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Jean Froissart
Jean Froissart
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Une héroïne de la Renaissance italienne
CATHERINE SFORZA
1463-1509


Du Comte Pier-Desiderio PASOLINI
(Paris, Perrin, 1912)



Catherine Sforza, la «Dame de Forli» est célèbre pour avoir résisté à César Borgia en Romagne.


I. Origine et naissance de Catherine.

Elle est membre de la famille des Sforza, des aventuriers originaires du village de Cottignola en Romagne, des condottieres qui se sont battus pendant tout le XIVe siècle. Finalement, ils deviennent duc de Milan quand l’un d’eux, Francesco, épouse Bianca Maria, héritière des Visconti dans la cité lombarde. Les Sforza se sont signalés par leur tempérament ardent et belliqueux, surtout chez les femmes. Catherine en devait être le sommet.

Catherine Sforza est née à Milan en 1463. Elle est la fille naturelle de Galeazzo Sforza et d’une Milanaise nommée Lucrezia, et qui devait plus tard survivre à sa fille. Mais elle fut adoptée par la femme légitime de son père, Bona de Savoie, qui l’éleva avec ses autres enfants. Après la mort du pape Paul III, Galeazzo avait envoyé à Rome un cardinal qui était son candidat à l’élection pontificale, le cardinal Della Rovere. Il fut élu et devint le pape Sixte IV. Très jeune, Catherine fut fiancée au neveu du pape, Girolamo Riaro, Pour sanctionner ce mariage, le duc de Milan rétrocéda au Pape le comté d’Immola, en Romagne, qui, avant de lui appartenir, avait jadis été dans le giron de la cour de Rome, ce au mécontentement de Florence. Le Pape, en accord avec le duc de Milan, nomma alors son neveu vicaire d’Imola, inféodé à Rome.


II. Catherine à la cour de Rome.


Mais en 1473, le duc Galeazzo fut assassiné par un certain Lampugnani, tyrannicide intoxiqué par le professeur d’art oratoire Colas. Bona devint régente. Plus tard, elle devait être supplantée par un membre de la famille Sforza, Ludovic le More, et contrainte de s’exiler. Le mariage ne fut pas aboli pour autant ; il se fit par procuration et Catherine partit pour Rome rejoindre son mari. Agée de seize ans, elle n’eut au début aucun rôle politique. A cette époque, la papauté tendait à devenir politique, temporelle, plus que spirituelle. Les Papes se préoccupaient de caser leur famille, ce qui renforçait leur pouvoir dans les Etats de l’Eglise. Encore adolescente, Catherine eut l’occasion de s’initier à la cuisine politique tortueuse et violente de la cour de Rome. Catherine méprisait son mari qui était rude, grossier, un peu lâche. Mais elle était ambitieuse et liait ses intérêts aux siens. Précisément, Girolamo avait été nommé par son oncle Capitaine général de l’armée pontificale et gouverneur du château Saint-Ange.

En outre, Girolamo acquis, en plus d’Imola la seigneurie sur Forli, à la mort du seigneur de celle-ci, Pino degli Ordelaffi, toujours en Romagne. Forli et Imola étaient très importantes pour le Pape, car situées à la jonction de deux routes faisant le lien entre l’Italie du nord et l’Italie du sud. Il fallait surtout fortifier la ville car bien sûr elle était convoitée.

Dans cette monarchie élective qu’était la papauté, avec l’instabilité qui lui était inhérente, le désordre était patent dans leurs Etats, en particulier en Romagne, car tout changeait lorsqu’était élu un nouveau pape. Chaque pontife essayait de mettre des gens à lui, des membres de sa famille (népotisme) dans ses Etats pour y renforcer son pouvoir, accroître son temporel. C’est ainsi que Sixte IV avait nommé Girolamo vicaire pontifical pour Immola et Forli. Mais avec le temps, les vicaires pontificaux tendaient à s’émanciper et à devenir des petits tyranneaux locaux.

