pas à la science ???? Certainement pas moi... encore une fois : bien au contraire !
Narduccio a écrit :
Si on ne peut plus débattre sans animosité ou est le plaisir de discuter.
Je me permets de citer un "disciple" de Jacques Le Goff - et à mon humble sens, un des plus grands médiévistes actuels - Alain Guerreau :
"Un renversement de la manière d'aborder la question du sens est aujourd'hui l'impératif catégorique des médiévistes. Non seulement il faudra s'avouer à soi-même que la plupart des textes médiévaux nous paraissent complètement illogiques et que leur cohérence nous échappe [...] et qu'il est indécent de continuer à prétendre que les vocables médiévaux ont un sens flottant et incertain simplement parce que leur armature sémantique nous demeure opque ; mais, bien plus généralement, on devra s'apercevoir que, si tant de choses nous sont obscures, c'est que l'organisation commune d'attribution du sens dans la société médiévale différait sensiblement de la nôtre et que la tâche du médiéviste doit consister, après avoir éliminé sans état d'âme l'hypothèse de la possibilité d'une lecture directe des documents, à reconstruire patiemment le système médiéval de détermination du sens [...]"
dans
L'Avenir d'un passé incertain. Quelle histoire du Moyen Âge au XXIe siècle ? (Seuil, 2001) p. 303.
Cuchlainn a écrit :
J'ai peut-être une idée d'où se situe l'incompréhension... Lorsqu'Aspasia écrit que le MA a vécu "sans nos notions", c'est exact au sens où, pour une grande partie de cette longue époque notamment, le cadre culturel général est complètement autre, en Europe chrétienne en tout cas il n'y a pas l'idée de Progrès, de croissance, il y a Dieu qui est l'alpha et l'oméga, le monde qui vieillit et décline, la Fin des temps annoncée plausible à une échéance quelconque mais pas mythique ni mystique. Ce qui est évidemment très éloigné du cadre dans lequel vit notre science moderne.
Exactement.
Narduccio a écrit :
Ainsi certains prétendent qu'avant le XVIIème siècle point de science et de scientifique. Mais, il faudrait plus argumenter.
A non ! C'est à vous d'argumenter... vous utilisez des arguments
ex silentio.... Je suis tout disposé à vous croire Narduccio - aucun problème - mais ne me demandez pas d'y croire sans textes. Si vous me trouvez une petite série de textes des Xe-XIIe siècles qui parlent de science, aucun problème, je m'excuse,
mea maxima culpa et tout ce que vous voudrez...
http://www.laprocure.com/cache/couvertures/9783836502986.jpg Vous croyez - mais alors, en toute sincérité - qu'une telle enluminure à quelque chose à voir avec la science ? Parce qu'il y a un compas par exemple ?
En priant vous priant tous de m'excusez pour ce trop long message.
ps : j'aime beaucoup vos interventions Narduccio, ne vous y trompez pas et je vous lis certainement beaucoup plus que vous ne me lirez jamais.