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Message Publié : 25 Juil 2008 5:22 
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Jean Mabillon
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Contrairement à une idee reçue, les Français ont été assez rapidement en première ligne dans la "conquête des océans".
Durant tout le XVIème siècle, l'immense majorité des flibustiers et pirates (ces derniers peu nombreux alors) dans les Caraibes était française, et les noms de Jean Fleury ou François Leclerc viennent tout de suite a l'esprit.
C'est un Français qui a fondé le premier fort sur le site de la future Rio de Janeiro. C'est un Italien au service de la France qui a reconnu, le premier, le site de la future New York (site alors appelé Nouvelle Angoulême).
Ce sont des Français, les frères Jean et Raoul Parmentier, qui inventent en 1529 le rite du "Baptême de la Ligne" au passage de l'Équateur.

Dans la première phrase, j'ai dit "les Français" et non "la France" car effectivement, l'Etat n'a pas vraiment suivi. Prise dans l'éternelle guerre contre les Habsbourg (ce qui a quand même permis de développer la flibuste dans les Antilles) puis divisée par ses Guerres de Religion, la France n'a pas eu de politique maritime bien suivie.


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Message Publié : 25 Juil 2008 8:59 
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Salluste
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C'est clair que la France a participé tôt à la colonisation du nouveau monde. Jacques Cartier, c'est les années 1530 / 40, bien avant l'Angleterre des Drake et Raleigh ...

Par contre, si je savais pour la Nouvelle Amsterdam, je ne savais pas pour la Nouvelle Angouleme.

_________________
"Cambronne ne machait pas ses mots ... heureusement pour lui ! " J. Yanne


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Message Publié : 26 Juil 2008 0:13 
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Jean Mabillon
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Pierre74 a écrit :
Par contre, si je savais pour la Nouvelle Amsterdam, je ne savais pas pour la Nouvelle Angouleme.
Il faut dire que c'est le site qui a été baptisé ainsi par Verrazano car il le trouvait tout à fait avantageux, mais aucun peuplement n'y a été établi.
A New York, en hommage à ce navigateur qui a découvert le site de la future Big Apple, un pont porte son nom.


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Message Publié : 26 Juil 2008 2:33 
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Plutarque
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Enki-Ea a écrit :
Il faut dire que c'est le site qui a été baptisé ainsi par Verrazano car il le trouvait tout à fait avantageux, mais aucun peuplement n'y a été établi.

L'expédition du florentin Giovanni da Verrazano était commanditée par de riches financiers italiens établis à cette époque à Lyon et à Rouen. C'est probablement dans cette dernière ville que se décida le projet. L'accord de François Ier avait été obtenu, bien évidemment. Il faut dire que le roi entretenait d'excellentes relations avec ces banquiers qui lui assuraient ses financements.

Le but était purement commercial et consistait à trouver un passage vers l'océan pacifique. Le sud du continent étant déjà sous possession espagnole, et le détroit de Magellan trop distant et dangereux, s'ouvrir une route vers l'Asie était essentielle d'un point de vue commerce. Les commanditaires espéraient un retour sur investissement avec une route plus facile vers les richesses orientales.

C'est donc ainsi, en explorant les côtes nord américaines qu'il entra dans la baie de New York. Sa croisière fut assez longue puisqu'il toucha terre à hauteur de la Floride pour longer la côte jusqu'à Terre-Neuve.

Pour l'anecdote, à Pamlico Sound (Caroline du nord), il raconta avoir aperçu le Pacifique derrière un isthme sableux large d'un mille qu'il suivit pendant 200 milles, cherchant un passage pour le franchir sans y parvenir. En réalité, il voyait le plus grand lagon de la côte Est des USA. En fonction de sa narration, des cartographes placèrent longtemps cet océan à cette hauteur, séparé de l'Atlantique par l'isthme...