Maîtres de Forli, le comte et la comtesse durent faire face à des complots de la part du peuple visant à remettre au pouvoir la famille des Ordelaffi. Ils revinrent alors plusieurs fois à Rome, laissant à leur gouverneur le soin d’assurer la répression. Ils furent aussi mêlés à la politique étrangère du Pape en Italie. En effet, celui-ci était allié à Venise contre le duc de Ferrare Hercule d’Este. Contre celui-ci, allié à Naples, il envoya son neveu Girolamo aider le général Vénitien Malatista combattre ses ennemis. Le comte se comporta lamentablement, ne paraissant pas sur le champ de bataille, laissant faire Malatista. Celui-ci fut vainqueur et brillamment reçu par le pape à Rome. Jaloux de Malatista, Girolamo le fit probablement empoisonner.

A partir de là, Girolamo dévoila sa vraie nature et donna libre cours à tous ses vices, à la grande désapprobation de Catherine qui le méprisait de plus en plus. Le neveu du pape se livrait à Rome à toutes les violences possibles, et se faisait haïr de tous. Mais ambitieuse comme lui, Catherine tenait à demeurer sa compagne malgré les violences dont elle était victime de sa part. A Forli, elle inaugura cependant une politique personnelle et indépendante, à l’âge de 19 ans. Consciente, que sa seigneurie risquait d’être annexée par Florence si son mari disparaissait, elle fit jouer auprès de Laurent le magnifique sa parenté avec les Sforza de Milan qui s’était toujours bien entendu avec le maître de Florence.

Sur ce, le pape Sixte IV mourut en 1484. Vil et mou, Girolamo dut se soumettre au sacré collège. Mais avec une grande audace, Catherine s’empara du château Saint-Ange, dont dépendait le sort de Rome, résolue qu’elle était à ne le remettre qu’à un pape élu conforme à ses goûts. Les cardinaux parvinrent à acheter son mari, pas elle. Finalement, désavouée par son mari, épuisée par sa grossesse, elle consentit à rendre le château, mais après avoir longtemps résisté.

Elle rejoignit Forli avec son mari. Là, ils reçurent la mauvaise nouvelle que le nouveau pape était Innocent VIII, contre qui Girolamo avait intrigué. Mais, sous l’action de leur cousin Giulio della Rovere (le futur grand pape Jules II) il ne les en confirma pas moins dans la possession de leurs Etats.


III. Catherine et son mari à Forli.

Cependant, conscients d’avoir beaucoup d’ennemis à Rome, ils savaient qu’on voulait les assassiner. Leurs deux plus grands ennemis étaient Innocent VIII et Laurent le magnifique à Florence (Girolamo avait jadis favorisé contre lui la conjuration des Pazzi), même si ce dernier admirait et était quelque peu complice de Catherine. Pour se protéger contre tous ces gens, se concilier l’amour de leurs sujets, Girolamo et sa femme embellirent leurs deux cités, multiplièrent les monuments, et surtout abolirent les impôts pour se rendre populaires. Mal leur en pris, car ils se retrouvèrent à court d’argent, impécunieux. Catherine persuada alors son faible mari de rétablir les impôts, ce qu’il fit. Son mari malade à Immola, Catherine réussit à reprendre la forteresse de Forli, alors aux mains de Melchior, un ancien pirate créancier de Girolamo, en le faisant assassiner par un mercenaire.

Une révolte éclata à Forli, sur l’instigation d’un membre de la famille Ordelaffi, probablement favorisé par Laurent de Medicis. Elle fut réprimée et Girolamo laissa toute latitude à sa femme pour le jugement des coupables. Elle fit exécuter les principaux agitateurs.

Giromalo avait beau tenter de se rendre populaire, on ne lui pardonnait pas d’avoir rétabli les impôts. Un complot fut ourdi sur l’instigation des frères Orsi et en 1488 il fut assassiné dans son palais de Forli. Les conjurés prirent le pouvoir dans la ville, le conseil fut réuni. Partout on célébrait la liberté. La comtesse fut faite prisonnière avec toute sa famille, sa mère et ses nombreux enfants. Elle était enceinte. Elle eut cependant le temps d’envoyer un de ses fidèles demander des secours à Milan sa ville d’origine. On tenta de l’obliger à faire ouvrir la forteresse de la ville, alors tenue par ses partisans. Mais de connivence avec elle, ils refusèrent de la leur livrer. Les conjurés acceptèrent alors de la laisser entrer dans la forteresse pour ordonner à son gouverneur de céder, gardant ses enfants en otage.

