Voilà ce qu'en dit Jacques Le Goff dans l'Encyclopedia Universalis
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Si la plupart des interprétations de Jeanne d’Arc depuis le XVe siècle sont issues de déformations de bonne foi dues à l’outillage mental et scientifique de l’époque, si l’on comprend comment, de son vivant, ses ennemis, mal intentionnés sans doute, ont pu cependant confondre, plus ou moins de bonne foi, piété populaire et hérésie ou sorcellerie, il faut dénoncer les entreprises modernes qui, au mépris des textes les plus clairs et des données les plus certaines, reprennent inlassablement certaines erreurs. Il en est trois surtout, qui sont autant de contre-vérités assurées. Jeanne n’était pas une bâtarde royale ou noble, fruit par exemple des amours secrètes de la reine Isabeau de Bavière et du duc d’Orléans. Jeanne a bien été brûlée à Rouen, et les fausses Jeanne apparues après 1431 sont des folles ou des imposteurs. Jeanne n’a pas été démonolâtre, n’a pas appartenu à une secte «luciférienne» et, elle l’a dit sans ambiguïté, si elle partageait les traditions de son entourage paysan (fêtes autour d’un «arbre de fées», légendes du «Bois chenu»), elle «n’y croyait pas» comme le faisaient des compagnes et des compagnons d’une mentalité plus traditionnelle. Sa «simplicité» était celle d’une chrétienne du peuple très «orthodoxe».
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Le 12 février 1429, elle fait une nouvelle tentative auprès de Baudricourt. Sous la pression de partisans de Jeanne, après une séance d’exorcisme d’où elle sort victorieuse, Baudricourt cède. Il lui accorde une escorte armée. En onze jours la petite troupe, partie le 13 février de Vaucouleurs par la porte de France, arrive à Chinon, résidence du «roi» Charles. Celui-ci, très réticent, la reçoit le 25 février au soir. Elle passe l’épreuve avec succès, reconnaît le roi parmi son entourage et, dans un entretien particulier, le convainc de sa mission par un «signe» qu’elle refusera toujours de révéler au procès. Charles la soumet à l’interrogatoire des théologiens de l’université de Poitiers. Elle leur fait quatre prédictions: les Anglais lèveront le siège d’Orléans, le roi sera sacré à Reims, Paris rentrera dans l’obéissance au roi, le duc d’Orléans reviendra de sa captivité en Angleterre. Après un examen de virginité et une enquête de moralité, Jeanne, par une décision de Charles en conseil, est autorisée à participer aux opérations militaires. Munie d’une bannière (avec l’inscription «Jhesus Maria»), d’un prénom, d’une armure complète et d’une épée trouvée, sur ses indications, en la chapelle de Sainte-Catherine-de-Fierbois près de Tours, d’un écuyer, de deux pages, et d’un religieux augustin comme chapelain, elle prit part aux opérations qui aboutirent à la levée du siège d’Orléans par les Anglais, le 8 mai 1429. Ce fut ensuite la reprise de Jargeau, de Meung, de Beaugency, la victoire de Patay, le 18 juin. Son nom se répandit dans toute la France. Jean Gerson, chancelier de l’Université de Paris, dans un petit traité du 14 mai, se prononça en faveur de la mission divine de Jeanne, et Christine de Pisan, dans un poème du 31 juillet, voyait en elle la réalisation des prophéties de la Sibylle, de Bède et de Merlin: la France sauvée par une vierge.
Le 17 juillet, Charles VII fut sacré par l’archevêque de Reims selon le cérémonial traditionnel. Jeanne se tenait près du roi, avec sa bannière dont elle dira qu’«ayant été à la peine, il était juste qu’elle fût à l’honneur». Jeanne allait échouer dans sa troisième prédiction. L’armée commandée par le duc d’Alençon livra le 8 septembre un assaut contre Paris, qui fut repoussé, dans lequel Jeanne fut blessée. Des opérations limitées auxquelles participa Jeanne aboutirent à la reprise de Saint-Pierre-le-Moûtier, mais à un échec devant La Charité-sur-Loire (décembre). Le 24 décembre, Charles VII anoblit Jeanne et sa famille. Jeanne passa l’hiver 1429-1430 dans le Berry, à Bourges et à Sully. À la fin de mars elle se rendit dans le nord de l’Île-de-France avec une petite troupe pour combattre les Bourguignons. Le 23 mai, alors qu’elle tentait de faire lever le siège de Compiègne, elle fut faite prisonnière par les hommes de Jean de Luxembourg, condottiere au service du duc de Bourgogne.
En résumé, selon Jacques Le Goff, Jeanne est bien d'origine populaire et Charles ne lui confie pas l'armée mais elle "est autorisée à participer aux opérations militaires", sacrée nuance !