Ne ramenant aucune preuve de son voyage, comme c'était la coutume avec indigènes, objets en tout genre, quelques doutes subsistèrent sur la réalité de son aventure. Mais les témoignages de ses marins et la relative précision des cartes réalisées à partir de ses dires, retirèrent toute ambiguïté sur son périple.


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Message Publié : 26 Juil 2008 5:55 
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Jean Mabillon
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Puisque vous parlez les commanditaires de Verrazano, il faut citer l'étonnant Jean Ango, auquel il faudra bien finir par consacrer un fil dans cette rubrique.


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Message Publié : 26 Juil 2008 22:24 
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Plutarque
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Plus qu'un commanditaire, je dirais qu'Ango en est l'armateur, en tout cas, dans le voyage de 1523/24 que je viens de résumer à grands traits. Le financement provient des italiens que j'ai déjà évoqués.

Il est exact que ce dieppois à un rôle capital dans cette aventure. Il en est l'instigateur, l’organisateur. Sans son intermédiation et ses navires, Verrazano n'aurait certainement été nulle part. Il faut cependant préciser que l'acteur est quand même le florentin. Il est celui qui navigue et qui découvre pour la France ce qui aurait pu être une Amérique du nord française. Les premières cartes, utilisées tout de même pendant près de 80 ans, indiqueront cette appartenance à ces terres. Si François Ier n'avait pas connu Pavie et ses préoccupations avec Charles Quint, peut-être parlerait-on encore français dans la cinquième avenue, qui se baptiserait de nos jours l'avenue des Valois. Mais voilà, l'histoire s'est écrite autrement...

Pour continuer et reprendre cette narration, le retour de Verrazano à Dieppe en juillet 1524 n'est pas très glorieux. Au lieu de revenir avec les cales pleines d'épices et de tout ce que les financiers italiens attendaient de lui, il ramène ses récits sur tout ce qu’il a vu et sur toutes ces extraordinaires terres à conquérir. Il a perdu une partie de son équipage et trois de ses quatre navires. Ses résultats déçoivent, c’est le moins que l’on puisse dire…

L’homme ne se laisse pas abattre pour autant, il est aisé d’imaginer que ce ne doit pas être son genre, et parle de repartir. Il veut atteindre les « Indes ». Seulement les finances italiennes se détournent de lui et François Ier est prisonnier depuis février 1525. Jean Ango croit toujours en son capitaine et il va lui permettre un nouveau voyage.

Cette fois, à l’été 1526, il repart bien décidé à passer le détroit de Magellan et à revenir gorgé d’épices. Après avoir longé l’Argentine, il est bloqué par des vents contraires et renonce. Ses quatre navires font route au sud-est, direction l’Afrique, le cap de Bonne Espérance et les « Indes ». Les tempêtes se succèdent, la faim guette, les équipages risquent à tout moment de se mutiner. Verrazano décide d’arrêter sa course et repart à l’Ouest, à nouveau vers le Brésil. Un de ses navires n’obéit pas, sans explication, continue sa route, franchit le Bonne-Espérance, dépasse Madagascar et navigue dans l’océan indien. Il finit par faire naufrage et quelques survivants arrivent au comptoir portugais de Sofala au Mozambique. Si les documents découverts au XXème siècle ne disent pas ce qu’ils devinrent, souhaitons-leur un sort le plus court possible.

Verrazano revient du Brésil à Dieppe, arrivant en septembre 1527. Il a encore fait une expédition extraordinaire de 16 mois mais elle se solde pas un autre échec. Qu’importe : il reprend la mer dès le printemps suivant. Cette fois, il emmène son frère Jérome et se dirige vers l’Ouest. Au Venezuela ou à la Jamaïque, il est soudain assailli par des indigènes féroces. Il est massacré et son frère nous racontera comment il le vit dépecé et mangé. Voilà ce que fut la sépulture de ce florentin qui voua sa vie à chercher une route et de nouvelles terres…

Ango, pour sa part, est très riche. Issu d’une famille fortunée, il a su encore augmenter son capital. A Dieppe, il vit dans un luxueux hôtel nommée, en souvenir d’un navire de son père, « La Pensée », à l’allure de palais. Il sait armer des marins, leur tracer des objectifs et il en tire d’énormes bénéfices. Avec Fleury, genre de corsaire ou de pirate suivant qui en parle, et d’autres, il combat portugais et espagnols. Déjà les premiers galions sont délestés de leur or et de leurs précieuses cargaisons. La guerre est sur terre, autant en faire de même sur la mer.

