Kurnos a écrit :
Quels seraient les textes religieux écrits de référence précis qui étaient éventuellement mis en exergue pour justifier et motiver un massacre ?
Entendons nous bien, il ne fait aucun doute que des religieux pouvaient commettre des massacres, mais il serait intéressant d’en connaître la justification formelle ?
Un assassin peut toujours commettre un crime au nom d’un Dieu, sa parole ne prouve pas qu’un précepte religieux a validé son acte.
Si aucun texte religieux ne préconise formellement le massacre, la qualification de massacre religieux n’est peut être pas très approprié ?
Désolé pour les spécialistes de la question, mais je m’intéresse à la signification précise des mots qui sont des armes, surtout les mots qui émanent d'un hypothétique Dieu ou de ses représentants.
Quels sont les écrits d'un Dieu qui auraient recommandé un massacre ?
Je n’ai pas de réponse précise à votre question mais je suppose que lorsqu’il s’est agi de justifier des massacres qui avaient été commis, certains prédicateurs ont dû faire appel à des références de l’Ancien Testament (qui était d’ailleurs un texte commun aux deux camps). Les épisodes de guerres et de massacres ne manquent pas dans l’histoire des Hébreux.
En revanche, si j’ai bien compris le sens général de votre interrogation, je ne crois pas que l’on doive aborder la question de cette manière. Pour moi, les violences pendant les guerres de religion en France sont de 4 types : la répression de « l’hérésie » ; la répression civile ; la guerre ; et les assassinats et « massacres ».
A mon avis, dans le cas général, seule la première de ces formes de violence est commise, d’une certaine manière, sur la base de textes religieux.
Je ne sais pas si en réalité il y a eu beaucoup de condamnations pour hérésie en France pendant les guerres de religion (il a du y en avoir plutôt dans la période précédente, sous François Ier et Henri II, comme celle d'Anne du Bourg). Toujours est-il que la condamnation à mort des hérétiques remonte bien avant la période de la Renaissance. J’imagine (mais je n’en suis pas sûr) qu’elle se fonde sur des textes de droit canon qui sont donc des textes religieux.
Ce que j’appelle la répression civile c’est par exemple la condamnation pour crime de lèse-majesté (affaire des placards) ou la pendaison des conjurés d’Amboise, ou même l’assassinat du duc de Guise. Ce n’est pas en tant que Protestants que ces gens sont condamnés, mais pour des raisons politiques et/ou d’ordre public.
Les guerres : les huit guerres de religion ont eu des causes religieuses et des causes politiques. Mais dans tous les cas les chefs des deux partis faisaient la guerre pour atteindre des objectifs (établir, rétablir ou supprimer des autorisations de pratiquer la religion réformée, obtenir des places de sûreté, imposer son prétendant au trône...). Il ne s’agissait pas de faire la guerre uniquement pour tuer des catholiques ou des protestants. Au final il n’y avait pas plus besoin de justifier ces actes que lorsque les soldats de François Ier faisaient la guerre aux Milanais, aux Suisses ou aux Espagnols. (Ce qu’il fallait plutôt justifier c’était que l’on faisait la guerre à des Français).
J’en viens aux « massacres ». Quand on regarde le déroulement des massacres de Wassy, de la Michelade ou de la Saint-Barthélémy, on voit qu’il n’y a pas eu un moment où quelqu’un a décidé : « on va tuer les protestants (ou les catholiques) parce que tel texte religieux nous y autorise ou nous le demande ». Ce qu’on voit à chaque fois, c’est un climat de haine, de peur, d’excitation, de violence (contre des symboles et des bâtiments), la présence de gens en armes, et un « incident » (pour le dire vite) qui dégénère en massacre. Ce qui ressemble par exemple aux diverses « journées » de la Révolution française (fusillade du Champ-de-Mars, etc). Donc si vous vous en tenez à votre définition (qui, je le devine, est inspirée par des violences plus actuelles), ce ne sont pas des massacres religieux.
Sauf qu’en l’occurrence, ce climat de haine, de peur et d’excitation est bien lié à la religion. Les protestants de Wassy envoient des pierres aux soldats de Guise parce qu’ils viennent les empêcher de pratiquer leur office. Les protestants de Nîmes massacrent les notables parce qu’ils sont catholiques. La populace parisienne catholique massacre les protestants parce que tous ces protestants réunis à Paris lui font craindre d’être elle-même massacrée. Etc...
Or, je ne pense pas non plus qu'il y ait eu besoin d'une justification dans un texte religieux pour haïr ou craindre les partisans de l'autre religion.