J’ouvre ici afin de rebondir sur les propos tenus dans ce fil :
viewtopic.php?f=72&t=39474Elgor a écrit :
Quand Pilatre de Rozier s'est tué en 1785 en tentant la traversée France Angleterre il pilotait un appareil mi-air chaud mi-hydrogène et le 17 janvier 1785 Jean-Pierre Blanchard et le duc de Jeffries traversent la manche dans l'autre sens dans un ballon gonflé à l'hydrogène
Ceci a sans doute donné quelque idée au physicien Thilorier, dont une lettre fut reprise, sans véritablement la prendre au sérieux, par Le Moniteur dans son numéro du 27 novembre 1797 :
« Je propose un moyen qui rend inutiles et les flottes de nos ennemis , et les rochers , et les batteries qui protègent leurs côtes ; moyen qui paraîtra le comble de l'audace, mais qui, dans la réalité, est le moins dangereux de tous ceux que l'on peut tenter ; moyen qui termine la guerre en un jour, et rend à l Europe la liberté des mers, sans que nous ayons à pleurer la mort d'un seul homme ; moyen enfin qui couronne une suite de prodiges par un prodige plus grand encore, et dont le succès heureux ou désastreux fixera sur la génération présente l'oeil religieux de la postérité.
J'offre de construire un camp portatif et une Montgolfière assez vaste pour enlever et transporter au sein de l'Angleterre l'armée qui doit en faire la conquête.
Que la chose soit possible, c'est un point qu'aucun physicien ne pourra contester. Je m’engage à prouver qu'elle est facilement exécutable et qu'elle ne sera pas, à beaucoup près, aussi dispendieuse que l'armement maritime qu’elle remplacera. »
Malgré l’absence de soutien à ces projets, Thilorier récidiva dans le Publiciste du 2 juin 1803 :
« L'Angleterre nous insulte et nous brave. Le héros qui préside nos destinées saura défendre son ouvrage et punir l'infraction des traités. Il est plus d'un moyen de franchir le canal sur lequel l'ennemi fonde sa sécurité. Le plus expéditif, celui qui expose le moins la vie des braves, doit être préféré. J'ai pensé que l'aérostation remplissait ces deux conditions et j'ai osé le dire. Le public a ri, je devais m'y attendre. Fut-il jamais, en effet, projet plus extravagant, du moins en apparence, que de vouloir suspendre une armée à un fil, la lancer dans les airs et s'en fier aux vents du soin de la conduire à sa destination ? »
Les thilorières :
L’estampe parue dans le même numéro du Publiciste était accompagnée de ce commentaire :
« Montgolfière capable d’enlever 3 000 hommes et qui ne coûtera que 300 000 francs !!!!! on y suspendra une lampe qui présentera une flamme suffisante pour empêcher le refroidissement !!! »
Le projet n’eut logiquement pas de suite.
Un autre plus tardif éveilla cependant la curiosité de l’Empereur, comme en témoigne sa note du 28 octobre 1808 :
« Le général Clarke, ministre de la guerre, soumet à l'Empereur le projet d'un sieur L’Homond, ex-chef de bataillon aérostiers, qui propose d opérer une descente en Angleterre au moyen de cent montgolfières de 100 mètres de diamètre, dont la nacelle pourrait contenir 1 000 hommes, avec des vivres pour quinze jours, deux pièces de canon avec caissons, 25 chevaux et le bois nécessaire pour alimenter les montgolfières.
Renvoyé à M. Monge pour savoir si cela vaut la peine de faire une expérience en grand. »
Monge rendit le rapport suivant :
« Sa Majesté m'a fait l'honneur de me renvoyer un mémoire de Monsieur L'Homond, et de me demander si je pense qu'il soit convenable de faire
l'expérience en grand d'une de ces montgolfières.
Jusqu'ici, les voyages dans l'atmosphère ont été faits ou au moyen des montgolfières, ou au moyen des aérostats.
La montgolfière est une enveloppe légère dont l'air intérieur est chauffé par un feu que l'on entretient à dessein. Cet air chaud, dont la pesanteur est moindre que celle de l'air extérieur, a une force ascensionnelle qui croît avec la température ; et cette température peut être facilement portée à un tel point que la force ascensionnelle surpasse le poids de l'enveloppe et celui des objets qui lui sont suspendus ; dans ce cas, la montgolfière s'élève dans l'atmosphère jusqu'à ce qu'elle parvienne à une région avec laquelle elle soit en équilibre ; alors elle obéit à tous les mouvements de l'atmosphère ; elle est entraînée par le vent dont elle prend aussitôt la vitesse et elle continue à se mouvoir jusqu'à ce que, admettant de l'air par le refroidissement, et augmentant rapidement de poids, elle descende peu à peu et rencontre la terre.
[…]
Lorsque la montgolfière est destinée à porter des poids considérables, son enveloppe
doit être de toile plus ou moins forte et sa capacité doit être grande ; mais alors on ne peut pas entretenir une température élevée dans tout l'intérieur sans produire une très grande flamme à son orifice ; cette flamme détermine un courant d'air incandescent qui s'élève jusqu'au sommet et qui charbonne bientôt l'enveloppe. Tout les poids que porte la montgolfière sont donc alors suspendus à une toile charbonnée sans consistance, qui se déchire bientôt et laisse échapper par endroit l'air chaud et ne peut servir à la masse que d'un médiocre parachute.
[…]
D'après cela, Monsieur L'Homond ne pourra élever ses montgolfières, chargées chacune du poids de 300 000 kilolitres, sans élever considérablement la température de l'air intérieur, même de celui qui touche l'enveloppe ; il ne pourra élever la température de cet air, qui sera à 45 ou 50 mètres du centre, qu'au moyen d'une flamme ardente d'un grand volume et pour laquelle il faudra qu'il emploie ou de la paille sèche en grande quantité ou de menus fagots très secs ; cette flamme chassera tout l'air atmosphérique de l'intérieur et le remplacera par de la vapeur d'eau dont une grande partie sera incandescente. Le voyage ne devrait-il durer qu'une demi-heure, cette vapeur charbonnera infailliblement la toile de l'enveloppe qui se déchirera et tombera sur la nacelle. Dans ce cas, et quand même la nacelle, comme le propose Monsieur L'Homond, serait construite de manière à pouvoir tenir la mer et à naviguer, quand même elle tomberait de niveau sur la mer en restant à flot, elle sera toujours exposée à être entièrement couverte par les débris de l'enveloppe qui étoufferont les navigateurs, ou à chavirer si les débris sont entraînés avec quelque violence par le vent.
Je pense que la proposition faite par M. L'Homond n'est pas admissible et qu'elle ne mérite pas une expérience en grand. »