Bonjour,
Jerôme a écrit :
"De plus, il est humain de préférer voir au panier la tête du voisin... "
Je suis désolée si mon expression vous a choqué.
Dans un temps normal, ceci n'est pas humain mais tout de même tient de la nature humaine, alors en temps de révolution.
[
Talleyrand :... Les mises à mort m'ennuient...
Fouché : Ah, elles vous ennuient ? Je ne l'aurais pas cru. Pour moi, je ne m'y suis jamais vraiment ennuyé. J'ai vu Hébert, Chomette, Carrier, Couthon, Chalier... cracher leur tête dans le panier. Tous des amis... mais c'était eux ou moi, je n'ai aucun regret...]
Ceci bien sûr n'est pas historique, c'est de Brisville (Le Souper) mais je comprends fort bien Fouché et cette phrase crue que je ne qualifierais pas de cruelle car à un moment donné, dans un contexte donné, là où les instincts sont plus forts que les idéaux et les réalités plus décevantes que les idées qu'elles avaient fait germer.
Je dois avouer que je sèche lamentablement sur les discours tenus à la Constituante mais si vous avez un lien, je vous en remercie.
Peut être prenons-nous les choses à l'envers.
Certes Rousseau comme Voltaire et consorts n'avaient aucune idée de la terreur parce-qu'ils écrivaient à un moment suffisamment "calme", parce-qu'ils pouvaient s'exprimer hors et en France, parce-que les idéaux de certains tiennent presque de "l'île enchantée", que ces écrits le furent dans de bonnes conditions et que le ventre de Voltaire était aussi rempli que celui des Jésuites qu'il conspuait, que le sommeil de Rousseau aussi doux que les jupons de ses bienfaitrices.
Mais ces hommes sont déjà dépassés. On brandit leurs idées en oubliant que la séparation des pouvoirs fut théorisée ailleurs et plus tôt qu'en France et il en est ainsi pour beaucoup d'écrits.
Si les philosophes avaient su... auraient-ils censuré leur plume ? Nous ne sommes plus dans l'Histoire.
Etudiez les électeurs et leurs représentants dans la France, vous verrez que pour plus que la majorité Voltaire et Rousseau (:rool:) : on passe au pragmatique. Pensez-vous un instant que ceux qui ont mis la tête du gouverneur de la Bastille étaient élevés au lait "Rousseau" ? Etait-ce pour autant des monstres ?
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Il s'agit de tuer d'autres Républicains
En effet d'autres républicains, d'autres jacobins, d'autres Français qui à un moment ne jouent plus le jeu et se laissent complètement dépasser. Seulement il y a un gros problème : la guerre et l'heure n'est plus à applaudir les meilleurs orateurs. Ceux qui partent veulent être certains que cette révolution ne sera pas récupérée par des factions qui s'accrochent maladroitement à un pouvoir qui leur échappe, qui font des choix eux aussi très épurés et ces choix leur coûteront leur tête.
On veut bien donner son sang, être patriote mais on veut aussi avoir son mot à dire et la Gironde perd un peu le fil sur Paris. Ils iront jusqu'à abonder la contre-révolution avant d'être neutralisés, on pourrait presque voir en eux des traitres à leur patrie et depuis longtemps à leurs idéaux. Ils ont fait un choix et dans ces moments faire un choix c'est engager sa vie, aussi faut-il bien peser le pour et le contre. Songer au bien collectif est un luxe de temps et de pensée, hop ! On est déjà à autre chose, alors attiser et nourrir la division sur le sol français.
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...qui furent des compagnons de lutte d 1789 à 1793. Il s'agit de tuer des collègues issus du même scrutin et siégeant sur les bancs et la même assemblée. Bref une cruauté immorale - ouvrant la porte à toutes les escalades !
"Compagnons de lutte", ce sont de beaux mots qui là encore sentent le luxe et l'évocation d'un paradis où on serait tous frères et où les accolades remplaceraient les fusils. Ceci ne dure que très peu de temps lors d'une révolution et déjà on sent de quels côtés sont les affinités. Sur la longueur il est évident que certains resteront, d'autres évolueront, d'autres encore feront scission, certains seront attentistes mais ceci aussi a un temps. Pour consolider un début de changement avec des conflits intérieurs et extérieurs, il faut être majoritaire ; on ne peut tirer à hue et à dia : il faut passer des alliances et c'est donnant/donnant.
On ne peut se permettre d'accorder une petite déviation au nom du bon vieux temps où on causait aux Jacobins.
La scission se fera très vite et les Brissotins auront leur lieu de rencontre, se mettront par des manoeuvres provocantes hors jeu, c'est désolant mais c'est ainsi.
Alors que la machine est emballée, penser tout à coup qu'il faut freiner ? Une révolution n'a pas de frein, ceci se saurait.
Ce qui est certain est qu'on ne sait pas de quoi demain sera fait mais il faudra y donner réponse et vite, choisir et vite parce-que un peuple en marche, si vous ne donnez pas des garanties -quelles qu'elles soient et il faudra avoir le coeur bien accroché- si vous n'êtes pas crédibles -et pour le devenir, il faut être majoritaire, passer en force quel que soit le moyen- et dans ces moments les moyens ne sont pas à prendre avec des pincettes.
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Les résultats étaient prévisibles : chute de Robespierre, établie ment de la dictature de Bonaparte, restauration du Roi !
Je ne vois pas les choses ainsi.
La terreur n'était pas inéluctable tel que vous le présentez, d'ailleurs vous faites un paquet ficelé sans argumenter.
La chute de Robespierre n'induit nullement la dictature de Bonaparte. Ces faits n'ont rien à voir entre eux.
Il y aurait pu y avoir des alternatives à la chute de l'empire voire à l'Empire ainsi qu'à la restauration.
A défaut d'avoir choisi le mieux, j'imagine qu'en ces temps ce fut le moins pire.
Je suis totalement d'accord avec Jefferson. Pour répondre à votre question il faudrait évoquer le Jacobinisme (club parisiens, sociétés de province, l'idéologie, les aspirations égalitaires, la mentalité révolutionnaire) pour arriver au "divorce des bourgeoisies", aux rivalités politiques, aux luttes parlementaires, à la propagande etc.
Si j'ai choqué, alors tous les révolutionnaires sont choquants : il faut se remettre dans le contexte et ne pas oublier que dans la nature humaine, le martyr n'est pas de mise ou très rarement.