Ango est né en 1480. Il a lui-même navigué et a acquis une grande expérience en parcourant l’océan sur les bateaux de son père. Il connaît tout l’univers de la mer et il l’utilise pour armer bateaux et capitaines, à partir de son havre normand de Dieppe. Dans sa ville natale, il règne en maître et occupe successivement tous les postes de l’administration d’alors, tels que contrôleur des magasins de sel, conseiller du corps de ville, receveur de l’archevêque de Rouen, capitaine de Dieppe au nom du roi. Même le roi lui rendra visite! En mer, sa flotte croise partout en Atlantique, escortant des pécheurs, convoyant des navires, surveillant les passages et harcelant les espagnols et les portugais. En représailles, ces pays abordent les navires d’Ango quand l’occasion se présente et infligent les pires sévices aux équipages. De part et d’autres, des horreurs sont commises à tour de rôle, aux Açores, au large du Portugal, aux Antilles, partout où ils se croisent. Un « particulier », même très soutenu par le roi de France, se mesure aux plus grandes puissances.

La trêve de Nice en 1537 met fin à cette situation : les corsaires doivent se muer en marchands. Ango arme alors pour le commerce, lance ses navires en ce sens et s’oriente vers la colonisation des nouvelles terres. Ces activités, ponctuées de fréquents incidents, sont beaucoup moins lucratives et Ango connaît des revers de fortune, se ruinant pour entretenir cette entreprise.

Progressivement, le monde change, l’Angleterre prend une place plus dominante sur les mers, devenant plus hostile. Ango est chargé, sur ses deniers, de l’organisation en 1545 des opérations navales. Henri II succéde à François Ier et les frais énormes engendrés ne lui sont pas remboursés. Il meurt ruiné en 1551 et tout ce qu’il avait entrepris disparaît avec lui. La France perd par la même occasion la position maritime que Ango et ses aventuriers avaient commencé à lui forger…


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Message Publié : 27 Juil 2008 0:30 
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Jean Mabillon
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Merci, Indefini, de cet exposé passionnant.
Jean Ango est effectivement un personnage fascinant, adepte de l'humanisme, armateur de corsaires ou de marchands, ancien navigateur lui-même, important responsable local, visionnaire de la colonisation. A ma connaisance, aucune biographie ne lui a été consacrée, mais je peux (et j'espère) me tromper.
Je vous trouve un peu sévère sur la fin de votre exposé. La France maritime ne disparaît pas avec Ango. Coligny, notamment, reprendra le flambeau, pour différentes raisons certes. Les tentatives au Bresil ou en Floride auraient pu réussir, tandis que les corsaires français (Leclerc...) continuent d'écumer les mers.


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Message Publié : 27 Juil 2008 1:28 
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Plutarque
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Enki-Ea a écrit :
La France maritime ne disparaît pas avec Ango.

Non, bien sûr et ce n'est pas ce que je voulais dire.

L'initiative, presque "personnelle" , entreprise par Ango, aurait pu insuffler un élan plus grand sur la France maritime du XVI ème siècle. En réalité, il n'en fut rien et son oeuvre se résume à une aventure pittoresque sans lendemain.

Naturellement, d'autres vont aussi, comme vous le dites, écrirent les pages de cette histoire. Mais je crois que l'action d'Ango, initiée au tout début des découvertes, aurait pû être un peu mieux exploité par la France. Les circonstances en ont décidé autrement. C'est peut-être un peu dommage...

