Jean-Marc Labat a écrit :
Il existe aussi des esclaves de religion orthodoxe, mais qui ne demeure dans cet état qu'un temps. Ce n'était pas en Espagne, mais surtout en Italie et en Provence.
Effectivement Jean-Marc Labat, l'esclavage de populations de religion orthodoxe est également et implicitement attesté par Manuel Gomez de Valenzuela lorsqu'il aborde, ci-dessous, son chapître sur l'origine et composition ethnique de l'esclavage en Aragon:
Provenance des EsclavesContrairement à ce qui est communément admis, tous ne sont pas issus de guerres ou de batailles contre les musulmans ou des razzias chrétiennes sur les côtes du Maghreb. Il est étonnant de voir que jusqu'à la seconde moitié du XVe siècle, un grand nombre d'entre eux venaient des environs de la mer Noire et Caspienne et des Balkans, comme la Slavonie et autres régions d'Europe de l'Est telle la Hongrie. On trouve des captifs d'Abkhazie, de Circasie, du Kirghizistan, de Tartarie, de Bulgarie et de Turquie, sans que cela exclue ceux du royaume de Grenade, des nord-Africains et des Africains subsahariens. Le mentionnement précoce d'esclaves Noirs ne doit pas nous surprendre: ils étaient amenés au Maroc et en Algérie par les caravanes transsahariennes depuis Tombouctou et les villes mauritaniennes de Chinguetti, Nema et Ualata reliant l'Afrique centrale au Maghreb.
Jaques Heers dans son livre "Esclaves et domestiques au Moyen-âge dans le monde méditerranéen" explique l'abondance des esclaves d'Europe de l'Est par l'arrivée des Génois sur les côtes de la mer Noire et de la Crimée, protégés par les privilèges que leur avaient accordés les empereurs byzantins. Non seulement ils ont fait des esclaves dans ces régions, mais ils en ont acheté sur les marchés intérieurs, comme celui de Derbent, d'où venaient les Abkhazes (de l'actuelle République de Géorgie), les Circassiens, les Kirghizes (de l'actuelle République kirghize), les Russes (Ukrainiens) et les Tatars, en fait originaires de Crimée.
La reprise de la guerre contre le royaume de Grenade et les campagnes en Méditerranée contre les Turcs fourniront par la suite de nouveaux esclaves musulmans qui remplaceront les susnommés. Les tartares méritent une mention particulière. Ceux dont nous parlons ici provenaient de la dite «Petite Tartarie», territoire eurasien habité par des Tartares, précisément de la péninsule de Crimée qui se distinguait de la Grande Tartarie située, elle, en Asie centrale et en Sibérie. Nous avons un témoignage inestimable à leur sujet contenu dans le récit du voyage que le Cordouan Pedro Tafur effectua en Méditerranée orientale entre 1435 et 1439 et qu'il cite le marché aux esclaves chrétiens de Cafa (le port de Kaffa en Crimée). Les fabriques génoises et vénitiennes disparaissant avec la chute de l'Empire byzantin et l'occupation de ces territoires par les Turcs entre 1453 et 1475. A partir d'environ 1450, le nombre d'esclaves de la mer Noire ou des pays balkaniques est en diminution. La dernière citation trouvée de ces esclaves dans la documentation date de 1473.
Dans la région d'Aragon il y eût aussi des esclaves en provenance d'autres territoires de la Couronne d'Aragon. Des régistres en citent deux de Sardaigne et un Sicilien noir de 12 ans (sans doute originaire d'Afrique du Nord ou fils d'esclaves). L'aprovisionnement en esclaves sardes a dû être fréquent en Catalogne, car à la fin du XIVe siècle la "Generalitat" institua une taxe sur ceux prélevés sur cette île.
Les esclaves noirs apparaissent dès les premières années du XVe siècle: 1406, 1411. L'historien Miret i Sans avance qu'à partir du XIVe siècle, le flot de captifs sarrasins a diminué lorsque le royaume de Grenade n'ayant plus eu de frontières avec la Couronne d'Aragon, il devenait plus difficile de capturer des musulmans, exception faite des razzias opérées par des corsaires, qui ne permettaient toutefois pas de les ramener en grand nombre et bien que la reprise de la guerre avec Grenade dans les trente dernières années du XVe siècle ait revitalisé cet approvisionnement. Comme dit plus haut, ces esclaves noirs provenaient du Mahgreb, où ils arrivaient avec les caravanes qui traversaient le désert du Sahara pour être ou utilisées dans ces pays ou revendus. Mais à partir du moment où les marins portugais ont établi des comptoirs sur les côtes de l'Afrique de l'Ouest, leur nombre augmenta rapidement.
Au travers des actes notariés, il est possible également de localiser différents points d'origine, même en tenant compte de la transcription capricieuse de leurs lieux d'origine par les notaires: Jelof (Wolof), Biafaras (de Biafra), Bénin (république actuelle de ce nom) , Mavicongo, Macicongo et Neuve-Terre (pays jusqu'ici non identifié), ainsi que le royaume Mandusset de Gaussiet, du lieu dit de Chloffo, de l'île de Guaff dans le royaume Bandiga, et du royaume de Mandinga.
Les plus nombreux furent des musulmans, d'origines diverses, mais surtout des maghrébins. Ils sont généralement désignés comme "linatge de moros" (lignée maure), "hun sclavo moro sarraceno" (esclave maure sarrasin), de "gente agarena" (du peuple Agarene), de lignage des "alarbes", naturel ou né "alarbe", en précisant en plus parfois leurs lieux d'origine: de Tunisie ( "de generacion tunisenquo ") ou de terres tunisiennes, de la ville de Tunis et royaume de Tunisie en Berberie , Maroc: du royaume de Fès , Algérie: Bejaia, Ali d'Alger et Ali d'Oran, de la nation des alarpes (= alarbes), noir naturel de Trimizent (= Tlemcen) ), de la ville d'Alger, Turcs des terres d'Ezcandar (probablement Iskandirun ou Alexandrete), plusieurs Libyens de Buquar de Tripol, ou alors de la nation des Maures. Avec un peu moins de précision, il peut être indiqué qu'ils venaient de Berberie ou de Barcas ou Mont de Barcas, une zone côtière nord-africaine entre Tripoli et la Cyrénaïque , c'est-à-dire la côte libyenne actuelle.
Sous le règne des Rois Catholiques (1479-1516), la guerre reprit pour conquérir le royaume de Grenade et le nombre de captifs originaires d'Al-Andalus (à cette époque partie de l'Andalousie actuelle) augmenta. Et postérieurement, après la reddition de la capitale du dernier royaume musulman en Espagne, les campagnes de 1508 en Afrique du Nord amenèrent de nouveaux captifs de guerre.
En résumé en Aragon, il y eût des esclaves des côtes de la mer Noire, de la Méditerranée orientale, des mudéjares castillans capturés dans des actions de guerre, des Andalousiens capturés durant la guerre de Grenade, des Maghrébins (marocains, algériens, tunisiens et libyens) et des Ouest-Africains subsahariens , très peu de juifs, pas des Guanches des îles Canaries ou d'Indiens d'Amérique, comme cela s'est produit à Séville, où n'apparaissent presque pas les premiers cités.