Malicorne a écrit :
On trouve parfois des quinaires de la Paix d'Amiens. Ils représentent d'un côté Bonaparte casqué à l'antique et de l'autre la grue de la vigilance.
Toutefois je doute encore de leur datation. Je n'ai rien trouvé qui prouve qu'ils datent du Consulat.
On peut à ce sujet se rappeler de l'arrêté du ministre de l'Intérieur Chaptal, en date du 16 avril 1802 :
« Art. 1er. Tous les Arts sont appelés à célébrer les deux époques de la paix d'Amiens et de la loi sur les cultes.
Art. 2. Les objets de ce concours sont,
1°pour la paix d'Amiens :
Une médaille;
Un groupe en sculpture
Un tableau;
Un arc de triomphe.
[…]
Art. 3. Les artistes qui voudront concourir, devront envoyer , avant le premier vendémiaire prochain, à l'administration du Musée central des Arts,
1° pour le concours des médailles, des dessins finis.
[…]
Art. 4. Les ouvrages envoyés au concours, resteront exposés dans la galerie d'Apollon, pendant un mois, et seront ensuite jugés suivant la forme admise dans les derniers concours. Le jugement sera prononcé le premier frimaire prochain.
Art. 5. Les artistes couronnés seront chargés de l'exécution de leurs projets, esquisses ou modèles, et recevront :
1° pour l'exécution des coins de chaque médaille, 6 000 fr. (Les coins devront avoir cinq centimètres de diamètre.)
[...]
Art. 6. Une somme de 25 000 livres sera répartie, à titre d'encouragements, entre ceux des concurrents qui, sans obtenir de prix, auront fait preuve de talents. »
De plus le 20 mai suivant, le Corps législatif décida la frappe d'une médaille consacré à la paix d'Amiens.
Voici le discours tenu à cette occasion par Darracq :
« Mes collègues, je viens vous proposer de terminer votre intéressante session par un grand acte, par un acte tellement grand que l’importance des travaux que vous y avez approuvés et le bien qui doit en découler sont seuls capables de le balancer , peuvent seuls le légitimer.
L’homme est essentiellement imitateur; les beaux exemples le portent au l‘aile de la gloire.
Aussi les anciens et les modernes ont-ils confié aux métaux les plus capables de résister aux ravages du temps les événements , les hauts faits dont ils ont cru devoir enrichir la postérité ; et peut-être est-ce entr’autres à ce soin que nous sommes redevables de notre civilisation.
Sans doute que l’imprimerie, ajoutant à ce moyen antique, nous fournit des facilités de développement que n’eurent pas les premiers peuples ; mais elle ne saurait ni exclure ni remplacer la gravure.
Combien d’accidents ont privé , peuvent encore priver la société de découvertes heureuses, de traits brillants, d’exemples magnanimes, dont l’imprimerie aurait seule reçu le dépôt !
Et chaque jour de nouvelles fouilles mettent en lumière des médailles qui révèlent ou qui éclairent des faits intéressants de la plus haute antiquité.
Puis , comme on l’a dit, le peuple en général ne lit pas, n’a pas le temps de lire ; et il est des actions, des événements dont on ne saurait trop lui retracer l’histoire.
L’imprimerie ne peut presque rien pour lui; la gravure peut tout.
Or, je le demande, est-il, je ne dis pas même pour des Français, mais pour des amis de l’humanité, de l’ordre , est-il pour des citoyens, pour des hommes, un événement plus intéressant que la pacification universelle, à qui vous venez de donner le caractère de loi !
Les législateurs de la France peuvent-ils léguer à la postérité quelque chose de plus avantageux, de plus grand, quelque chose de plus digne et de leur mission et de la gloire qu’ils lui ont préparée !
Quelques magnifiques que soient les avantages que cet acte du gouvernement assure à la France et pour l’étendue de son territoire, et pour sa population, et pour le rang qu’elle doit occuper parmi les nations, j’en suis moins touché que de la garantie qu'ont promis à sa liberté des puissances qui ne nous combattaient que par prévention contre cette même liberté.
0 liberté! liberté ! idole des grands cœurs ! quand, avec les |moyens de le féconder, tu ne porterais pas avec toi le germe de toutes les vertus, de tous les genres de gloire, de prospérité, de bonheur, qui doivent enfin te concilier toutes les affections ;
Quand la Légion d’Honneur, dont le génie protecteur de la République vient de l’embellir et de la fortifier, ne t’offrirait pas un boulevard impénétrable ;
Le traité d’Amiens est pour toi un sanctuaire qu’on ne violera pas impunément; il ne sera désormais plus possible de lever sur toi une main sacrilège sans provoquer contre soi les foudres de l’Europe entière!
Gloire immortelle à ses heureux auteurs !
Et déjà les Français éprouvent sa salutaire influence.
On exerçait chez eux naguère une tyrannie barbare jusque sur les consciences, et aujourd’hui, laissant le domaine des cœurs à celui qui se réserva d’y lire seul, on ne demande aux Français que des vertus.
Ainsi, après avoir par ce traité assuré le culte de la liberté politique, le gouvernement fait jouir la France de la liberté civile, et chaque citoyen de la liberté de conscience.
Je pense, mes collègues, que vous voudrez éterniser autant que possible le souvenir de ce bienfait, et des trois magistrats à la sagesse, au civisme, à l'union parfaite de qui la France et l’Europe en sont redevables.
En vous associant en quelque manière à leur gloire par cet acte de justice, le grand et rare exemple que vous transmettrez ainsi à la postérité, déposant et de votre amour pour les talents et les vertus . et de votre attachement aux intérêts, au bonheur de l’humanité, et surtout de la nation que vous représentez, peut faire de vos neveux un peuple de héros.
Je vous propose d’arrêter qu’une médaille, frappée à nos frais par les soins de votre commission administrative, consacrera cet heureux événement, et qu’il en sera offert une en or à chacun des trois consuls.»