Avouez quand même qu'un tel homme n'aurait pas dû mourir ruiné après avoir servi les rois et avoir contribué à dessiner les contours d'un nouveau monde qu'il voyait français. N'oublions pas qu'il était déjà très riche au départ et qu'il ne peut pas lui être reproché d'avoir agi par seul intérêt.

Pour ce qui est de sa biographie, si elle n'existe pas, il faudrait l'écrire. Car elle intègre toute la première moitié du XVI ème siècle, des aventures diverses et variées, l'histoire de Dieppe et d'un port à la Renaissance, la vie de Jean Ango père, celle de Verrazano, de Fleury, les premières colonies françaises au Cap Breton, et bien d'autres choses passionnantes et finalement pas si connues que cela...Avec rien que ces données, et beaucoup viendront s'y ajouter, il doit bien être possible de broder quelques lignes pour occuper un lecteur... :wink:


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Message Publié : 27 Juil 2008 21:24 
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Jean Mabillon
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Tout à fait d'accord avec vous, Indefini. Il est triste que ce grand homme soit mort ruiné mais je ne crois pas que son aventure ait été sans lendemain. On peut se dire que sa vision a plus ou moins lancé la flibuste française dans les Antilles, ce qui aura indirectement pour conséquence une présence française durable à Haiti et dans les petites Antilles (Guadeloupe, Martinique...). Je crois que Ango est également à l'origine de l'expédition vers Terre Neuve, qui verrouillera la présence française au Canada pendant un certain temps.
Mais il est vrai que, au vu de tous ses efforts, les conséquences sonnent un peu creux.


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Message Publié : 29 Juil 2008 16:12 
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Plutarque
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Sans lendemain ? Il y a toujours des lendemains mais, comme vous le dites, l’histoire d’Ango et de Verrazano apparaît un peu pâle quand elle est comparée à celle des Magellan, de Gama, Vespucci et autres célébrissimes navigateurs de la même époque. Les uns sont universellement connus, les noms des autres sonnent effectivement un peu creux.

Qui connaît Ango ? A Dieppe, il est incontournable mais ailleurs sait-on seulement qu’il s’agissait d’un français avec un nom pareil ! Pourtant, cet homme a poussé l’arrogance jusqu’à provoquer le Portugal ! Vous imaginez un gros bourgeois devenu gentilhomme, immensément riche, venir se mesurer à une des deux plus grandes puissances coloniales ? Et bien, s’il faut croire l’incroyable, certains récits rapportent que ses navires allèrent jusqu’à menacer Lisbonne. S’il faut rester très prudent quant à ce type de narrations, il est avéré qu’un ambassadeur portugais vint se plaindre auprès de François Ier des agissements agressifs de bateaux français. Le roi lui répliqua qu’il n’y était pour rien et qu’il devait s’adresser à Ango ! Vous voyez le tableau !?! Et le comble, c’est qu’il alla le trouver pour négocier un compromis. A une autre occasion, le Portugal se plaignit qu’un de ses galions avait été délesté de son or. Et bien, une fois encore un émissaire se rendit à Dieppe et obtint dédommagement ! Enfin, vraiment, tout ceci est assez extraordinaire vu avec nos yeux d’aujourd’hui…

Pire encore, qui sait même que Verrazano a existé, si ce n’est quelques curieux qui se sont un peu penchés sur sa vie ? Peut-on imaginer qu'un homme d'origine florentine ait pu s’entêter à vouloir servir la France, même si des propositions de pavillon étranger, tel que portugais pour ne pas le citer, lui étaient faites à une époque où le pays qui l’armait ne répondait pas à ses ambitions ?

