Charles Antoine M, l'intégralité de votre intervention, est issu de ce discours très actuel qui entend remettre en cause la Prise de la Bastille. Ce discours, parfois connoté idéologiquement, est biaisé.
Premier mensonge/inexactitude :
Celui de faire croire que
la prise de la Bastille en tant que telle n'est qu'un événement parmi d'autres.
Non, justement. La Prise de la Bastille n'est pas un évènement anodin. De tous les coups de force de l'été 1789, il est celui qui est
- le plus symbolique (symbole de la monarchie absolue et de l'Ancien Régime),
- le plus frappant (dès l'annonce de la Prise de la bastille, on la célèbre et on la commente dans toute la France et dans toute l'Europe)
- et
le plus déterminant (3 jours après la Prise de la Bastille, le roi vient à l'hôtel de ville, "
se soumettre " à la souveraineté du peuple).
Deuxième mensonge/inexactitude (qui reprend la précédente) :
Ceui de faire croire que
la Prise de la Bastille ne met pas à bas l'Ancien Régime.
La chute de l'Ancien Régime est provoquée par une succession de dates (comme celles du 17 juin, du 23 juin ou encore du 9 juillet). Il est donc juste de ne pas faire du 14 Juillet, l'unique évènement qui provoque la chute de la monarchie absolue. Toutefois, il en est l'un des facteurs principaux. Il y a durant l'été 1789, à Paris et en province, une révolution
- révolte des élites urbaines contre les tenants de l'Ancien Régime --> révolutions municipales
- révolte du peuple (contre les autorités royales, urbaines, les grands propriétaires laïcs ou religieux)
- révolte des députés des États généraux contre la tyrannie royale. --> création de l'Assemblée nationale
Au milieu de ce grand désordre, la Prise de la Bastille apparaît comme le point d'orgue, l'élément central qui permet à toutes les révolutions (la révolution institutionnelle et les révolutions municipales) de s'affirmer, de se poursuivre et de triompher. La Prise de la Bastille est le tournant. Le tournant qui amène le roi à céder et à se déplacer, trois jours après le 14 Juillet, à l'hôtel de ville de Paris pour accepter
la liberté que les parisiens se sont octroyés. C'est également après le 14 Juillet que les nobles hostiles au changement, commencent à émigrer... tandis que l'Assemblée nationale reste ...
Même si le changement de régime était inévitable, il y a un lien de cause à effet fondamental, entre l’insurrection parisienne (dont la Prise de la Bastille est l’élément marquant) et la rapidité avec laquelle le régime tombe. Les dates parlent d'elles-mêmes.
Troisième mensonge/inexactitude
celui de dire que
la prise de la Bastille est tout sauf un exploit ...
Cette assertion est du ressort de l'interprétation personnelle (il faudrait que les tenants de cette interprétation nous donnent leur définition du mot exploit). Si je regarde le dictionnaire (Larousse), un exploit est une
- Action d'éclat manifestant un grand courage
- Action mémorable qui ressort de l'ordinaire
Dire que la Prise de la Bastille n'est pas exploit, reviendrait à nier le courage des émeutiers et les morts aux combats. On est là dans une interprétation qui relève de la mauvaise foi ou de la réflexion idéologique. Pour ce qui est de votre intervention, Charles Antoine M, vous parlez de la réticence du Roi à vouloir tirer sur son propre peuple. Cela n'a pas empêché le Royal-Allemand de charger la foule et les défenseurs de la Bastille de tirer...
Quatrième mensonge/inexactitude
celui de dire que
la Bastille n'était plus représentative de l'arbitraire et de la tyrannies royales.
Alain G a répondu là dessus. La Bastille était pour l'époque un symbole de l'arbitraire royal. Ce n'est pas parce que les historiens ont su adroitement remettre en question le rôle et l'activité de la Bastille retenus par l'imagerie populaire, qu'il faut enlever aux contemporains l'image qu'ils en avaient eux-mêmes.
Charles Antoine M. a écrit :
C'est davantage la fuite de Varennes qui va précipiter la chute de la monarchie
Vous soulevez ici une tendance actuelle qui consiste à élever les évènements de 1792 pour minimiser les évènements et les apports de 1789. Car, en effet, il y a ceux pour qui il ne s'est quasiment rien passé de conséquents en 1789 (généralement de vrais républicains, ceux qui sont plutôt hostiles aux monarchies et qui prennent le 21 janvier comme un évènement positif, sinon neutre). Ces gens-là ont tendance à oublier combien l'année 1789 a été un bouleversement incroyable :
- fin de l'Ancien Régime --> fin de la monarchie absolue, la souveraineté revient au peuple !
- avènement de l'Assemblée nationale --> et donc de la démocratie (toute naissante, donc forcément encore très imparfaite). A noter que l'Assemblée nationale existe encore et que les citoyens français votent toujours leurs députés...
- de l'inscription dans la loi de la liberté, de l'égalité et de la fraternité --> abolition des privilèges et déclaration des droits de l'homme
- de la nationalisation des biens du clergé
- de la loi sur les municipalités --> qui débouchera sur l'élection des premiers maires
- etc. (on pourrait rajouter les réformes de 1790 qui découlent directement des évènements et des idéaux de 1789 : la refonte de la carte de la France, la création des départements, la réforme judiciaire, etc.)