Malgré cette précaution, une fois dans la forteresse, Catherine y resta, fit dresser l’artillerie aux créneaux, refusa de se rendre et menaça de bombarder la ville s’il était fait du mal à ses enfants. On eut beau la menacer de les massacrer si elle ne revenait pas, rien n’y fit. On raconte qu’elle se montra sur les remparts à demi nue insultant fièrement les révoltés. Déjà, la dame de Forli entrait dans la légende. Elle savait que les secours de Milan n’allaient pas tarder à arriver, et elle voulait se montrer la digne fille du duc de Milan.

Précisément l’armée de Ludovic le more arrivait et avait l’ordre de se mettre aux ordres de Catherine. Les conjurés rejetèrent d’abord avec hauteur l’invitation à se soumettre qui leur était faite. Ils s’étaient mis sous les ordres du Pape Innocent VIII et pensaient que l’armée pontificale arriverait rapidement. Mais, en fait, le souverain pontife les méprisait et préférait les abandonner à leur sort. Alors, lorsqu’ils virent les Milanais camper sous les murs de Forli, ils prirent peur et voulurent s’enfuir. Avant cela, ils tentèrent de s’emparer des enfants de la comtesse et de les tuer pour satisfaire leur haine. Mais le gouverneur de la forteresse où ils se trouvaient, noblement, refusa de les leur livrer. Lui et ses gens étaient des fidèles de Catherine, laquelle, sachant qu’elle pouvait compter sur eux, avait en bonne connaissance de cause choisi de s’enfermer seule dans sa forteresse. Le vent tournait, le peuple pris les armes en faveur de la comtesse, la contre-révolution commençait. Les Orsi, principaux conjurés, s’enfuirent laissant leur famille à la vindicte de Catherine. Celle-ci, triomphante, put enfin sortir de sa forteresse. A la tête de ses troupes, telle une icône rayonnante, objet de l’admiration de tous, elle entra dans la ville. Elle parvint à éviter le saccage de sa ville de Forli par les troupes milanaise, ne voulant pas que les femmes soient molestées, et se contenta de leur laisser à piller les riches demeures de ses ennemis. Elle fit acclamer duc de Forli et Immola son jeune fils aîné Ottaviano, et devint régente en son nom. Elle obtint aussi d’Innocent VIII l’investiture de la seigneurie sur les deux villes pour lui et ses descendants. Puis elle se livra à sa vengeance qu’elle confia à un sbire du nom de Babone : les chefs révoltés qui n’avaient pu fuir furent pendus par celui-ci, leur cadavre dépecé par la foule. Le vieil André Orsi trouva la mort en étant traîné à cheval autour de la ville. Elle mit la tête des Orsi à prix. Mais elle sut se limiter dans son ressentiment. Ainsi fit-elle libérer les femmes des conjurés qu’elle jugeait innocentes, ainsi que Mgr Savelli, le représentant du pape qui n’avait fait que suivre le mouvement.


IV. La Régente d’Immola et de Forli.

En ce mois d’avril 1488, son pouvoir réel sur Forli et Immola commençait à s’exercer.

Elle accueillit avec joie l’annonce de l’élection du pape Alexandre VI Borgia en 1492. Elle le connaissait de longue date, ayant entretenu de très bonnes relations avec lui à Rome alors qu’il était simple cardinal. Le nouveau Pontife se déclara son protecteur et considéra le jeune Ottaviano comme son fils spirituel.
Catherine s’efforça de gouverner avec sagesse, tentant, au milieu des graves remous qui agitaient l’Italie, notamment de maintenir l’équilibre entre Milan (où régnait Ludovic le More) et Florence, l’une et l’autre tentant de l’attirer de leur côté.