Si sa découverte de côtes nord américaines s’était traduite par une colonisation des terres, imaginez combien il serait glorifié ! Ce ne serait plus seulement sur des cartes du XVI è siècle qu’auraient été inscrits « Terre d’Angoulême » au lieu de « New-york », « côte de Lorraine » pour « New-Jersey », fleuve « Vendôme » en lieu et place du « Delaware », « cap Bonnivet » pour le «cap May », « Arcadie » comme « Maryland », « le Pays de Flore » en guise de « Long Island », « L’île Louise » pour nommer « Block Island » ou « le port du Refuge » en tant que « Rhode Island », mais peut-être ces endroits s’appelleraient-ils encore ainsi de nos jours.

Et bien, l'histoire n’a pas retenu tout cela ou plutôt elle l’a retranscrit tardivement, un peu comme si l’action s’était interrompue faute de combattant. Verrazano reste presque inconnu pendant des siècles. Il est cité mais pas reconnu, les historiens doutent parfois de ses voyages. Ils ne s’intéressent à lui qu’après que des documents réapparaissent, surtout au milieu du XIX me siècle et puis au XX me. Il n'a pas de rues, pas de places, rien ou presque qui rappelle ce qu'il a fait. Vous nous dites qu'un pont porte son nom à New-York: oui mais savez-vous de quand il date ? 1964 !!! Il aura fallu attendre quatre longs siècles pour que le monde, notamment les américains, s'aperçoivent que Jehan de Verrazane a été le premier à entrer dans la baie de l'Hudson et à admirer cette terre !

J’ai volontairement francisé son nom car il est prouvé qu’il le fit lui-même. Les américains se posèrent la question de savoir comment il fallait l’appeler. Les orthographes variaient. Etait-il français d’origine toscane, florentin tout court ? Où était-il né ? A Florence comme son nom de naissance le laisse supposer ou à Lyon qui compte des traces de Verrazano implantés avant lui et où il est avéré qu’il revenait après ses voyages? On cherche encore. Ils décidèrent de trouver un compromis et « Giovani de Verrazano » fut choisi. Le « da » d’origine se transforma en « de » pour lui rendre un peu de cette France pour laquelle il choisit toujours de naviguer, bien petite concession faite au pays qu’il servit.

Maintenant, les lendemains ! Et oui, le monde ne s’arrêta pas de tourner sans eux ! Certains s’en inspirèrent bien sûr et le plus célèbre n’est autre que Jacques Cartier.

Cette fois, nous quittons Dieppe et la Normandie pour Saint-Malo et la Bretagne. Si l’aventure de Cartier est une espèce de continuité de celle de Verrazano, elle se développe en parallèle. Ce malouin est né autour de 1491 (peut-être 93). Il est donc de la même génération que ceux dont nous venons de parler.

Avant de continuer, il est indispensable d’aborder un point essentiel : les bulles papales. Déjà en 1454, après les premières navigations portugaises, l’Afrique et les « Indes » avaient été octroyés au Portugal par le pape Nicolas V. En 1493, au lendemain du voyage de Colomb, le pape Alexandre VI prit une carte du monde connu et tira un trait vertical, joignant les deux pôles, qui passait à 100 lieues à l’Ouest du Cap Vert et des Açores. Il décida que tout ce qui était à l’ouest de cette ligne était espagnol, et l’est au Portugal. Ce dernier pays protesta car le Brésil, déjà sous présence portugaise, revenait à l’Espagne. Un an plus tard, en 1494, lors de l’accord de Tordesillas entre ces royaumes, la ligne fut repoussée et se situa alors à 370 lieues à l’ouest des îles déjà citées. Le brésil restait portugais mais le monde des découvertes était partagé entre ces seuls pays.

