Avant tout, notons qu'au XVIIIe-XIXe, beaucoup d'intellectuel français admiraient l'islam, religion exotique des
Mille et une Nuit qui paraissait n'imposer aux fidèles qu'un seul dogme (l'unicité de Dieu), comparée à l'Eglise catholique dont beaucoup regrettaient l'emprise sur les esprits.
Benoît-Meschin, dans
Bonaparte en Egypte, où le Rêve inassouvi, dit que Napoléon appréciait l'islam, non pour des questions de théologie, mais pour son côté unificateur du monde musulman.
Benoist-Méchin a écrit :
... son action religieuser et sa politique musulmane s'exercèrent bien au-delà des limites de l'Egypte : non seulement à Constantinople, mais à la Mecque, ..., en Syrie, en Tripolitaine et tout au long de la côte africaine jusqu'au Maroc. "De tous les pouvoirs qui gouvernaient ces contrées, nous dit François Charles-Roux, Bonaparte a cherché à se faire reconnaître comme un ami et un protecteur de l'islam...
En réalité..., il semble que Bonaparte ait vu, dans la conquête de l'Egypte, la condition préliminaire et la première phase d'un projet plus vaste ... qui devait tendre à créer, dans l'Orient méditerranéen transformé par lui, une formidable diversion au conflit de la France républicaine avec l'Europe monarchique. L'Egypte n'aurait plus été alors pour lui que la base d'une opération infiniment plus étendue que l'expédition initiale, en même temps que le levier à l'aide duquel il soulèverait le monde musulman.
On peut remarquer que les fêtes musulmanes étaient suivies de fêtes dédiées à l'Etre Suprême. On peut y voir une volonté de rapprocher les peuples en montrant que les croyances n'étaient pas inconciliables.
Après le désastre d'Aboukir, il réfléchit au moyen de forger un état-moderne à partir de la poignée de Français perdu dans cette immensité musulmane.
Citer :
Plus tard, à Sainte-Hélène, il dira à Las Cases :
- Une fraction importante de l'armée française aurait fort bien pu s'installer à demeure en Orient, quitte à se convertir en partie à l'islam.
Cette idée n'était pas pour lui déplaire, bien au contraire. Il s'en ouvrit un jour aux Ulémas d'Al-Hazar. Mais la conversion en masse de l'armée se heurtait à deux obstacles : la circoncision et l'interdiction de boire du vin...
Pour la circoncision, les ulémas acceptèrent d'y renoncer avec beaucoup de délicatesse. Etant donné l'âge et le nombre des soldats, cette opération aurait posé un problème chirurgical insurmontable. Mais, en ce qui concernait l'usage du vin, ils objectèrent "qu'il était difficile d'instaurer deux catégories de musulmans, les uns ayant droit au vin, les autres pas, et que cette distinction serait une source de querelles interminables.
Comme quoi, l'interdiction de l'alcool - juridique, car son application est discutable - priva les musulmans d'un renfort de poids, comme elle l'avait fait en empêchant la conversion des Russes au XIe siècle. Les Egyptiens n'ont d'ailleurs jamais considéré Bonaparte et les Français comme des coréligionnaires. Les Anglais n'eurent aucun mal à exciter les fanatiques contre les Infidèles, pour assurer leur propre influence dans la région.
Ce passage de Saint-Hélène pourrait expliquer l'allusion au journal du général Gouraud, dont j'aimerais bien connaître la citation exacte.
A présent, il faut bien distinguer l'admiration sincère de la conversion. Il n'existe aucune preuve que Napoléon ait pratiqué l'islam à quelque époque que ce soit. A Saint-Hélène, les Anglais qui le surveillaient de près n'auraient pas manqué de le signaler.
Du reste, à son retour d'Egypte, c'est bien le Pape qu'il a convoqué pour le sacrer empereur, et son fils fut baptisé.
La correspondance de Napoléon me paraît suspecte, notamment lorsqu'il parle d'"idolâtre" - sans parler des "sws" : n'est-il pas en train de citer un autre texte ? De quel "pays" parle-t-il ? A qui écrit-il ?
La lettre est datée du 17 juillet 1799, lorsque Napoléon est encore en Egypte ; le 10 août, il retournera en France. Au moment où il écrit, Napoléon essaie de rallier les débris de son armée après l'expédition de Saint-Jean-d'Acre ? N'est-il pas en train de tenter une ultime tentative de séduction pour rallier les Egyptiens à sa cause ?