Elle prit pour amant un jeune homme de vingt ans du nom de Giacomo Feo. Elle le combla de toutes les faveurs possibles. Il devint rapidement le véritable maître de l’Etat. Il en imposait même au jeune Ottaviano qui supportait mal son autorité. Mais en même temps, il suscitait la jalousie des autres courtisans.

Ceux-ci firent valoir aux fils de Catherine, dont Ottaviano, qu’il pourrait usurper le pouvoir. Avec leur complicité tacite, un complot fut ourdi et le jeune Giacomo fut assassiné en 1495 alors qu’il revenait de la chasse avec Catherine. Immédiatement, celle-ci s’enfuit à Forli et se livra à une abominable vengeance. 58 personnes furent victime de cette répression. Les principaux coupables furent emmenés à la forteresse et moururent dans d’abominables tortures. Surtout, Catherine n’épargna pas les jeunes enfants et les femmes, dont certaines étaient enceintes, des conjurés. Si l’épouse avait su se montrer modérée dans le châtiment des meurtriers de son mari, la femme se déchaîna dans toute sa cruauté pour punir les assassins de son amant. Elle fit aussi emprisonner ses fils dont elle connaissait la connivence. Catherine avait alors 32 ans. Toute sa vie elle devait regretter ces excès et l’on dit que parfois la nuit elle se levait pour appeler les âmes des enfants et femmes innocentes qu’elle avait fait mettre à mort.

Puis elle se calma et accueillit chaleureusement le jeune ambassadeur de Florence Giovanni de Médicis. Elle en tomba amoureuse et l’épousa secrètement. Elle veillait en effet à ce que celui-ci ne suscite pas la même hostilité que Giacomo.

Elle fut également sollicitée par Alexandre VI qui lui proposait de marier son fils Ottaviano à Lucrèce Borgia. Mais elle refusa, se doutant bien que le pape ne songeait qu’à la mettre à l’écart et à donner Forli, ainsi que toute la Romagne à son fils César. Du reste, elle voulait attendre pour marier son fils aîné et désirait d’abord l’endurcir, voyant avec désolation se développer en lui le caractère mou de son père.

A cette fin, elle l’envoya à Florence se mettre au service de son gouvernement comme soldat. Catherine s'était en effet alliée à la ville des Médicis, contre Venise. Elle lutta avec toute la loyauté et toute l’abnégation possible contre la cité des doges dont les armées voulaient envahir la Toscane. Elle ne se laissa jamais intimider par Venise qui voulait la détacher de Florence. Mais elle fut peu récompensée par la Seigneurie, ingrate.

Malgré tout, elle incita son fils Ottaviano à prolonger son service à Florence. Des tractations diplomatiques furent engagées entre elle et la République, laquelle lui envoya comme ambassadeur le fameux Machiavel, dont ce fut la première mission. La raison en était bien simple : Catherine Sforza se sentait de plus en plus menacé par le fils du Pape, César Borgia, à qui Alexandre VI voulait donner toute la Romagne.


V. La lutte contre César Borgia.

Catherine régnait à Forli et à Immola au nom de son fils officiellement vicaire de l’Eglise, titre dont son père Girolamo avait été investi jadis par son oncle Sixte IV. Mais à l’instar d’autres seigneurs locaux, les liens entre ces deux villes et Rome étaient très ténus, et Alexandre VI leur reprochait de s’allier à des princes étrangers, même ennemis du pape. En fait ce n’était qu’un prétexte ; il voulait les chasser de Romagne et donner celle-ci à son fils César.
Contre celui-ci, Catherine se retrouva seule et se prépara à la résistance.

Tout le monde, effectivement, l’abandonnait, y compris sa sœur, épouse de l’empereur du Saint empire. Même Florence, pourtant son alliée et qui lui était redevable de son aide antérieure, ne lui envoya que de bonnes paroles. Catherine se retrancha donc dans sa forteresse de Forli et envoya son fils Ottaviano organiser la résistance d’Immola. La forteresse de celle-ci fut bravement défendue par son gouverneur, dévoué à Catherine. Mais les troupes de César ayant fait une brèche dans une de ses murailles, il choisit finalement de capituler.