Ceci explique, entre autres raisons, pourquoi d’autres pays eurent beaucoup plus de difficultés à se lancer dans les conquêtes, du moins fin XV me et début XVI me siècle, et parmi eux la France. François Ier eut beau protester, rien n’y fit. Comme il n’entendait pas accepter cette situation, il approuva, favorisa les initiatives d’Ango et d’autres mais sans vraiment les diriger directement pour ne pas trop s’opposer au Pape. On comprend aussi pourquoi ceux qui bravaient les règles de l’Eglise pouvaient être massacrés dans les zones d’appartenance espagnoles et portugaises, ce qui arriva fréquemment et qui entraîna toutes les vengeances dont nous avons déjà parlées. Cet état de fait est aussi très certainement une des explications de la discrétion des voyages de Verrazano et le peu de « rayonnement » qu’ils connurent. Certains armements se faisaient secrètement et ils n’eurent donc pas la publicité qui aurait permis à l’histoire de les retenir pleinement.

Enfin, en 1533, le pape Clément VII modifie la donne : il indique que le partage du monde ne concerne que les zones déjà connues, et qu’ainsi les nouvelles découvertes appartiennent aux couronnes qui les font. François Ier obtient enfin ce qu’il voulait et la conquête du nouveau monde peut se faire par le nord ouest.

Si l’idée de Jacques Cartier datait de 1532, ce n’est qu’en 1534 qu’il est mandaté par le roi. Il part donc de St Malo, cap à l’Ouest, nord-ouest, avec deux bateaux. Cette fois, il n’est plus question de se cacher et les ambitions sont clairement affichées : découvrir, conquérir, commercer, s’implanter partout où cela est possible et toujours trouver la route nord vers les « Indes ». Les détails sont donc également beaucoup mieux connus.

Après Terre-Neuve et quelques îles, il touche la terre qu’il appellera Nouvelle France et entre dans le golf du fleuve St Laurent. L’histoire moderne du Canada peut commencer. Il effectuera deux autres voyages, en 1535-36, 1541-42. Après une vie riche qui mériterait encore beaucoup de développement, il meurt en 1557 de la peste à St Malo…


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Message Publié : 28 Oct 2008 1:01 
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Plutarque
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Pour ce qui est de sa biographie, si elle n'existe pas, il faudrait l'écrire. Car elle intègre toute la première moitié du XVI ème siècle, des aventures diverses et variées, l'histoire de Dieppe et d'un port à la Renaissance, la vie de Jean Ango père, celle de Verrazano, de Fleury, les premières colonies françaises au Cap Breton, et bien d'autres choses passionnantes et finalement pas si connues que cela...Avec rien que ces données, et beaucoup viendront s'y ajouter, il doit bien être possible de broder quelques lignes pour occuper un lecteur...


Des articles ont été consacrés à Ango dans le Bulletin des Amis du vieux Dieppe (par Henri Cahingt), dans le Bulletin de la Société normande de géographie (par Paul Gaffarel, par Paul Cagniard). D'autres babioles par La Roncière, Gravier, Hellot, Marguery, Martin... dorment dans les Fonds normands de la B.M. Rouen et de la B.M. Caen.
Mais tout cela est vieux, qui se collera au dépoussiérage ? :oops:


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Message Publié : 02 Déc 2008 9:48 
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Jean Mabillon
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Autre épisode passionnant, la Floride huguenote.
C'est d'ailleurs la présence française dans cette Floride (et notamment le retour calamiteux de la vingtaine de Français après la première expédition, traversant l'Atlantique sur une coquille de noix et étant même obligés de manger l'un des leurs pour survivre) qui va susciter l'intérêt d'Elizabeth et va constituer en quelque sorte un des prémices des expéditions et de la colonisation anglaises utlrérieures.

Quand au massacre perpétré par Menéndez de Avilés, sorte de "répétition générale" de la Saint-Barthélemy, il va plonger l'Europe protestante dans l'horreur et déclencher moultes pamphlets et libelles contre le Roi Catholique.


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Message Publié : 11 Avr 2010 23:15 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
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Re: Message du 23 Juillet 2008 6h30.

