Pierma a écrit :
Tout témoigne au contraire, que la convocation des Etats Généraux, le choix des députés du Tiers-Etat, et sans doute plus encore la rédaction des cahiers de doléances ont été très suivis par le peuple, et en particulier les paysans, peut-être plus affectés qu'en ville par les privilèges nobiliaires.
La rédaction des cahiers de doléance se fait avec l'aide de gens sachant écrire, une évidence qui pointe sur certains métiers, des gens respectés, en tous cas.
La rédaction des cahiers est le fait d'officiers royaux, de notaires et d'avocats. Ces 3 métiers représentent un majorité écrasante des présidences de réunion. C'est d'ailleurs conforme au règlement électoral du 24 janvier 1789, qui prévoit que les assemblées dites "primaires" doivent être présidées par un juge ou un officier public. Recensement fait, on voit que ces 3 métiers président à 98,5% des réunions dans le bailliage d'Orléans, 90% dans celui de Draguignan, 77% à Troyes... à l'échelle nationale, on est à 90%.
Cela a eu une conséquence: si les cahiers "primaires" (environ 60 000) sont d'une grande et sincère diversité, les synthèses qui en ont été faites en 1789 sont au contraire très lissées, nous dirions aujourd'hui conformistes. Passées au crible du "politiquement correct" de ce temps, comprendre ici les aspirations et l'herméneutique de la classe bourgeoise.
J'ajoute qu'il m'est déjà arrivé de dépouiller et rédiger des synthèses de sondages qualitatifs sur lesquels j'avais une opinion personnelle. Et bien, c'est humain, mais sans mentir le moins du monde, sans tricher sur les occurrences, j'en venais naturellement à présenter les choses sous le jour qui m'intéressait davantage.
Ainsi, dire: "
je suis satisfait aujourd'hui mais je garde des inquiétudes pour l'avenir", dans une synthèse, cela ne pèse pas la même chose que "
je garde des inquiétudes pour l'avenir, mais pour l'heure, je suis satisfait".
Pierma a écrit :
En tous cas, les délégués du Tiers ne tombent pas du ciel : ces Constituants, on les connait, parce qu'on les a choisis.
Exact, mais choisis ne veut pas forcément dire représentatifs, loin s'en faut. La sociologie des députés du Tiers a été longuement étudiée. Sur 578 députés, il y a 200 hommes de Loi, 100 commerçants et banquiers, 0 paysan, 0 artisan.
Dans mon bled de Corrèze, voici les 4 députés du Tiers:
1. Antoine Melon, seigneur de la Bellange et autres lieux; président du présidial, lieutenant général de la sénéchaussée de Tulle.
2. Gabriel Malès, avocat à Brive.
3. Gabriel Delort de Puymalie, lieutenant particulier au sénéchal d'Uzerche. (Son château de Puymalie est en face de mes fenêtres)
4. Pierre Ludière, avocat à Tulle.
Pour faire remonter les intérêts des paysans qui forment 90% de la population... bref, vous m'avez compris.
Sans remettre en cause la bonne foi de ces représentants, certainement choisis parce qu'ils étaient dignes de confiance.