A Forli, les citadins, craignant pour leur maison, préférèrent se rendre au Borgia, laissant Catherine se débrouiller seule dans sa forteresse, au grand désappointement de celle-ci. La comtesse bombarda alors la ville avec ses canons. César Borgia avait avec lui, outre les troupes pontificales, les 15000 Français que lui avait donnés Louis XII. Mais tous les assauts successifs furent brisés par la vigoureuse résistance de la « Dame de Forli ». Puisque elle ne pouvait compter sur ses sujets, elle décida de mettre à l’abri Ottaviano en l’envoyant en Toscane, ainsi que ses autres enfants. Elle connaissait trop bien le Borgia et savait qu’il n’hésiterait pas à mettre à mort le seigneur officiel d’Immola et de Forli s’il s’emparait de sa personne.

Le duc de Valentinois, César, lui proposa, vainement, une reddition honorable dans une entrevue au cours de laquelle il faillit être capturé par la comtesse, celle-ci ayant ordonné de faire relever le pont levis de la forteresse où il s’était aventuré. Catherine en était encore à résister en ce 1er janvier 1500. Finalement, les assaillants vinrent à bout des assiégés chez qui ils firent grand carnage. Retranché dans le dongeon, Catherine fut faite prisonnière par le bailli de Dijon au service du roi de France. Mais celui-ci fut contraint de la livrer au duc de Valentinois, César Borgia.

Furieux de ne pas avoir pu s’emparer des enfants de Catherine, soit de tous les Riaro, une menace pour lui tant qu’ils étaient vivants, le fils du Pape, dit-on, se livra sur elle à toutes les violences possibles. Elle fut amenée à Rome où autrefois protégée par le pape d’alors elle avait été si puissante. Cette fois-ci, comme jadis Zénobie derrière Aurélien, elle dut suivre César au triomphe du vainqueur. Malgré tout, elle fut traitée honorablement, mais après une tentative d’évasion, elle fut enfermée au château Saint Ange, sinistre prison pontificale, celle-là même où jadis, à la mort de Sixte IV, Catherine s’était obstinément retranchée. Les Borgia étaient disposés à lui accorder un autre Etat avec un revenu confortable, mais, intraitable, elle se refusait à tout accommodement. Ses fils, en sécurité à Florence, se montrèrent indignes dans la mesure où ils firent peu pour elle, ne proposant au pape une rançon que si leur mère faisait effort pour s’entendre avec lui, ce à quoi elle se refusait.

Aussi, les Borgia résolurent-ils d’en finir en la mettant à mort. Mais comment procéder ? Il était malaisé de tuer la belle-sœur de l’empereur, aussi un membre de la famille Sforza. Ils imaginèrent alors de l’accuser de tentative d’empoisonnement sur la personne sacrée du Pape en révélant que, jadis, elle avait envoyé une lettre empoisonnée à Alexandre VI. Mais elle nia tout et fit triompher la vérité.

Catherine passa plus d’un an enfermée dans un cachot de la prison Saint-Ange, craignant pour sa vie, menacée d’empoisonnement, rongée par la fièvre, dans une terrible souffrance morale. Se souvenant des femmes et enfants de ses ennemis qu’elle avait emprisonnés jadis pour se venger du meurtre de Giacomo, elle voyait sa situation actuelle comme un châtiment divin.