Enki-Ea a écrit :
Contrairement à une idee reçue, les Français ont été assez rapidement en première ligne dans la "conquête des océans".
Durant tout le XVIème siècle, l'immense majorité des flibustiers et pirates (ces derniers peu nombreux alors) dans les Caraibes était française, et les noms de Jean Fleury ou François Leclerc viennent tout de suite a l'esprit.
C'est un Français qui a fondé le premier fort sur le site de la future Rio de Janeiro. C'est un Italien au service de la France qui a reconnu, le premier, le site de la future New York (site alors appelé Nouvelle Angoulême).
Ce sont des Français, les frères Jean et Raoul Parmentier, qui inventent en 1529 le rite du "Baptême de la Ligne" au passage de l'Équateur.

Dans la première phrase, j'ai dit "les Français" et non "la France" car effectivement, l'Etat n'a pas vraiment suivi. Prise dans l'éternelle guerre contre les Habsbourg (ce qui a quand même permis de développer la flibuste dans les Antilles) puis divisée par ses Guerres de Religion, la France n'a pas eu de politique maritime bien suivie.


Enki-Ea,

suite d'un message de vous dans le fil "Les Conséquenses du contournement de l'Afrique en 1497" de l'Alain.g, j'aborde ici la question d'Alain: pourquoi la France n'était pas réussi aux 15-16ème siécles avec sa flotte et dans le commerce international (et moi je sous-entends: comme ses concurrents les Hollandais et les Anglais?)

J'ai fait déja des recherches rudimentaires pour le forum histoire du BBC dans un fil "Pourquoi les Britanniques et pas les Français dans les 16-17ème siècles). Peut-être mieux de commencer un nouveau fil?

J'ai trouvé mes premiers indices dans le livre de Michel Carmona: "Richelieu, l'ambition et le pouvoir". Je dois avoir quelque part une traduction en français sur je pense le forum: Tribune Histoire de BRH ou le Histoforum (maintenant regrettablement disparu). Mais ici on a presqu'un résumé des pages de Carmona sur le sujet, mais c'est en anglais. si je ne retrouve pas mon texte français, je peux résumer le texte anglais...
http://www.historylearningsite.co.uk/ri ... litary.htm
Et je suis d'accord on avait la Fronde, mais les Hollandais étaient aussi dans une guerre de survie...
Après on avait Mazarin et puis sous Louis XIV Colbert. J'ai lu le livre de Inès Murat (descendant de Colbert et de Murat): "Colbert". Elle est plutôt critiquant pour Colbert, niant pas ses atouts, mais pointant vers son direction rigide du commerce qui étouffe la liberté de la commerce (elle fait dans son livre une comparaison avec les Hollandais, qui généraient plus d'argent)
J'ai lu sur une site de "Scribd.com" sous "Histoire de la France au 17ème siècle": Vers 1680 la flotte de commerce française compte 500 bateaux, contre 15.000 pour les Provinces-Unies. Mais je n'ai pas trouvé la source de l'article, alors ce n'est pas valable pour le moment...

Déja après minuit...mais ça son mes premiers liens et premières pensées...

PS. Enki-Ea, dans la marge: Et on avait aussi les explorateurs de Louis XVI. J'ai entamè le sujet pour la première fois sur le forum histoire BBC avec une résidente de la Nouvelle-Zéelande...

Cordialement et avec estime,

Paul.


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Message Publié : 01 Mai 2010 16:51 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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PaulRyckier a écrit :
Re: Message du 23 Juillet 2008 6h30.

Enki-Ea a écrit :
Contrairement à une idee reçue, les Français ont été assez rapidement en première ligne dans la "conquête des océans".
Durant tout le XVIème siècle, l'immense majorité des flibustiers et pirates (ces derniers peu nombreux alors) dans les Caraibes était française, et les noms de Jean Fleury ou François Leclerc viennent tout de suite a l'esprit.
C'est un Français qui a fondé le premier fort sur le site de la future Rio de Janeiro. C'est un Italien au service de la France qui a reconnu, le premier, le site de la future New York (site alors appelé Nouvelle Angoulême).
Ce sont des Français, les frères Jean et Raoul Parmentier, qui inventent en 1529 le rite du "Baptême de la Ligne" au passage de l'Équateur.

Dans la première phrase, j'ai dit "les Français" et non "la France" car effectivement, l'Etat n'a pas vraiment suivi. Prise dans l'éternelle guerre contre les Habsbourg (ce qui a quand même permis de développer la flibuste dans les Antilles) puis divisée par ses Guerres de Religion, la France n'a pas eu de politique maritime bien suivie.


Enki-Ea,

suite d'un message de vous dans le fil "Les Conséquenses du contournement de l'Afrique en 1497" de l'Alain.g, j'aborde ici la question d'Alain: pourquoi la France n'était pas réussi aux 15-16ème siécles avec sa flotte et dans le commerce international (et moi je sous-entends: comme ses concurrents les Hollandais et les Anglais?)

J'ai fait déja des recherches rudimentaires pour le forum histoire du BBC dans un fil "Pourquoi les Britanniques et pas les Français dans les 16-17ème siècles). Peut-être mieux de commencer un nouveau fil?

J'ai trouvé mes premiers indices dans le livre de Michel Carmona: "Richelieu, l'ambition et le pouvoir". Je dois avoir quelque part une traduction en français sur je pense le forum: Tribune Histoire de BRH ou le Histoforum (maintenant regrettablement disparu). Mais ici on a presqu'un résumé des pages de Carmona sur le sujet, mais c'est en anglais. si je ne retrouve pas mon texte français, je peux résumer le texte anglais...
http://www.historylearningsite.co.uk/ri ... litary.htm
Et je suis d'accord on avait la Fronde, mais les Hollandais étaient aussi dans une guerre de survie...
Après on avait Mazarin et puis sous Louis XIV Colbert. J'ai lu le livre de Inès Murat (descendant de Colbert et de Murat): "Colbert". Elle est plutôt critiquant pour Colbert, niant pas ses atouts, mais pointant vers son direction rigide du commerce qui étouffe la liberté de la commerce (elle fait dans son livre une comparaison avec les Hollandais, qui généraient plus d'argent)
J'ai lu sur une site de "Scribd.com" sous "Histoire de la France au 17ème siècle": Vers 1680 la flotte de commerce française compte 500 bateaux, contre 15.000 pour les Provinces-Unies. Mais je n'ai pas trouvé la source de l'article, alors ce n'est pas valable pour le moment...

Déja après minuit...mais ça son mes premiers liens et premières pensées...

PS. Enki-Ea, dans la marge: Et on avait aussi les explorateurs de Louis XVI. J'ai entamè le sujet pour la première fois sur le forum histoire BBC avec une résidente de la Nouvelle-Zéelande...

Cordialement et avec estime,

Paul.


Enki-Ea,

je suis presque sûr d'avoir mis un addendum ici, donnant ma liste de livres:
Michel Carmona: "La France de Richelieu" j'ai même donné les pages concernant la question.
Michel Carmona: "Richelieu: l'ambition et le pouvoir"
Pierre Goubert: "Louis XIV et vingt millions de Français"
Alain Plessis et Olivier Feiertag: "Histoire du grand commerce en Europe"
Helma Houtman-De Smedt et Ludo Cuyvers: "Vijf eeuwen wereld economie 1500-2000" (Cinq siècles de commerce mondiale).(presse universitaire Louvain)
J'ai tout lu maintenant concernant notre question, sauf le dernier ouvrage où je suis en train de lire le 15 siècle.

Je voulais commenter maintenant mais je vois que tout est parti. Et je suis presque sûr que j'ai vu une réponse de vous de quelques règles concernant Richelieu. On devient "paranoide" au bout du temps :wink: .

Je suis d'accord Richelieu est déja 16e siècle et c'est pour ça que j'ai proposé de commencer un nouveau fil concernant la 16-17e siècle.

Alors si j'aurais du temps je commenterai ici dans les jours qui viennent autour du 15e siècle.

Cordialement et avec estime,

Paul.


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