Heureusement pour elle, l’armée française, commandée par Mgr Yves d’Allègre, revenait en Italie et campait à Viterbe, tout près de Rome. Or, les Français, leur roi Louis XII, n’entendaient pas que l’honneur de la France soit bafoué et que Catherine, officiellement leur prisonnière, soit traitée de la sorte. Ils tenaient à se faire bien voir des Italiens, lesquels, alors qu’ils n’avaient rien fait pour la comtesse qui résistait seule à Forli, déploraient alors son si misérable sort. Puisqu’elle était si populaire dans la péninsule, il importait à la France d’exiger sa libération, ce que fit Mgr d’Allègre qui vint en personne à Rome en faire la demande expresse à Alexandre. Intimidé, celui-ci accepta, sous condition que Catherine renoncerait officiellement à ses Etats. Elle accepta fort obligeamment, se doutant que, Alexandre VI étant vieux, son successeur serait peut-être d’un autre parti et pourrait de nouveau la favoriser comme jadis Sixte IV. César, par contre, s’opposa résolument à sa libération, arguant qu’elle ferait tout pour intriguer contre lui, mais ce fut en vain. Catherine fut libéré en juin 1501, resta à Rome quelque temps, sous surveillance, dans le palais d’un de ses neveu. Puis elle partit pour Florence, en changeant subrepticement de route, se méfiant de César qui voulait sûrement la faire assassiner en route.

VI. Les derniers jours de Catherine.

Dans la capitale de la Toscane, elle vécut les derniers jours de sa vie, citoyenne florentine.

D’abord, elle tenta d’intriguer pour récupérer ses Etats, chose possible après la chute des Borgia. Mais ce fut en vain, les papes Pie III et Jules II ne voulant pas la rétablir dans ses droits. Personne n’intervint en sa faveur, pas même sa sœur et son beau-frère l’empereur Maximilien.

Elle fut en butte à l’avidité de ses fils qui lui réclamaient de l’argent. En fait, elle s’occupa surtout de son jeune fils dernier né, le jeune Giannino, le fils qu’elle avait eu de Giovanni de Médicis. Celui-ci qui devait être célèbre plus tard sous le nom de Jean des Bandes noires devait être l’un des plus grands capitaines de son temps, un grand soldat. Catherine avait rêvé être la femme d’un grand capitaine mais elle avait été déçu. Ses autres fils aussi n’avaient pas correspondu aux espoirs qu’elle avait mis en eux et ils avaient fini dans la « milice cléricale ». Seul son dernier né, digne héritier des Sforza, nature ardente, réalisait tous ses rêves. D’abord au service de Charles Quint, il entra au service de François 1er et faillit lui éviter le désastre de Pavie. Il devait mourir à l’âge de 28 ans en 1526.

Catherine occupa la fin de sa vie à écrire un « livre de recettes », où elle répertoriait les meilleurs manières de conserver sa beauté, citant tous les onguents possibles, aussi les meilleurs somnifères et mêmes les meilleurs poisons, des lents aux rapides !
Catherine mourut en mai 1509 à Florence. Elle avait 46 ans. On ignore où se trouve ses ossements.

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«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
Émile Ollivier, l'Empire libéral.
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Message Publié : 25 Juil 2021 10:57 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
.
J'ignorais tout de la vie de Catherine Sforza avant qu'elle ne fut mère de Jean des Bandes Noires.
Vie très remplie. 8-|
Ecrire qu'elle fut abandonnée de sa soeur (Blanche Marie) est un jugement assez dur. Je ne pense pas que Blanche Marie ait eu son mot à dire. Son union avec Maximilien Ier ne fut qu'une union d'intérêt : se rapprocher des Sforza pour s'ancrer en Italie.
La vie de Blanche-Marie fut beaucoup moins trépidante, les impératrices n'ayant que peu de latitude en politique. L'empereur lui-même devant, bien souvent, "faire avec" les princes électifs et les autres.
J'ignore comment elle a pu accrocher un Médicis, même de la branche cadette. J'ai cherché et je n'ai pas trouvé. Pour enfoncer le clou face à Jean "le Goutteux" et marquer la dislocation de la famille avec un époux qui soutient Savonarole ?
*-*

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Message Publié : 27 Juil 2021 19:48 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Inscription : 23 Mars 2005 10:34
Message(s) : 2287
Localisation : Nanterre
N'est-ce pas face à Cesar Borgia - qui retient son fils en otage - qu'elle apparaît demi-nue, en relevant sa jupe : "Regarde Borgia, j'ai là de quoi faire dix autres fils !"

L'épisode, un peu romancé, apparaît dans la série.

_________________
Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


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